This is Larda' | |
Topic visité 840 fois Dernière réponse le 25/04/2010 à 15:04 |
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L'olympien contemplait la plaine désormais silencieuse. De paresseux bancs de brume se mouvaient aléatoirement entre les reliefs réduits de l'étendue verte. Seuls, les mottes de terre soulevées çà et là, les flèches et lances fichées dans le sol humide et les cadavres atrocement mutilés gisant dans la boue témoignaient de la fureur des combats ayant précédé.
Neikh s'étira, faisant craquer ses articulations endolories. Ce jour était un jour de victoire pour l'Empire. La discipline de l'avant-garde avait fait des miracles, et les guerriers avaient, avec un enthousiasme magnifique, donné un aperçu au monde connu de ce que signifiait le mot « rentabilité ». Son maître pouvait être fier de ses hommes. Son maître...Neikh se tourna vers lui. Perché sur une éminence herbeuse, Anastase de Khylion, que l'on commençait à connaître sous sa dénomination princière plutôt que sous l'appellation de ses diverses fonctions étatiques, inspectait ses troupes, un sourire satisfait greffé sur son visage hautain. Près de lui, sa gouvernante et Héliaste, la naine Skalli Oeil-de-Coeur, semblait plus dubitative. Sa hauteur réduite ne lui permettait guère de passer outre l'épaisseur brumeuse, aussi gardait-elle les yeux plissés, dans l'attente de l'irruption éventuelle d'un forestier peu amical. Neikh épousseta sa robe d'archimage, rangea sa lame dans son fourreau et partit en quête de blessés. Sa fonction de médecin des troupes rallongeait sa journée lorsque, le soir au bivouac, il fallait panser les meurtrissures, drainer les épanchements et supprimer les surinfections, mais elle lui permettait de ne pas avoir à subir la compagnie de son maître dont les manières doucereuses, la faconde fausse et les titres cumulés l'exaspéraient au plus haut point. Hélas pour l'ex-marchand, il ne pouvait s'empêcher de modérer ses propres considérations haineuses : c'était grâce à l'argent des De Khylion qu'il avait pu payer ses études de magie, de médecine et de théologie. C'était grâce à cet argent que le jeune bretteur qu'il était s'était mué en homme des lettres ; c'était grâce à cet argent toujours qu'il avait réussi à concilier la médecine traditionnelle et les dons divins de régénération d'autrui, qui lui valaient aujourd'hui d'être utile en temps de guerre. Et puis, la famille honnie payait sa vêture, le nourrissait. Ca n'était pas négligeable. Il soupira. A quoi bon gâcher un soir de victoire avec de telles considérations? Aux alentours, ses compagnons d'armes semblaient de cet avis. Aucun ne semblait arborer plus que quelques estafilades, et tous, l'air serein, essuyaient leurs armes souillées sur les cadavres adverses. C'avait été une belle charge. Neikh s'assit sur un tronc couché et ferma les yeux ; à travers ses paupières closes, il revit la bataille de la veille. La veille... Retranchés derrière une colline basse, les olympiens, les nains et quelques géants attendaient leur heure. D'aucuns fourbissaient leurs armes, tandis que d'autres retendaient leur arbalète ou se goinfraient en vue de la bataille, tâches ardues car effectuées dans l'obscurité la plus complète et dans un silence relatif. Ni feu, ni paroles, ni chansons paillardes n'accompagnaient les préparatifs. Neikh venait de terminer la tournée des soins. La veille, un des leurs avait été grièvement blessé par les assauts combinés de plusieurs mages ennemis. Brûlé sur une grande surface par des sorts givrés, le soigner avait pris énormément de temps. Les grenades ennemies avaient également fait des dégâts. Nombreux étaient ceux dont les yeux pleuraient encore, et dont les membres rendus gourds par les gaz répandus ralentissaient leur marche. L'olympien lui-même retrouvait à grand-peine une forme raisonnable, ce même après l'usage de plusieurs décoctions censées avoir un effet rapide et puissant sur la santé de celui qui les ingérait. « Tant pis, j'irai au combat diminué. » L'attente fut de courte durée. Un sifflement retentit, et tous tournèrent la tête. Anastase fit signe à ses troupes, le bras tendu vers la colline qui les abritait, comme s'il essayait de l'éroder par sa seule volonté. Aussitôt, les champions olympiens montèrent à l'assaut. Levant la tête vers le sommet du monticule, Neikh aperçut Keyan, un lancier efficace, accompagné de son compagnon de mêlée Thaddeus, un spadassin encapuchonné et pour tout dire, relativement glauque, qui menaient l'assaut dans leurs armures lustrées ; après un bref instant de réflexion, il décida de les suivre, et courut vers eux, environné de nombreux autres. Arrivé en haut, il ne put retenir un sourire. Les premières lignes arrivaient déjà sur les lueurs des feux en contrebas. Pris par surprise, les premiers forestiers tombèrent sans opposer de résistance, la gorge tranchée. Remarquables d'efficacité, à peine un champion avait-il embroché un opposant qu'un bretteur suivait le premier pour achever de répandre sang et viscères sur le sol spongieux. D'autres voix montèrent depuis l'arrière de la colline, alors que l'autre camp commençait à se ressaisir. Des nains et quelques géants arrivèrent en renfort. Certains habitants des forêts tentèrent de fuir vers des cieux plus cléments, courant entre leurs tentes incendiées et les cadavres de leurs compatriotes. D'autres firent face avec un courage admirable. La poudre tonna. Les canons des arquebuses naines chauffèrent, tandis qu'avec des cris sourds, les géants propulsaient d'énormes rochers en contrebas. Les mages dirigèrent des ondes de choc vers les guerriers des lunes. Alors, la bataille devint boucherie. Les têtes éclatèrent. Les membres furent broyés dans un répugnant bruit d'os réduits en échardes. Les oreilles s'emplirent de hurlements d'agonie et de râles étouffés par le sang coulant des gorges ouvertes. Les mourants tentaient de fuir, le regard fiévreux, retenant leurs organes internes dans leurs mains tremblantes. Les vivants de même, faisant fi des mourants. Neikh lança deux sorts quelque peu au hasard. Sur sa gauche, il vit Anastase faire de même à trois reprises. Du coin de l'œil, il aperçut des shamans géants achever des blessés de leurs sorts si exotiques. Il descendit dans le campement en proie aux flammes. Devant lui surgit un forestier blessé. Ou une forestière, peut-être. Cela importait peu. Une silhouette sombre fondit sur lui, ou elle, et ce fut terminé. A mains nues, le spadassin arracha la trachée de sa victime dans un ample mouvement de bras, et laissa retomber son cadavre encore agité de spasmes hideux. Un véritable artiste. Alors que tout semblait s'être subitement calmé, de nouvelles détonation retentirent. On lançait des grenades pour débusquer d'éventuels survivants. Au loin, on entendit crier. « La Conseillère! Ne la laissez pas s'échapper! » Une ombre mince s'enfuit dans la nuit. Un autre jour, peut-être... Neikh Phronis rouvrit les yeux, dérangé par les conversations. Un lutin trainait dans le camp, disait-on. Un lutin étranger. A une dizaine de mètres, Keyan lui faisait signe. « Neikh, je te laisse la fin! » Le jeune olympien, sans même se lever, tendit avec nonchalance son index droit vers la cible qu'on lui désignait, et soupira. Trois impulsions magiques, et ce fut terminé. Neikh contemplait la plaine, désormais silencieuse. |
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C'est beau... C'est émouvant! J'en verse une larme... |
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ENCORE un lutin ? Mais enfin tu les collectionnes ?
Sinon, c'est très bien écrit. Même si je n'aurais pas aimé y êt... Ah, oups, j'y étais. Ça ne m'étonne pas que Thaddeus soit ému. |
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Ces derniers jours avaient été éprouvants pour tout le monde. En outre, cela faisait maintenant plus d’une saison qu’une armée impériale était mobilisée pour contrecarrer les plans ennemis. Celle-ci avait réussi à repousser les Forestiers qui avaient eu l’audace d’envahir la plaine à quelques dizaines de lieues au sud de la capitale olympienne. Aujourd’hui elle avait énormément progressé vers le sud d’abord, puis vers l’ouest où des explorateurs forestiers avaient été repérés. Cette étrange présence ennemie à l’ouest coïncidait d’ailleurs avec une zone de recherche intéressante, indiquée par un énigmatique parchemin récemment découvert. Le parchemin évoquait l’histoire de Theritas, parcourant les cieux et chevauchant l’Oiseau de Feu. Il y a un an, les Forestiers avaient vaincu l’Empire et s’étaient emparés dans la plaine Basileus, des vestiges sacrés dédiés à l’Oiseau de Feu. Aujourd’hui, forts de cette victoire passée, ils avaient donc une longueur d’avance dans les investigations sur cet Oiseau mystérieux et son chevaucheur.
Ainsi l’armée impériale avait obliqué sa route vers l’ouest où une force ennemie s’était implantée et semblait bien décidée à protéger les environs. Les combattants de l’Empire se préparèrent encore une fois à lancer un assaut. Combien d’offensives depuis le départ de Lardanium ? Difficile à dire tellement elles étaient nombreuses. Les corps étaient meurtris, les visages salis, les armes ébréchées… Mais le moral restait bon et les victoires étaient impériales. La dernière offensive d’envergure avait été précise et sanglante. Appelons les choses comme elles le sont : ce fut un massacre sans aucune pitié envers les Forestiers [voir le précédent récit de Neikh Phronis]. Et l’avenir en prédestinait d’autres ! L’avancée victorieuse vers l’ouest avait permis aux Impériaux de découvrir un temple inconnu. Très ancien il était aujourd’hui en ruine. Mais il était sans nul doute celui qui se rapportait à la légende du parchemin : il s’agissait du sanctuaire de Theritas. Des fouilles avaient été initiées par l’ennemi, depuis longtemps à en juger l’état de leur campement déserté. Il fallait désormais reprendre ces fouilles, pour le compte de l’Empire et percer les secrets de l’édifice en ruine. Par conséquent, il fallait tenir la position le plus longtemps possible. Mais l’ennemi se regroupait déjà, derrière, à l’est. Et il était proche ! Pendant ce temps, bien plus au nord, un Olympien cheminait vers la forêt des Ombres. Il s’était tenu à l’écart de toutes ces opérations militaires sanglantes. La gloire par les armes n’était décidemment pas l’une de ses aspirations. Erkeos avait déjà participé à la chasse meurtrière livrée aux assaillants forestiers, deux saisons plus tôt, à l’excavation du cristal. Les souvenirs sanglants étaient encore trop récents dans son esprit [voir chronique «Cristal Saignant»]. Il préférait donc aujourd’hui, servir l’Empire d’une manière moins barbare. Il avait décidé d’aller patrouiller vers la forêt des Ombres, où des éclaireurs ennemis avaient été aperçus de nombreux jours auparavant, probablement en quête d’indices sur Theritas et l’Oiseau de Feu. En tout cas, c’était l’hypothèse qu’il avait retenue. Mais un oiseau messager vint lui apporter la nouvelle qui allait le détourner de son voyage. L’armée impériale venait de trouver ce qu’il recherchait, le temple de Theritas. Sa quête n’existait donc plus. Il souhaitait dorénavant considérer cette découverte de plus près. Il engagea donc sa marche vers le sud, quand il aperçut des Forestiers qui venaient justement des terres du sud. Ces derniers avaient fui le massacre au temple et leur instinct de survie ne laissa pas la place à la parole. Quelques archers et magiciens envoyèrent immédiatement une volée de flèches et de sorts contre l’Olympien qui se réfugia à l’abri d’un arbre. Les grimaces sur le visage d’Erkeos étaient moins l’œuvre de la douleur, car il avait été légèrement touché, mais plutôt celle de son inquiétude. Il était seul et il avait aperçu brièvement quatre ou cinq Forestiers. Sa réflexion fut simple et rapide : rester caché sans se préoccuper de leur progression n’était vraiment pas judicieux. Il se risqua à dépasser la tête, avec son hoplon en couverture. Il vit avec soulagement que les ennemis continuaient leur fuite, en piquant désormais vers l’ouest pour atteindre la forêt. Interloqué, Erkeos sortit de sa cachette puis s’examina. Il regarda son équipement et son accoutrement. - Qu’ai-je donc de si impressionnant pour leur faire peur ainsi ? Des cris venant du sud le ramena à la réalité. Les Forestiers étaient en fait pourchassés par des guerriers de l’Empire, qui rugissaient vers leurs proies. Quelques fuyards furent rattrapés et tués sans ménagement. Les autres avaient atteint la forêt des Ombres et s’y étaient enfoncés. Les poursuivre davantage dans un milieu qui leur était favorable n’en valait plus la peine. Il valait mieux retourner vers le sanctuaire de Theritas. Erkeos se joignit à eux et fit ainsi route au sud en leur compagnie. Quelques jours plus tard, ils arrivèrent enfin aux abords du sanctuaire en ruine, juste à temps pour assister à la réunion militaire qui se préparait. Les combattants de l’Empire avaient investi le campement qui fut celui des Forestiers. En son centre, une grande tente était désormais destinée aux officiers de l’Empire. Une large carte y avait été déroulée et fixée sur une table. La carte était déchirée en plusieurs endroits. Comme les hommes, elle n’avait pas été épargnée par la campagne militaire en cours. Autour de la carte, une imposante assemblée discutait de la stratégie à adopter. Les pans de la tente avaient été relevés pour laisser l’accès à une majorité de participants. Le Prince de Khylion, récemment nommé nouvel Ambassadeur et Grand Pontife de Lardanium, et pressenti pour le poste de Stratège impérial, animait la réunion. Faisant preuve d’une autorité et d’une morgue toute olympienne, il mettait néanmoins un point d’honneur à rester à l’écoute de ses troupes. Messires... et demoiselles, dit-il d’un ton parfaitement mondain, comme s’il se trouvait dans un salon, en jetant un regard amusé sur Dame Hagios, nous avons montré la véritable valeur de l’Empire et trouvé ce que nous avait demandé Sa Majesté l’Impératrice. Il nous revient désormais de protéger ces lieux sacrés de ces impies qui souillent les plaines de leurs pas. L’Impératrice ne tolèrera aucune défaite, nous suivrons sa volonté quoiqu’il en coûte. Son ton totalement calme tranchait avec l’idée-même qu’il exprimait, à savoir que le prix du sanctuaire pouvait être un nombre de morts conséquent. Il attendit ensuite les réactions. Ghormy, le Monarque Nain prit la parole. - Je tiens également à vous féliciter tous. La valeur des combattants nains, olympiens et géants resplendit jusque dans les sombres forêts ennemies. Continuez ainsi et l'effroi n’existera plus que dans le vocabulaire forestier ! Pour ce qui concerne la défense du sanctuaire, je vais vous livrer mon avis. Ne nous immobilisons pas pour défendre la zone ! Nous sommes bien plus dangereux lancés à l’assaut ! - Le Roi des Nains a raison, articula Keyan ! La meilleure défense, c’est l’attaque ! Continuons donc ce que nous maîtrisons de mieux en mieux depuis le début de ces hostilités : enfoncer brillamment les lignes ennemies ! Il ne dissimula pas son sourire et son voisin, Thaddeus, railla : - C’était effectivement brillant ! C’est bien simple, j’ai l’impression de puer le Forestier, tant j’ai de leur sang sur moi ! - Ce qui est sûr, argumenta Orodreth, c’est que les Forestiers ne s’attendent pas du tout à ce qu’on lance encore une offensive sur eux. Ils vont croire que nous allons maintenant tenir nos positions pour garder le temple. En repartant à l’attaque, l’effet de surprise sera garanti ! - Bien, conclut Anastase de Khylion, je crois que nous sommes tous d’accord. Il désigna plusieurs combattants olympiens : - Je vous charge de poursuivre les fouilles dans le temple avec les Nains déjà désignés par sa Majesté Ghormy. Pendant ce temps, nous nous remettons sur le pied de guerre et ce soir, nous écraserons l’opposition ennemie, aussi aisément qu’un insecte ! L’assemblée s’égaya comme un seul homme. De larges sourires sillonnèrent les visages mal rasés. Certains caressaient déjà le pommeau de leur épée. Thorik ricana bruyamment en astiquant son arquebuse. La voix féminine d’Hagios intervint alors avec pertinence pour soulever un détail important. - Les Forestiers se sont rapprochés. Mais avons-nous des rapports précis sur leurs positions et leur composition ? - Il n’est plus besoin de vous apprendre quoi que ce soit, Dame Hagios , répliqua Anastase de Khylion, j’allais justement y venir. Il me faut un volontaire pour partir en éclaireur. C’est à cet instant qu’Erkeos s’exprima. - Je suis prêt… commença t-il d’un ton posé, trop posé sans doute car l’assemblée crut qu’il avait terminé sa phrase. Et le Prince le félicita aussitôt. - Parfait, Sir Erkeos. Je ne vous savais pas si aventureux. - Non… c’est que… je voulais dire que je suis prêt à donner des grenades au volontaire ! - Certes. Pour autant, si mes informations sont exactes, vous avez toutes les qualités d’un bon éclaireur. Et de ce que je sais et de ce que j’ai pu entendre, vous avez souvent fait vos preuves, comme à l’excavation. Sans vouloir vous forcer la main, c’est d’un homme comme vous dont nous avons besoin. L’Olympien se permit un instant de réflexion, mais n’osa ni contredire son supérieur devant l’assemblée, ni décevoir toute l’armée. - Très bien… Je serai votre éclaireur pour cette bataille. Je tenterai de me faufiler vers l’est, en fin d’après midi pour repérer au mieux leur position juste avant la nuit. - Parfait, vous faites honneur à notre Impératrice. |
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super! j'adore! continuez à nous (me) faire réver! ![]() ![]() |
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Ca fait plaisir de voir un soigneur faire un bout de chronique, on est tellement habituer à vanter les mérites des guerriers en oubliant le talent de ceux qui agissent dans l'ombre pour le bien d'autrui.
D'ailleur je ne comprend pas pourquoi les HS ne vienne pas soutenir cette cause! ![]() Merci aussi à Erkeos pour ses chroniques... continuez comme ça! moi j'adhère! Ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force |
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Les heures passèrent et les Titans déclinaient de plus en plus dans le ciel. Le moment est venu. Erkeos s’équipa, et sous les encouragements il prit la direction de l’est d’un pas décidé.
Rampant d’un arbre à un rocher, d’un rocher à des herbes hautes, des herbes hautes à un arbre. Il parvint, ainsi de suite, à se rapprocher à quelques lieues à peine des premières lignes ennemies. Il se positionna sur un monticule rocailleux qui lui offrait une bonne vue, aussi bien sur l’ennemi, que sur ses compagnons d’armes derrière lui, qui le suivaient des yeux avec attention. L’éclaireur était donc parvenu sans trop de difficulté à une position avantageuse. Mais le plus dur était à venir. Car sa présence ne passa pas bien longtemps inaperçue et souleva alors la fureur forestière. Une grêle de flèches puis de sortilèges allait s’abattre sur sa position. Tout d’abord les flèches dont les trajectoires précises démontraient la qualité des tireurs elfes. Erkeos fut ainsi surpris alors qu’il terminait un croquis sur les dispositions ennemies. - Cette fois mon petit Erkeos, tu vas avoir chaud aux fesses, se murmura t-il pendant qu’il quittait le sommet du monceau pour se mettre à couvert derrière celui-ci. Dans la précipitation, l’ensemble de ses parchemins vierges s’échappèrent et s’envolèrent au loin. Mais il tenait toujours fermement en main le plan qu’il venait de dessiner. Ce n’était donc qu’un moindre mal, pensa t-il. Mais la suite l’affecta bien davantage. Avant qu’il ne soit abrité, une volée de flèches toucha au but et il dégringola lourdement et douloureusement au sol dans un cri sec. Certaines flèches qui l’avaient atteint l’avaient juste effleuré, incisant néanmoins la chair amplement. Mais deux autres flèches s’étaient fichées dans sa jambe gauche, l’une sur l’arrière de la cuisse et l’autre dans le mollet. Le visage crispé, il rampa vers un côté de l’élévation rocheuse pour observer les mouvements ennemis. Des mages préparaient leur incantation tandis qu’une guerrière elfe s’avançait prudemment dans sa direction. Il lui fallait agir vite. Il rangea tout d’abord son croquis d’éclaireur dans une poche. Il brisa ensuite les flèches au niveau de sa jambe sans en sortir la partie enfoncée. Puis il se saisit d’une potion de soin, la déboucha maladroitement, versa un peu du liquide curatif directement sur ses plaies et but entièrement le reste de la potion. Soudain, des impacts de sortilèges l’encadrèrent de très près et le firent sursauter. Il laissa choir la petite gourde vide et se recroquevilla. Il eut l’impression de se retrouver au beau milieu d’une explosion d’étoiles filantes, lumineuses et incisives. Sous les coups magiques qui le percutèrent, il sentit son corps s’enchevêtrer, se glacer, se disloquer et se trouer comme si des aiguilles le transperçaient de toutes parts. Il sentit aussi un venin qui le rongeait et avait de plus en plus de mal à respirer comme si l’air avait été soufflé et n’emplissait plus ses poumons. Ses compagnons d’armes, loin derrière lui, étaient les témoins impuissants de cette torture. Ils froncèrent les sourcils et firent une moue déconfite. - Ouch, qu’est-ce qu’il ramasse, fit Draganos ! - Oui, il déguste, répondit Grumdi ! - Il faudrait presque donner l’assaut maintenant pour le sauver, lâcha finalement Isa Cestia compatissante. Thaddeus approuva, laissant un rictus sadique s'afficher sur son visage à la pensée de ses meurtres à venir. - Non, il nous faut attendre, rétorqua Neikh Phronis avec clairvoyance. La nuit doit être tombée pour que notre effet de surprise soit total. Il faut qu’il résiste seul… Il en est capable ; les Titans seront bientôt couchés ! Tremblant de tous ses membres, Erkeos trouva la force nécessaire pour surmonter sa douleur et accéder à ses deux dernières potions de soin. Il les avala toutes les deux d’un trait. Le poison qui circulait dans ses veines le faisait toujours frissonner et le rendait fiévreux. Mais les douleurs physiques s’atténuèrent. Subitement il se remémora ce qu’il avait vu quelques instants plus tôt et devint encore plus livide qu’il ne l’était déjà. Une guerrière elfe avait entamé une approche dans sa direction depuis un certain temps. Il ne pouvait pas fuir. D’une part, il avait été détecté par l’ennemi. D’autre part, le monticule qui le masquait était isolé comme un îlot au milieu de la mer et enfin ses blessures à la jambe gauche l’handicapaient atrocement. Il ravala sa salive et agrippa ses uniques alliés du moment, son épée et son hoplon. Puis laissant dépassé un œil d’un des cotés de son abri, il essaya de repérer la guerrière qui devait certainement être proche. Son angoisse décupla car il ne la voyait plus. En revanche il vit clairement encore quelques sorts qui rayèrent l’atmosphère et l’affectèrent une nouvelle fois. Il frissonna, adossé derrière sa butte rocheuse, ne sachant que faire. Il n’eut pas le temps de la réflexion. De petits gravillons dégringolèrent le long de la paroi rocailleuse et attirèrent son attention juste à temps. Il vit une ombre le surplomber et eut le réflexe de s’abaisser pour éviter un coup d’épée qui frappa violemment la roche et dont l’impact provoqua quelques étincelles. La femme elfe, Yhemaha était son nom, s’élança alors sur lui avec son bouclier en avant. Elle percuta l’Olympien qui fut à moitié étourdi par le choc. Tout en boitant, Erkeos riposta comme il put. Mais son épée ne cisaillait que l’air. La guerrière esquivait aisément la moindre de ses attaques. Quand l’Olympien se jeta sur elle en donnant un coup d’épaule pour la percuter avec son hoplon, elle se déroba encore en bondissant pour atterrir sur le monticule. La jambe raide et malade d’Erkeos ne put le retenir dans son élan. Il chuta et se mit ainsi en mauvaise posture. Mais l’Elfe n’eut pas l’occasion de profiter de cet avantage. Sous ses pieds, un sort éclata et éroda d’un coup la roche pour former des pointes aiguisées. La combattante ne put maintenir son équilibre qu’en posant un genou et un bras sur les pics acérés. Elle s’écorcha sensiblement et comprit qu’elle pouvait aussi être sous le tir de ses ennemis, et notamment du Nain Grumdi, qui était à l’origine du sort. Elle plongea de l’autre côté du monceau pour se mettre à l’abri du côté forestier. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ La femme elfe, Yhemaha était son nom, s’élança alors sur Erkeos. ![]() Sur cette vue, sont visibles : - Dans le camp de l’Empire : Grumdi (1298) ; Vitae (1978) ; Thaddeus (1155) ; Draganos (1148) ; Anastase de Khylion (1045) ; Erkeos (1048) - Dans le camp des Forestiers : Yhemaha (1207) ; Nil’nelia (1018) ; Elen (1094) ; Faith (1605) ; Repens (1606) ; Spike (1115) ; Lahtryi (1073) ; Phu (1485) ; Kontum (1237) ; Eladar (1110) ; Thunziel (1340) ; Nokmut (1664) ; Tauron (1011) ; Hydris (1095) ; Aryalis (1916) ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ La situation était donc tendue et était la suivante. Alors que les soleils rougeoyaient progressivement à l’horizon, deux ennemis étaient séparés par une simple élévation rocailleuse, au milieu de la plaine, chacun des deux face à son propre camp. Erkeos vit Grumdi lui faire un signe réconfortant. Ce dernier semblait disposé à veiller sur l’éclaireur, prêt à intervenir à tout moment si la guerrière forestière pointait le bout de son nez. C’était donc le moment ou jamais de terminer enfin ce qu’il était venu faire. Il n’avait pas enduré tout cela pour abandonner maintenant sa mission. Il vérifia qu’il détenait toujours son plan sur les positions et la composition de l’armée forestière. C’était heureusement le cas. Il scruta le ciel attentivement. Il cherchait quelque chose qu’il finit par apercevoir. Il planta ensuite son épée dans le sol, de manière à pouvoir la récupérer en un mouvement de bras, en cas de danger imminent. Il disposa aussi son hoplon avec autant de minutie pour pouvoir l’empoigner rapidement. Puis il rapprocha ses mains à sa bouche pour former un porte-voix. Il émit une série de petits sifflements stridents vers le haut. Le point qu’il avait aperçu dans le ciel grossit alors de plus en plus en adoptant une trajectoire irrégulière. Le point s’affina pour devenir une colombe qui vint se poser à côté du Lardanien. Erkeos jeta un rapide coup d’œil autour de lui. Aucun danger immédiat n’était apparent. Il glissa son dessin militaire dans un petit étui fixé sous le ventre de l’oiseau, puis projeta l’animal en l’air pour qu’il puisse prendre son envol. Mais c’était sans compter sur la veille assidue de ses ennemis. A peine la colombe commença t-elle à battre des ailes, qu’un sort la choqua. Comme agrippée par une main invisible, elle ne parvenait pas à prendre de l’altitude alors qu’elle battait frénétiquement des ailes. L’espoir impérial fut définitivement anéanti quand une flèche vint embrocher l’oiseau qui s’écrasa au sol. L’Olympien serra les dents et ne put retenir un juron. Le cadavre de l’animal gisait au sol, à plusieurs foulées hors de la couverture du monceau rocheux. Et le plan avec ! Recommencer un croquis à la hâte serait d’une qualité médiocre et Erkeos détestait cela. Mais surtout, il n’avait simplement plus de parchemins vierges. Il n’avait pas le choix. Il se saisit de son épée et avec la pointe de celle-ci, il tenta d’atteindre le volatile pour le faire glisser jusqu’à lui. Mais le corps de l’oiseau était désespérément hors d’atteinte. Il ramena l’épée à lui et soupira. Il se parla à voix basse pour s’encourager. - A trois, tu fonces juste pour passer l’épée derrière la colombe et la ramener jusqu’ici ! Il se concentra. - Un… Deux… Il inspira profondément. - Trois ! Il élança son bras hors de l’abri jusqu’à ce que sa lame se pose sur l’arrière du corps de l’oiseau. Il redoutait la réaction ennemie, et il avait raison. Un rayon de glace généré par un magicien elfe frappa son avant-bras avancé. Erkeos lâcha un cri de douleur et de rage. Dans un ultime effort il mua cette rage en détermination et alla jusqu’au bout de son action. Son épée ramena l’oiseau mort à ses pieds, puis sous la douleur il desserra la main et laissa tomber son arme. La peau de son avant-bras s’était recouverte d’une écorce de glace. Le poing de son autre bras vint se crisper sur son coude glacial, comme pour stopper la propagation du sortilège. Il focalisa son énergie magique vers son bras paralysé. Tandis que la glace finissait par se craqueler et disparaître de son avant-bras, un autre sort frappa la roche à quelque distance. Mais ce sortilège-là ne lui était pas destiné. C’était le mage nain Grumdi qui s’évertuait à couvrir Erkeos. L’éclaireur n’avait pas vu la guerrière elfe Yhemaha, mais celle-ci était probablement toujours derrière le monticule et sans doute avait-elle tenté de profiter de la situation. Erkeos s’affala au pied de son abri rocheux. Son corps meurtri et empoisonné, une jambe transpercée, sa tête fiévreuse, il tremblait de douleur et de fatigue. En outre, il était à court de potions de soin… Il eut un moment de découragement. Alors que les deux Titans déclinaient et embrassaient l’horizon, la silhouette spectrale et scintillante d’une Olympienne s’était frayée un chemin jusqu’à la première ligne de l’armée impériale. Observant l’état de l’éclaireur isolé, elle leva sa main pour brandir une baguette. Vitae ferma les yeux pour se concentrer et fit jaillir de sa baguette une radiation étincelante et chatoyante qui déferla vers Erkeos. Celui-ci fut enveloppé par le flux énergétique qui le revigora. Il envoya un regard chaleureux et redevable vers sa guérisseuse. Puis il détourna ses yeux vers la colombe morte à ses pieds. Sa mission reposait sur un unique petit parchemin qui était glissé sous le ventre du volatile. Un tel bout de papier valait-il la vie d’un homme ? Il récupéra le plan militaire, le déplia et le regarda en détail comme si l’auteur était un autre. Il mesura l’importance de ce parchemin pour ses frères d’arme. La connaissance sur son ennemi est un atout majeur pour la victoire. Il replia le dessin tout en réfléchissant. Erkeos voyageait en permanence avec plusieurs colombes. Mais en appeler une deuxième serait peine perdue. Le manque de discrétion était désormais évident. Il regarda vers l’armée impériale et se rendit compte que quelqu’un lui faisait signe. On lui montrait un petit animal qu’un soldat impérial venait de lâcher. Assez court sur ses quatre pattes, la petite bête se fraya un chemin, zigzagant à travers les aspérités et les hautes herbes de la plaine, et arriva sans embûche jusqu’à l’éclaireur. C’était un furet au pelage sombre, habillé d’un harnais dont la structure en cuir se terminait par une petite poche sur le dos de l’animal. Tandis que le furet le reniflait, Erkeos rangea précieusement dans la poche le croquis à transmettre. Il caressa brièvement le petit messager, puis l’invita à retourner d’où il venait, en pointant d’une main la direction à suivre et lui poussant le postérieur de l’autre main. - Allez… Va ! Le furet comprit sa mission et décampa sur-le-champ. Les Forestiers avaient-ils aperçus le nouveau messager ? En tout cas, ils lancèrent quelques sorts qui frappèrent tout près de la position que venait tout juste de quitter l’animal. Des geysers bouillonnants propulsèrent la terre vers le ciel et libérèrent des émanations toxiques, rendant l’air vicié. Le furet paniqua et commença à courir dans tous les sens pour se réfugier finalement au creux d’un arbre mort. A une trentaine de pas à l’ouest du monticule, cet arbre isolé tenait encore miraculeusement debout et était ouvert d’une brèche béante à sa base. Cependant malgré la largeur de cette ouverture, l’animal y était difficilement perceptible dans la luminosité de plus en plus crépusculaire. L’ennemi n’avait d’ailleurs probablement pas discerné la cachette du furet car l’arbre n’était la cible d’aucun tir. La terre remuée et le nuage d’eau et de poussière provoqué par les geysers contribuèrent certainement à masquer l’animal. Cependant le but de ce dernier n’était évidemment pas de rester caché dans son arbre. Profitant que le nuage de poussière ne fût pas totalement retombé, Erkeos se saisit d’une pierre et la jeta discrètement sur l’arbre creux. Le furet prit peur de nouveau, abandonna son abri et eut la clairvoyance de courir vers l’armée impériale qu’il finit par atteindre. Une grande satisfaction réchauffa le cœur de l’Olympien. Sa mission venait de réussir. Il lui fallait maintenant se consacrer à sa survie. Les soleils avaient presque basculé derrière les lointaines plaines de l’ouest. La nuit allait bientôt recouvrir lentement la terre de sa cape ténébreuse. L’Empire allait alors pouvoir lancer son offensive. Mais entre temps, la guerrière elfe Yhemaha allait peut-être profiter de la pénombre pour tenter d’achever l’éclaireur. Erkeos cherchait donc un moyen de quitter sa position furtivement, avant que la pénombre ne permît plus à Grumdi de le protéger à distance. Une manœuvre d’évasion à découvert serait un suicide. De plus, il était toujours handicapé par sa jambe sérieusement blessée. La seule autre cachette à proximité était… celle que lui avait montrée le furet quelques instants plus tôt, dans l’arbre mort. L’ouverture à la base du tronc semblait assez large pour accueillir un homme accroupi. Mais pour y parvenir, il fallait parcourir une trentaine de pas dont une bonne partie à la vue de l’ennemi. Il se remémora les péripéties de l’animal qui avait réussit à s’y cacher discrètement et il eut une idée. Sa ceinture disposait de plusieurs poches en tissu qui y étaient cousues et qui se fermaient grâce à des boutons. Certaines d’entre elles, qui contenaient habituellement des potions de soin, étaient désormais vides. Il en arracha une, s’aidant de son épée pour en affaiblir les solides coutures. Il emplit ensuite la poche déliée de terre et de poussière, et au centre y inséra une grenade. Il reboutonna la poche pour renfermer le tout, laissant dépasser cependant la mèche de mise à feu. Il alluma magiquement cette dernière et lança la lourde poche par-dessus le monceau rocheux, en direction de l’armée forestière, mais à courte distance. Avant que l’ennemi ne comprît et ne réagît, l’explosif éclata sourdement générant un petit brouillard de terre et de poussière. Aussitôt, Erkeos se rua vers l’arbre, tout en boitant. Il laissa derrière lui son bouclier trop volumineux, mais ne put se résoudre à abandonner sa lame, au cas où... Il était maintenant devant l’arbre. L’opération semblait fonctionner. Il ramassa au sol une large plaque d’écorce désolidarisée. Puis il se recroquevilla pour se glisser dans la brèche. Cela ne se fit pas sans souffrances, car il dut plier sa jambe transpercée. Son visage se crispa et laissa échapper quelques larmes de douleur. Mais il parvint à s’introduire, son épée avec lui, dans la cavité de l’arbre mort. Enfin, il camoufla l’entrée avec la grande plaque d’écorce dont il s’était saisi. Il n’avait plus qu’à attendre, composant avec l’incertitude qui l’oppressait. Mais les Dieux allait récompenser sa vaillance ; ce jour n’était pas celui de sa mort. L’armée impériale allait bientôt passer à l’attaque, sécuriser la zone et ainsi le délivrer de sa position inconfortable. Erkeos allait être alors le témoin d’une victoire éclatante pour l’Empire, mais aussi du plus terrible massacre qu’il n’avait jamais vu… |
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Ghormy regardait le croquis.
Un petit furet terrifié l’avait ramené parmi les troupes impériales. Sur la feuille de papier tachetée de quelques gouttes de sang, on pouvait distinctement voir les positions des ennemis, ainsi que des annotations avec leur équipement. Ils étaient plus nombreux qu’il ne l’aurait espéré : malgré la rapidité de leurs manœuvres, les troupes impériales n’avaient pas réussi à gagner plus de temps et elles se trouvaient désormais face à un regroupement ennemi. Ils allaient frapper ce soir. Frapper fort, avant que le regroupement ne prenne encore plus d’ampleur, avant de crouler sous des attaques qui risqueraient de déborder leurs flancs. Et ce croquis allait grandement augmenter le potentiel destructeur de cette attaque. La vie du courageux Erkeos avait été sauvée, par sa ténacité et sa dévotion. Maintenant, il était l’heure de le venger. L’heure de faire payer chaque blessure qu’il avait subit, une goutte de son sang contre cent gouttes de sang Forestier, un sort contre dix. La nuit tombait, mais la clarté d’Adamant et Séléné suffisait à y voir suffisamment clair pour se battre convenablement. Ghormy se rangea parmi les rangs des combattants, et quand tous furent réunis, ils chargèrent. ![]() Ce fut étrangement rapide. L’armée impériale se déversa sur les Forestiers sans riposte. Il fallait croire que l’alliance des habitants de la forêt avait utilisé toutes ses forces pour empêcher Erkeos de délivrer son message, car on pouvait lire la surprise sur tous leurs visages. Surprise qui se mêla rapidement à de la panique. En effet, malgré leur agilité naturelle dont ils savaient tirer parti au combat, il y a une chose à laquelle ils ne s’attendaient pas. Et cette surprise avait un nom : Thorik Jafnharson. Le fier Artificier-Nain de l’Okri a Korad fût effectivement on ne peut plus brillant ce soir là… ou plutôt « explosif ». Les hostilités n’avaient pas encore commencées qu’il sortît de sa poche une grenade à mana, petit bijou qu’il s’empressa de jeter sur ses ennemis en chantonnant un air de musique. L’explosion bleutée aurait fait flancher les plus courageux. Des gerbes de sang giclaient par delà un nuage opaque qui limitait la visibilité au niveau des Forestiers. Après quoi, il arma son arquebuse, visa et tira des projectiles explosifs qu’il avait lui-même dosés. Qui sait ce qu’aurait été cette bataille sans l’entrée fracassante de Thorik ? Peut-être l’armée Impériale aurait-elle était défaite ? Beaucoup tentèrent de fuir, d’autres se sont éteints plus dignement. Ghormy courrait le plus rapidement possible, plein de rage et de soif de combat, à de nombreuses reprises, Snorri l’emporta sur sa propre volonté et il se mettait à donner des coups de pieds et de poings à tous les Forestiers qu’il croisait, sans leur faire beaucoup de mal, il fallait l’avouer… Il remarqua une jeune elfe qui s’enfuyait. C’était la première cible de l’assaut, mais sa vélocité lui avait permis d’échapper aux glaives impériaux… mais elle était là, haletante, adossée contre un arbre. Elle semblait en piteux état, elle avait déjà été la cible de nombreux sorts lancés par de puissants magiciens Olympiens. Sa survie face à ces attaques tenait d’ailleurs du miracle, et cela força l’admiration du monarque. Mais à la guerre, comme à la guerre… il commença à tracer les runes fondamentales de la magie Naine. Les runes destructrices qui en appelleraient aux forces de la terre pour étouffer la flamme de vie qu’il restait à son ennemi. Alors même qu’il préparait son invocation, Ghormy pouvait voir autour de lui le massacre. Les Elfes et les Sauvages tombaient les uns après les autres, alors que pas un seul soldat de l’empire ne perdait la vie. Les énormes rochers des Géants broyaient littéralement les corps fragiles des Forestiers, les Arquebuses brûlaient leurs chairs et les épées tranchaient leurs membres et leurs os. D’un rapide coup d’œil vers la droite, Ghormy vît Spike, un magicien Sauvage renommé, périr sous la pluie de coups du vieux Damekos. Un peu plus au sud de sa position, il pouvait voir le puissant Géant Orodreth broyer le corps faiblard d’un Homme Sauvage. Ghormy pourrait jurer l’avoir entendu couiner comme un animal apeuré avant de périr, accompagné ensuite par une sorte d’arbre vivant à ses côtés, qui, constatant le trépas du Sauvage, se livra à la mort pour le rejoindre. Mais il méritait son sort, Ghormy l’avait déjà aperçu à l’Excavation massacrer d’innocents mineurs Nains avec son peuple. Ce n’était qu’un être dépourvu d’honneur et de respect. Enfin, il avait fini de tracer ses runes. Il déversa tout son pouvoir sur sa cible qui tomba sur le coup. « Bien… c’est fini », pensa Gormy. Mais il avait tord… La jeune elfe se releva avec difficulté, un sourire de défi sur le visage. Malgré son état elle commença à s’éloigner en boitillant. C’est alors que Grumdi se dressa sur un rocher, légèrement au dessus de Ghormy. Ghormy ne l’avait pas vu préparer ses runes, il avait certainement fait preuve d’une rapidité plutôt déconcertante pour faire ces dernières. La puissance du Nain s’accumula à travers les runes… c’était incroyable, jamais Ghormy n’avait vu Grumdi dans un tel état, il en était… effrayant. Deux puissants sortilèges surgirent de la main du Maître des Runes. Le premier frappa de plein fouet la jeune elfe des lunes avant qu’elle n’ait eu le temps de s’éloigner suffisamment, et la tua net. Le second toucha un archer qui s’effondra à son tour. D’une voix puissante, Grumdi hurla sur le champ de bataille : « AUCUNE LIMITE A MON POUVOOOIIIIIRRRR !!! » C’est seulement à l’aube, à la lumière du jour que tous purent constater l’état du champ de bataille. Jonché de cadavres et de sang Forestiers. Ghormy était fier d’avoir repoussé ses ennemis, content qu’aucun de ses camarades ne soit tombé cette nuit, mais regarda tout de même le spectacle avec une certaine amertume. Nombre d’entre eux méritaient ce sort, mais certainement pas tous. Cette bataille restera gravée à jamais dans l’histoire. Une bataille que Ghormy nommait : « Le massacre au clair des Lunes ». |
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A l’arrivée des premiers rayons de soleil, les forestiers avaient quitté le champ de bataille, emportant leurs morts (ou ce qu’il en restait) avec eux. Bien que le combat fut bref la victoire était totale, tant l’armée ennemie se retrouva disloquée et démoralisée. L’objectif fixé avait été dépassé au-delà de toutes espérances.
Le soir tombé, alors que les guerriers célébraient la victoire, le prince Anastase de Khylion réunit son état major au centre du campement précédemment occupé par les forestiers. En bon stratège il écoutait les avis de ses subordonnés, bien qu’il eut déjà analysé la situation. C’est le vieux paladin Damekos qui prit la parole. Bien que souvent trop impulsif, il était reconnu pour son expérience et sa connaissance des tactiques ennemies. - Les forestiers sont en fuite et complètement désorganisés. Il faut enfoncer le clou ! Reprenons rapidement quelques forces et repartons à l’attaque. Il caressait sa barbe de façon nonchalante. Nous offrirons le sang de nos ennemis en offrande au grand Zeus pour le remercier de nous avoir accordé la victoire ! Plusieurs exclamations d’approbations s’élevèrent. La voix autoritaire du prince s’éleva au-dessus des autres. - Ce soir nous avons réussi à briser la force ennemie envoyée contre nous. Par cette victoire nous accordons un gain de temps considérable à nos chercheurs autour des ruines. Mais nos ennemis vont se regrouper et lancer un autre assaut, ce n’est qu’une question de temps. Cependant nous pouvons faire mieux : demain à l’aube nous levons le camp et nous partons vers le sud-est. Il marqua une pause et fixa l’assistance. Nous les pourchasserons jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans les bois et nous nettoierons la plaine de toute présence forestière. Faites ce qu’il convient de faire, n’hésitez pas, soyez sans pitié ; ainsi nos hommes restés sur le site auront tout le loisir d’effectuer leurs recherches et de faire des découvertes importantes. Aucune objection ne s’éleva, et le plan fut adopté à l’unanimité. L’armée se mit en marche au lever du soleil et rattrapa l’arrière garde des forestiers. Une nouvelle fois les rochers se mirent à pleuvoir, accompagnant la détonation des tirs d’arquebuse avant que les fantassins n’engagent le combat … et une nouvelle fois les magiciens et les archers des forêts durent refluer, en laissant un grand nombre des leurs sur le terrain après un affrontement bref mais meurtrier. Quelques guerriers elfes tentèrent une courageuse contre attaque, mais, trop peu nombreux, ils furent cueillis par une volée de sorts lancés par les mages de guerre olympiens. Du coin de l’œil, Keyan reconnut plusieurs combattants dans un groupe d’hommes sauvages arrivé en renfort. Ils avaient été parmi les victimes de l’assaut lancé contre les ruines. Hélas ils ne revenaient du royaume d’Hadès que pour mieux y retourner : du haut d’une colline un géant fit dévaler un énorme rocher qui acheva de semer le chaos dans les rangs forestiers. Les survivants détalèrent sans demander leur reste. Bientôt l’avant garde impériale arriva en vue de la forêt de Fernliae, suivant de près les fuyards en déroute. ![]() Le prince hésitait. Devaient-ils pousser encore plus loin leur avantage ou écouter la voix de la prudence et abandonner la poursuite ? Keyan s’avança, son corps était couvert de blessures, témoins des derniers affrontements. - Les derniers jours ont été difficiles, les hommes sont fatigués par l’accumulation des combats; les rochers se font rares et les arquebusiers n’ont plus de munitions. Les forestiers sont en déroute. Retournons à notre camp de base et ravitaillons-nous plutôt que de nous risquer à lancer une attaque hasardeuse. A ses côtés Neikh Phronis, récemment improvisé chirurgien en chef, surenchérit. - La forêt procure un avantage indéniable aux forestiers. Nous avancerons à découvert à la merci de leurs sortilèges et des flèches de leurs archers cachés dans les arbres. Il ne reste plus aucun ennemi vivant entre les ruines et cette forêt, profitons-en pour conforter notre position autour du sanctuaire et établir un périmètre de sécurité. Seul Thaddeus prônait de continuer la poursuite. Il expliqua son point de vue tout en caressant ses doubles lames d’une façon presque affective, nettoyant le sang des Forestiers qui s’y était incrusté. Il avait pour l’occasion laissé tomber sa capuche grise, dévoilant un visage jeune et un regard froid. - Poursuivons-les et massacrons-les. Lavons l’affront qu’ils nous avaient fait dans leur sang et polluons leur marécage de leurs innommables boyaux. Apportons la terreur sur leur terre, nous pourrons ainsi l’emporter. Nous sommes fatigués, certes, mais ils sont exténués. Je pense que nous devons les poursuivre… Cependant le stratège se rangea à l’avis de la majorité, à contrecœur il faut bien le dire. La décision fut prise de rebrousser chemin et de retourner autour des ruines. |