Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Et les chiens et les loups
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Et les chiens et les loups
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Dernière réponse le 05/05/2010 à 15:22

ldf Par Eldon  le 05/05/2010 à 15:22

Dans les bas quartiers pauvres et malfamés, là où j’ai su grandir, loin de la bourgeoisie ordinaire, l’on conte nombre d’histoires. Personne ici bas n’a cure de savoir si elles sont vraies ou non, mais chacun les colporte, et chacun les arrange, les tronque et les allonge. L’une d’elle me fut contée par un vieil homme usé du foie jusqu’au chapeau, par le froid et le chaud, un soir que je ne dormais pas. La pluie sur les pavés battait doucement son rythme, et mouillait mes épaules, ma cape et mes souliers. L’homme était assis là, seul en dessous d’un toit, il m’appela « l’ami », je ne répondis pas. Me voulait-il une pièce, du pain chaud ou du vin ? Or je n’en avais pas. Mais il n’en était rien, cet homme n’avait pas froid, et il n’avait pas faim. Son sourire édenté, son regard blafard, ses cheveux argentés, ses épaules de bagnard, tout chez cet homme là transpirait la vieillerie, et respirait l’ennui. Il ne m’inspirait rien sinon que du dégoût, aussi le pensai-je saoul, ivre de mauvais vin. En me voyant partir, il me dit d’écouter : ce qu’il avait à dire allait m’intéresser. Alors un peu curieux, je m’assis juste en face du vieillard boiteux à la morne grimace. Après un long soupir qui dura toute une vie, commença à décrire son héroïque récit.


« Dans les bras du lierre naquit le jeune enfant, dont le père n’était fier même à l’âge de dix ans. Il ne savait chasser, ni découper les proies, ni même s’orienter seul au milieu des bois. Il décevait son père, à chaque jour et chaque nuit, grave et autoritaire, et empli de mépris. Chaque soir en abreuvant sa couche de ses larmes, il rêvait d’être grand et de prendre les armes. Pour aller affronter monstres et démons, au fin fond des vallées, sur les plus hauts des monts. Et puis un jour son père ne le réveilla pas puisque dans la chaumière, il ne le trouva pas. Il oublia sa lance, ses flèches et son carquois, en comptant sur sa chance, son courage et sa foi. Et une année passa, et son père l’attendait, égaré dans les bois, errant dans la forêt. Il pleura tous les jours son fils disparu, espéra le retour de son enfant perdu. La tristesse le rongea, dans son âme, dans ses yeux, et de vie à trépas, passa le malheureux. Un jour on entendit même pleurer la forêt, ses larmes douces et chaudes, à travers les futaies, arrosaient les fougères et nourrissaient la vie, de l’amour d’un père pour un enfant parti. Et alors que la sève coulait des arbres morts, et que les herbes vertes étaient devenues jaunes, l’enfant revint de guerre, fier, brave, puissant et fort, se tenant, seul vivant, au milieu des fantômes. L’enfant naquit agneau, perdu parmi les lions, il devint un héros, parmi les grands champions, un homme au grand destin, et dont la noble foi pouvait changer en chiens, les loups entre ses doigts. »