Le pari de Louph Hock | |
Topic visité 232 fois Dernière réponse le 20/02/2006 à 12:15 |
![]() |
Le pari de Louph Hock
Un vieux nain, plein d’arthrose et tout ankylosé, était assis sur un banc de pierre. Il était dans une cour de Kazad, l’une faite d’une ouverture vers le ciel laissant pénétrer la lumière du soleil. Au centre de cet espace, un petit tertre de terre où un arbuste poussait, profitant des quelques heures de soleil qu’il lui était possible de sentir. Chaque jour à cette heure proche du zénith, le nain était là, à son poste, regardant l’arbuste, comme lui tenant compagnie, veillant sur son devenir. Cet endroit était peu fréquenté, car en dehors des axes de communication principaux de la ville. Le vieillard en appréciait certainement la tranquillité. Du moins c’est ce qu’un observateur pressé aurait dit. En effet si l’on s’arrêtait quelques instants sur ce nain et cet endroit que pourrions-nous voir de spécial ? Les dalles de pierres ornées de mosaïques dessinant sur la place les scènes d’animaux mythologiques se livrant le combat du bien contre le mal ? Non !!! Pas quelque chose d’aussi commun. Le banc de pierre sculpté directement dans la montagne et orné de deux magnifiques têtes de boucs. Certainement pas. La laitière qui passait à midi moins le quart pour aller chercher à manger pour son mari et que le vieillard reluquait faisant glisser ses yeux de pervers sur les voluptueuses formes de la naine… voyons…nous nous égarons. Alors quoi me direz-vous ? Quoi de si particulier à cette scène si peu particulière ? Et bien chaque jour, lorsque le soleil quittait cet endroit, qu’il fallait rallumer les torches pour y voir clair le vieillard se levait dans un effort surnain. Il se dirigeait tout doucement vers l’arbuste, peinant à marcher. Il restait là une minute à bien l’observer et puis il commençait à grommeler : « Saleté de plante verte !! Tu pourrais pas faire un effort ! » faisait-il d’une petite voix nasillarde et tremblante. « Je t’attends moi !! Sais-tu depuis combien de temps je t’attends ? Hein… ? Tu m’écoutes quand je te parle !». C’était souvent à ce moment que les habitants des environs s’approchaient discrètement pour épier le vieux radoteur, ils aimaient tant en rire. Souvent les mères emmenaient leurs enfants : « Tu vois si tu continues à faire l’imbécile tu finiras comme lui » leur disait-elle. Ou encore « Ton père était bien plus gâteux ». Après quelques minutes d’invectives séniles, le vieillard s’en allait doucement, faisant des petits pas, toujours jurant sous la douleur de ses articulations malades. Il rentrait dans sa petite demeure creusée dans la roche à quelques pas de là, et refermait la porte. Deux heures plus tard un autre vieux nain arrivait devant la porte du premier en criant : « C’est l’heure de la bière vieux Louph ! le dernier arrivé paye la tournée comme d’habitude !AH AH ! ». Alors avait lieu la course la plus pitoyable de toute l’histoire des sports de course. Louph sortait de sa maison, et suivait son compagnon. Ce dernier avait une jambe en bois et une béquille, il avançait difficilement mais avait toujours trente centimètres d’avance sur son compère. La course se déroulait sur les cent vingt cinq mètres les séparant de la Taverne du Vieux Borgne. Et toujours depuis six ans Louph arrivait après son camarade, et depuis six ans il payait la tournée. Quelques fois il avait failli gagner, mais au dernier moment son adversaire avait usé de moyen peu loyaux pour gagner : il y eu la fois de la peau de banane, celle de la naine dévêtue, l’émeraude tombée par terre, et tant d’autres ruses. Louph passait pour être peu futé, mais pourtant à chaque fois qu’il se retrouvait au bar avec les autres vieux nains, il leur répétait qu’un jour il gagnerait la course. Bien sûr tout le monde s’était gardé d’y croire, surtout après tout ce temps. Ce jour là encore au bar il annonça : « Vous verrez, je vous le dis, un jour je vais gagner. » « Mais oui, c’est ça, tu le dit à chaque fois mais nous savons bien que tu es condamné à toujours perdre ah ah ah ! » lui firent ses compagnons buveurs. Et ce jour là Louph ajouta une annonce qui ébranla tout le monde. « Cette fois ci c’est vrai, je peux vous certifier que dans deux jours, je gagnerai ! et je vous parie plus qu’une simple tournée cette fois, je vous parie, cinq cent pièces d’or. » Tout le monde resta muet de surprise. Tous après le départ de Louph s’interrogèrent et décidèrent d’espionner le vieux nain. Le lendemain, Louph suivit le même rituel, il alla sur son banc de pierre toujours avec les mêmes difficultés. Et lorsque le soleil disparu il s’approcha de l’arbuste, l’observa, et cette fois ci alors que les quidams se préparaient à rire des paroles du vieux nain, ce dernier ne dit pas un seul mot. Il rentra chez lui. Les gens un peu déçus passèrent leur chemin. Puis vint l’heure de la course et il perdit encore une fois ce qui rassura tout le monde. Alors tous parièrent sur la défaite de Louph le jour suivant, et acceptèrent sa mise de cinq cent pièces d’or. Pour l’occasion une tierce personne fut choisie pour tenir l’argent. Enfin le jour tant attendu arriva. Personne n’alla sur la place, en effet Louph n’était pas sortit s’asseoir comme d’habitude sur son banc sculpté de têtes de boucs. Tous se posaient des questions. Son rival de course arriva, et tous les habitués du bar étaient là, le long de la route à attendre. Comme d’habitude l’unijambiste cria son invitation, et immédiatement Louph ouvrit la porte, sautant son perron avec une aisance inimaginable, il s’appuyait sur une canne en bois finement sculptée. Personne ne s’y attendait, grâce à cette nouvelle canne, Louph devança son rival de près de cinq mètres et remporta la course. Après leur défaite tous se regroupèrent autour du vainqueur … « Nous croyions que jamais tu n’aurais de canne ? D’où vient-elle ? » « J’en avais assez de payer les tournée toutes ces années… j’ai bien essayé d’aller m’acheter une canne dans le magasin du centre ville, mais le temps que j’y arrive il était fermé. J’ai essayé de demander à quelqu’un de me l’acheter mais personne n’a voulu le faire. Heureusement j’avais une petite plante chez moi, un arbuste. J’ai décidé de le planter dans la place il y a cinq ans de cela. La nuit dernière je l’ai coupé car il était suffisamment grand et robuste pour en faire une canne. Toute la nuit dernière je l’ai sculptée. » Ainsi après six ans d’attente, Louph récupéra plus que l’argent qu’il avait pu dépenser dans les tournées générales. Ainsi naquit le proverbe nain : « L’esprit qui sait être aussi patient que la nature l’exige, a tout de même perdu énormément de son temps. » Et à force de patience voilà la fin de l’histoire de ce pari loufoque. Tagazog. (un jour où il contemplait une plante, se demandant quoi écrire). "L'esprit est la plus riche des mines, plus on y creuse et plus on y trouve de riches subtilités"
[GTN-Membre de la Chambre des Maîtres Mineurs] [Coconuts Baroudeur de 122 ans][avec Sirocco "Kroak!"] |
![]() |
Le Paladin laissa échapper de sa main l'écrit, qui glissa doucement au sol tel une feuille tombant d'un arbre. Son air rêveur affichait clairement son voyage imaginaire dans la cité de Karaz-a-Karak. Il contemplait, en s'imaginant y être, le vieillard recourbé qui, prostré, se tenait devant l'arbuste; à côté de lui.
Quel sympathique écrit, maître des runes! Une sorte d'adaptation naine d'un vieux conte Lardanien pour enfants qui s'intitulait, si mes souvenirs sont bons, "Le lièvre et la tortue"; que vous nous faites là! J'avoue avoir bien aimé! C'est simple et à la fois très évocateur des jugements fixes et déterminés que les gens portent sur les autres. Et vous avez très bien réussi à redonner un nouveau souffle à un texte qui manquait d'originalité. Vous avez justement fait ressortir cette originalité. A propos, je me demandais, ne pourriez-vous pas créer un recueils de contes à dimension apologétiques (comme celui-ci) réservés à l'éducation des enfants de nos cités (toutes races confondues) ainsi qu'à leur érudition, en un tome? L'habit ne fait pas le moine! Encore bravo! Un fidèle (ou qui essaie de l'être) lecteur. |