Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Crépuscule
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Crépuscule
Topic visité 1118 fois
Dernière réponse le 11/10/2011 à 15:51

el Par Elen  le 01/12/2010 à 23:41

** La Forêt des Cendres, bruissante de vie... Elle étincelait sous les couchant tandis que, lentement, àl’est, s’élevéaient les deux Lunes. Les dernières lueurs du jour s’évanouirent et les astres nocturnes, dans une constante accélération, parcoururent les cieux . Ils laissèrent leur place aux Titans, dont le parcours fut lui aussi décrit à une grande vitesse.

L’alternance jour nuit fut de plus en plus rapide jsuqu’à devenir imperceptible. Les cieux perdirent alors toutes leurs couleurs tandis que le monde demeuirait illuminé par une blafarde lueur.

Une silhouette se dégagea de l’horizon morne des plaines. Il s’agissait d’un être aussi gigantesque que ses yeux étaient ardents et se parait de peaux de loups. Lorsqu’il atteignit l’orée du bois, il déposa un objet au sol.

Il s’agissait d’une petite statuette représentant un faucon, ou un aigle peut-être. Celle là même que protégeait le défunt Marcus dans le Gouffre des Sources.

Le colosse aux yeux de flammes se saisit d’un grimoire ancien, recouvert de runes. Il ouvrit l’épais volume duquel émanait une puissante aura magique et lut une sorte d’incantation :

« Par la mort, la nuit. Par le feu,
De ces lieux, le destin soit scellé.
Par le feu, qu’ils soient purifiés.
Vole, ô Cherung, vole, je le veux. »

L’être s’embrasa à ses mots. Les flammes le recouvrirent, ondulante et brulante, tandis qu’il brandissait un marteau couvert de symboles nains.

« Vole, ô Cherung, vole, je te l’ordonne ! »

Il abattit son arme sur la statuette qui se brisa, en émettant un cri plaintif. Un grand oiseau blanc s’éleva dans le ciel. Il s’éloigna jusqu’à ne devenir qu’un point argenté au loin.

Ce point sembla alors se rapprocher, grossissant de plus en plus. Une longue trainée lui faisait suite, en comète qu’il était devenu. Le mage, rendu extatique par son rituel, s’agita frénétiquement tout en psalmodiant.

« Brûle, brûle, brûle, je te l’ordonne ! »

Le projectile s’abattit sur la Forêt des Cendres, qui s’embrasa instantanément. Et bientôt son nom devint une réalité : des cendres...

Une silhouette fantomatique sortit alors du bois calciné. Il s’agissait d’un loup borgne massif et pourtant intangible et spectral, comme s’il était fait de la fumée de l’incendie. Son regard était emprunt de tristesse et de douleur mais il n’émettait aucun son. Il devint de plus en plus evanescent et, finalement, disparut...

Là où il s’était tenu quelques instants plus tôt gisaient un tas d’ossement brisés et calcinée... **



« Nooon ! »

Elen s’éveilla en sursaut. Ce n’était qu’un rêve... Un cauchemar, amalgame de ses craintes liée à la perte des artefacts au profit des Impériaux...

Rien de tout cela n’était vrai : il était dans la plaine du Basileus, s’éloignant le plus possible du point d’impact à venir de la comète. La forêt ne risquait rien... Il se détendit et s’allongea sur le sol. Il avait une longue marche à faire le lendemain... Morphée le reprit...

De son épaule émanait une faible lueur...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 15/05/2011 à 17:40

Il avait formé un groupe qu’il jugeait apte à satisfaire l’exigence de Logdé Pyros. Cependant, il n’avait pas d’idée quant à la nature de cette exigence. La seule certitude était le lieu des recherches : la mer Emeraude. Mais que devaient-ils chercher ?

Il avait longuement réfléchi à la question et n’avait pas trouvé la moindre idée de ce qui satisferait les besoin d’un élémentaire de feu en milieu aqueux. Aussi, comme les siens le faisaient souvent lorsqu’une interrogation demeurait insoluble, il avait décidé de demander à Luwö une réponse ou, au moins, un indice.

Il s’était écarté du groupe, volontairement, car il préférait être seul lorsqu’il entreprenait le voyage vers le monde des esprits. Il savait que personne ne pourrait chanter les Icarios en cas de problème mais cette prise de contact faisait parti de la routine d’un Ashka et ne présentait pas de risque majeur.

Il s’assit en tailleur, ferma les yeux et vida sa tête de toute pensée parasite. Il ne garda à l’esprit que cette question : que devaient-ils trouver ?

Très vite, son corps se détendit, à mesure que son esprit parcourait le chemin qui séparait le monde des vivants et celui des esprits. Les premières images apparurent : indistinctes, furtives et impossible à comprendre, comme des bulles de couleur qui éclataient. Le processus habituel qui occupait l’esprit des Elfes des Lunes lorsqu’ils effleuraient l’était de transe jusqu’à ce qu’enfin l’immersion soit totale…

Des images plus nettes apparurent : l’intérieur du Gouffre des Lunes, avec ses galeries, sa lave et ses nuages de vapeur toxique. Il n’y avait cependant aucune trace de l’élémentaire du feu. L’esprit d’Elen prit forme dans sa vision, comme cela arrivait parfois. Mais de ses sens ne restait que la vue et l’ouïe, son corps astral étant totalement éthéré.

La vision sembla sur le point de vaciller, car l’image commença à se désagréger durant quelques instant mais se reforma à l’identique. Une vague d’eau descendit le long des galeries, provenant d’on ne sait où et elle noya les lieux en quelques instant.

L’instant suivant, il fut transporté du Gouffre des Lunes en direction de la mer Emeraude, en volant au dessus des plaines d’Olympia. Tout était vide, il n’y avait nulle trace de la population foisonnante de Fernliae. La forêt était là mais laissée à l’abandon. L’image devint moins nette.

Le Gouffre des Lunes réapparut, avec ces vagues qui parcouraient les galeries tout en les inondant. Et, sans transition, il se retrouva à nouveau sur le chemin de la mer Emeraude, volant au dessus des plaines entre le Radar Bek et la forêt des Ombres.

Il passa les marais entourant jadis la fière Luminae, longea la rive ouest de la mer comme il avait l’intention de le faire et atterrit sur le rivage. Il y eut comme soubresaut dans la transe, le ramenant quelques instants avant son arrivée et il atterrit de nouveau.

Les cieux se couvrirent de nuages noirs. Une pluie épaisse commença à tomber. Bien trop épaisse. Et rouge. En vérité, il s’agissait de sang ! Les cieux déversaient du sang sur Olympia, tant et si bien que la mer elle-même devint rouge !

Cela ne présageait rien de bon. Peut-être allaient-ils échouer ? Allait-il mener ses compagnons vers une mort certaine ?

Des formes sombres commencèrent à émerger des eaux. Des formes familières…

Des Elfes ! Des Elfes et des loups ! Morts !

Il porta ses mains devant sa bouche, de dégoût. La vision trembla, comme si le ciel et la terre s’étaient mis à vibrer. Lorsque tout redevint fixe, il découvrit avec horreur que ses propres mains n’étaient que les appendices décharnés d’un cadavre.

La panique s’empara de lui et la réalité commença à se morceler : des gouttelettes d’eau perlaient de la mer vers le ciel, puis les corps s’élevèrent, entrainant avec eux des sphères de liquides de plusieurs mètres de diamètres.

Il se détourna de ce spectacle mais son regard se porta sur la plein, là où un grand loup borne l’attendait. Son regard se fixa à celui de l’animal. Aucun d’eux ne cilla durant leur entretient visuel. Cependant, la vision elle-même semblait vaciller, comme la flamme d’une bougie sur laquelle le vent souffle.

Soudain, alors qu’il fixait toujours la créature, l’œil borne s’emplit de noirceur, et cette noirceur s’amplifia, englobant petit à petit le monde qui l’entourait jusqu’à ce que finalement tout disparaisse, le loup y compris. Tout devint noir. Ténébreux.


Il lutta, lutta mais la transe, jusqu’alors incertaine, semblait soudain s’amplifier d’elle-même, l’entraînant de plus en plus profond dans le monde des esprits. Il se débattait mais, comme lorsqu’on est pris dans les sables mouvants, cela ne semblait que l’entrainer plus vite vers le fond, là où son esprit se perdrait à jamais s’il s’y rendait.

La panique la plus totale s’était emparée de lui. Et, alors qu’il se sentait déjà partir loin du monde des vivants, une image fugitive apparut : celle d’un être chétif, vouté, enveloppé dans sa houppelande. Il ne parvint pas à distinguer son visage car il fut violemment éjecté hors des strates du monde des esprits et projeté dans son corps.

Ses yeux s’ouvrirent. Du sang coulait de son nez, ses yeux, ses oreilles et sa bouche.

Et il comprit : quelque chose n’allait pas…



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

geant Par Rorschach Karnage  le 16/05/2011 à 12:14

HRP : extrêmement bien écris !!!
Tu nous transportes vraiment dans ta vision.
Franchement j'ai adoré !!
La suite !!



el Par Elen  le 26/05/2011 à 22:16

« Elen ! Elen ! »

Un jeune Loup, l'air paniqué, courait en tous sens, à la recherche de l'Intendant. La Tanière toute entière semblait en proie à l'affolement. Il était peu habituel de voir autant d'agitation chez les Loups.

Le Donoï se rua à l'extérieur, à la recherche d'un Ashka ou de l'Intendant. Mais la plupart des Loups étaient partis en mission. Il parcouru la clairière des Ombres Cendrées, de long en large. Il parvint à rejoindre Elen, non loin du lieu où le mentor de ce dernier avait été enterré. L'Intendant semblait entrain de jouer une mélodie de sa flûte, dans une sorte de recueillement et de révérence pour le dernier chaman du clan.

Le jeune responsable du clan ne cessa de jouer que lorsque son futur interlocuteur eut repris son souffle.

« Que veux-tu, Ximès ? »

Elen semblait globalement apprécié de la plupart des jeunes Loups, car il avait accédé à son rang d'Ashka très jeune et avait su imposer une intendance qui avait sorti son clan de la spirale délétère qui avait suivi la mort de Kowü. La plupart des anciens du clan l'avaient quitté et ceux qui restaient l'avaient alors soutenu dans la mise en place de ce système jusque là propre aux Corbeaux.

« Millie a un problème !

_ Pardon ?

_ Elle est bloquée ! Nous avons chanté les Icarios mais elle ne revient plus de sa transe.

_ Je te suis. »

L'Intendant emboita le pas au plus jeune, en direction de la Tanière.

« Depuis combien de temps tentez vous de la ramener ?

_ Depuis l'aube !

_ Quoi ? »

L'Intendant força l'allure, doublant le plus jeune, mobilisant son esprit dans l'effort spirituel à venir.

« Pourquoi n'êtes-vous pas venus me chercher plus tôt ? Cela fait déjà une demi-journée que vous tentez de la ramener ! Elle s'est peut-être déjà trop enfoncée ! »

Le plus jeune bredouilla des excuses, peinant à suivre l'Intendant dans son impressionnante foulée. Elen connaissait bien l'Ashka Millie, car elle avait été la rivale de Kowü pendant plusieurs décénies, avant que celui ci ne la dépasse trop largement en savoir et maîtrise la transe. Mais la Louve ne se serait jamais laisser piéger dans les strates les plus profondes de la transe.

Un jeune Loup se laissait souvent piéger. Les Bakanys se trouvaient parfois en périlleuse situation. Mais les Ashkas les accompagnant connaissaient les mécanismes permettant de les ramener. Et, si cela ne suffisait pas, les Icarios chantés par un Loup sauvaient généralement l'infortuné de l'oubli éternel. Tous les jeunes Loups, à partir de l'Edoniel, connaissaient la plupart des variantes simples des Icarios. Et, dans les cas de forces majeures, un groupe suffisait à ramener quiconque s'aventurait trop profondément dans la transe.

« Taisez vous ! » intima Elen aux Loups rassemblés autour de Millie.

Plus aucun d'entre eux ne chantait les Icarios, en proie à la plus totale des paniques. En somme, ils étaient devenus inutiles.

L'Intendant s'approcha de la Louve, installée en tailleur dans sa chambre, aussi immobile qu'un cadavre et pourtant aussi rose qu'un vivant. Elen posa sa main sur le front de l'Ashka en transe. Il murmura quelques mots qui n 'avaient de sens que pour lui car ils serviraient de déclic pour que son esprit s'engage momentanément sur les chemins d'une transe légère, au seuil de l'inconscience.

Il déploya son esprit et tenta de frôler celui de Millie. Il sentit une abîme noire et vide là où il aurait dû se trouver sa consœur. Il y eut comme des rides à la surface du monde des esprits. Il ne parvenait pas à la trouver et il hésitait à s'enfoncer plus avant vers ce puis spirituel qui la retenait. Et soudain...

Des remous intenses, une véritable déferlante, le firent chuter et il sentit comme une ombre qui se déployait et venait à sa rencontre. Il se fit violence et, alors que tout s'obscurcissait, il se dégagea de la transe.

« Elle est loin. Très loi.

_Trop ?

_ Nous verrons. Rassemblez tous ceux qui peuvent l'être devant la Tanière. Ximès, aide moi à l'emmener dehors, veux-tu ? »

Il y eut effervescence pendant un moment. Les Loups cherchaient tous leurs semblables aux environs de la Tanière. Pendant que les braves se rassemblaient, Elen tentait de stimuler le corps de Millie pour que celui-ci rappelle son esprit : il lui fit respirer des aromates, des poudres aux odeurs soufrées, il lui ouvrit les yeux, il l'appela, la pinça, la giffla. Rien ne la fit réagir.

Trente Loups environ furent assemblés autour d'elle. Ils connaissaient la situation. Elen leur fit un signe et ils entonnèrent les Icarios.

Ces chants, au rythme variable selon l'individu et son formateur, se mêlaient les uns aux autres en un réseau complexe. Aucune mélodie ne se détachait de l'ensemble mais les harmoniques faisaient vibrer l'air, l'eau, les arbres et tout ce qui vivait dans les bois. La force spirituelle de cette cérémonie ne faisait aucun doute et chaque Loup présent dans la forêt relaya ce message scandé dans la langue ancestrale du clan à l'attention de celle qui s'était égarée.

Ce chant sonna haut et fort pendant des heures durant, appelant inlassablement Millie à regagner son corps.

Et Ximès tomba inconscient.

Elen cessa de chanter, son regard se portant sur le jeune Loup. Il connaissait cette immobilité. L'Edoniel n'était pas évanoui ! Il était entré en transe ! Et probablement sans le vouloir ! Et profondément ! L'Intendant n'eut qu'à tenter d'effleurer l'esprit du jeune elfe pour retrouver ce vide symptomatique de l'état de Millie et confirmer ses craintes.

Les Icarios plaçaient les chanteurs dans un état de transe normalement si léger et imperceptible que l'esprit était toujours résident du corps et n'avait aucun risque de s'en séparer. Comment un Elfe aussi inexpérimenté avait pu se plonger dans un état de transe aussi profond alors que les Icarios ne souffraient normalement d'aucune instabilité ?

Alors qu'il s'interrogeait, un autre Loup s'écroula. Un Bakany, cette fois.

« Arrêtez ! Arrêtez tout ! »

Les chants ne cessèrent pas immédiatement. Un dernier elfe sombra. Un Kitalië. Le silence recouvrit la clairière.

« Impossible... »

En tentant de sauver Millie, trois autres elfes s'étaient perdus. Inimaginable. Improbable. Impossible !

« Rentre les à l'intérieur ! Et je vous interdit formellement dès cet instant de tenter d'entrer en transe ou de pratiquer les Icarios. Évitez toute situation qui pourrait vous mettre en contact avec le monde des esprits. Installez des pièges à rêves où vous dormez. Ainsi votre sommeil ne vous entrainera pas à votre insu.

_ Que se passe-t-il ?

_ Je n'en sais rien. Mais je compte bien tirer les choses au clair. »

Et pour cela, il lui faudrait une aide extérieure au clan...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Calith  le 01/07/2011 à 23:33

Aileen était repartie depuis un moment, très certainement se reposer. Les évènements de la veille l’avaient considérablement éprouvée, comme la majorité. Aussi, le Faucon demeura seul à son poste habituel, jouant les éternels veilleurs. Depuis son appui sur le rebord de fenêtre, il fixait l’horizon avec une tension palpable. Nivalis, elle, reposait sur ses jambes, attendant avec une étrange agitation l’arrivée de la tempête. Si elle avait été un animal comme les autres, sans doute se serait-elle déjà enfuie plus au Nord.
Tout à ses réflexions, le Faucon entendit à peine Elen sortir de sa chambre, tant celui-ci cherchait à se montrer discret afin d’éviter de réveiller son épouse. Un murmure lui fit pourtant quitter le paysage des yeux.

« Bonsoir Calith … »
Le Loup faisait peine à voir, ses yeux encore bardés de cernes, plissés dans l’espoir de distinguer quoique ce soit, dans la pénombre du couloir. Lui bénéficiait de l’appui des astres et de nombreuses heures à demeurer dans le noir le plus total, aussi les détails lui sautaient aux yeux. Ou peut-être était-ce les abysses qui avaient irrémédiablement modifiés ses sens ?
« - Bonsoir, Elen.
- Comment vas-tu ?
- Aussi bien qu’un revenant, Elen. »
Le Loup ne sembla pas vouloir relever, lui tendant sa main. Calith daigna la serrer, tout en restant à sa place confortable. Le Faucon à ses côtés piailla doucement, battant des ailes tout en fixant Elen d’un air curieux.
« - L’aube n’est pas encore levée, tu aurais pu finir ta nuit.
- La nuit est avancée, certes, mais Amhand n'attendra pas l'aube. Je suis inquiet, Calith. Très inquiet. J'ai peur pour nos clans... »
Calith haussa un sourcil, pour toute réponse, puis l’invita à continuer d’un signe de tête.
« - Les transes, elles ne fonctionnent plus comme avant. Je ne sais pas si tu t'es essayé à l'exercice il y a peu mais celles de mon clan, en tout cas, sont fatales pour quiconque les tente.
- Fatales ...? Tu m'intrigues, Elen.
- J'ai quatre Loups qui sont bloqués dans les strates profondes. La première est une Ashka, Millie. Je la connais bien, j'ai été formé en même temps qu'elle. Elle maîtrisait totalement le sujet.
- C'est étrange ... »
L’Intendant croisa les bras, se replongeant dans ses réflexions, ses sourcils se fronçant. S’il était perplexe face à ces nouvelles, il ne partageait pas encore l’inquiétude palpable de son homologue.
« - Je ne saurais te dire, pour les miens. Je ne tente des transes qu'en dernier recours, et ceux qui m'accompagnent aussi. Quant au reste de mon Clan... Eparpillé aux quatre coins d'Olympia. Un drame peut arriver à l'un que le Clan ne serait prévenu qu'à la prochaine réunion. »
Elen poursuivit, avec cet empressement qui commençait à se faire ressentir.
« - Un Edoniel, un Kitalië et un Bakany qui chantaient les Icarios pour la ramener sont eux aussi bloqués.
- En chantant les Icarios, seulement ?
- Seulement, oui. Les Icarios sont l'état de transe le plus léger qu'il soit. C'est comme si les strates les plus profondes des transes nous appelaient et nous faisaient sombrer.
- Comme des abysses profonds ... »
Il marqua une pause, avant de fixer à nouveau Elen.
« Et Luwö ? »
L’Intendant du Loup lui rendit un sourire amer qui voulait tout dire.
« La dernière fois que j'ai tenté d'entrer en contact spirituel avec lui, j'ai failli rester coincé... C'était juste avant notre départ pour trouver ces roseaux. »
Il commença à tourner en rond, fronçant les sourcils à son tour, rongé par l’inquiétude. Le Faucon le suivit du regard un moment avant de secouer la tête, poussant un soupir retentissant.
« - Du calme, Elen. Ce n’est peut-être pas lié à Luwö, mais pour ça … Il faudrait savoir si ce drame se reproduit dans les autres Clans.
- Même si cela n'est pas généralisé à tous les clans, cela sonne quand même la fin du mien.
- La fin ! Tout de suite les grands mots.
- Il y a si peu d'Ashka. Et impossible de les former sans les transes.
- Nous trouverons une solution, nous n'en sommes pas à notre coup d'essai. »
Cependant, sa frénésie était contagieuse, et l’Intendant du Faucon se tendit davantage. Ce que ressentit automatiquement le faucon sur ses genoux qui commençait à piailler faiblement, bougeant régulièrement. Il n’avait aucun mot de réconfort pour Elen, mais surtout, le problème était de taille, et les solutions risquaient d’être extrêmement difficiles à trouver. Comment leur venir en aide alors que même les Icarios leur étaient interdits ?
« - Ces derniers temps, Calith, comme l'a dit Shalassan, nous nous sommes mêlés de guerres spirituelles qui nous dépassaient. Et j'ai peur que nos actions, les miennes en particulier, ne nous aient rattrapés.
- Les élémentaires, tu veux dire ?
- Les élémentaires, la statuette... Tout ce pourquoi nous avons effectué des transes tous les deux.
- La statuette est perdue. Elle ne causera plus de tords à personne, où elle se trouve. »
Mais Elen dû sentir qu’il cherchait avant tout à s’en convaincre, car il ne prit pas la peine de relever. Il ne voulait pas croire que tout ce pourquoi ils s’étaient battus auraient jetés une telle malédiction sur les leurs. Pour les punir ? Mais de quoi ? S’être senti capable de tout ?
Son regard se voila alors qu’il repensait à la discussion avec Hermès, mais Elen ne le remarque pas, s’adossant au mur à ses côtés. Il changea bien vite de sujets, ce qui ne diminua pas le malaise du Faucon.

« - Sais-tu où se trouve Aileen ?
- Non.
- C'est elle qui a ramené Amhand, non ?
- D'un massage cardiaque, rien de bien spirituel. Amhand est revenu de lui-même. Je l'ai guetté, en grattant la surface, savoir où il s'était enfoncé. Sa transe a été d'une rare violence, et le retour d'autant plus.
- Pas d'Icarios ?
- Non.
- Tu étais près d'eux ?
- Seulement à la fin de la transe.
- Il est revenu de lui-même ou vous l’avez appelé ?
- Il est revenu comme un grand, Elen. Il a passé l'épreuve du feu, même s'il a failli y rester.
- Hum... Soit son esprit est des plus forts, soit les transes fonctionnent normalement pour les corbeaux.
- Normalement, normalement ... Son cœur s'est arrêté au réveil. »
Calith ne prit pas la peine de préciser davantage, son attention rapidement accaparée par les bruits de pas dans les escaliers. La silhouette féminine qui se dessinait n’était autre que celle d’Aileen, qui semblait avoir été réveillée par leurs échanges. Devenu peu prolixe, le Faucon accueillit l’arrivée de la Cerf avec soulagement. Il lui adressa un bref signe de tête en guise de salut alors que l’attention d’Elen semblait être désormais accaparée par la nouvelle venue.
« - Tiens, je me disais bien que j'avais entendu des gens parler...
- Bonsoir, Aileen. »



el Par Aileen  le 03/07/2011 à 23:22

Bien qu'encore un peu dans le brouillard – après tout elle venait juste de se réveiller – Aileen parvint tout de même à saluer les deux intendants d'un ton plutôt joyeux.
« -Bonsoir ! (Elle regarda tour à tour Elen et Calith et malgré la pénombre, s'aperçut qu'ils avaient l'air plutôt de méchante humeur...) Hé ben, vous en faites une tête, je sais qu'il est tôt, mais quand même...
Elen fit quelques pas vers l'avant, se rapprochant de la jeune elfe.
« -Jeune fille ! Permet moi de te féliciter !
-Que...? Pourquoi ? (A une heure pareille de la journée, elle était plutôt surprise d'une telle déclaration.)
-Tu as agi comme il le fallait. Tu as sur faire vite et bien, quand cela était nécessaire. Cette technique a probablement sauvé Amhand. (Elen tourna la tête vers Calith pour avoir sa confirmation. Ce dernier hocha la tête, sans plus. Mais le geste était suffisant.)
-Ha... Répondit-elle. C'était juste un juste un "truc" qu'on m'avait expliqué... C'était pas grand chose et j'ai eu peur que ça marche pas...
Elle détourna le regard, semblant à la fois gênée et angoissée par l'évocation des évènements précédents, fixant le sol à sa droite.
-Tu as fait ce qu'il fallait, Aileen. Et tu lui as sauvé la vie, à n'en pas douter. Il a une dette éternelle envers toi.
-N... Non ! Tu... T'y vas un peu fort... »

Entendre parler de dette éternelle la surprenais encore plus, elle n'avait pas eu l'impression que son geste était si important. Comme pour confirmer la tendance du loup à exagérer les choses, Calith maugréa à moitié :
« -Il met toujours un accent dramatique sur tout...
-Dramatique ? Dans mon clan, quand quelqu'un te sauve la vie, c'est exceptionnel. D'ailleurs, Calith, je te dois la vie. Et je ne compte pas l'oublier.

Aileen affichait maintenant un grand sourire amusé et un peu moqueur suite à la remarque de Calith. Ce dernier, jettant un regard en biais à Aileen, l'air de dire « tu vois, il en fait toujours trop. » continua sur sa lancée.

-Exceptionnel ? Avec l'esprit de meute, cela doit arriver souvent, non ?

Elen éluda la question et se tourna à nouveau vers Aileen, un autre sujet en tête.

« -Aileen, à partir de quand étais tu présente, lorsqu'il a effectué sa transe ?
-Heu... C'était vers la fin, je crois. Thunziel et Calith avaient déjà commencé à chanter les Icarios

Elen haussa un sourcil et s'adressa au faucon.
-Tu avais dit pas d'Icarios ?
Calith fronça les sourcils, l'air de réfléchir, puis haussa les épaules.
-Simple réflexe, sans doute. »

Elen semblait soudain à la fois perplexe et triste, ses jambes tremblotant légèrement, il s'assit, la fatigue de sa longue course devenant bien trop évidente. Les deux autres elfes présents ne purent pas l'ignorer.
-Elen ...?
-Qu'est ce qu'il t'arrive, Elen ? T'as l'air tout bizarre ?
-Rien... C'est la fatigue. Essayez de courir dix jours sans dormir, en consommant uniquement des rations de voyages, en étant soutenu par des sortilèges revigorants et en devançant une tempête... (il sourit avant de continuer.) Donc, Calith, tu as chanté. Et tu n'as rien senti ?
-Que voulais-tu que je ressente ?
-Aileen, est-ce que Thunziel et Calith t'ont parus un peu trop... ...absents, pendant leurs Icarios.
L'intéressée réfléchit un instant avant de répondre.
-Non, je ne crois pas... Enfin, je n’ai pas fait attention, parce que je m'inquiétais pour Amhand... Pourquoi ? Il se passe quelque chose ?
Aileen n'avait aucune idée du pourquoi ni du comment de toutes ces questions. Elle se contentait de répondre. Néanmoins ces mystères l'intriguaient grandement... Elen soupira.
-Il faut que je parle à Amhand, pour en être certain.



Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle !

el Par Calith  le 03/07/2011 à 23:30

- Si seulement « l’autre » était encore en vie…
Elen soupira, ses épaules s’affaissant. Aileen, à ses côtés, l’observait d’un air étrange, ne semblant pas comprendre un traître mot de la conversation.
- Il était taré, mais il avait réellement un don dans ce domaine. Lui, il saurait.
Alors que le Loup levait le regard vers le plafond, dans un signe de désespoir, Calith, lui, ne semblait pas s’en émouvoir outre-mesure, nourrissant calmement le petit faucon sur ses jambes par de petits morceaux de viande. Il finit par reprendre la parole, délaissant sa tâche quelques secondes.
- Marcus aussi, mais ils ne sont plus présents pour nous guider, il nous faudra nous débrouiller seuls.
- Et c'est bien notre problème : Aucun de nos clans n'est préparé à un tel évènement, s'il se généralise.
- Aie confiance. Nous trouverons.
Le silence commençait à s’installer, signe révélateur qu’au moins l’un d’eux doutait de la véracité de ces propos. Calith reprit, le faucon rassasié.
- Aileen, as-tu eu des contacts avec ton Clan, récemment ?
- Non, pas beaucoup... Je n’ai pas vraiment eu le temps, à part avec mes parents...
- Je.... Mais pourquoi, il se passe quoi ?
Elle cessa ses regards perplexes à Elen pour laisser percer une véritable inquiétude. Il fallait dire que l’agitation du Loup était presque palpable, et d’autant plus communicative. Il enchaîna d’ailleurs sur des explications très succinctes, soulageant le Faucon de cette peine.
- Jusqu'à preuve du contraire, un problème localisé que sur le clan du Loup. Mais par précautions, il vaudrait mieux que tu évites les transes et tout ce qui est lié à l'état spirituel des transes : Icarios, manipulation du Finyë...
- D'accord, je ferai attention.
Calith les coupa finalement, cherchant à ne laisser rien au hasard.
- Hm... Depuis quand, Elen ?
- Je ne sais pas exactement, j’ai eu peu de contact avec mon clan… La dernière fois, c'était la transe malheureuse de Millie. Et la première fois que la situation m'a échappé lors d'une transe... Hum...
Le Loup se remit à marcher, semblant réfléchir à voix haute.
- La première fois, c'était un rêve. Un rêve qui avait mobilisé mon Finyë, comme si la transe s'était déclenchée d'elle-même.
- Tu crois que ça pourrait être une mise à l'épreuve..? intervient la Cerf.
- Sachant que je ne peux plus entrer en contact avec Luwö pour le savoir, je ne peux rien affirmer. Ce que je sais, c'est que sans transe, un clan finit par dépérir…
- Ce peut-être temporaire, crut bon de préciser Calith.
- Même pendant les temps de la Nuit, nos Ashkas pouvaient faire des transes...
- Elen !
Calith venait de lever la voix, stoppant le Loup dans ses pensées sombres et faisant sursauter aussi bien l’interpellé qu’Aileen. Son ton ne supportait aucune protestation, et il reprit fermement.
- Ne cède pas à la panique, tu n'aideras pas ton Clan ainsi. Il va te falloir attendre davantage d'informations des autres Clans, pour le moment.
L’Intendant du Loup reprit sur un ton plus posé, regardant cette fois ces deux compagnons.
- Amhand est la clé, Calith, je le sens. J'ai l'impression que tout est lié. Vous avez dit qu'il y avait deux entités dans les tempêtes... Je suis certain que cela a un rapport.
- Peut-être, livra le Faucon d’un air peu convaincu.
- De là à penser qu'Amhand est la clé... continua Aileen, comme en écho à ses propos.
- Cela touche aussi au monde spirituel. Amhand est le premier à avoir effectué une transe depuis qu'il y a ces problèmes dans mon clan. Et, qui plus est, il est trop jeune pour l'avoir effectuée dans des conditions normales.
- Si cela te semble si évident, tu n'as plus qu'à frapper à sa porte.
- Je ne vais pas le réveiller en pleine nuit. Pas après l'épreuve qu'il vient de subir...
Mais déjà, le Faucon se levait, l’oiseau précédemment sur ses genoux s’envolant un instant avant de le remplacer sur son perchoir improvisé. Il dépassa Elen qui se rapprochait de la chambre du Corbeau à pas de loup, entrouvrant la porte. Calith eu moins de finesse, frappant sans aucune retenue contre le bois. S’il n’était pas réveillé, maintenant, il l’était.



el Par Elen  le 14/07/2011 à 09:27

Juste après avoir frappé, Calith entrouvrit la porte de la chambre du Corbeau, disant :

« Mais je crains qu'il n'aura pas la solution que tu recherches tant, en tout cas, pas sur un plateau... »

Elen hocha la tête, jetant un coup d’œil dans la chambre. Amhand était assis à même le sol, contemplant l'air vide les flammes de la cheminée. Cet état étrange inquiéta immédiatement Elen, qui craignit le pire. Le Loup se précipita donc dans la chambre pour venir auprès du jeune infortuné, posant une main sur son front. Aileen les regarda faire sans comprendre puis leva les yeux au ciel en lâchant un "Aucune discrétion !" avant de les suivre à l'intérieur de la pièce. L'Intendant du Clan du Loup sonda légèrement le Finyë de Amhand, afin de s'assurer que tout allait bien. Dans ce genre de situation, mieux valait joindre la parole aux actes :

« Amhand ?!
– Et bien, il est parfaitement réveillé.
– Parfaitement... »

L'échange entre le Loup et le Faucon fut à ce point bref et dénué de tout intérêt que Aileen bailla. Amhand fit alors son premier geste, témoignant que son esprit et son corps étaient bel et bien au même endroit : il tourna la tête en direction de la porte d'entrée, observant Calith et Aileen du coin de l’œil tandis que Elen tâtait son front. Cela ne dura qu'un instant de plus : l'Intendant, plus ou moins rassuré par la réaction du jeune aveugle cessa son auscultation. Cependant, le fait qu'il n'avait pas encore émis le moindre mot semblait des plus alarmant pour Elen.

« Amhand ?
– Il va bien. Cesse de t'inquiéter. » tempéra Calith.
« J'ai peur qu'il ait laissé quelque chose derrière lui. »

Au même instant, Aileen prit un air faussement vexée. Elle s'occupait en effet de son malheureux compagnon depuis l'incident.

« Vous croyiez quoi ? Que je le maltraitais ?! » lança-t-elle.

Amhand bascule légèrement la tête sur le côté, mollement. Il murmura ses premiers mots depuis qu'ils avaient fait irruption dans la pièce :


« Je vais bien Elen...
– Amhand, notre cher Intendant avait des questions pour toi. » avança Calith, désireux d'en finir au plus vite.

Amhand tourna sa tête vers Elen, interrogatif, bien qu'il ne puisse pas le voir. L'Intendant du clan du Faucon, quant à lui, s'adossa au mur, non loin de la porte, patientant. Elen commença par quelques phrases pour aider le jeune Corbeau à reprendre confiance en lui :


« Amhand, tout d'abord, c'est bien que tu t'en sois sorti. »

Haussement d'épaules...

« Je suis heureux que ta première transe n'ait pas signé ton arrêt de mort. Même si c'était très imprudent de ta part de le faire aussi tôt.
– C'est Aileen qu'il faut remercier, je ... je n'ai fait qu'échouer... »

Aileen se dirigea vers la porte et la ferma, après avoir vérifié que personne ne s’amusait à épier leur conversation. Calith leva les yeux au plafond, sidéré par les parole de son homologue du clan du Loup. Amhand n'apprendrait jamais avec ça !

« Sans elle, je serais encore entre deux eaux...
– Par Cherug ... Il faut que je fasse tout par moi-même. Amhand, la prochaine fois que tu cherches à te tuer, tu éviteras de le faire en pleine forêt, seul, ou quasiment, et sous la menace de tempêtes.
– Calith, calme toi... Avoue que ce qu'il a fait est une prouesse. » tenta de tempérer Elen.
« Non. Je ne l'inciterais pas à recommencer, Elen. C'est une idiotie avant d'être une prouesse, quoique tu en dises.
– Je... je ne sais pas ce qui m'a pris, tout à coup, alors qu'on se dirigeait vers Fernliae, j'ai senti que c'était le moment... Pardonne moi. Elen, Calith a raison, c'était inconscient... » balbutia le Corbeau.
« Il ne recommencera pas, n'est-ce pas Amhand ? » poursuivit Elen, ayant à peine écouté les propos du principal intéressé.

Celui-ci baissa la tête, tel un enfant qui avait gravement fauté.


« Pas avant que tu n’aies reçu une formation auprès de moi ou Calith ou Thunziel...
– Il a pas intérêt, j'ai pas envie de recommencer un truc pareil... » intervint Aileen.

A ces mots, Amhand passa sa main sur ses côtes. Les deux jeunes gens n'avaient visiblement pas apprécié du tout la situation. Elen surpris le geste du Corbeau et s'enquit :


« Est-ce douloureux ?
– C'est mieux, la pommade de Lindorie et les séances de soin de Thalie font effet. »

En effet, la douleur s'estompait jour après jour, et il serait bientôt guéri. Aileen vint s'asseoir près d'Amhand, l'air peinée.

« ...Désolée »

Elen ne laissa pas le temps au Corbeau de répondre à la jeune Cerf. Il passa même rapidement sur la blessure de son compagnon car il la jugeait sans importance pour l'instant :

« J'ai des onguents efficace, moi aussi, si tu le souhaites. Amhand, il faut que tu me racontes. Comment s'est passé le début de ta transe ?
– Tu n'as pas à être désolée, tu as fait tout ce que tu as... » commença Amhand, en même temps que Elen.

Cependant, lorsqu'il entendit le propos de l'Intendant du clan du Loup, il s'arrêta net, tournant à nouveau la tête vers les flammes.


« C'est donc vraiment de cela que vous voulez parler ?
– Oui. Je veux savoir ce que tu as ressenti. T'es tu enfoncé profondément d'un seul coup ? Ou as tu eu l'impression de franchir des paliers ? Y a-t-il eu une force irrésistible qui attirait ton esprit toujours plus bas ? C'est très important. »

Aileen posa sa main sur le bras d'Amhand, en signe de soutient face à cet étrange interrogatoire. Elen, observant malgré lui le geste, se demanda si le blessé et son infirmière forcée ne s'étaient pas rapprochés significativement...

« J'étais... léger... Au début en tout cas... »

Elen hocha la tête, cette sensation étant tout à fait normale lorsque l'on débutait une transe.

« Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé avant, je me souviens d'Areimar, la forêt, les tourmentes Et puis, tout d'un coup, je l'ai senti, c'était le moment... Et après... Le trou noir, et puis petit à petit les choses se dessinent. Et cette brise légère... »

Amhand respirait fortement. Elen posa sa main sur l'épaule du Corbeau, pour l'apaiser. Brusquement, Amhand s'en saisit.

« Je pouvais voir, voir les choses... Depuis si longtemps!
– C'est l'effet qu'ont les transes, Amhand...
– Oh, pas de grandes choses, juste de simples lignes... »

Aileen semblait s'inquiéter de la tournure des événements.

« Tant de... » commença-t-il, déglutissant. « ...couleurs... »

Amhand se leva brusquement.

« La bas ! » cria-t-il, désignant du doigt une insignifiante armoire

Aileen se relève tout aussi brusquement, le mettant en garde :


« Attention !! T'es blessé !! »

Mais rien ne semblait arrêter le Corbeau, exalté. Calith l'observait du coin de l’œil, comme s'il lui manquait une case. Elen lui, parfaisait mi intrigué mi inquiet, tandis que le jeune aveugle décrivait :

« Un arbre... vert, tant de lignes...
– Et tu as ressentis quelque chose d'autre ? Que les couleurs, je veux dire. Et les images.
– J'ai vu Elen... J'ai vu ! La bas
– Calme toi, Amhand..... Fait attention, s'il te plaît !! » tenta de l'interrompre Aileen, sans effet.
« Des animaux !!! »

Amhand tournait sur lui même doucement, affichant un large sourire sur son visage.

« Ces couleurs t'appelaient-elles ?
– Oh oui! Je voulais m’approcher, voir d'autres formes, d'autres couleurs!
– Et tu l'as fait ? »

Amhand se raidit instantanément, l'air frustré.

« Jusqu'à quel point, Amhand ? C'est très important.
– Non... Je n'ai pas pu les toucher ! » répondit le jeune Corbeau, dépité.

Aileen lança un regard inquiet à Elen, troublée par les réactions de son patient, comme si elle voulait que tout cela cesse.


« Elen... » commença-t-elle, interrompue par Amhand :
« Mais il était là !
– Il ?
– Le Totem... Il me montrait le chemin...
– Le Corbeau... »

Elen soupira de joie :

« Amhand, c'est bon. J'ai ce qu'il me faut... »

Mais cela n'arrêta pas le jeune Corbeau, qui revivait intensément sa transe.

« J'aurais voulu voir ses formes, mais, mais...
– Ne t'épuise pas d'avantage. » dit Elen, haussant légèrement le ton pour le sortir de son rêve éveillé.

Amhand se figea, les mettant en garde :


« Ne bougez plus ! Elle est juste la ! »

Il semblait tétanisé. Elen reconnaissait plus ou moins ces propos, pour les avoir déjà entendus, par le passé. Lorsque son propre mentor voyait des choses qui lui étaient invisibles. Qui sait... Peut-être que...

« Pleine de couleurs
– Amhand, calme toi. Et reviens.
– On dirait qu'elle explose sans cesse, d'autres couleurs, encore et encore...
– Les couleurs ne sont pas là. »

Aileen n'y comprenait plus rien et ne savait plus quoi faire pour que cela cesse. Elle se mordait la lèvre inférieure, tortillant ses doigts. Elen posa ses deux mains sur les deux épaules du Corbeau, bien décidé à le faire revenir, tandis que ce dernier tendait sa main dans le vide.

« Elles sont deux...
– Amhand, ne te perd pas. »

La Cerf recula, comme effrayée :

« Amhand tu... Tu es sûr que ça va ? Elen ! Qu'est ce qu'il se passe ?
– Je ne sais pas. » répondit ce dernier.

Il réfléchissait à toute vitesse, murmurant pour lui même :

« Je crois qu'il a laissé quelque chose derrière lui. »

Calith se rapprocha du Corbeau... Il avait une idée de la thérapie à prescrire à ce dernier et commençait à se lasser de voir les deux autres s’empêtrer dans des réflexions inutiles. Calith flanque une gifle retentissante au Corbeau, faisant sursauter Elen et Aileen, cette dernière semblait sur le point de céder à la panique. Elen fronça les sourcils, à la fois surpris par le geste de son homologue et curieux de voir la réaction de la victime de la baffe.
Amhand s'avança calmement vers le lit et s'assit... Il porta sa main à sa bouche et laissa échapper un filet de sang...


« Amhand qu'est ce qu...? » s’inquiéta Aileen.

Elen se rapprocha, posant sa main avec douceur sur la côtes du Corbeau. Le choc avait du rouvrir une légère hémorragie à l'intérieur. Le sang colorait aisément la salive et quelques gouttes seulement suffisaient à rendre le phénomène impressionnant.
L'Intendant murmura des mots en Loup ancien, fermant les yeux, tandis que Aileen se précipitait vers Amhand, mais restait incapable de faire quoi que ce soit. Les côtes de se dernier se baissaient et se soulevaient au rythme de sa respiration.


« Je... »

Elen demanda à Amhand de se calmer dans le langage ancien du clan du Loup, par réflexe, bien qu'il sache pertinemment que le Corbeau n'en comprendrait pas un mot. Le front du Corbeau était perlé de sueur. Elen avait bien un mélange de plantes qui pouvaient s'avérer utile en cas d'hémorragie dans les poumons. Mais pour cela :

« Aileen, va mettre de l'eau à chauffer, veux-tu ? »

Aileen répondit à Elen par un bref signe de tête et s'exécuta. Amhand poursuivit, bien éveillé cette fois-ci par la percutante thérapie du Faucon.

« Je voulais juste voir des couleurs...
– Amhand, il faut les oublier, pour l'instant. Je t'apprendrai, en temps voulu, à effectuer des transes, sans danger. Mais si tu le refais, maintenant, tu vas laisser plus derrière toi que tu ne le peux. »

Calith soupira. Elen ne disait pas tout à Amhand. Peut-être ne pourrait-il jamais lui apprendre l'art de la transe comme il le lui promettait. Aussi, le Faucon jugea bon de préciser la situation :

« Amhand, le Clan du Loup a de graves problèmes, actuellement. Plusieurs des leurs se sont enfoncés trop loin dans les strates de la transe et n'en reviennent pas, même des Ashkas expérimentés dans le domaine.
– Et ta transe n'a rien à voir, cela me rassure. Elle semble presque banale, même si tu manquais d'expérience pour en revenir seul. » ajouta Elen à l'attention de Amhand.

Ce dernier semblait avoir eu la révélation de sa vie, et il poursuivit comme s'il ne les avait pas entendus :


« Je n'ai rien fait... Il était là, c'est lui qui m'a forcé ! »

Aileen regardait fixement le feu, accroupie devant l'âtre, semblant se calmer progressivement en contemplant les flammes. Elle faisait bouillir de l'eau, comme le Loup le lui avait demandé.

« Tu ne dois pas te laisser emporter par cette frénésie. Il te faudra attendre avant de maîtriser mieux les transes. » poursuivit Calith. « Et surtout, attendre que ce problème soit réglé. » continua-t-il, plus pour Elen que pour le Corbeau.

Ce dernier plongea sa tête dans ses bras, laissant une larme se former doucement. Celle-ci s'échappa de son œil et vint s'écraser sur le plancher.


« Pardonnez moi...
– Il n'y a rien à pardonner. Te es jeune. Tu te laisses emporter par tes émotions. Je te promets, Amhand, dès que j'en aurai les moyens, je te formerai. Tu feras des transes comme n'importe quel Ashka de ton clan.
– Heureusement que je suis là pour jouer les sévères... » maugréa, en retournant près de la porte.

Sans cesser de fixer les flammes, Aileen voulut partager avec leur infortuné compagnon quelques événements issus de sa propre expérience.


« Tu sais, Amhand... Moi aussi, ma première transe, ça a pas été facile... Et puis arrête de pleurer, sinon, moi aussi je vais...! »

Amhand essuya ses larmes de sa manche, répondant à Aileen :

« Je voulais juste... voir les choses...
– Et tu les verras. » assura Elen. « Mais pas tout de suite. Pour l'instant, tu as besoin de repos. Et d'une formation.
– Merci Elen... »

Amhand s'allongea sur le lit, la tête tournée vers les flammes. Calith fronça les sourcils, d'un air perplexe, ajoutant :

« Laissons-le se reposer, Elen, Aileen. Il va bien. Fausse alerte.
– Oui... » fit timidement Aileen.

Amhand ferma les yeux et s'endormit "paisiblement". Calith se retira dans le couloir, lui jetant un dernier regard. Elen prononça quelques mots encore :


« Dors, Amhand. Dors, et que tes rêves chassent tes tourments.
– S'ils pouvaient chasser les tourmentes aussi... » lâcha Calith depuis le couloir...

Imperturbable, Elen récita une bénédiction en Loup ancien avant de quitter la pièce, suivi par Aileen. Celle-ci, relativement inquiète, demanda :

« ...Vous êtes sûrs que je peux pas rester..? Au cas où...?
- Aileen, reste, si tel est ton souhait, et si Amhand le désire. Appelle moi au moindre besoin. Je suis dans la chambre d'à côté...
– Merci...
– Aileen, prend ceci. Ce sont des herbes très puissantes qui guériront ses saignements intérieurs, s'ils se poursuivent. Infuse les dans l'eau chaude, laisse tiédir la boisson et demande lui de se rincer la bouche avec. Et si le sang vient de ses poumons, il faudra que l'infusion aille là bas. C'est sans danger... »

Sur ces dernières recommandations, Elen salua Aileen. Calith fit un signe de tête à la Cerf, refermant donc la porte derrière son homologue.

« Tu vas rester ici dans ce couloir, Calith ?
– Oui.
– Viens plutôt avec moi au rez de chaussé. Ils vendent une ale particulière ici. J'y ai veillé lorsque nous avons construit l'endroit...
– Tu devrais dormir, Elen...
– Je devrai... Mais Morphée me refuse ses bras. » répondit-il, songeant qu'il devrait faire de nombreuses choses, malgré le fait que sa course était proche. « Et de toute manière, j'ai ceux de ma femme ! » ajouta-t-il malicieux.

Calith répondit tout d'abord par un pâle sourire puis :

« Alors, c'est d'accord. »

Elen accompagna Calith au premier, songeant à des projets qui l'éloigneraient peut-être définitivement de ses compagnons... Pour cela, il devrait attendre qu'ils partent... Pour le Gouffre des Lunes...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 14/07/2011 à 19:21

La fin

Des pas... Un couloir... Une ombre...

« Neny ? Neny ? »

Une porte... Et la lumière ! La lumière qui éblouit et blesse les yeux...

Les deux Lunes sont au zénith. Elles éclairent de leur lumière blafarde les rues désertées de Fernliae. La ville n'est plus que le pâle reflet de ce qu'elle était quelques jours plus tôt. Les rues sont dévastée, comme après le passage d'une... d'une tempête. Des débris divers et variés jonchent le sol : poteries détruites, branchages, objets d'art en tout genre et des restes de ce qui furent des bâtiments que la foudre frappa.


« Neny ? »

Il traversa le désastre de la ville pour se rendre dans les bois... La forêt... Se réfugier sous le couvert du feuillage... Se cacher des étoiles...

Les chausses... Il les abandonna, goûtant à l'humidité de l'humus... Il courait, comme il n'avait jamais couru. Son esprit s'égarait dans une toile de pensées insolubles qui virevoltaient en tous sens, insaisissables.

Chaud, très chaud... Dans sa course, il laissa un tas derrière lui... Un tas de vêtements... Il filait nu, le froid mordant sa chair et sa peau. Il distinguait les animaux nocturnes qui s'éloignaient à son passage. Il sentait les arbres. Il sentait le vent. Et cette barrière qui s'effritait peu à peu...


« Neny nes denada le ? »

Une pâle lueur émanait de son épaule à présent. Pâle mais croissante. Il planta ses dents dans sa main droite. D'une secousse de la tête, fermant les yeux, il arracha un lambeau de peau, le recrachant à terre. Des insectes charognards se précipitèrent pour dévorer la chair laissée à l'abandon sur son passage.

Un liquide chaud et poisseux coulait le long de sa main, laissant derrière lui une traînée rouge. Des créatures diverses et variées, attirée par l'odeur, se joignirent à sa course.

De sa main vierge de toute blessure, il traça sur son corps des marques rouges rituelles. Des cercles, des courbes, des traits entrelacés.


« Neny Kowü ? Neny melada le ? »

Il parvint enfin à la tour Organa, fraîchement bâtie. L'édifice se dressait à l'orée de la sombre forêt, fier et noir d'encre dans la nuit. La rivière de Poséidon chantait pour eux, ce soir, d'une voix étouffée. Il pénétra dans la tour, gravissant un à un tous les étages, jusqu'à parvenir à son sommet.

Toutes les marques de sang semblaient luire sous les Lunes... Ou était-ce le Finyë ? Il s'installa en tailleur sur les pierres froides de la gardienne, basculant petit à petit dans un monde d'ombre et d'obscurité...


« Neny le denada le ? »

Il fermait les yeux. Toutes ces choses qu'il avait faites. Toutes ces sacrifices. Il se sentait tellement inutile.

Le destin les rattrapait. Ils appartenaient au passé désormais. Un passé révolu que rien ne ramènerait. Plus rien à présent ne pouvait empêcher l'avènement de cette nouvelle ère contre laquelle ils avaient tant lutté. Mais le monde était plus fort.


« Millie, ne le ovalo... »

Ils étaient les derniers d'un peuple qui agonisait depuis des millénaires...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 15/07/2011 à 09:50

Plongée

Il sentait les barrières du monde des esprits céder sans difficulté, freinant à peine sa progression. Lorsqu'il passait d'une strate à l'autre, habituellement, il y avait comme une légère résistance. Comme lorsque l'on tire de plus en plus sur un élastique, l'esprit aspirait plus que tout à retourner vers son corps d'origine.

Pour les novices, ceux qui ne savaient pas encore ancrer leurs esprits dans leurs corps, ces barrières étaient comme invisibles. C'est pourquoi les Elfes des Lunes avaient mis au moins les Icarios : ces chants rituels servaient, entre autre chose, à créer une passerelle entre le monde des vivants et celui des esprits. Cette passerelle liait l'esprit au corps et permettait, au besoin, de ramener quelqu'un qui se serait trop enfoncé.

Et aujourd'hui, les barrières ne semblaient plus exister. Il sombrait, irrémédiablement vers les ténèbres des couches les plus profondes de la transe. Celles là même d'où l'on ne revenait quasiment jamais. Pourtant, il sentait comme une déchirure dans sa poitrine, comme si quelque chose avait attrapé son cœur et le broyait dans une étreinte d'acier.

Alors qu'il dépassait enfin les strates les plus profondes dans lesquelles il avait osé s'aventurer jusqu'ici, il sentit comme un appel. Comme si quelque chose qui lui murmurait tendrement à l'oreille.

Ici tous ses problèmes seraient résolus. Plus rien ne troublerait sa quiétude, son calme. Ici, jamais plus il ne souffrirait. Plus rien ni personne ne lui causerait la moindre peine. Jamais il ne serait blessé. Jamais il ne mourrait.

On lui offrait le repos éternel.

L'oubli.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

Par Google  

el Par Elen  le 15/07/2011 à 17:58

Le néant

Noir.

Plus un son.

Plus rien.

Le néant enveloppait tout ici. Il éliminait consciencieusement chaque source de lumière provenant de l'autre monde. Des centaines d'âmes terminaient de se dégrader, à jamais piégées dans l'entre deux mondes. Jamais plus elles ne rejoindraient les Enfers ou le monde des vivants. Une fois ici, presque personne ne revenait.

Son esprit flottait dans l'obscurité, apaisé. Il se sentait bien ici. Il parvenait à séparer ses pensées. A éliminer les parasites qui grisaillaient habituellement dans sa tête. Ses sensations elles même semblaient disparaître. Sa vue devenaient de plus en plus floue, comme si une brume recouvrait son regard. La douleur dans sa poitrine s'estompait petit à petit.

Il flotta longtemps, longtemps, terriblement longtemps. Autour de lui, rien. Le vide le plus total.
Enfin, il rencontra un esprit. Celui d'une fillette de huit ans. Son petit corps juvénile était entouré de brumes opaques. Depuis combien de temps était-elle coincée ici ? Elle échangea un regard glacé avec lui :


« Que faites vous ici ?
_ Je cherche... »

Elle ne lui laissa pas terminer sa phrase :

« Vous ne trouverez rien ici. »

Elen balaya l'obscurité du regard, plissant les yeux sans que cela n'ait aucun effet sur sa vue.

«  Où sommes nous ?
_ Dans le Désert Onirique. »

Le Désert Onirique ? Il n'avait jamais entendu parler de cela. Aucune légende ne mentionnait ce terme. Pourtant, d'autres étaient parvenus jusqu'ici. Et quelques uns en étaient revenus.

« La fin de tout de qui sera et le début de ce qui était. »

Cela n'avait aucun sens.

«  Excuse moi, petite. Je dois...
_ Vous ne trouverez rien ici. » répéta-t-elle.
« Je dois tout de même essayer. »

Il reprit son chemin, abandonnant l'enfant. Cependant, celle-ci lui emboîta le « pas », silencieuse et absente.




Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 18/07/2011 à 09:54

Les chanteurs

Combien de temps s'écoula-t-il au juste ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il fit une nouvelle rencontre : un groupe d'Elfe. Elen les reconnus au premier coup d’œil : l'Edoniel, le Kitalië et le Bakany qui avaient chanté les Icarios pour Millie. Leurs pâles et scintillantes silhouettes formaient un triangle remarquablement régulier. Ils n'avaient pas encore perdu toute leur lumière. Et ils chantaient encore, inlassablement.

« Ximès ? Lithan ? Etendas ? Vous m'entendez ? »

Aucun des trois ne répondit. Ils étaient comme absorbés par leur chant, un brume sombre les recouvrant jusqu'aux chevilles. L'Intendant se rapprocha des chanteurs et tendit le bras vers Ximès, le plus jeune d'entre eux.

« Je n'aime pas ce qu'ils chantent. » déclara la fillette, interrompant le geste du Loup. « Ce n'est pas très beau.
_ Ah ? Et quelle chanson aimes-tu ?
_ J'aime beaucoup vos chansons... »

Elen sombra dans la perplexité. Que pouvait-elle savoir de ses chants ?

« Eh bien je te chanterai une chanson plus tard, alors. Mais auparavant, je dois terminer ce que j'ai entrepris.
_ Ils ne font rien d'autre que chanter... »

L'Intendant approcha sa main de Ximès, la posant sur l'épaule du jeune Loup. Il voulut retourner l'Elfe, d'un geste vif. Mais le corps de se dernier semblait peser aussi lourd qu'une montagne. Il lui fut impossible de provoquer un face à face de cette façon. Il tenta la même chose avec les deux autres, et le résultat fut identique.

Il décida alors de se placer au centre du triangle des chanteurs. Il n'avait pas fait un pas dans cette direction que sa poitrine sembla s'alourdir. Un hurlement aiguë retentit :


« Non ! »

La petite fille le retenait de ses deux petites mains, ses yeux noirs le suppliant de renoncer.

« N'entrez pas dans le cercle...
_ Et pourquoi, je te pries ?
_ Ils me font peur... »

Il tenta malgré tout de pénétrer le cercle des chanteurs, mais la petite le retenait fermement, comme si elle était douée de la force de plusieurs Géants adultes !

« Veux-tu bien me lâcher !
_ Partons !
_ Pas avant que je n'ai pu leur parler.
_ Ils ne vous répondront pas !
_ Et comment le sais tu ?
_ Vous ne trouverez rien ici !
_ Qu'en sais-tu ?
_ Il n'y a rien ici. »

En effet, lorsqu'il se retourna pour faire face à nouveau aux chanteurs, ces derniers s'étaient évanouis. Il ne persistait aucune trace d'eux, hormis un vague écho de leurs chants. La fillette le relâcha.

« Tu es contente ? Maintenant ils sont partis !
_ Ils n'ont jamais été là...
_ Il va falloir que je les retrouves !
_ Vous ne trouverez rien ici... »

Lassé par cette discussion stérile, l'Intendant se remit en route. Dans le noir. Suivit de la gamine qui, comme une ombre, lui emboîtait le pas.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 18/07/2011 à 18:17

L'Origine

Il progressa encore ce qui lui paru des heures et des des heures dans ce monde terne et glacé. Rien ne changeait autour de lui. Parfois, il percevait comme l'écho d'une lueur passée, depuis trop longtemps disparue. Plus rarement, il croyait apercevoir au loin des lumières mais, lorsqu'il courait vers elles, elles semblaient s'évanouir dans la brume. L'obscurité, en vérité, n'avait jamais été plus complète. Et le silence commençait à lui peser. Sa compagne de route ne lui avait plus adressé un mot depuis l'incident des chanteurs.

Soudain, une vivre lumière fit son apparition à l'horizon. Plus vive que toutes celles qu'il avait aperçue jusque là. Il se dirigea vers elle et, pour une fois, elle ne sembla pas disparaître. Au contraire, elle brillait de plus en plus à mesure qu'il en approchait la source.

Elen s'arrêta à quelques pas de l'esprit qui émettait cette lumière, comme s'il ne pouvait pas s'en approcher plus encore : sa poitrine le tiraillait un peu plus à chaque pas. La gamine, quant à elle, se dissimula derrière le Loup. Il plissa les yeux, et il la distingua. Millie !

L'Ashka semblait offrir une bien plus grande résistance au néant que les autres esprits qu'il avait rencontré jusque là. Elle irradiait de vie. Comme si elle venait à peine d'entrer dans cette transe. Pourtant, cela faisait bel et bien plusieurs saisons qu'elle était partie.


« Millie ?
_ Elen ? Tu me sembles bien sombres. Que fais-tu ici ?
_ Je te cherchais.
_ Tu es certain que tout va bien ?
_ Oui, tout va bien.
_ Mes apprentis progressent rapidement. Comment vont Kyneth, Milka et Landeras ?
_ Ils vont bien, Millie. C'est pour toi que je m'inquiète !
_ Pourquoi faire ? La Tanière est très calme en ce moment. Ce n'est pas parce que tu n'es pas ici qu'une catastrophe va arriver.
_ A la Tanière ?
_ Elen... Ça n'a vraiment pas l'air d'aller. Tu es sur que tu ne veux pas aller t'allonger ? Ta chambre est prête, tu sais.
_ Ma... Millie ! Nous ne sommes pas à la Tanière !
_ Tu divagues, Elen. Laisse moi te préparer quelque chose à boire. Un thé ?
_ Enfin ! Millie ! Regarde autour de toi ! Nous ne sommes pas chez nous ! »

La Louve fit un tour sur elle même, étrangère à l'environnement inhospitalier. La folie avait dû gagner son esprit, depuis trop longtemps coincé en ces lieux.

« Millie, il faut que tu regardes mieux. Nous sommes en pleine transe. Cela fait plusieurs saisons que tu es partie.
_ Elen... Je ne vois rien d'inhabituel. Tout est à sa place.
_ Je peux à peine imaginer comme cela a du être dur de rester seule ici ! »

Les yeux de la Louve s'agrandirent. Sa lumière vacilla, comme la flamme d'une bougie en plein courant d'air.

« Seule...
_ Millie. Viens avec moi ! Je peux te ramener.
_ Seule... »

Les brumes commençaient à envelopper l'Ashka. Elen lut sur le visage de son homologue qu'elle voulait pleurer, plus que tout. Mais la chose était impossible en ces lieux.

« Elen, je suis si seule...
_ Millie... Viens... »

Il lui tendit la main, l'invitant à s'en saisir. Mais la pauvre semblait totalement absente à ce qu'il lui disait. Comme si elle ne le voyais pas, ni ne l'entendait. Des volutes de brumes obscurcissaient déjà la moitié de son corps.

« Cela fais si longtemps...
_ Millie ! Ma main ! Prends ma main !
_ Il n'y a... Personne ne... »

Soudain, un éclair de lumière irradia le monde des esprits, perçant un instant la brume alors qu'elle semblait se remémorer quelque chose d'une importance capitale. L'éclair laissa place aux ombres, qui l’enveloppaient à présent jusqu'au menton.

« Elen ! L'Origine ! C'est la clef ! Cherche l'Origine ! »

Et Millie disparut, le laissant seul dans les ténèbres. Elle s'accrochait désespérément au monde des vivants. C'était son illusion qui la maintenait. Et il la lui avait brisée. Elle était partie, à présent. Définitivement. Elen se tourna vers la petite fille, calme et silencieuse depuis le début de la rencontre.

« Où est-elle, à présent ?
_ Qui ?
_ Millie !
_ Il n'y a personne ici... »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 19/07/2011 à 09:37

L'ancre

« Chantez pour moi... »

Il sursauta.

« Vous avez promis. »

Chanter ? Cela lui paraissait sans danger.

« Installe toi, alors. »

La petite fille s'assit par terre, écartant des volutes de brume dans son mouvement. Elle s'assit dans le vide, posant sa tête sur ses genoux, prête à l'écouter. Il détailla l'enfant. Elle lui parut maigrichonne. Derrière ce brouillard qui semblait tout envelopper, il ne parvenait pas à distinguer clairement ses traits.

« Comment es-tu arrivée jusqu'ici ? »

Elle fit une grimace, visiblement déçue qu'il remette à plus tard le chant.

« Nous sommes dans le Désert Onirique.
_ Pourquoi es-tu là ? »

Elle haussa les épaules :

« Vous ne trouverez rien ici.
_ Pourquoi es-tu seule ?
_ Il n'y a personne ici. »

La petite fille lui lança un sourire. Ce dernier n'avait rien de chaleureux, en vérité. Moins qu'un sourire, cela ressemblait plus à une ombre sur son visage.

Et il comprit.

La gamine n'était pas un esprit égaré, comme lui ou d'autres. Elle ne venait pas du monde des vivants. Elle n'avait probablement jamais été vivante, au sens où les mortels l'entendent. Elle n'était qu'un émanation du néant. Une créature qui lui faisait perdre à la fois son temps et sa raison.

Elle coupait petit à petit son lien avec le monde des vivants, si cela n'était pas déjà fait. Les voix, qu'il avait entendues en descendant vers cette strates profonde de la transe, elles provenaient probablement d'elle.


« Vous ne chantez pas ? J'aime vos chansons.
_ Qu'en savez vous ? Vous ne me connaissez pas !
_ Vous êtes Ereinlen, ou Elen, Intendant du Clan du Loup. Vous êtes né dans le froid. Vos parents sont des déceptions. Vous avez perdu quelqu'un dans les sables. Vous voulez le revoir, mais vous savez que là où il est, à présent, vous ne pourrez l'atteindre...
_ Stop, stop, assez ! Visiblement, je n'ai pas de secret pour vous... »

Comment allait-il rentrer ? Qu'avait-il prévu au juste pour retourner parmi les siens ? Maintenant qu'il avait démasqué la gamine, il savait que son temps était compté. Elle ne le laisserait pas aisément rejoindre le monde des vivants. Son corps... Il fallait qu'il le retrouve.

La petite fille fit non de la tête.


« Il est trop tard. Vous faites déjà parti de ces lieux... »

Il paniqua. Que voulait-elle dire ? Était-il déjà condamné ? Il n'avait passé que quelques heures... Quelques...

Non.

Combien de temps était-il resté, au juste ? Il frissonna. Il n'en avait aucune idée ! Vraiment aucune... Et pourtant...


« Si je fais déjà parti de votre royaume, pourquoi me suivez vous ? »

La gamine grimaça, faisant un pas vers lui alors qu'il reculait pour s'éloigner d'elle.

« Je crois que je suis encore libre de partir... Vous ne seriez pas là, sinon !
_ Il n'y a personne ici ! Il les ont effacées ! »

Effacées ? De quoi parlait-elle ?

« Reculez, créature ! »

La gamine émit un cri perçant, loin des sons que l'on produisait naturellement. Un mélange entre des ongles crissant contre de l'ardoise et le bruit d'une lame que l'on tire de son fourreau.

Il avait renoncé à Olympia, en venant jusqu'ici. Mais il avait forcément laissé derrière lui quelque chose qui le ramènerait. Le sang... Les marques... Qu'avait-il écrit sur son corps, au juste ? C'était la première fois qu'il se lançait dans un tel rituel. Mais il avait lu nombre de recueils sur le sujet. Les marques rituelles n'étaient pas un hasard. Elles avaient une signification.

Il blêmit lorsqu'il s'en rendit compte : effacées ! Les marques ! On les lui avait effacées !

La gamine se rapprochait dangereusement, tendant ses mains vers lui. Ses yeux étaient devenus des orbites vides et noires tandis que sa bouche s'ornait de crocs. Ses bras s'étaient allongés et ses mains s'étaient pourvues de griffes. Elle ressemblait à présent à un monstre cauchemardesque.



Qu'avait-il écrit ? Il renonçait à Olympia. Il n'avait pas pu renoncer à tout ce qu'il avait... Qu'avait-il, au juste, qui soit assez fort pour le tirer des limbes de la transes ?

A l'instant où l'ombre l'attrapait, il s'écria :


« Nil ! J'ai gardé Nil ! »

Sa poitrine se souleva, comme si on lui arrachait le cœur. Il se sentait tiré irrésistiblement vers le haut mais la gamine le retenait de sa force colossale dans son antre de ténèbres.

« Lâche moi ! »

Elle poussa un nouveau hurlement, l'attirant inlassablement vers le bas. Sa poitrine se déchirait. Il savait que si cela continuait, son lien avec le monde des vivants se déchirerait. Il était déjà bien trop étiré, malgré sa force et sa pureté. Si la créature persistait à l'attirer vers son domaine, c'en serait fini de lui...

Se remémorant les événements de sa transe, qui n'avait rien de commun avec les habituelles images et évocations des transes normales, il songea qu'il avait peut-être une chance de se débarrasser du néant qui s'acharnait à le retenir.


« Tu veux m'entendre chanter, hein ? Eh bien tu vas en avoir pour ton argent ! »

De la voix la plus forte qu'il le put, bien que cela n'eut aucune importance en ces lieux, il entonna des Icarios. Les plus simples, au début, firent frisonner la créature. Lorsqu'il les adapta à sa situation, chantant des couplets qui n'avaient jamais été entonnés jusque là, la créature pourra un dernier hurlement et le lâcha.

Il fut brusquement soulevé, et entraîné à travers les différentes couches de la transes. Il heurta une à une les barrières, manquant de détruire son lien vers le monde des vivants.

Le but de son rituel de sang, son ancre, c'était Nil'Nelia...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par Ambre  le 19/07/2011 à 10:59

Je me permets une petite apparition dans cette suite de récits, pour t'encourager et te demander de continuer dans cette voie.
C'est très bien écrit, fluide, ça parait presque réel.
Je la vois, moi, la petite fille. Je l'entends presque.
Un des meilleurs textes qu'il m'ait été donné de lire.



el Par Elen  le 19/07/2011 à 17:29

Retour

Il se redressa, ouvrant les yeux et aspirant goulûment une bouffée d'air frais. Où se trouvait-il au juste ? On l'avait habillé. Avec des vêtements qui n'étaient pas les siens. Et on avait effectivement effacé les marques de son rituel. Ces crétins avaient effacés son ancre ! Heureusement qu'il avait pris le soin de créer l'ancre primaire à la fois dans le monde matériel et le monde spirituel. Cela lui avait probablement sauvé la vie.

Il eut un vertige, l'obligeant à se rallonger. Tous ses muscles semblaient ankylosés, par le manque d'effort physique. Combien de temps avait duré sa transe ?

Il observa sa chambre. Plusieurs lits, superposés les uns aux autres, un mobilier sommaire, un mur circulaire au milieu de la pièce, avec une porte permettant d'accéder à un escalier en colimaçon. Il se trouvait toujours dans la tour Organa. C'était au moins ça de pris.

La porte s'ouvrit, et une tête émergea. Un garde du Cercle.


« Ah, vous êtes enfin réveillé ! »

Pas grâce à vous... Enfin, le garde membre du Peuple Sauvage ne pouvait pas savoir à quoi servaient ces marques qu'il avait tracées sur son corps. A son souvenir, il n'y avait pas un seul Elfe des Lunes dans cette tour. Pas de chance.

« Depuis... Combien ? »

Il parvenait à peine à parler.

« Cela fait quatre jours. Quand nous vous avons trouvé là haut, nous avons cru à une farce. Mais il était évident pour nous que vous étiez dans ce que vous appelez une transe. Nous avons préféré vous descendre ici après une demi-journée. On vous a nourri autant qu'on pouvait et on vous a fait boire, si vous voulez savoir.

_ Merci...

_ Oh, bah, c'est normal, Guide. On allait pas vous laisser comme ça. On a même envoyé un courrier à Calith pour qu'il vienne vous voir. Malheureusement, il semble qu'il soit occupé par une autre affaire... »

Le Gouffre des Lunes... Tant mieux. Le Faucon ne lui ferait pas ses habituelle réprimande.

« Bon, faut que j'aille prendre mon tour. Je vous envois Lesliu DeChênevrai. Il attend d'être relevé. »

Le garde referma derrière lui, et recommença son ascension.

Elen sombra dans ses pensées. Tout était encore embrouillé dans sa tête. Il avait fait exactement ce qu'il avait interdit à Amhand. Luwö seul sait ce qu'il avait laissé derrière lui ! Car il le savait, en s'enfonçant trop profondément dans le monde des esprits, on ne revenait jamais indemne.

Seuls certains des plus grands Chamans étaient capables de revenir d'un tel voyage sans séquelle, aidé de tout le clan chantant des Icarios. A son souvenir, seuls Ismaël et Iltarion avaient tenté l'exploit. Le premier pour tenter de comprendre l'origine profondes de la guerre des Lunes. Le second pour retrouver ses parents biologiques, son sang d'origine.

Origine...

Il devait chercher l'Origine... L'origine de quoi ? De l'absence de transe ?

Il se doutait que cela n'était pas aussi simple. Dans une transe, il ne fallait jamais prendre ce qu'on l'on voyait ou entendait à son sens premier. De plus, qui sait de qui Millie tenait ses informations, Luwö garde son âme.

L'Origine ?

L'origine d'Olympia ? Des Elfes ? Des clans ? Du clan du Loup ? Rien de tout cela ne semblait correspondre. Qui pouvait-il contacter afin de la trouver ? Qui avait à la fois la connaissance et l'ancienneté pour pouvoir l'aider ?

La Reine No'Irin ? Peut-être. Il se demandait parfois si elle avait connu Luwö, avant qu'il ne devienne un esprit éthéré et qu'il ne créer le peuple frère, Luwö le médecin. Kaeniel ? Il avait toujours pris le parti des Nobles avant l'éveil de la Reine. Il était probablement le moins bien placé pour résoudre une énigme à ce point liée aux clans. Gaver ? Peut-être. Cet Elfe était celui des trois illustres personnages dont la tournure d'esprit se rapprochait le plus de celles des Elfes des Lunes...

Qui d'autre pouvait-il contacter, à part les Dieux ? Il se répugnait à demander une aide divine. S'engager auprès des divinités Olympiennes avait toujours eu un coût, et il n'était pas certain de vouloir le payer toute sa vie.

Les Olympiens étaient un peuple relativement ancien. Mais leurs courtes vies rendaient incertaines les souvenirs d’événements trop lointains. Les Géants avaient de grandes connaissances du monde spirituel, au moins autant que celles des Elfes des Lunes, mais ce peuple était trop jeune pour pouvoir l'aider. Quant aux Nains, il pouvait d'ores et déjà les oublier : trop proches des Olympiens et trop éloignés des affaires spirituelles. Restait le Peuple Sauvage, que l'on disait très ancien, selon certains écrits, même s'ils n'avaient révélé leur présence que bien tard dans l'histoire. Cependant, vu les derniers événements qui avaient entachés ses relations avec les gens de savoir du Peuple Sauvage, Elen doutait que ces derniers se montrent très coopératifs.

Il pouvait toujours trouver un esprit suffisamment ancien, qui lui montrerait le chemin. Ou encore trouver le moyen de communiquer avec Luwö sans la transe. Ce qui impliquait de trouver un lieu plus imprégné de la présence du Totem que la Tanière. Si ce lieu existait quelque part, le Clan du Loup l'aurait sans doute déjà trouvé. Vu la taille colossale de leur bibliothèque et les trésors d'information qu'elle renfermait sur l'histoire du clan et du peuple des Lunes, les siens ne seraient jamais passés à côté d'une information aussi importante.


« Le Guide est réveillé, à ce qu'on m'a dit. Avez vous faim ? » demanda Lesliu, entrant dans la pièce. « On peut dire que vous nous avez fait une belle peur.
_ Telle n'était pas mon intention.
_ Et que faisiez vous, là haut, nu comme un ver ?
_ Je cherchais...
_ Et que cherchiez vous ?
_ Quelque chose que je ne peux malheureusement pas trouver... »

Lesliu haussa un sourcil, lui apportant un bol, tandis que l'Intendant poursuivait pour lui-même :

« Pas ici, en tout cas...
_ En attendant, vous allez partager le souper avec moi.
_ Merci, Lesliu. Les gardes se déroule bien ?
_ Très bien... A part les deux Géants que nous vous avons signalés, et qui ont eu un visa officiel, suivi du dernier Géant, rien...
_ C'est une bonne chose... »

Il discutèrent ainsi quelques heures avant qu'Elen ne se sente las et ne désire le sommeil...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 20/07/2011 à 10:59

Départ

L'Intendant eut le sommeil agité par d'incessant cauchemars. Il rêvait que le néant, par l'intermédiaire de cette terrifiante fillette, le rattrapait et l’entraînait vers son domaine. Fort heureusement, ce n'était que des rêves car il s'éveilla bel et bien dans le monde des vivants.

Il déjeuna fort copieusement, car il avait décidé qu'il devait au plus vite se mettre en route pour trouver des réponses. Il savait par où commencer, et le voyage serait long. Lorsqu'il s'habilla, il eut une grande surprise.

S'il se demandait si la transe avait eu un effet sur lui, il en fut désormais certain. Comme une peur intense peut faire blanchir les cheveux de certains Olympiens, sa peau et ses cheveux avaient pris la teinte bleutée des Elfes de grands âges.

Même si ce changement l'inquiétait, car il témoignait incontestablement que la transe avait eu des effets sur lui, cela n'était pas pour lui déplaire. Paraître plus âgé pouvait s'avérer avantageux dans le milieu houleux qu'il fréquentait. Cela avait-il réduit son espérance de vie ? Il n'en savait rien, et ne le saurait probablement que trop tard. De toute façon, les gens des clans ne vivaient généralement pas vieux : ils ne dépassaient que rarement le millénaire. Et de toute manière, il n'avait aucunement l'intention d'atteindre deux mille ans !

Un autre effet, plus visible celui ci, était l'éclaircissement de ses yeux. Du vert déjà bien pâle auparavant étaient devenus franchement jaunes, avec quelques reflets verts. Et, dans l'obscurité, il semblaient plus brillants que la normale. Un peu comme ceux d'un Loup en plein nuit, en fait.

Si la transe n'avait eu que ces effet là, sur lui, il ne jugea pas cela trop grave. Mais il se doutait bien qu'il ne tarderait pas à découvrir d'autres choses plus désagréables liées à ce qu'il avait accompli. Il faudrait qu'il consigne cela quelque part, pour les générations à venir. Si le clan survivait, bien sûr...



Il dissimula son visage sous un capuchon, s'habillant tout de noir comme le faisait jadis Kowü. Il espérait que sa taille ne le démasquerait pas. Il lui faudrait éviter les lieux fréquentés le temps du voyage...

Jusqu'à Na'Helli... Il irait voir la Reine. Il ne se ferait pas annoncer, pour éviter que tous les Nobles ne soient au courant de sa visite et qu'ils ne souhaitent assister à l'entrevue. Les événements étaient suffisamment graves pour ne pas y mêler des gens incapables de comprendre les subtilités du monde spirituel.

Il salua les deux gardes en faction, leur suggérant la plus grande discrétion concernant toute cette histoire, du moins jusqu'à ce qu'il l'ait réglée. Les deux compères lui firent le serment de ne révéler à personne ce qu'il avait l'intention de faire. Ils assurèrent cependant que si Nil'Nelia leur posait la question, ils ne pourraient lui refuser un éclaircissement. Les Sylphes avaient décidément du respect pour son épouse, la précédente Guide du Cercle. Et ce n'était pas pour lui déplaire.

Ils pouvaient bien faire une entorse et communiquer l'information à sa femme, tant qu'ils lui précisaient que la discrétion était essentielle. Cela ôterait sans doute les inquiétudes qui devaient peser sur les frêles épaules de Nil depuis sa récente disparition...


« A présent, direction Na'Helli  et la Reine ! Puisse Luwö me garder ! Adieu ! »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 20/07/2011 à 13:03

En forêt

Ainsi dissimulé, et parce qu'il savait aisément se mouvoir en pleine forêt, Elen passa relativement inaperçu. Bien sur, peu de choses échappaient au Peuple Sauvage, gardien des forêts. Mais le Loup, bien entraîné, mettant toutes ses facultés de chasseurs et ses sens aux aguets, ne fut observé que par les plus attentifs des membres du Peuple Sauvage. Et encore, il ne virent qu'un être dissimulé sous un grand vêtement noir, encapuchonné et méconnaissable. On murmura quelques jours à Fernliae qu'un très vieil Elfe aux yeux brillants dans la nuit parcourait leurs bois.

Infatigable, Elen progressait rapidement dans le sous bois, ravi que ses jambes n'aient pas été lésées par ces quatre jours d'inactivités.

Au milieu de la première journée de marche, il fit halte, près d'un cour d'eau, pour se restaurer. Reprenant son souffle, il ferma un instant les yeux et...

Une silhouette...

Le Loup sursauta et battit plusieurs fois des paupières. Avait-il rêvé ? Il décida qu'il devait être bien plus fatigué qu'il ne le croyait. Il s'installa sur un arbre mort, gisant sur le sol humide de la forêt. Il se passa les deux mains dans les cheveux, pour se concentrer un peu sur son objectif. Il mangea quelques morceaux d'un pain rassi qu'il avait pris pour l'occasion. Il conservait les denrées plus fraîches pour le reste du voyage.

Une fois qu'il eut mangé et qu'il se fut désaltéré, il reprit sa course. Il éprouvait une joie immense à parcourir ainsi les bois. L'amalgame des odeurs, des bruits et du courant d'air sur son visage le ravissait. Il ne comprendrait jamais les Nobles et leur étrange sédentarité.

Il ne fit halte que pour la nuit, chargée encore une fois de cauchemars, presque identiques aux précédents. Après un modeste repas, il reprit avec joie sa course, ravi de pouvoir échapper au sommeil. Les arbres défilaient autour de lui, à une vitesse folle. Il devait sans cesse changer de direction, pour éviter tel ou tel tronc, mais ne perdait jamais de vu son objectif. L'habitude des courses en forêt lui permettait de ne jamais mettre en défaut son sens de l'orientation.

Il passa Fernliae, évitant ses remparts, laissant une respectueuse distance entre la cité et lui. Il eut une pensée pour ses compagnons, loin au sud, et pour son épouse. Pourvu qu'ils ne fassent pas de bêtise ! Comme il regrettait de ne pas pouvoir traiter lui même avec Logdé Pyros. Cela dit, il songeait que l'élémentaire se fichait pas mal de quel Elfe ou autre mortel lui rapporterait son trésor. Elen n'était même pas certain que la créature puisse différencier deux êtres de chairs. Calith se débrouillerait très bien.

Finalement, au bout de quelques jours de courses, légèrement fatigué par ses nuits agitées, il s’apprêtait à quitter le couvert du bois. Il fit une dernière halte, pour remplir son outre d'eau fraîche.

Il s'agenouilla devant la rivière, détacha sa sacoche, contentant ses deux précieuses flûtes, des herbes médicinales séchées, différents baumes et crèmes, et quelques autres objets auxquels il tenait...

Il déboucha son outre et se pencha, légèrement. Son reflet apparut, le contemplant, dissimulé sous une capuche noire. Le clapotis régulier de l'eau était une merveille à entendre. Que ne donnerait-il pas pour se retrouver à la rivière vive pour se baigner. Il faudrait qu'il emmène Nil, un fois. Se baigner à la mode des Elfes des Lunes, comme lorsqu'il était enfant, voilà qui ne manquerait pas de mettre sa femme dans l'embarra. Et cela avait un certain intérêt pour l'elfe...

A ces pensées, il sourit. Il reporta son attention sur l'eau de la rivière et... Son reflet avait disparu !

Une silhouette... Sombre... Elle venait vers lui... Lentement... A travers l'eau...

Une sueur froide traversa son dos...

Elle tendait la main vers lui...

Il s'arracha vivement à cette contemplation, faisant tomber son outre dans la rivière. Le contenant en cuir et en peaux fut entraîné par le courant. Il jura, ramassa sa sacoche tout en se levant et parti à la poursuite de l'objet que lui dérobait la rivière.

Il la rattrapa finalement, et la remplit, non sans un certain malaise. Il sauta par dessus les eaux scintillantes et poursuivit sa route, pensif. Et si...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 20/07/2011 à 18:05

Les plaines

Traverser l'étendue herbeuse entre les deux citées, parsemée de petites bourgades et de fermes, le rendit un peu nerveux. Les grands espaces le laissait bien trop découvert. Si quelqu'un avait voulu le suivre, il n'aurait eu aucun mal ! Se mettre dans les pas d'une grande asperge comme lui, que l'on voyait courir à l'horizon, cela ne posait de problème à aucun Forestier. Cela serait plus difficile pour la plupart des Impériaux, mais pas impossible.

Cependant, il progressait bien plus vite que dans le sous-bois, à son plus grand soulagement. Peu de gens pouvaient maintenir son allure, il en avait la certitude. Il ne changea pas ses plans, et partit droit vers l'est, là où l'attendait la Reine.

Plusieurs jours passèrent, sans incident notable. Ses nuits étaient toujours emplies de cauchemars liés à sa transe. Cela commençait à durer. Que son esprit craigne de replonger aussi bas dans les niveau de la transe, il le comprenait. Mais cela faisait tout de même plus de dix jours, à présent, que l’événement avait eu lieu.

Il vit se former au loin une barrière sombre. Il approchait finalement de a forêt des Cendres. Sa vieille amie était si vaste qu'elle formait une muraille fortifiant la ligne de l'horizon. Cela n'était pas pour lui déplaire. Il avait mis bien moins de temps qu'il l'avait imaginé à faire ce voyage. Il décida qu'il ferait une dernière halte, pour la nuit, il atteindrait ainsi Na'Helli trois jours plus tard, si ses calculs étaient bons.

Il s'installa dont sur le sol, comme à l'accoutumée, prêt à passer une nouvelle nuit à la belle étoile. D'habitude, à cette heure ci, il courait encore ! Mais là, il pouvait admirer les couchants. Les deux Titans passaient l'horizon petit à petit.

L'un d'entre eux disparut, tandis qu'il restait une mince boursouflure jaune de la seconde étoile. Le ciel étaient d'un rouge profond. C'était quelque chose de magnifique à admirer. Les ombres s'étendaient et...

Une silhouette, à quelques pas de lui... Une chétive silhouette qui s'avançait vers lui...

Elen eut un mouvement de recul, paniqué, mais cela ne changea rien. Elle avançait, inlassablement. Ses oreilles bourdonnaient, comme si quelques chose de très, très lointain tentait de lui parler. C'était rauque, étouffé et... Et répétitif ! Cela disait sans arrêt les mêmes mots, des mots qu'il ne parvenait à saisir.

Elle n'était plus qu'à deux pas de lui, tendant sa petite main vers lui et...

Le second soleil disparut à son tour. Les étoiles illuminaient déjà les cieux. Et un Elfe terrifié, pâle, se tenait assis dans la plaine, non loin de la forêt des Cendres. Désormais, il en était certain : il n'avait pas ramené que ce teint et ces yeux de la transe... Quelque chose d'autre l'avait suivit...

Affolé, il se releva, et il courut autant qu'il put, arrivant finalement à la forêt des Cendres alors que le jour ne tarderait pas à se lever, il s'effondra, et sombra sans un sommeil agité...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 21/07/2011 à 09:37

La Tanière

Elen décida de rejoindre d'abord la Tanière. Cela rallongeait son voyage de deux jours, sans compter le temps qu'il y resterait, mais il fallait qu'il ait des réponses.

A l'orée de la forêt, il reçu un message de Faceo, qui faisait état d'un problème avec Nil. Celle-ci s'était visiblement blessée au Gouffre des Lunes. Elen, tiraillé entre l'envie de revoir sa femme et sa malédiction, décida finalement de la confier aux Loups. Il enjoignit Faceo de la conduire à la Tanière, où tout serait révélé à sa femme...

Il traversa les bois, rapidement. Au bout de trois jours, il avait atteint le lieu où il avait grandit. Les choses étaient telles qu'il les avaient laissées : tous les Loups, moroses, s'occupaient de ceux qui étaient coincés dans le monde des esprit. Il fut accueilli par des novices, des Edoniels, qui le saluèrent, le reconnaissant à peine...




Une fois qu'il eut balayé tout malentendu sur son identité, ils lui donnèrent des nouvelles de ceux qui ne revenaient pas. Chacun s'était occupé d'eux à tour de rôle, les nourrissant et frictionnant leurs muscles pour qu'ils puissent se mouvoir en cas de retour...

« Je sais... Et ils ne reviendront plus... J'ai moi-même fait le voyage et je les ai vus disparaître. Ils ne sont plus... Je suis navré... »

Il s'engouffra dans la Tanière, allant droit vers son but : la bibliothèque de la Meute. Les Loups présents ne le virent plus pendant deux jours. Quelques fois, ils l'entendaient hurler, pleurer ou lutter contre des choses invisibles, mais personne n'osa le déranger dans sa retraite. On murmura bientôt qu'il avait contracté les mêmes maux que Kowü avant lui. S'ils savaient...

Elen avait d'abord cherché des ouvrages sur l'Origine. Rien. A part de vieux textes sur Luwö, qu'il connaissait déjà par cœur. Il chercha des livres traitant de « départ », « début », « commencement », « démarrage », « amorçage », « initiation », « source », « naissance ». Il tomba sur des ouvrages traitant des légendes de son clan, parfois encore non traduits, des recettes de cuisine, des traités d’herboristerie, des livres d'histoire, des ouvrages généalogiques et bien d'autres choses. Mais aucun ne lui apporta la moindre réponse.

Enfin, dépité, il chercha un ouvrage lui permettant de confirmer ou non son hypothèse concernant son état, mais rien ne l'aida non plus dans ce domaine.

Les apparitions étaient relativement fréquentes. Il avait compris que ses cauchemars en faisaient partis...




Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

Par Google  

el Par Elen  le 21/07/2011 à 17:56

La Cérémonie

Il soupira. Ces longues recherche fastidieuse l'avaient complètement détourné de son devoir envers les siens. Il quitta les lieux studieux qu'il avait occupé bien trop longtemps et rejoignit les siens, auprès des quatre individus immobiles, sur leur lit, comme morts et pourtant bien vivants.

Elen les pleura avec les autres. Il décida que c'en était assez, qu'il fallait officier, que chacun puisse faire son deuil. Il y avait là un fils, un frère, un amant, une amie de très longue date et par conséquent tant de monde qui les pleurait !

Le soir même, la Clairière des Ombres Cendrées s'illumina de dizaines de bougies. Elen grimpa en tenue de cérémonie sur une estrade prévue à cet effet. Il eut une pensée pour sa femme, si loi de lui. Il aurait tellement aimé qu'elle fusse là pour le soutenir. Ce n'était certes pas sa première cérémonie mortuaire, mais jamais il n'avait du officier pour des gens dont les corps vivaient encore. Seuls leurs esprits étaient partis. A jamais prisonniers des ténèbres.

Une larme coula le long de sa joue, tandis qu'il prononçait son discourt d'une fois forte :


« Mes sœurs ! Mes frères ! Nous pleurons la perte d'êtres inestimables, emportés dans le néant.

Ximès, tu es un jeune loup éveillé au monde, toujours prêt à apprendre. Tu sais donner à tous ceux qui en ont besoin. Malgré ta jeunesse, tu as fait preuve d'autant de maturité qu'un Kitalië. Tu es quelqu'un de grand, Ximès. Ton cœur était pur, et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt. »

Un murmure s'éleva dans la foule, alors que les Loups reprenaient sa dernière phrase à l'unisson.

« Lithan , tu es quelqu'un de foncièrement bon. Tu prends soin de ta sœur avec un courage exemplaire, depuis que tes parents son partis. Tu as toujours été notre meilleure sentinelle, gardant les tiens de tous les dangers. Tu fais la fierté de notre clan. Ton cœur était pur, et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt. »

Une fois encore, les Loups reprirent ses dernières paroles.

« Etendas, tu laisses derrière toi une fiance que tu as comblé autant que tu le pouvais. Que ne suis-je pas revenu plus tôt pour te lier à jamais à elle devant Luwö. Mais vos cœurs sont jumeaux, et cela il le sait ! Brillant au amour comme au combat, tu laisses un vide que rien ne pourra combler. Ton cœur était pur, et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt. »

Une troisième fois, ses mots furent répétés.

« Millie, tu pars alors que nous avons besoin de toi. Tu as toujours été douée, Lytharion t'avait bien formée. Tu as fait tourner bien des têtes mais tu t'es toujours réservée pour celui qui te ravirait ton cœur. Mais il ne pourra plus venir, là où tu es. Millie, tu aurais dû attraper ma... »

Elen se tut quelques instant, les mots refusant de sortir. De toute manière, cela n'avait aucun rapport avec la cérémonie, même si en lui-même, il était certain qu'il aurait pu la sauver. Au moins elle...

« Ton cœur était pur, et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt... »

Sa voix se brisa définitivement tandis que le clan reprenait avant de commencer à entonner les chants funèbres sacrés. Il fit semblant de chanter quelques instant, avant de se reprendre.

Ils placèrent les corps avec une pièce d'or chacun dans des linceuls qu'ils rassemblèrent sur une grande pierre plate. Ils entassèrent des branches sèches dessus ainsi que différentes branches d'arbres odorants. Elen apporta alors une torche et alluma le bûcher funéraire. Dans un silence presque total, les Loups regardèrent leurs frères et sœurs disparaître.

Lorsque le bois et les corps furent consumés, ils récupérèrent les cendres dans un petite boite de bois. Ils placèrent cette dernière dans un trou creusé au milieu des racines du chêne plusieurs fois millénaire qui dominait la Tanière. Ils l'enterrèrent alors, chacun apportant une poignée de terre jusqu'à ce que le trou fut bouché, échangeant parfois un dernier mot avec les défunts.

Ils levèrent alors les yeux vers les branches de l'arbre :


« Puissiez vous à jamais croître ! »

Enfin, il baissèrent les yeux, et dans un murmure commun :

« Luwö, setho es ranï. »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 22/07/2011 à 09:53

Le Talisman

Elen avait participé à la longue journée de deuil rituel, durant laquelle nul ne prononçait un mot ni ne mangeait. C'était normalement réservé aux plus proches des disparus, mais souvent d'autres se joignaient aux familles et aux amis dans un élan de soutient.

Elen, quant à lui, se sentait tellement coupable. En tant qu'Intendant, il aurait du voir ces choses avant qu'elles ne se produisent et pouvoir les empêcher. Ou tout au moins les réparer. Kowü l'aurait fait, lui.

Ensuite, il partit se recueillir sur la tombe de son mentor, le priant de lui donner un conseil utile pour l'avenir. Il lui semblait que le clan ne se relèverait jamais de tous ces événements en chaîne. C'était comme si quelqu'un ou quelque chose poussait le clan du Loup vers sa fin.

Il se remémora le passé, se demandant comme Kowü aurait réagit à tout cela. La fuite ? Son mentor avait choisi de nombreuse fois cette option, et il n'avait jamais rien gagné à le faire. L'affrontement ? Ce n'était pas ainsi qu'il se souvenait du Chaman. La compréhension ? Certes... Encore lui fallait-il voir la Reine et...

Il se souvint ! La flûte ! Pourquoi Hadès Kowü la gardait sur lui, toujours à portée ? Pourquoi vouait-il un tel culte à ce fichu instrument ?

La musique ! Elle chassait ses voix ! Elen se souvint à présent. Kowü se calmait parfois, en jouant, lorsque les choses devenaient trop difficiles. L'instrument s'apparentait un peu à un talisman...

Un talisman ? Voilà exactement ce qu'il lui fallait !

Il remercia son mentor, avant de quitter rapidement les lieux. Il allait enfin être débarrassé des moins puissantes des manifestations problématiques.

Il avait acquis la certitude qu'il avait laissé quelque chose derrière lui durant cette transe. Une fraction de son esprit était resté là bas, empêchant la porte de se clore totalement. Et le néant, la fillette, empruntait se passage, pour le tourmenter et le ramener à eux !

Cela se produisait à chaque fois que le monde des esprits et le monde des vivants s'entrelaçaient, créant des passerelles entre les deux sphères. Elen en connaissait de nombreuse, c'est pourquoi il avait fait le rapprochement avec son état. Ces ponts étaient plus ou moins précaires. Le moins puissant d'entre eux était de fermer les yeux. Voilà pourquoi il avait cru la voir dans la forêt de Fernliae. Et le plus puissant, bien entendu, était la transe. Ensuite, entre autre, du moins fort au plus fort, les ponts se formaient lors de l'aurore, de l'utilisation du Finyë, de la présence d'une surface créant des reflets, du crépuscule, des rêves et enfin d'une éclipse de l'un des titans.

Elen arrivait à peine à imaginer une éclipse simultanée des deux astres. Il n'était pas certain que cela puisse se produire. Mais cela déchirerait probablement momentanément le lien entre les deux mondes.

Bref, il pouvait se prémunir des effets les moins importants de ce désagréable lien. Peut-être ses rêves seraient moins intenses, cependant il en doutait.

Il rejoignit le grand chêne, et l'escalada. Il se plaça bien au milieu du tronc de l'arbre. Il était bien connu des Loups que l'esprit de Luwö habitait cet arbre. Et ces végétaux avaient toujours fait le liens entre les cieux et la terre, entre les dieux et les mortels, entre le monde des esprits et le monde physique. Il préleva donc une grosse branche bien au milieu du tronc, non sans avoir expliqué à l'arbre ce qu'il souhaitait faire.

Après avoir appliqué une pâte épaisse qui aiderait l'arbre vénérable à cicatriser, Elen regagna le sol. Avec des gestes assurés, à l'aide d'une hachette, il préleva une tranche de la branche, enterrant le restant au pied du chêne avec ces mots :


« Puisse cela te revenir et ne refaire qu'un avec toi. »

Il se mit ensuite au travail, à l'aide d'un couteau. Il tailla deux cercles, qui se chevauchaient, s'entrelaçant, l'un représentant le monde des mortels, l'autre celui des esprits. Les deux cercles étaient compris dans un grand ovale, l'univers. Une petite passerelle reliait les deux cercles. Elen tailla une longue barrière, divisant en deux l'univers et barrant le pont.

Il grava de nombreux signes sur les bords, en Loup Ancien, des prières à Luwö, des incantations connues ou nouvelles et une phrases expliquant l'utilité de l'objet afin que celui-ci connaisse le sens de son existence. Il peignit ensuite l'objet et enfin le chargea d'énergie, puisant dans son Finyë. Il se sentit vaciller, voyant les ombres s'étendre autour de lui durant l'opération mais sitôt qu'il eu terminé de créer le lien entre son Finyë et l'objet, il le brandit et cela sembla chasser l'illusion qui se formait.

Il tressa ensuite un cordon et s'en fit un pendentif, qu'il plaça autour de son cou, le talisman tombant sur sa poitrine.

Ainsi s'arma-t-il contre ce lien qu'il avait inconsidérément créé...





Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 25/07/2011 à 10:42

La Reine

Elen ne demeura guère plus longtemps à la Tanière. Il ne tenait plus, il fallait qu'il voit la Reine. Il se rendit donc à Na'Helli, toujours dissimulé dans sa tenue de voyage. Il ne fallait pas qu'on le reconnaisse en ville. Encore que vu son changement d'apparence, on pu le confondre avec un vieil Elfe qui lui ressemblait beaucoup !

Il traversa les murailles de la ville, s'engouffra dans les rues peu fréquentée, écartant d'un geste un malotru qui tendait vers lui un couteau émoussé. Le badaud réfléchit à deux fois à son geste lorsqu'il croisa son regard, ses yeux luisant dans l'ombre de son capuchon. Il s'en fut, sans demander son reste.

Au détour d'une rue sombre et humide, il crut voir quelque chose se mouvoir. Mais lorsqu'il fit quelque pas en arrière, il constata qu'il n'y avait rein d'autre dans la ruelle que des barils éventrés et des flaques d'eau...

Il reprit sa marche, en direction du palais. Il pénétra à l'intérieur, après avoir donné son identité aux gardes. Ceux-ci ne l'ayant jamais vu, ils n'eurent pas à le reconnaître. Il se fit annoncer à la Reine, croisant les doigts pour que les notables véreux de Na'Helli ne se trouve pas en présence de la Reine...

La plupart des Nobles n'avait rien changé à leur vie à son retour. Ils poursuivaient simplement leur vie, profitant tout de même des enseignements de No'Irin et s'ouvrant à un commerce juteux avec le Peuple Sauvage. Fernliae nécessitait sans cesse l'apport de ressources ! Elen avait eu à subir de longues tractations avec les familles influentes pour qu'elles ouvrent leur commerce au Peuple Sauvage. Heureusement que Organa et Nil étaient là. Elles avaient été bien plus diplomates que lui. Elles s'étaient chargées du gros des négociations.

Mais d'autres Nobles, répugnants ceux là, s'étaient immédiatement rapprochés de la Reine. Ils formaient une petite cours de péteux qui passait sa journée à voler le temps précieux de No'Irin. Tout ce qu'ils voulaient, c'était se trouver sur le devant de la scène, se faire bien voir, obtenir une promotion exceptionnelle. Heureusement, la Reine s'était jusqu'alors montrée très avare dans ce domaine. De plus, ils avaient bien trop peur d'elle pour ne pas s'éclipser lorsqu'elle le demandait...


« Elen, Intendant du Clan du Loup et Guide du Cercle des Sylphes demande une audience à Votre Majesté. »

Lorsque le héraut prononça son nom, il y eut des murmures dans la salle. Elen rumina. Ils étaient tous là. Quelle mal chance. Néanmoins, il pénétra dans la salle du trône, s'inclinant comme il était de coutume devant la monarque.

« Je vous présente mes respects, ma Reine. Ainsi qu'à l'honorable assemblée ici présente. »

Il ne rabattit cependant pas sa capuche, sachant que cela horripilerait les Nobles. Cela ne pouvait être considéré comme un affront, tant que la Reine le tolérerait. Et il avait dans l'idée que cette dernière ne s'offusquerait pas de la situation. Il poursuivit donc :

« Majesté, j'ai d'importantes questions à propos desquelles je dois m'entretenir avec vous. »

Nouveau murmure dans l'assemblée. On n'aimait pas cela du tout. Un Luneux qui les empêchait de se pâmer devant la Reine et qui, en plus, allait prendre un temps considérable à exposer des faits auxquels ils étaient totalement étrangers !

« Je souhaiterais, avec tout le respect que je dois à cette assemblée, et si vous ne jugez pas cela importun, m'entretenir avec vous seul à seul. Tout au plus, je pense pouvoir supporter la présence de Gav... Messire Gaver et celle de messire Kaeniel, si ceux-ci se trouvent parmi ces nobles représentants du peuple. »

Cette fois-ci, ce fut un brouhaha de paroles et d'insultes plus ou moins dissimulées lancées en tous sens. Un audacieux tenta même :

« C'est un scandale ! Votre maj... »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 25/07/2011 à 14:02

Les sessions nobiliaires s'éternisaient chaque après-midi. Les dames de compagnie de la Reine avaient toutefois assez de conversation pour supplanter l'ennui que lui infligeaient les petits seigneurs avides d'influence qui circulaient de salons en salons pour composer leurs manigances. Quand elle en avait assez, No'irin se retirait dans ses appartements ou, le plus souvent, allait se promener aux alentours du Palais. Nulle clairière ni jardinet n'avait échappé à sa visite. Mais ses plans mille fois rôdés risquaient aujourd'hui d'être chamboulés.

Elen avait traversé la salle d'un pas assuré et son capuchon renvoyait au visage des nobliaux leur propre mépris. La jeune femme, peu surprise mais grandement intriguée, l'avait suivi du regard et avait aperçu loin derrière lui cette ombre assidue étrangement assortie à l'aura que l'Elfe des Lunes dégageait…

- C’est un scandale ! Votre maj...

Darwor foudroya l'importun du regard, ce qui l'interrompit net. Comme chaque jour, il notait les entrevues et rédigeait quelques lignes pour archives. S'il y avait des affaires courantes à trancher, il les soumettait à la Reine et s'assurait que ses décisions étaient bien exécutées. Il n'était qu'un scribe sans aucun pouvoir mais pour autant, il ne serait venu à aucun hôte de No'irin l'idée de manquer de respect à cet Elfe vénérable.
Et dans ces cas particuliers d'indiscipline mineure, il se faisait un plaisir de rappeler d'un coup d'œil aux impolis qu'il valait mieux n'attirer l'attention de la Reine que sous un jour flatteur.

Le brouhaha eut tôt fait de revenir à ce léger bruit de fond que les murmures résonnant de groupes en groupes provoquaient. Ainsi, la Reine put répondre à Elen sans être coupée et sans avoir à hausser le ton.

- Cela me fait plaisir de vous revoir, Intendant Elen. Je sais vos péripéties nombreuses et le voyage jusqu'en nos forêts fort long depuis la Mer Emeraude…

Ses yeux fixèrent le temps d'un battement de cœur l'entrée de la salle où l'ombre se faufilait avec précaution. De colonnes en fauteuils, de meubles en rideaux épais, elle s'approchait, faisant fi des Elfes en grande conversation bien incapables de la voir. Toutefois elle resta à bonne distance, clairement dérangée par quelque chose…

- Les Heures de Doléances sont achevées. Auriez-vous l'envie de prendre un peu de repos dans nos jardins ? Nous y serons au calme, je vous l'assure.

Il y eut bien quelques mouvements vers la Reine car les clepsydres signalaient quelques précieuses minutes avant qu'elle ne prenne officiellement congé. Mais elle se leva et trancha les élans des plus empressés.
Darwor alla à quelques pas au-devant du trône pour prendre les intitulés des affaires du lendemain, mécanique bien huilée de classification des priorités, d'urgences toutes plus impératives les unes que les autres… Du moins dans l'idée étroite des nobliaux. Fadaises que tout cela…

D'un sourire, No'irin congédia ses Dames de compagnie.

- Vous me rejoindrez pour le dîner, leur fit-elle. Lysia, prévenez le Seigneur Gaver qu'il est invité aux jardins.

Sans rien ajouter pour Kaeniel en retraite discrète depuis des années, elle laissa filer sa servante vers les appartements de l'ancien Sigdiliste.

On les vit traverser le Palais et on se demanda qui était ce personnage mystérieux qui escortait la Reine. On mit tant d'ardeur à affabuler qu'il fut tour à tour assassin particulier, mage des ténèbres, Faucheur d'Hadès voire dieu en goguette avant d'avoir mis un pied sur les gravillons qui séparaient les abords du Palais de la pelouse entretenue des jardins.

Quelques bosquets emplis de chants d'oiseaux, des haies hautes où de petits animaux nichaient ou chassaient, des fleurs qui coloraient l'arrière-saison. Et des bancs accueillants pour en profiter avant que la froidure ne fige tout ceci pour quelques temps.

Pourtant les chants se turent bientôt et la brise que l'on entendait dans les branchages se fit silencieuse alors qu'on voyait qu'elle jouait toujours avec ses obstacles préférés. Il était facile pour un Elfe des Lunes de ressentir l'isolement soudain, comme si une chape de pierre épaisse s'était abattue sur eux, les coupant du monde.

La Reine choisit un banc et s'y assit tout en ménageant une place pour son hôte.

- Alors dites-moi, Intendant, quelles sont ces questions qui vous ont fait venir jusqu'ici ? Soyez tranquille, cette conversation restera on ne peut plus confidentielle. A moins que vous ne préfériez attendre Gaver ?



el Par Elen  le 26/07/2011 à 09:56

L'entrevue

Traversant les couloirs aux côtés de la Reine, ils croisèrent les suivants de celle-ci ainsi que certains des Nobles éconduits, qui traînaient vaguement dans le palais dans l'espoir de pouvoir connaître la teneur de l'entrevue particulière qui se profilait. Les regards des serviteurs se posèrent bien trop souvent sur lui à son goût.

La Reine le convia dans un charmant petit jardin. Elle avisa un banc et, tandis qu'un silence pesant tombait sur l'Intendant, elle s'installa, l'invitant à l'imiter. Quelle ne fut pas la gêne de Elen ! Demander un entretien privé était déjà presque trop audacieux pour lui alors s'asseoir si près de la Reine !

Il grimaça lorsqu'elle le vouvoya et le nomma par son titre d'Intendant. Il détestait vraiment le protocole de la Noblesse. Il se demanda si la Reine n'était pas exaspérée, parfois, de jouer avec les Nobles ainsi. Il se demanda ce qu'il se serait produit si au lieu d'avoir été transporté à Na'Helli son cocon avait été caché au sein de la Tanière...

S'arrachant à ses pensée, il consentit à s'asseoir sur le banc. Il laissa néanmoins une distance qu'il jugea à la fois courtoise et respectueuse, évitant de croiser le regard de la première née. Il rabattit son capuchon, dévoilant son visage et ses cheveux aux reflets bleutés ainsi que ses yeux étrangement brillants dans la pénombre du magnolia gigantesque qui les abritaient.

S'il y avait quelque part des gens pour les observer, il purent contempler l'étrange tableau d'un vieil Elfe des Lunes gêné aux côtés d'une jeune noble. On aurait pu croire à un de ces couples interdit qui se retrouvait en cachette, malgré les tabous de la noblesse. Si bien sur la « jeune » Elfe en question n'avait pas été la Reine !

Bien sur, l'Intendant le savait, malgré les apparences, elle était son aînée et de loin. Il y avait quelque chose d'étrange dans les yeux de la Reine : un subtile mélange entre le calme des cieux, le froid de la glace et la fureur d'une mer déchaînée. Lorsqu'il croisa son regard, il sut qu'elle avait déjà deviné ce qui l'amenait.


« Messire Gaver... » commença-t-il, réprimant son dégoût pour les titres ronflant.

Après tout, Gaver avait vécu parmi les Elfes des Lunes, là où le vouvoiement n'existait pour ainsi dire que dans les écrits, et cela seulement si les clans se donnaient la peine de rédiger quoi que ce soit !


« … a l'esprit agile, à ce que l'on dit. Je pense que je peux commencer à vous exposer ce qui m'amène. Vous l'avez probablement déjà deviné, ce qui m'amène est en rapport avec le monde des esprits. »

Ainsi, il narra à la Reine toute l'histoire, commençant par les premiers défauts apparus dans les transes de son clan : les deux qu'il avait ratées, Millie. Il profita de ce résumé pour lui exposer ce qu'il s'était déroulé à la Mer Émeraude, ne sachant pas que Shalassan était venu la voir lors de l'affaire des Tourmentes. Il expliqua aussi ce qu'il s'était produit face à ces tempêtes, la transe de Amhand. Gaver arriva dans le jardin à ce moment là, saluant la Reine d'un geste. Elen inclina respectueusement la tête avant de poursuivre son récit.

Enfin, pour terminer, il lui détailla le rituel complexe qu'il avait mis en place, au sommet de la Tour Organa. Il raconta ce qu'il était advenu des chanteurs, l'énigme de Millie, l'étrange forme qu'avait pris l'émissaire du Néant, son difficile retour. Il lui exposa ensuite les conséquences de sa transe : le changement de sa peau, de ses yeux et les étranges visions qui l'avaient poursuivi durant tout son périple de retour à Na'Helli.


« … et ainsi, je crois avoir laissé quelque chose derrière moi. La porte du monde des esprits n'est pas refermée, j'en ai bien peur. Le Néant m'appelle, je le sens. Ce talisman devrait me protéger quelques temps, mais cette barrière est imparfaite car ma transe était trop profonde... »

Il parla ensuite de ses inquiétudes :

« Ma Reine, Messire... Gaver. Les Clans des Lunes vivent peut-être leurs derniers instants. Aucun des quatre clans ne possèdent de Chaman compétent pour les guider. Nos Ashkas sont de plus en plus rares, emportés soit par la guerre, soit par l'exil. Et sans transe, sans ce contact avec nos Totems, j'ai bien peur que ce soit la fin des Elfes des Lunes. Sachant ce qui me poursuit, le temps m'est compté. Que savez vous de l'Origine ? »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 26/07/2011 à 12:49

Quand No'irin découvrit le visage d'Elen dans son entièreté, ses traits laissèrent entrevoir une légère surprise qu'elle contrôla aussitôt pour ne pas gêner son interlocuteur. Le changement était assez profond pour qu'elle envisage avec quelque compassion les épreuves que l'Intendant avait traversées. Pour en avoir le fin mot, elle le laissa parler sans l'interrompre.

Gaver avait tiré une chaise en fer forgé, de celles que l'on trouve dans tout jardin promis à une villégiature paisible. La Sphère de Confidences que No'irin avait invoquée le rendait nerveux : c'était plus difficile de discerner un adversaire en approche si on ne l'entendait pas. Oublieux du protocole, il s'assit sur son siège face au dossier, les bras croisés sur le haut.
S'il écoutait Elen en retenant les détails importants de ses explications, son regard papillonnait alentour, à la recherche de ce que la Reine avait décidé de maintenir à l'écart de la conversation… Et ne trouvait rien.

- L'Origine… Ca date… Fit-il machinalement, tandis que son pied tapotait les graviers, trahissant sa nervosité.

No'irin pencha la tête, décontenancée devant tant de vérité vraie. En d'autres circonstances, elle aurait souri de la simplicité parfois touchante de Gaver.

- Je crois que l'Intendant en a pleinement conscience, Litihn… Peut-être veux-tu lui détailler un peu plus les choses ?
- Euh… Oui…

Mais son regard interrogatif vers la Reine voulait surtout dire "Pourquoi moi ??"
Sans aucun scrupules, No'irin ne fit rien pour le sauver de l'exercice à venir. Gaver était un interlocuteur privilégié quand il s'agissait des Elfes des Lunes. Son approche sans fioritures lui donnait un air naturel et fiable, idéal pour ce genre de situations.

- Et bien… Donc les Elfes n'étaient pas très nombreux au tout début… Mais ils étaient pleins d'idées, pleins de projets. Chacun faisait ses plans, établissait des systèmes. C'était compliqué de fédérer. Les caractères étaient forts, les Elfes bien souvent orgueilleux, jaloux, méfiants…

Et terrorisés aussi, oublia-t-il de mentionner.

- A force de recherches, de questionnements, de bribes de réponses, ils ont progressé dans la connaissance de la Nature et des liens d'énergie, des différents niveaux d'existence. Les premières techniques de transes sont apparues bien avant que les Totems deviennent une part essentielle de notre culture.
Car les Elfes étaient curieux. Sur un plan purement intellectuel d'abord, la connaissance étant un élément non négligeable du pouvoir. Et sur un plan philosophique ensuite, car ils ont voulu savoir quelle était leur place dans ce monde.
Ils se sont mis à codifier leurs expériences, ont trouvé des causes et des conséquences. Les méthodes ont finalement divergé, les buts aussi.
Et puis la Nature a poursuivi son œuvre, les affinités se sont démarquées. Des liens forts se sont tissés et ont rassemblé des courants de pensée, des façons de vivre en harmonie avec telle ou telle facette de la Nature. Les Elfes des Lunes ont pris la pleine mesure des Totems et se sont reconnus en eux.
La suite… Tu dois la connaître au moins aussi bien que moi, Elen. Les Loups ont la mémoire des clans.



el Par Elen  le 27/07/2011 à 09:57

Elen fut réellement soulagé par ce tutoiement soudain. Il craignait qu'il ne doive observer le protocole en présence des deux éminentes figures qu'étaient ses interlocuteurs. Comme n'importe Elfe des Lunes que l'on venait de tutoyer, il abandonna les formules de politesse. Le récit de Gaver le confortait dans son idée première.

« Si je comprends bien ce que tu as dit, les Totems ne sont pas la clé des transes. Les Elfes du passé s'en référaient déjà au monde des esprits. »

Il hocha la tête, approuvant à la fois ses propres propos et amalgamant les déclarations précédentes de Gaver avec ses propres idées pour tenter de mieux comprendre ce qu'il avait à trouver afin de rendre la paix dans le monde des esprits.

« En somme, c'est le monde des esprits lui-même qui est malade. Les Elfes n'ont rien à voir là dedans. Ou peut-être... »

Elen se rembrunit instantanément. Les choses ne pouvaient être aussi complexes qu'elles ne le paraissaient au premier abord. L'esprit de l'Intendant avait voulu chercher bien trop loin l'évidence. Sa première transe ratée, ce rêve flou, ce géant qui en appelait à la destruction de la forêt des Cendres... Et si...

« Et si tout était lié ? Je veux dire : nous avons effectué une transe, Calith et moi, afin de retrouver la statuette du clan du Faucon. J'ai alors pénétré une transe élémentaire du peuple Géant, plus ou moins volontairement... »

Il ne pouvait leur exposer avec exactitudes ces événements : il s'était produit tellement de choses depuis.

« Au gouffre des Lunes, je me suis servi d'une transe pour communiquer avec l'élémentaire de Feu gardien des lieux. Cela m'a paru logique sur le moment... »

Il expliqua alors les détails de cet état de transe léger qui lui avait permis d'interagir avec Logdé Pyros. Il leur décrivit ce qu'il avait ressenti sur le moment et ce qu'il avait interprété du propos de l'élémentaire. Ces sons si étrangers aux transes elfiques habituelles. Comment avait-il pu lier aussi aisément son esprit à une créature qui différait en tout point des Elfes ?

« Ensuite il y a eu la comète. Elle est tombée dans le désert, loin au sud, le territoire d'où provenaient les tempêtes élémentaires qui ont assailli Fernliae pendant un temps et les élémentaires de feu. Et c'est après sa chute que les transes devinrent réellement dangereuses... »

Elen poursuivait son énumération des événements dans l'ordre chronologiques, sachant que ses interlocuteurs avaient déjà eu vent de tout ce qu'il s'était produit et sans doute bien plus encore. Mais l'Intendant avait besoin de lier les choses entre elles pour mieux cerner la teneur de la tragédie qui s'était abattue sur son clan.

« Nous avons ensuite pénétré dans le domaine des élémentaires d'eaux. Je n'en était pas certain jusqu'à présent, mais je crois que nous avons pénétré dans le monde des esprits, par l'intermédiaire de la clé que fut la mélodie que je jouais. »

L’enchaînement, à présent, était limpide. Il avait nettoyé sa tête de tous les parasites qui l'encombraient... Chaque détail, chaque événement, s'imbriquait avec le précédent, dans une chaine presque parfaite dont il manquait encore les derniers maillons...

« Et toute cette agitation des éléments. On dirait qu'ils sont fous furieux : -=FEU=-, -=EAU=-, -=AIR=-... Et probablement bientôt -=TERRE=-. Amhand a parlé d'une autre entité... Les tourmentes... Se pourrait-il que... »

Tout s'éclairait à présent. Absolument tout. Et il crut comprendre... Horrifié par les implications que cela avait, il fixa Gaver, puis la Reine, pâlissant :

« Est-il possible que nous ayons involontairement déchiré le voile qui sépare les transes élémentaires du monde des esprits ? »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 27/07/2011 à 13:55

Gaver eut un regard anxieux vers No'irin. A ce point-là de détails, il ne se sentait plus capable de jouer l'équilibriste et n'arriverait pas à faire illusion à coup de lieux communs. Les tâtonnements intellectuels d'Elen le guidaient tant bien que mal sur les chemins alambiqués de la vérité. Il finirait bien par tomber juste, ce n'était qu'une question de temps.

La Reine préféra intervenir.

- Le voile n'est pas déchiré, à proprement parler. Mais en effet depuis quelques années le monde des Esprits est rendu plus accessible. Auparavant nombre de vos transes auraient échoué alors qu'un novice peut désormais sans grande difficulté basculer dans de simples visions voire s'enfoncer plus profondément.

A la longue liste d'exemples évoqués par Elen, No'irin, si elle en avait connu les détails, aurait pu rajouter l'expérience de Thunziel près de l'antre de Kharok lorsqu'il avait "vu" la mort d'Hardaway.

- Les Eléments sont un phénomène à part. Je n'irai pas jusqu'à dire que leur présence bien concrète dans les Terres connues est un pur hasard, mais vous devez comprendre une chose, Intendant : nous sommes tous des opportunistes. Les mortels, les Dieux, les Eléments… Nous guettons tous la circonstance, le moyen, la personne, qui va nous faire avancer, gagner du terrain. Le présent n'est qu'une marche vers l'avenir.

Avait-elle rassuré ou intrigué davantage le Loup ? No'irin l'ignorait mais le cerveau en ébullition d'Elen n'en avait probablement pas encore fini avec tout ça.



el Par Elen  le 28/07/2011 à 09:42

L'intervention de la Reine avait en parti démoli ce que son esprit était parvenu à construire. Une fois encore, il avait cherché des liens là où il n'y en avait pas. Les choses s'avéraient être plus complexes, comme il l'avait songé au premier abord. Il avait voulu voir un lien entre les élémentaires et le dysfonctionnement des transes car cela donnait un sens à tous les événements qui avaient touché la surface d'Olympia. Malheureusement, il semblerait que les Élémentaires ne soient bien plus indépendants qu'il ne le songeait...

Une idée étrange parcouru son esprit : -=EAU=-, -=FEU=- et -=AIR=- étaient bel et bien éveillés. Et le Peuple Sauvage comptait exécuter un rituel pour Gaïa... Gaïa... -=TERRE=- Et si le Peuple Sauvage réveillaient -=TERRE=-, les Terres connues disparaîtraient-elles sous le poids d'un combat élémentaire épique ? Et que faisaient les Géants, dans tout cela ? Ils étaient les spécialistes des Éléments... Étaient-ils la cause de toute cette agitation ?

Et quel était cet entité liée aux Tourmentes que Amhand avait décelé ? Une créature du monde des esprits ? Quelque chose qui provenait de la comète ? Ou était-ce un autre élémentaire qui, charrié par la Tourmente, pouvait parcourir librement Olympia ?

Une seule certitude persistait, et la Reine l'avait dit elle même, le monde des esprits s'était rapproché de celui des vivants ! Il en était la preuve, porte ouverte entre les deux mondes, poursuivi par le Néant.


« Le problème, ma Reine, est que les transes sont devenues bien trop aisées. Certains d'entre nous pénètrent le monde des esprits dans leurs rêves, d'autres lorsqu'ils mobilisent leur Finyë au combat. Et ils s'enfoncent inexorablement dans les strates les plus profondes du monde des esprits. Les barrières qui existaient autrefois sont devenu perméables pour ceux qui rentre et bien plus difficiles à franchir lorsqu'il s'agit de revenir ! Même les Icarios, que les Elfes des Lunes mirent au point jadis pour ramener les égarés, ne fonctionnent plus. Pire encore ! Puisqu'ils établissent un lien avec le monde des esprits, il attirent les chanteurs dans le Néant. »

Certains Elfes des Lunes avaient en effet des prédispositions pour pénétrer aisément le monde des esprits et entrer dans un état de transe léger. Auparavant c'était une bénédiction pour les Elfes des Lunes, qui parvenaient rapidement à se hisser à un très haut niveau au sein du clan, comme Elen ou Kowü l'avaient fait en vérité. Mais aujourd'hui, cette affinité était une malédiction qui risquait à tout moment de perdre l'Elfe des Lunes dans le gouffre insondable du Néant.

« En somme, ce que vous pensez, c'est que les Elfes des Lunes se sont rapprochés du monde des esprits, ou l'inverse, à leur dépends ? »



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Elen  le 29/07/2011 à 17:09

- En effet, Intendant.

La Reine aurait préféré en rester là, mais la mine sombre de Gaver et les reproches qui couvaient lui firent ajouter :

- Vous avez bien fait d’interdire les transes. Tant que vous n’en saurez pas plus, c’est plus prudent.

Gaver accepta le compromis d’un bref hochement de tête. No’irin sentait que cela devenait difficile pour lui, comme pour Shalassan quelques jours auparavant. Pourquoi restait-elle étrangère à leurs remords ? Etait-ce son long sommeil qui avait distendu ces liens intangibles mais pourtant bien réels entre les vivants et elle ?

Après avoir réajusté quelques rubans qui couraient sur le bas de sa robe et jeter un coup d’oeil aux Titans qui dévalaient les cieux vers l’horizon, elle reporta son attention sur Elen :

- Aviez-vous d’autres questions, Intendant ?

~~~~~~~~

Elen ne voulait pas non plus se trouver au palais lorsque les Titans disparaîtraient à l'horizon et que le monde des esprits gagnerait en puissance sur lui. Il ne savait pas si le Néant pouvait interagir avec d'autres que lui mais il ne voulait pas prendre de risques inutiles.

« Non, ma Reine. Notre discussion fut des plus stimulantes et, bien que de nombreux points restent encore à éclaircir, vous avez, je crois, banni une bonne part de l'obscurité. Je vais donc me mettre en quête des Origines de mon clan et de Luwö. Peut-être trouverais-je là matière à fixer le problème qui nous occupe. »

L'Intendant se redressa, s'inclina devant la Reine puis Gaver, avant de remettre son capuchon. Il ne voulait pas qu'en quittant le palais, les serviteurs et les nobliaux ne voient son visage. Les choses s'avéraient suffisamment complexe comme cela.

« Une dernière chose, toutefois, si vous me le permettez. Je tiens à vous affirmer, à vous et à Gaver, que vous avez tous deux le soutient du Clan du Loup, quoi qu'il arrive dans l'avenir et quelque soit le sort des Elfes des Lunes. De plus, si jamais la cité devenait trop agitée pour vous, la Tanière vous accueillera avec joie.

Enfin, j'ai donné différentes instructions visant à vous laisser libre accès à toute la collection de manuscrits que nous entreposons à la Tanière. Certain sont très anciens et parfois non traduits du Loup Ancien, la langue de mon clan. Mais je pense qu'ils pourront vous être utiles : je n'ai pas encore eu le temps de tout trier, il y a bien trop d'ouvrage, mais je crois que les plus anciens sont contemporain à l'arrivée des Elfes dans notre forêt... »

Il s'inclina une nouvelle fois devant la Reine, ajoutant.

« Sur ce, je vous demande la permission de me retirer. Je ne veux pas vous dérober de votre temps plus longtemps... »

~~~~~~~~

- J’ai été ravie de vous recevoir, Intendant Ereinlen, répondit la Reine avec un sourire en guise d’autorisation. Et j’ai conscience de la confiance que vous me témoignez au travers de votre invitation.

L'Intendant sursauta à la mention de son nom, ses yeux s'arrondissant... D'où le connaissait-elle ? Il avait dû commettre quelque imprudence par le passé...

Mais Gaver se levait déjà pour offrir une poignée de mains à l’Elfe des Lunes, à la fois sincère et encourageante.

- Fais attention à toi, Elen.

No’irin attendit, avant de se lever, qu’Elen quitte la Sphère de Confidences puis qu’il disparaisse derrière l’enchevêtrement de haies bordant les sentiers qui reconduisaient au Palais.
Gaver restait silencieux. Il n’était pas satisfait de la conversation mais ne parvenait pas à exprimer ses idées.
Il était temps de rentrer. La Reine glissa ses doigts fins dans la poigne rassurante de son cadet et la fraîcheur du contact tira l’Elfe de ses pensées. Elle évita son regard plein de doutes et l’entraîna, sans troubler le silence, vers l’immense bâtisse de bois.
Peut-être regretterait-il un jour d’avoir tant souhaité son retour. Elle pria le peu d’alliés divins qu’elle se connaissait que ce ne soit pas tout de suite.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

Par Google  

el Par Calith  le 26/08/2011 à 19:22

Calith courait après le temps, mais plus il lui semblait parvenir à s'en rapprocher, et plus celui-ci lui filait entre les doigts. Une véritable plaie.
La tempête était passée, mais Elen faisait encore des siennes. Il avait dû le remplacer sur les missions des Loups, délaissant lui-même son Clan pour se faire. Quand il pensait enfin en avoir fini, force était de constater que les Impériaux se croyaient tout permis. Il fut surpris d'en découvrir plusieurs sur le chemin direct entre Fernliae et Na'Helli. Avec amertume, il se remémorait la façon dont il s'était fait avoir, au Sud de leurs terres. Il était hors de question que d'autres subissent le même sort, alors qu'ils se contentaient de regagner leurs foyers respectifs.
Sa hargne devait être bien réelle, car il lui fut possible de repousser les ennemis jusqu'au-delà de la coulée de lave, avec l'aide de plusieurs autres Forestiers. Les évènements à Fernliae lui avaient mis les nerfs en pelotte, mais cela semblait avoir son utilité. Pourtant, sa colère n'était pas redescendue, lorsqu'il regagna enfin la Forêt des Cendres. A force de courir par intermittence pour récupérer le temps perdu, il avait réussi à perdre Tiamath et arriver avec une fatigue colossale. Il arriva à croiser quelques Faucons, qui étaient presque étonnés de le voir, ce qui n'arrangea pas son humeur. Certes, il était parti depuis de longues saisons en voyage et avait constamment dormi sur les routes, mais était-ce une raison ? Cependant, on lui confia que cela faisait tout juste une année, désormais, qu'il n'avait plus donné signe de vie. Une année !
En y repensant, il ne s'était jamais arrêté depuis son départ dans le Nord, à la recherche de la statuette du Faucon. Il avait enchaîné sur la mer d'émeraude, les élémentaires d'eau, les tourmentes à Fernliae, Logdé Pyros au Sud dans le désert de Yaacov ... Sans compter l'inéluctable passage par les Enfers et sa rencontre avec Hermès. S'ils l'avaient crû mort, ils n'étaient finalement pas si loin de la réalité ...

Il chassa ses pensées noires pour se concentrer sur l'essentiel. Il lui semblait que les incidents s'enchaînaient à une vitesse folle, mais son devoir le plus légitime était de protéger son Clan, avant même Fernliae. Il clâma un rappel, forçant les Faucons au rassemblement dès le soir. Après avoir raté tant de réunions, il ne doutait pas que beaucoup protesteraient, surtout avec un délai aussi court, mais il était convaincu qu'ils obéiraient et que, finalement, ils comprendraient aussi bien que lui la nécessité de cette réunion extraordinaire.
Il n'eut pour lui que quelques heures de repos, ce qui ne contribua pas à améliorer son humeur. Ainsi, au rassemblement du soir, il préféra aller droit au but.
"Membres du Clan du Faucon, l'heure est grave.
Le voile se déchire et, actuellement, nos amis du Clan du Loup subissent des heures bien sombres. Plusieurs d'entre eux sont déjà tombés dans le piège ouvert des transes, s'enlisant, sans espoir de retour. Leurs corps vivent encore, mais leurs âmes ont quitté notre monde."

Les murmures d'incompréhension fusèrent, mais ne pertubèrent en rien la tenue de la réunion. Les Faucons avaient été nombreux à répondre à l'appel, durant ce laps de temps si court, mais tous savaient maintenir l'ordre et ne pas troubler la parole d'autrui, surtout pas de leur Intendant.
"L'origine de ce phénomène est encore inconnue, c'est pourquoi les transes sont dès à présent interdites pour l'ensemble des Clans, ce qui comprend aussi les Icarios et transes légères. Quiconque sera pris à en effectuer une subira une sanction exemplaire. Est-ce bien clair ?"
Le silence se fit retentissant. Il se permit un sourire las, avant de reprendre.
"Il est de notre devoir de prévenir l'ensemble des Clans de ce danger. Vous êtes les Veilleurs, propagez ce message auprès de tout Elfe des Lunes, car il s'agit de la parole du Conseil ! Et il est autant de notre devoir d'apporter notre aide, notre soutien, à l'ensemble des personnes touchées par ce phénomène. Soyez attentifs au moindre signe."
La fin de la réunion fut départagée entre les récents incidents élémentaires qui déformèrent la face d'Olympia, la nouvelle Intendance d'Aileen, la fin des recherches concernant la statuette du Faucon et les rapports du front. Dans toutes les discussions, il apporta une somme colossale d'informations, prouvant ainsi aux Faucons par la même qu'il n'avait jamais eu de cesse d'oeuvrer pour son Clan. Les esprits s'apaisèrent, et il put repartir sereinement, sachant d'ores et déjà que son Clan n'avait pas été menacé par ce fléau mystique, ou pas encore...

~~~~

Ce fut le lendemain que la nouvelle tomba. Les Titans avaient déjà fait leur chemin quand un piaillement insistant le sortit du sommeil. Un grognement courroucé lui répondit, l'elfe s'extrayant avec difficulté de sa couche. Un an sans profiter d'un vrai lit ! La Terre pouvait décider de renverser les Monts de la Désolation que cela l'aurait rendu indifférent. Les pires catastrophes avaient déjà été annoncés. Que pouvait-il y avoir de plus urgent encore ?
Nivalis avait décidé de faire des siennes, s'esquivant automatiquement dès qu'il approcha, comme une femme qui aurait été mécontente du ton employé. Mais ce jeu ne dura pas longtemps, le parchemin étant suffisament volumineux à sa patte pour qu'il l'attrape sans difficulté, l'oiseau avec. Il la libéra rapidement de son entrave, gratifié d'un coup de bec bien senti pour sa rudesse. Le parchemin était de l'ancienne Guide des Sylphes, et il était bien rare qu'elle daigne lui écrire ... Le contenu n'en était que plus inquiétant.

"Calith...

J’ai peut-être mal agi... Je n’ai pas voulu t’envoyer un message pour ne pas t’inquiéter et parce que je croyais pouvoir retrouver Elen toute seule mais... il s’avère que non. Elen a disparu depuis de nombreux jours déjà.

Je l’ai cherché à Na’helli, mais la piste s’arrête après une entrevue avec la Reine. Il a disparu. Mais, plus grave encore, il a changé d’apparence. je ne sais ce qu’il a fait, mais il n’est plus le même. Evonis le dernier Ashka des loups est inquiet.

J’ai cru qu’il allait venir au niveau des lacs de lave pour contempler l’oeuvre de Lodge mais non et là, je ne sais que faire. Si le mal qui m’accable n’était pas aussi violent, je tenterai un quelconque rituel mais là, je ne peux rien faire de peur de me consumer moi-même.

Je t’envoie ce message sans pour autant savoir ce que tu peux faire mais je me dois de te tenir au courant.

Nil’nelia, inquiète."


"Mais quel idiot !"
Il déchira le parchemin en maugréant des propos incohérents, se dépêchant de se préparer. L'oiseau le suivit du regard, d'un air curieux, du haut de son perchoir. Mais bien vite, il lui fallut reprendre son envol si elle espérait pouvoir le suivre dans sa course effreinée vers la cité elfique...

~~~~

L'elfe faisait les cents pas, sans savoir comment parvenir le plus rapidement possible à obtenir une entrevue. Il était sûr d'une chose, s'il empruntait le grand hall, il en aurait bien pour la journée. Les Nobles, et d'autant plus le Scribe, étaient beaucoup trop à cheval sur le protocole pour le laisser faire à sa guise. Il lâcha un juron à la volée, interrompant sa réflexion un instant pour maudire son semblable. Elen n'en faisait toujours qu'à sa tête et se passait bien de le consulter avant de faire la bêtise du siècle ! Il n'était pas difficile de savoir de qui Nil'Nelia avait subi la mauvaise influence ...

Nivalis devait régulièrement battre des ailes pour modifier son appui, constamment changeant. Elle finit par pousser un cri strident de mécontentement avant de gagner une branche non loin. Calith lui rendit un regard insistant, semblant subitement avoir une idée. La voie de l'air était toujours bien plus rapide, après tout. Tendant son bras en avant, il rappela l'animal récalcitrant, se rapprochant des jardins royaux. Il lui suffirait de voir le balcon de la Reine pour faire comprendre au volatile où devait-il se rendre exactement. L'endroit était néanmoins bien protégé des perturbateurs car cela lui prit un certain temps pour trouver un angle intéressant, s'aidant de sa vue perçante pour localiser l'endroit. Les gardes n'y verraient que du feu, car ils n'avaient jamais à surveiller les cieux.
Le faucon décolla, projeté en avant, fixant son point d'atterissage, plus loin. Elle contourna quelques arbres et arriva sans encombres, ses serres s'accrochant fermement à la rambarde. Ses grands yeux scrutèrent d'un air méfiant les lieux, l'oiseau gardant cette fois le silence. A sa patte, un parchemin était accroché portant un sceau marqué de deux ailes déployées. Le message en lui-même était concis et clair, comme à son habitude :

"Ma Reine,

Je déplore, à ce jour, la disparition d'Elen, Intendant du Loup. Vous êtiez la dernière à l'avoir vue, il me faudrait impérativement vous rencontrer. Dès que vous aurez reçu ce message, Nivalis reprendra son envol dans ma direction. Vous n'aurez aucun de mal à me trouver.

Calith du Faucon"



elfe Par No'irin Kai'tlin  le 28/08/2011 à 06:59

A son étude comme plusieurs heures par jour, No'irin ne remarqua pas le vol silencieux de Nivalis qui s'accrocha à la rambarde de son balcon.
Pourtant, au bout de plusieurs minutes, c'est ce calme inhabituel qui lui fit redresser la tête. Car les bosquets n'étaient pas si loin et regorgeaient d'oiseaux. Tout autant que les lierres et les vignes vierges qui escaladaient de nombreux murs du Palais et dans lesquels certains chassaient de petits insectes… Mais les lieux avaient été désertés et les pépiements chantants s'étaient évanouis.

No'irin tourna la tête en direction des portes-fenêtres qui donnaient sur le balcon. Elles étaient bien ouvertes comme de coutume, dès que les températures le permettaient. Il faisait beau, le temps se radoucissait sensiblement…

- Tiens… Que fais-tu là, toi ? Fit-elle en découvrant le faucon.

Elle se leva lentement pour ne pas effrayer l'animal.

- Petit coquin, c'est donc toi qui as fait fuir mes choristes préférés…

L'oiseau étendit ses ailes et lâcha un cri aigü, l'air très fier de lui.

- Oh ne le prends pas sur ce ton, j'espère que le message de ton maître est important ! Continua la Reine en approchant sa main de l'animal à la patte duquel elle voyait un parchemin enroulé.

Nivalis fit mine de picorer la main de No'irin mais son bec n'effleura pas sa peau : il tâchait de montrer un soupçon d'insoumission car la Reine n'était pas son propriétaire sans toutefois aller trop loin.

- Allons, doucement, voilà.

Elle avait récupéré le mot et le lut rapidement.

Elen ? Disparu ? Aussitôt l'inquiétude l'étreignit, autant que la surprise. Machinalement, elle releva la tête vers le faucon, comme si l'oiseau recelait un indice… Et celui-ci prit le geste comme un signe. En équilibre précaire sur la rambarde et obéissant à la consigne de Calith, il étendit ses ailes pour reprendre son envol.

- Non attends ! L'arrêta la Reine.

Nivalis réajusta sa prise et pencha la tête, interrogatif tandis que No'irin l'abandonnait sur le balcon pour rentrer dans son bureau.

Elen lui avait confié qu'il irait chercher des informations sur l'origine de son clan… Quel rapport avec sa disparition ? Une mauvaise rencontre ? Elle savait Elen à la fois cachottier et fonceur, c'est-à-dire apte à se mettre dans quelque panade très facilement…

Elle s'assit et ferma les yeux. Se concentrant sur l'Intendant des Loups, elle s'efforça de deviner son état, aussi bien physique que mental.

- Ereinlen… Murmura-t-elle dans un souffle pour donner plus de force à ses capacités d'empathie.

Elle fut soulagée en sentant que le lien existait bel et bien. Elen était vivant. Pourtant elle le sentait fatigué, anxieux; une pointe de résignation et pourtant toujours en lutte… Etrange mélange qui laissa la Reine hagarde plusieurs minutes.

Puis les rouages de son esprit se remirent à calculer. En tout devait-elle mesurer le rapport bénéfice / risque et Elen, malgré sa sympathie pour lui, n'échappait pas à la règle. S'emparant d'un minuscule parchemin, elle rédigea une réponse pour Calith. De toute façon… Depuis quand la Reine accourait-elle à la convocation champêtre d'un Intendant ? Restons sérieux. Son excuse était toute trouvée pour esquiver la rencontre.

Intendant Calith,

Je comprends vos inquiétudes et je peux vous dire que l'Intendant Elen avait décidé de faire des recherches approfondies sur son Clan.

Toutefois, je l'ai aussi mandaté d'une mission aussi privée que délicate et pour laquelle je lui ai demandé le plus grand silence. Je lui laisse donc du temps pour se manifester et je vous prierais de faire de même, pour ne pas compromettre ses chances.

Cordialement,
No'irin Kai'tlin, Reine des Elfes.


Elle rejoignit le balcon pour fixer le nouveau message à la patte de Nivalis. Le petit rapace avait trompé son impatience en se lissant quelques plumes et en griffant à plusieurs endroits le bois lustré de la rambarde.

Je me demande un peu d'où vient cette manie de s'entourer de sales bêtes… Pensa-t-elle fugacement en découvrant les rayures.

- Va. Dit-elle au faucon et elle regagna son bureau sans chercher à savoir dans quelle direction il partait.



el Par Calith  le 01/09/2011 à 19:48

L'Intendant s'était adossé à un arbre, à l'abri des regards. Il commençait déjà à perdre patience, car cela n'aurait jamais dû prendre autant de temps. Voilà ce que cela donnait de laisser deux filles ensemble ...
Il entendit subitement un bruissement d'ailes, Nivalis comme répondant à son appel silencieux. L'elfe tendit le bras, lui offrant un appui stable, mais fut plus que désappointé en apercevant le parchemin noué à sa patte. Il aurait dû s'en douter, la Reine était une Noble, après tout. Il défit rapidement le parchemin, alors que le faucon cherchait en vain sa récompense dans sa main. Calith fronça les sourcils et fit cesser le faucon d'un petit mouvement de main. Elle sembla lui en tenir rigueur, mais Nivalis n'était pas la seule à s'agacer...
Qu'est-ce que cela signifiait ? Une mission secrète mandatée par la Reine ? N'avait-elle pas assez d'agents prêt à répondre au moindre de ses ordres... Pourquoi engager un Intendant qui avait déjà fort à faire auprès des siens ? Il poussa un nouveau juron et mis en bouchon le parchemin, lui faisant subir le même sort que la majorité que Nivalis rapportait. On lui cachait des informations de première importance, et il n'aimait pas ça. S'il pouvait parfaitement se passer des intrigues de la noblesse, que l'on se passe de le tenir informer à propos des Clans ...

Mieux valait qu'il rebrousse chemin dès maintenant avant de faire quoique ce soit qu'il pourrait amèrement regretter. Ces Nobles ... Il s'arrêta subitement, une idée lui traversant l'esprit. Mais oui ! Certains Nobles avaient des compétences inégalées dans l'art du pistage, témoignant de capacités presque mystiques en la matière. Ils sauraient parfaitement retrouver la trace d'Elen ... Et mieux encore, il en connaissait une qui témoigne de telles compétences.
Ce fut finalement au pas de course qu'il quitta les environs du Palais, traversant à toute vitesse la cité elfique, sous le regard courroucé de quelques passants. Les murailles franchies, il leva le regard et aperçut à l'horizon le Siège de la Tour de Jades. Il n'était pas si éloigné de sa destination finale.

~~~~

Il parvint au Siège en un temps record, mais le souffle court, si bien que les gardes des lieux le détaillèrent un moment, d'un air intrigué, attendant qu'il se remette assez pour parler. Nivalis, quant à elle, avait suivi sans mal la cadence, se positionnant déjà sur les hauteurs pour mieux détailler la scène.
"- Savez-vous si Ambre est passée ?
- Oui, mais elle est repartie, messire.
- Vous sauriez me dire dans quelle direction ?
- Non... Mais cela ne fait pas longtemps."

Ses épaules s'affaissèrent, il n'était pas encore au bout de ses peines ... Inutile de leur demander s'il pouvait attendre à l'intérieur, autant se mettre à sa recherche immédiatement. S'il ne disposait pas de ses compétences hors-normes pour retrouver la trace d'une personne, il avait assez confiance en ses sens pour la repérer aux alentours. Et effectivement, il ne lui fallut qu'une petite heure pour enfin mettre la main dessus. Elle repartait vers le Nord, certainement au front.
"Ambre !"
Bien vite, il la rattrapa, posant une main sur son épaule pour la forcer à s'arrêter, un peu brusquement peut-être.
"J'aurais besoin de ton aide ... Accepte, s'il te plaît" Et sans lui laisser le temps de rétorquer, il poursuivit : "C'est Elen. Il me faut absolument savoir où il se trouve."



elfe Par Ambre  le 03/09/2011 à 13:07

- Euh, mais ...

Calith ne me laissait pas vraiment le choix. Lui d'habitude si posé, si calme, du moins en surface, lui qui calcule tout, ses mouvements, ses sensations, ses réactions, ce même Calith est là, devant moi, dans un état de panique.

Il évoque Elen. Il serait en danger. Mais c'est pareil, je connais Elen de nom, de réputation, il est connu chez les Forestiers, mais ça s'arrête là pour moi.

En résumé, un Elfe quasi étranger me demande de l'aider à en trouver un autre, pas plus connu.

D'ailleurs, il me tutoie. Je fais quoi, moi aussi ? Ne trouvant pas de réponse à cette question, je hoche la tête et préviens autour de moi. Je ne retournerai pas au front. Ils peuvent se passer de moi. Calith, visiblement, non.

- On commence où ?

Il faudra bien que Calith me raconte ce qu'il sait d'Elen, ça m'aidera à le retrouver. Mais ça ne semble pas être le bon moment. Peut-être y viendra t-il de lui même.



el Par Calith  le 16/09/2011 à 19:34

Il soupira, bien malgré lui. Evidemment, cela ne pouvait pas être aussi simple ... Ambre avait besoin d’une piste à remonter, mais la seule qui lui venait à l’esprit était déjà froide. Peu importait, elle avait accepté son aide, cela aurait dû lui suffire, non ?
”A l’Est de la Forêt des Cendres. Il a disparu après une entrevue avec la Reine, son Clan attendait son retour.” Il n’avait rien de mieux sous la main. Il fixa Ambre avec une lueur d’espoir, se demandant si ce maigre indice suffirait pour qu’elle puisse agir. Si elle ne pouvait rien pour lui, personne ne le pourrait. Il faudrait alors qu’il se résigne à ne pas mettre son poing dans la figure de l’Intendant ... S’il devait se charger de son Clan mourant et de sa femme atteinte par un mal étrange à sa place, il le maudirait jusqu’à la fin des Temps.

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- Euh, à l’est de la forêt ? Mais, c’était il y a combien de temps ?
Calith parait visiblement embarrassé. C’est la première fois qu’on fait appel à moi, qu’on me demande de l’aide et qu’on compte sur moi. Bien sûr, il y a aussi la Tour de Jade, mais c’est pas pareil, c’est Shây qui avait cette place.

- Bon, on va voir sur place ?
Je dois l’aider à retrouver Elen. Pas pour lui, ni même pour Elen, mais pour moi, par égoïsme.

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L’Intendant réfléchissait à toute vitesse. Il lui fallait être le plus précis possible pour qu’elle puisse faire son office, mais il s’aperçut bien vite que ses informations étaient limitées.
”Une missive m’a été envoyée me certifiant sa disparition il y a de cela deux Lunes à peine. Je vous laisse juger du temps que cela aura pris pour la déclarer.”
C’était bien trop vague, mais il ne pouvait pas faire mieux. Il aurait tellement voulu pouvoir faire plus, tout semblait pourtant lui opposer résistance dans sa quête désespérée. Il hocha la tête, sans un mot de plus, quand Ambre lui intima de le suivre. Avait-il le choix ?

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- Il va falloir m’aider, Calith.
J’ose à peine formuler ma demande. Paraître si proche de Calith, lui demander des choses, presque les ordonner, ça ne peut pas se faire aussi simplement, si ? Il faisait quand même partie de ces gens qui me vouvoient ! Ça doit compter.

- Vous le connaissez mieux que moi, vous savez mieux que moi comment il pense, comment il agit ! Il faut refaire le chemin qu’il a fait. Il est parti du Palais de la Reine, vers l’est de Na’helli ? Alors allons-y. Et dites moi tout ce que vous savez, même si vous pensez que ça sert à rien !

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Le Faucon s’était remis en marche, maintenant un rythme accéléré. Il ne savait si Ambre pourrait le suivre avec aisance mais il considérait s’être déjà bien trop attardé en bavardages. Il ne répondit rien, quand elle lui demandait de l’aide, avec un ton presque solennel. Un simple froncement de sourcils trahit sa pensée. La demande était des plus singulières. Lui ? Connaître Elen ? Peut-être. Savoir ce qu’il pensait ? Certainement pas ! Dans d’autres circonstances, il aurait été tenté de rire, mais dans celle présente, ces questions l’agacèrent.
”Le Clan du Loup dépérit, plusieurs des leurs ont été entraînés dans les strates des transes sans espoir de retour. Elen a l’esprit de sacrifice. Il se jette corps et âme dans tout ce qu’il entreprend et ne recule devant rien. Mais il est aussi déraisonnable et impulsif. Il ne mesure jamais le danger et agit souvent sous le coup de l’émotion.”
Il ne savait pas si ses paroles aideraient Ambre dans sa quête mais il avait déjà le cerveau retourné rien qu’à tenter de dresser le portrait du Loup.
”Certains disent l’avoir vu changé et méconnaissable avant qu’il ne parte en entrevue avec la Reine. D’autres affirment que ce ne serait pas lui qui aurait été aperçu à l’Est, mais un vieux Loup lui ressemblant. Des questions ?”
Il ne la regardait même pas, ses yeux résolument fixés vers leur objectif. Cela leur prendrait du temps de traverser un pan entier de Forêt, beaucoup de temps.

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Calith avance bien dans la forêt. Je sais que les Elfes des Lunes vivent continuellement en forêt, mais quand même ! Je pensais que seuls quelques Elfes étaient capables d’aller aussi vite.
J’accélère le pas. Est-ce qu’il pourra me suivre ? Ce n’est pas sûr. C’est vrai que dans ce domaine là, je suis quasiment la meilleure !

- D’accord. Donc on doit retrouver quelqu’un de pressé, qui ne faisaient surement pas attention à ce qu’il faisait.
Ça n’a pas l’air de le rassurer.
- Ça va être facile !

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Ses yeux s’agrandirent sous le coup d’une légère stupeur quand Ambre le dépassa. Un sourire, finalement, s’esquissa sur ses lèvres. Le début de leur conversation lui avait fait penser qu’ils manqueraient de temps, que la trace d’Elen serait particulièrement difficile à retrouver, au bout du compte. Mais la jeune Noble le dévançait ! Et il n’était pas sûr de connaître un Elfe des Lunes qui en soit capable. Calith accéléra automatiquement le pas, sans pouvoir la battre à la course, il pouvait sans peine maintenir ce rythme accéléré et ne pas la perdre de vue. Ce serait amplement suffisant, il n’était pas là pour la compétition.
Il haussa un sourcil, à sa remarque. Ce résumé lui paraissait très incomplet, mais il ne lui signala pas. Elle n’avait pas de questions, cela signifiait que ces informations lui suffiraient pour agir. Devait-il se rassurer ? Après tout, il n’avait pas le choix. Si Ambre ne retrouvait pas sa trace, il n’avait aucune solution de secours. Les Loups n’en savaient pas davantage, la Reine avait décidé d’ignorer ses sollicitations et les Sylphes en savaient autant que lui. Un soupir passa ses lèvres. Elen l’entraînait toujours dans des situations impossibles ... Il commençait à craindre le pire.

Ils dépassèrent Na’Helli sans que l’un ou l’autre ne décida de ralentir le rythme. Ils venaient de parcourir la moitié de la distance les séparant du lac de l’Etoile, mais la nuit commençait à tomber. Marcher de nuit lui posait problème, mais dans ces cirscontances, il craignait davantage de ne pas trouver le sommeil. Aussi, Calith décida de continuer d’avancer tant que sa compagne de route ne réclamait pas de lever le camp.
L’elfe resta ancré dans son mutisme tout ce temps. En y repensant, il n’avait jamais entrepris le moindre voyage avec Ambre, ou seulement durant des expéditions d’ampleur. Il la connaissait mal et cela ne le rendait pas davantage prolixe. Peut-être était-ce un tord, mais dans la situation actuelle, il n’avait aucune envie de discuter. La triste vérité était qu’il avait désespérement besoin des talents d’Ambre et que rien d’autres ne l’intéressaient dans l’immédiat.

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La nuit est tombée, comme elle le devait. Je me suis demandé un moment s’il fallait faire une pause, mais le simple regard de Calith m’empêchait de le lui proposer.
Tant pis, moi, ça me dérange pas. J’ai beaucoup marché de nuit, même dans la forêt. Je suis sûre de pouvoir me repérer les yeux fermés tant j’ai marché ici.

Mais le trajet est long, même quand on est aussi à l’aise entre les arbres. Il a fallu traverser la forêt d’un bout à l’autre. Et sans un mot de la part de Calith. Il n’est pas impressionné par moi, alors le problème vient de lui.
Après tout, c’est lui qui a besoin de moi, pas l’inverse. Même si j’ai rien contre lui et Elen, je ne sais rien d’eux. Tout ce que je sais, c’est qu’Elen a des soucis et que Calith s’inquiète. C’est tout ce que j’ai besoin de savoir.

Le Chien n’est pas là. Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Il nous aurait ralenti, c’est sûr. Mais sa compagnie m’aurait fait du bien. Au moins, j’aurais pu parler.

- On arrive au Lac.
La phrase était sortie simplement. Le silence pesant est rompu un court instant. Le jour n’est pas encore levé mais j’aperçois déjà les rives du lac.

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L’elfe cligna des yeux avec lenteur. Sa vision était mauvaise, à la clarté de la lune, et tout était étrangement silencieux. Il commençait aussi et surtout à fatiguer, ce qui risquait de les rendre vulnérable. Aussi, il n’aperçut les rives du lac qu’au moment où Ambre fit le même constat. Il pensait avoir l’ascendant, en tant que Faucon, mais ses capacités étaient trop réduites présentement.
- Je vais partir en éclaireur. Rien ne nous dit que des ennemis ne soient pas encore sur place...
La prudence était de mise. Il avait déjà eu l’occasion de voir des groupes d’ennemis impressionants à l’orée de la Forêt, à l’Est. Les Faucons veillaient presque aussi scrupuleusement au Nord, à la frontière, qu’à cet emplacement plus vulnérable.
- Si vous êtes capable de remonter la piste en pleine nuit, nous gagnerons du temps. Sinon, vous pouvez commencer à lever le camp, le temps que je finisse ma ronde.
Il inclina la tête, en guise de salut, et partit au pas de course.



el Par Calith  le 27/09/2011 à 09:19

Ambre n'avait pas attendu bien longtemps avant de se mettre à la tâche. Au première lueur de l'aube, elle semblait avoir trouver certains indices, malgré les faibles détails donnés par l'Intendant. Il la regarda faire un long moment, sans la perturber, se montrant soudainement d'une patience extrême. Lentement, Ambre s'était dirigée vers le Nord-Nord-Est, remontant une piste que seule elle était capable de discerner. Tout portait à croire qu'Elen se trouvait à mi-chemin entre Zagnadar et Lardanium, ce qui n'était pas pour les arranger.
Calith passa devant, à l'approche du territoire impérial. Sa vision perçante lui permettait d'apercevoir le danger bien avant Ambre, et la plaine dégagée lui offrait une vue imprenable. Ils s'étaient cependant considérablement éloignés de la Forêt des Cendres et l'elfe commençait à être nerveux. C'était souvent dans cette plaine que les siens s'étaient faits massacrés, au fil du temps, pris à revers par les forces impériales. Maintenant l'endroit serait propice à la prise d'otages ?
Contre toute attente, ils parvinrent au fleuve sans rencontrer un seul ennemi. Zagnadar n'était alors plus qu'à une journée de marche. Ambre s'arrêta enfin, lui faisant comprendre que la piste s'arrêtait là.
"Ambre ... Zagnadar est maintenant toute proche. Nous ne pourrons jamais intervenir aussi loin, je le crains.”
Il prononçait déjà ces paroles qu'il les regrettait. Calith fixa d'un air pincé l'autre rive du fleuve. Il savait que le Loup n'était plus loin, de l'autre côté, mais il s'était déjà trop engagé dans les terres impériales. S'il courrait droit devant lui, passait le fleuve, il pourrait sans doute le voir mais ... Il risquait de ne pouvoir jamais faire le retour. Sa mâchoire se crispa, à cette pensée. Sur son épaule, Nivalis se replaça, silencieuse.
"Alors il faudra prendre contact officiellement avec eux, c’est ça ? Je dois rentrer. Il y a d’autres problèmes que je dois régler." lui répondit finalement Ambre.
Il hocha la tête, sans un mot de plus. Ambre s'en retournait déjà. Il aurait voulu la retenir mais la raison le rappela à l'ordre. Il poussa un juron tout bas puis tendit la main vers le volatile qui s'y percha naturellement.
"J'ai une faveur à te demander, ma belle ..."
D'un doigt, il la caressa sous le cou. Il pouvait transmettre un message à Elen... Non. L'Intendant n'aurait jamais l'occasion d'en bénéficier et les impériaux l'intercepteraient sans aucun problème. Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'était que Nivalis en constituait un en soi. Il leva le bras et laissa l'animal prendre son envol, lui donnant la direction désirée. En cet instant, il aurait voulu la suivre dans son vol, mais lui restait désespérément cloué au sol.

Le faucon survola les terres impériales seulement quelques minutes avant d'apercevoir une silhouette qui ne lui étaient pas méconnue. Elle voulut s'en rapprocher, mais se ravisa face à la poignée d'impériaux qui suivait Elen de près. Pour accompagner constamment Calith au combat, elle savait instinctivement que ces bipèdes n'avaient rien à voir avec les protecteurs des forêts. Qui plus est, elle n'avait pas de message donc aucune raison de se rapprocher du contingent. Elle décrivit un certain temps des vols circulaires au-dessus de l'elfe, jusqu'à ce que celui-ci daigne lever les yeux au ciel. Quand ils furent trop proches des murailles de Zagnadar, le faucon décida de se poser en retrait. Ses yeux de rapace aperçurent l'étoffe et son vol déclina en direction de l'arbuste.
Nivalis était habituée à véhiculer des messages, mais celui-ci était bien singulier. Une étoffe et une flûte. Elle attrapa l'étoffe dans ses serres et reprit son envol en ignorant la flûte. On lui avait appris à rapporter des messages, pas à dérober des objets, et l'étoffe semblait toute indiquée. Quand elle revint vers son maître, elle agressa avec insistance son gant de son bec, attendant une récompense à hauteur de ce qu'elle venait d'accomplir...



el Par Calith  le 11/10/2011 à 15:51

"Arrête ça." grogna t-il.
Nivalis lui rendit un piaillement indignée, enfonçant davantage ses griffes dans son gant. L'elfe daigna enfin répondre à ses exigences, lui lançant un amuse-gueule afin de la distraire suffisamment longtemps pour s'emparer de sa trouvaille. Il détailla l'étoffe un moment, d'un air circonspect, avant de la sentir. Aussi étrange que ça lui paraisse, il ne reconnut son appartenance que lors de ce dernier geste. Décidément, peut-être avait-il passé trop de temps avec Elen, ça commençait à en devenir effrayant...

"Allez, en route." Il leva son bras vers le ciel et l'animal reprit son envol aussitôt, ses yeux de rapace se promenant sur la plaine à la recherche d'ennemis potentiels. Elen n'était pas très loin... Il aurait dû rebrousser chemin avec Ambre et se méfier de cet étrange calme qui planait aux alentours de Zagnadar mais il éprouvait de sacrés difficultés à se raisonner. Le Loup connaissait sa position, s'il cherchait à s'enfuir... Le moment était rêvé.
L'Intendant s'approcha à la limite du fleuve, son regard balayant les alentours. Rien. Personne. Il plissa le regard, perplexe, et après quelques minutes, décida de rebrousser chemin. Et pourtant... Un objet brillant attira son attention, à la dernière seconde. Ce n'était pas ce qu'il recherchait, mais l'objet lui semblait familier. Il pouvait sans peine le récupérer, à l'abri des rochers, mais il lui faudrait pour cela traverser le fleuve. Dans les hauteurs, il aperçut Nivalis s'agiter, entamer un vol circulaire à l'Est de sa position. Les impériaux ne se souciaient pas de sa présence, mais l'Intendant comprit immédiatement qu'elle avait perçu un danger. Sa mâchoire se crispa, mais il prit tout de même la décision de passer. En un temps record, il traversa le fleuve, passa de rocher en rocher pour atteindre l'arbuste. Il se cacha un instant, afin de vérifier que personne ne l'avait remarqué, puis entama le trajet du retour de la même manière, l'objet en main.
Ce ne fut qu'une fois en sécurité qu'il daigna jeter un oeil à l'objet en question : C'était la flûte d'Elen. Des symboles étranges étaient gravés dessus, incompréhensibles pour lui, et certainement pour bon nombres de personnes extérieures à son Clan.

Il poussa un soupir exaspéré. Elen ne lui simplifiait jamais la tâche, jamais. Il était trempé de la tête aux pieds et commençait déjà à avoir froid. Tout ça pour ça ? Il n'avait même pas eu l'occasion de l'apercevoir, seule Nivalis avait eu cette chance. Le Loup devait déjà avoir pénétré l'enceinte de Zagnadar, rendant impossible toutes fuites. Après tout, rien ne lui coûtait désormais de se rendre à la Tanière...

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Evonis gardait la flûte en main, l'observant sous toutes ses coutures. Il resta silencieux un moment, pensif, avant que son interlocuteur ne perde finalement patience.
"- Alors ? Qu'est-ce que cela signifie ?
- C'est du Loup Ancien... Ce premier symbole signifie attention, ou danger, parfois. Le second est plus caractéristique : Il signifie mort."

Le Loup leva un regard significatif vers l'Intendant, sans faire de commentaires personnels. Calith faisait peine à voir, en face de lui, le feu de camp ne suffisait pas à le réchauffer et il tremblait encore de froid sous la lourde fourrure que lui avait confié l'Ashka. Il n'avait pas daigné entrer dans l'enceinte de la Tanière et l'avait amené en retrait de son Clan. Ses cheveux retombaient sur ses yeux et gouttaient lentement au sol, mais le regard qu'ils couvraient était d'un froid polaire.
"Danger ... De mort ? C'est cela ?"
Le Loup eut la sagesse de ne pas répondre. La rage caractéristique du Faucon commençait à refaire surface, sans qu'il ne puisse la contrôler. Il savait ce que signifiait ce message, pourtant si pauvre en information... La Reine lui avait menti pour le tenir éloigné du Loup, il en était persuadé. Et maintenant, Elen faisait de même. Ils s'étaient vus, durant une entrevue privée, juste avant que le drame ne se produise. Les manigances des Nobles ne l'intéressaient pas tant qu'elles ne perturbait pas les Clans des Lunes. Il avait appris au cours des siècles à s'en tenir éloigné le plus possible, mais là... On lui demandait d'abandonner. On lui faisait comprendre encore une fois que son acte était déraisonnable, qu'il n'apporterait rien de bon en persistant dans cette voie.
Il se leva subitement, la fourrure retombant au sol, et s'empara de la flûte des mains d'Evonis.
"Qu'ils aillent en Enfers !" L'objet se brisa sous ses mains. Il envoya au loin les morceaux restants et partit d'un pas vif vers le Nord, sous les yeux ébahit de l'Ashka. Il venait de réduire en miettes l'un des objets fétiches de l'Intendant du Loup sans l'ombre d'un remords...
"- Mais pourquoi as-tu... Calith ! Où comptes-tu aller ?
- Combattre le mal à sa racine."

Il trouverait les Chasseurs d'Immortels et leur ferait définitivement passer l'envie de recommencer cette mascarade.