Nouvelle allégeance | |
Topic visité 747 fois Dernière réponse le 15/10/2011 à 20:03 |
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Ce sujet est réservé aux personnages participants. Si vous souhaitez vous joindre à cette quête, merci de contacter au préalable Raksha (1059)
Pour une meilleure compréhension de la chronique, vous pouvez lire: - Comète et relique - La Plume de Sang |
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Renaissance
Le sauvage reprit lentement conscience. Il clignait des yeux pour s’habituer à la lumière du jour. Sa vision était trouble. Il distinguait avec grande peine la végétation environnante. Dans quelle forêt se trouvait-il d’ailleurs? Celle des Ombres? Celle des Cendres? Ou bien ces vagues formes d’arbre appartenaient à la forêt oubliée du nord? Son esprit se recomposait lentement... Qui était-il? Raksha... Que faisait-il là? Il était mort. Non, il était plus que cela... Son âme avait été détruite mais alors, comment expliquer que c’était de l’air qu’il respirait, comment expliquer que son corps, même s’il lui semblait peser une tonne, cherchait à se mouvoir au fur et à mesure qu’il recouvrait de la motricité dans ses muscles endoloris... Il était vivant... Ses yeux lui donnaient des informations que son cerveau n’arrivait pas encore à agencer correctement. Structure... pierre... temple... eau... Poséidon... peur... La crainte que lui inspira la vue du temple des eaux le fit suffoquer. Lentement, il ordonna à son corps de se mouvoir. Il rampa tout d’abord, avant d’arriver à se redresser sur quatre pattes, errant telle une bête agonisante, ne cherchant qu’à mettre le plus de distance possible entre elle et son prédateur. Il dévala une pente trop vite. Il voulut user de son agilité pour se redresser mais il était trop faible. Il glissa, ne pouvant empêcher la chute de son corps qui se termina lorsque sa tête rencontra le tronc d’un arbre qui avait curieusement refuser de se bouger lorsque le sauvage lui en entama l’ordre. Il perdit à nouveau conscience. Combien de temps? Des heures sans doute. Ce fut la fraicheur nocturne qui le réveilla. Sa tête le faisait affreusement souffrir. Des brindilles se mêlaient au sang séché sur son visage. S’il s’en était souvenu à ce moment là, il se serait servi de magie pour se soigner mais il n’avait pas encore retrouvé ce niveau de lucidité. Il était toujours une bête apeurée qui ne retrouve plus le chemin de sa tanière. Combien de jours pour rejoindre Fernliae? Même lui ne le sait pas. On l’a retrouvé à moitié mort à la porte ouest de la ville. Il était brûlant de fièvre, plongé dans un délire permanent. Shalassan fut le premier à se pencher sur le corps du jeune sauvage pour lui apporter les premiers soins. Raksha, dans un geste dément, l’attrapa par la barbe pour l’obliger à soutenir son regard empli de folie. Raksha: « Trahison... Il nous a trahi... mais elle m’a sauvé... Mère... Je l’ai senti... » L’étreinte du sauvage se relâcha alors qu’il sombrait de nouveau dans l’inconscience. Il resta ainsi de nombreux jours, plongé dans un coma proche de celui dans lequel était plongé Elisenda depuis la chute de Luminae. De temps à autre, des larmes s’écoulaient de ses paupières closes comme si son âme pleurait mais souvent ses pleurs s’accompagnaient d’un sourire. Shalassan et Hosl, qui était accouru au Refuge si tôt que la rumeur qu’on avait retrouvé le jeune prêtre de Poséidon s’était répandue, se relayaient au chevet de Raksha. Ce fut Hosl qui assista à son réveil. Le jeune sauvage avait ouvert les yeux soudainement alors que le vieillard faisait infuser une tisane dont il avait le secret. L’ancienne Ombre s’était relevée et fixait son ainé d’un regard désolé. Raksha: « Je suis navré de ne pas t’avoir cru, Hosl. J’aurais du savoir qu’il était vain de vouloir servir ce dieu de l’Olympe. Tant de fois tu m’as prévenu, tant de fois je ne t’ai pas écouté. Tu as même essayé d’y croire mais tu n’as jamais été trompé comme je l’étais. Il m’a détruit, Hosl... Les Enfers m’étaient interdits et mon âme condamnée au Néant et pourtant... alors que je pensais toucher le fond, quelque chose m’a sauvé. Une force invisible, lumineuse me cherchait... Une chaleur maternelle m’a enveloppé lorsqu’elle m’a trouvé... et me voici de nouveau parcourant les terres d’Olympia... Hosl, je crois qu’il y a de l’espoir pour nous... Je crois... J’ai peine à y croire mais... Je crois que Mère est toujours là... » La violence des mots qu’il prononçait lui faisait tourner la tête, lui qui avait toujours suivi les préceptes de Poséidon avec tant de ferveur ; lui qui s’était fiancé à sa porte-parole, la sublime sirène Thelxiopé ; lui qui avait toujours cracher sur ses utopistes qui croyaient encore en Gaia... et pourtant, maintenant, il était empli d’une force nouvelle. Il chercherait à découvrir la signification de cette nouvelle chance qui lui était offerte. Il ne lâcherait rien avant d’avoir découvert la vérité. Son corps s’affaissa un court instant et il dut s’accrocher au bord du lit pour ne pas s’effondrer sur le sol... Avant de se lancer dans cette quête éperdue, il aurait tout d’abord besoin de retrouver ses forces. Ce qu’il fut les jours qui suivirent... |
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Peut on être terrorisé pour quelqu'un qui n'est pas de votre sang? La réponse est oui. Au fil des aventures étranges qu'avait vécu le vieux Hosl, il avait développé une sorte de sympathie presque paternel. Oui, en y penssant, il avait vu en cet "enfant" comme il aimait le dire le reflet des siens disparut, emportés par les nombreuses guerres. On ne devrait jamais survivre à ses enfants, non... jamais...
Lorsqu'il avait entendu dire que Raksha avait été retrouvé au seuil de la mort près de la nouvelle cité, il avait tiré toutes la force d'un père apeuré pour aller le voir, franchissant monts et obstacle, rencontrant la mort et ses sbires, mais, finalement, à son grand soulagement, il avait put le retrouvé, et son vieux coeur écorché par le temps avait pendant une fraction de second cessé de battre tellement la joie de le voir en vie emplit d'allégresse. Il c'était relayer avec le sage des enfants de Gaïa pour panser le prêtre de Poséidon. Jamais Hosl n'avait porté dans son coeur les dieux, et cet acte de trahison l'avait emplit d'amertume envers ces derniers. Ce fut un de ces soirs de plus à guetter le rétablissement de celui qui était à moitié de sa chaire qu'il se mit à préparer une tisane, 'était un vieux remède, certains soufflait que l'ingrédient secret était de la magie, d'autre murmuraient qu'il fallait un peu de sa propre vie, mais certains préféraient dire que c'était des larmes sincères. Tout cas est il que le vieil homme fut surpris quand Raksha "revint" à lui et lui souffla d'une traite une tirade digne d'une tragédie. L'oeil du vieux s'humidifia et alors que ses bras frêles se mirent à serrer le "petit" corps de Rasha, il lui souffla, retenant de peu ses sanglots : -Raksha... Mon petit Raksha... Il ne put retenir un sanglot qui déchirerait le coeur de toute personne ayant un jours aimé et continua : -J'ai eu si peur de te perdre... Tellement peur... Il serra un peu plus fort son étreinte et ajouta d'une voix bien moins forte qu'à son habitude : -Mère sera toujours là pour nous, mais il faut te reposer. D'accord? Il se désolidarisa du jeune sauvage comme conscient qu'il se montrait un peu trop paternel avec ce dernier. D'un revers de manche, il fit sécher ses larmes et apporta de nouveau de la tisane avant de souffler : -Il te faut des forces... Dans quel nouveau défit Raksha allait il le lier? De nouveaux desseins se dessinés au loin, jeux des dieux probablement, ou peut être un véritable peuple pour les maudits? L'avenir n'étais jamais certains sur OLympia. |
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Résolution
Le ciel était particulièrement couvert en cette saison des vents. L’activité au Refuge était donc intense pour constituer les réserves permettant de survivre aux saisons froides qui s’annonçaient. Raksha allait désormais beaucoup mieux, physiquement du moins. Il exerçait chaque jour son agilité par des exercices dans les cimes des jeunes arbres entourant Fernliae. Les branches agitées par les vents incertains du sud étaient autant d’appuis instables dont il fallait anticiper les mouvements pour ne pas chuter quelques mètres plus bas. Il n’était d’ailleurs pas rare de le voir commettre quelque erreur de calcul l’entraînant dans une chute dont il se rétablissait plus ou moins bien, sa nature féline l’aidant à ce qu’il retombe toujours sur ses pattes. Le jeune sauvage avait également décidé de négliger la pratique quotidienne de la magie qui l’habitait pour se consacrer à la manipulation des lames courtes et des techniques de combat au corps à corps. Les sauvages comptaient souvent sur leur agilité naturelle pour tendre des embuscades ou esquiver les puissantes attaques de leurs adversaires avant de leur infliger une terrible blessure magique mais Raksha ne souhaitait plus suivre cette voie. Il voulait à présent devenir un guerrier à part entière. Les artisans de son peuple avait d’ailleurs conçu un gantelet permettant de renforcer la puissance d’impact des coups portés au corps-à-corps. Ils avaient appelés cette arme le Cogneur et Raksha exerçait régulièrement ses poings contre l’écorce d’un arbre jusqu’à ce que les échardes de bois fassent saigner ses phalanges. Pour le reste, il parlait relativement peu comme si son sacrifice était encore un sujet tabou qui emprisonnait son esprit dans un carcan glacé. Il surprit donc les deux vieillards qui le chaperonnaient lorsqu’il mis lui-même le sujet sur la table. Raksha: « Hosl, Shalassan, je ne vous ai pas encore remercié pour tous les bons soins que vous m’avez prodigué. Je suis conscient du temps que cela vous a pris malgré vos obligations et je vous saurais toujours redevables. C’est pour cela que je vais vous raconter ce qu’il m’est arrivé après qu’un carreau d’arbalète me transperça le corps sur les marches du temple des eaux alors que je m’apprêtais à faire échouer les nains dans leur quête en remettant le Livre des Anciens à Poséidon. Je... » Le jeune sauvage hésita, tentant de rassembler les évènements dans un ordre cohérent et refoulant les sentiments de crainte et de terreur qui émergeaient à leurs pensées. Raksha: « Je n’ai pas connu les Enfers d’Hadès par ma mort. J’ai immergé dans un autre monde, obscur et humide, sombre et cruel mais couvert de ruines raffinées. Si j’en crois les récits du passé, je pense que je me suis retrouvé dans le Royaume sous-marin d’Héliké. J’aurais pu être enfermé dans ses geôles pour mon échec personnel dans la mission que le Dieu des Mers nous avait confié mais mon sort était moins enviable. Je fus poser sur l’autel des sacrifices et offert en pâture aux sirènes... celles dont tu m’avais toujours parlé, Hosl, manipulatrice et perfide, affamée de chair fraîche... Sans doute que Thelxiopé ne m’aimait pas vraiment car elle ne vint pas me sauver. Je découvris alors une chose terrible. Les pions peuvent être brisés. J’ai toujours eu conscience que nous ne sommes que des pions dans les parties d’échec que les êtres supérieurs jouent sur Olympia. J’avais toujours naïvement pensé que, par ma foi aveugle, je pourrais être promu à une meilleure place que celle de vulgaire pion et que si je venais à être vaincu. Je serais remis en jeu lors d’une autre partie mais quand la colère étreint un Dieu, il peut décider de détruire totalement une de ses pièces et jamais... jamais, elle ne rejouera une partie. » Raksha détourna un instant son regard dans le vide, souffrant de ses paroles mais se renforçant des bonnes nouvelles à venir. Raksha: «... mais j’ai aussi découvert qu’une pièce brisée peut être reconstituée par un autre Eternel. Lorsque ma conscience était au bord de l’extinction, j’ai senti que quelque chose me cherchait. Quand cette force m’a trouvé, elle m’a enveloppée et... et la suite, vous la connaissez. J’arpente à nouveau Olympia. Je pense que j’ai pu rencontré Gaia et que m’ayant reconnu comme son enfant, elle a trouvé la force de me renvoyer ici, parmi vous. Est-ce que cela signifie qu’elle est, elle-même, proche de l’extinction finale? Je ne le sais pas mais je le crains. Notre peuple ne pourra cependant pas perdurer si nous n’avons pas de Joueurs pour nous mouvoir sur le grand échiquier des Puissants. Je crois que tu ne le sais que trop bien Shalassan lorsque tu as scellé une alliance entre notre peuple et Poséidon... n’est-ce pas? » L’ancienne Ombre chercha alors un témoignage, même inconscient du guide qu’il était dans le bon. Raksha: « Nous avons donc besoin de rechercher ces Eternels qui pourront nous intégrer dans leur plan et nous protéger ou du moins interférer dans les plans des Dieux qui veulent nous nuire. Je ne crois plus que nous trouverons le salut ultime auprès des divinités olympiennes. Nous avons besoin de quelque chose de plus... pur... original... Quelque chose lié à notre histoire propre! Beaucoup se sont lancés dans les recherches de Mère et j’aurais donc besoin de vos enseignements, guide, pour me mettre sur la voie. Je ne vous demande pas de me révéler vos secrets... J’ai bien compris que tout cela devait prendre la forme d’un parcours initiatique mais sans vos précieux conseils, je risquerais de m’égarer dans la brume et je ne suis pas sûr que notre peuple puisse se le permettre. » L'ancien prêtre de Poséidon se retourna alors vers Hosl. Raksha: « Je sais que cette partie sera particulièrement difficile car nous arpenterons des sentiers escarpés que les Dieux préfèreraient que l’on croit inaccessibles. Je ne suis pas sûr d’avoir en moi la force nécessaire d’accomplir cet exploit... du moins, pas sans ta sagesse, Hosl. J’aurais encore besoin de toi mais je comprendrais aussi qu’une fois de plus, je te fais mettre ta vie en danger et que tu aspires peut-être à une retraite paisible? » Il alla chercher une main des deux vieillards. Raksha: « J’ai besoin de vous pour réussir. » Et le sauvage attendit la réaction des anciens. |
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Hosl était un vieil homme qui avait perdu plusieurs enfants, perdu sa femme et même s’il gardait une attitude joviale n’en demeurait pas moins un ”homme” meurtrie par le temps qui ne demandait qu’à faire son dernier voyage, rejoindre sa vrai famille.
Cependant, au cours du temps, il avait commencé à éprouver pour Raksha une affection que porte a un fils, le mettant en garde contre ce qu’il avait appris, usant de sa longue expérience dans le domaine de la vie pour ce genre de chose. Il espérait même qu’une jour le jeune sauvage trouve une jeune sauvage et qu’il puisse décider lui aussi de vivre un peu plus loin des sentiers meurtriers d’Olympia. Il l’avait regarder s’entraîner avec hargne et dextérité, et ne pouvait retenir une petite grimace derrière sa barbe quand il voyait l’écorce des immense tronc d’arbres lui écorcher la peau. Quand son ”fils” lui raconta car il le considérait comme tel, sa mort, le visage d’Hosl demeura de marbre, alors qu’au fond de lui, il ne prenait que gifle après gifle, s’insultant de ne pas avoir réussit à sauver le sauvage. Il aurait dut être à sa place, il aurait dut mourir, oui, lui aurait dut mourir, pas Raksha. Au fil de la conversation, alors que le vieux sauvage serrait avec le plus de force possible sa canne, il se rendit compte qu’il avait lui même oublié la Mère. La Mère, les Dieux, Gaïa, l’Olympe. Il avait cesser de se préoccuper des puissances supérieurs et savait que sa vie n’était guère suspendu qu’à un fil et que dans peu de temps il mourrait bel et bien de cette maladie qu’on nomme vieillesse. Il se savait incapable de gros efforts et que ces derniers accéléreraient sa chute, cependant, quand Rashka lui demanda de l’aider, il comprit. Le vieil homme ferma les yeux puis les rouvrit, fixant le jeune de son regard fatigué. Ses propres lèvres s’animèrent et il répondit : - Je serrais toujours là pour toi Raksha... Toujours. Souviens toi en. Et sa main fracassée par le temps serra un peu plus fort celle de ”l’enfant” alors qu’il tenta un demi-sourire. |
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Shalassan fut soulagé de l'arrivée de Raksha. Ainsi No'irin avait-elle su convaincre Thémis et tous les Dieux n'étaient pas aussi intransigeants – ou orgueilleux - que Poséidon : lors de sa rencontre avec la Première Née quelques jours auparavant, il n'en aurait pas mis sa main à couper.
Le jeune Sauvage était en piteux état, tant physique que moral. Mais qui aurait fait mieux, après ce qui venait de se passer ? Sûrement pas l'Ermite, qui avait vécu des moments tout aussi tragiques et qui avait mis des lustres à s'en remettre. - Hélas, c'est la mort de Polyphème qui scella cette alliance avec Poséidon. Nous n'aurions pu faire autrement. Parmi les théories – certaines plus fumeuses que d'autres - de complots qu'il étudiait régulièrement, Shalassan s'était même demandé si le Dieu des Mers n'avait pas tendu un piège aux Sauvages de Luminae, laissant traîner son simplet de fils aux abords des marais. Avait-il compté sur la méfiance assassine des Enfants de Gaïa envers tout ce qui rôdait près de la cité lacustre pour s'assurer après le drame prévisible la main mise sur un nouveau cheptel de fidèles ? Pourquoi pas… Certains des Immortels avaient fait bien pire. Toujours est-il qu'il avait gardé ses réflexions pour lui. - Et nous devons nous réjouir qu'il s'en soit allé sans plus de dommages. Tu es vivant, notre Refuge est encore debout, l'Empire ne bénéficiera plus de ses bonnes grâces avant longtemps et nous avons le champ libre pour explorer de nouvelles options. Il esquissa un sourire qui resta pourtant discret à travers sa barbe et serra la main de Raksha. - Car tu as en partie raison, jeune homme. Il y a des Eternels, plus qu'il n'en faut même. Et ils ne se ressemblent pas tous, loin de là. Certains ont ce qui s'apparente à un bon fond et ne seraient pas cruels gratuitement. D'autres sont avides de pouvoir ou de reconnaissance, les derniers n'ont que faire des Mortels. Certains sont jeunes à l'échelle des Dieux, et d'autres tellement plus anciens… Shalassan se mit à chuchoter si bas que sa voix n'aurait pu aller plus loin que les oreilles de ses deux interlocuteurs. Il savait qu'il allait décevoir le jeune Sauvage, mais il préféra lui dire la vérité plutôt que nourrir ses espoirs de nouveaux mensonges. - Une terrible guerre a opposé des Immortels entre eux. Notre Mère y aurait participé, comme d'autres de son clan. On la donne pour vaincue mais pas détruite. Enfermée, réduite au silence… J'en sais bien peu sur les liens qui la retiennent, seulement qu'ils sont un maillon du nouvel Ordre divin. Rares sont ceux parmi sa proche famille à avoir survécu. Pourtant sa lignée perdure et à défaut de Gaïa, Raksha, un Eternel de son sang a veillé sur toi. Nous ne sommes pas seuls et notre quête d'alliés doit se poursuivre pour qu'un jour nous puissions sortir de l'ombre et réclamer la liberté de notre Mère. |
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Raksha fut bouleversé par les paroles de Shalassan. Une fois encore, le jeune sauvage s’était trompé. Quelque part en lui, quelque chose se brisait. Il avait enfin, après tant d’années de déni, trouvé la foi envers leur Mère et voici qu’il apprenait que ce n’était pas elle qui l’avait sauvé et que, de toute manière, elle en serait incapable tant les chaînes la retenant prisonnière étaient solides. Néanmoins, il y avait de l’espoir… de la voir un jour libérée. L’échiquier devenait encore plus complexe. La prudence des mouvements sur l’échiquier devenait plus impérieuse que jamais. Les engrenages commençaient à se mouvoir dans l’esprit du sauvage mais avant d’ériger un plan, il fallait donner un peu plus de substance à la mécanique. Sa curiosité était aiguisée… Il prit lui aussi une voix de conspirateur.
Raksha:: « Shalassan, je ne peux m’empêcher de penser que tous nos frères devraient savoir la vérité pour Mère… mais je comprends aussi que si nous manquons de discrétion, le nouvel Ordre divin, comme tu l’appelles, devra intervenir et il se pourrait bien que notre sort soit encore moins enviable après ce que nous a déjà fait subir Chronos. » Raksha frissonna à l’idée d’une ultime croisade des Dieux de l’Olympe contre son peuple. L’Alliance ne pourrait strictement rien faire pour empêcher l’extinction du peuple sauvage. Raksha:: « Mais tu parles d’Eternels… Sais-tu quel protecteur s’est penché sur mon âme pour me ramener parmi vous ? Connais-tu ses raisons ? Sais-tu comment le contacter ? Ce qu’il attend de nous ? » L’ancienne ombre devint passionnée. Raksha:: « Shalassan, guide-moi… » Raksha jeta un œil sur Hosl, toujours présent et qui n’avait jusqu’à présent pas réagi à l’annonce de l’emprisonnement de Gaia. Raksha:: « … Guide-nous ! Même si tu n’as que des bribes d’informations, je m’en nourrirais. Je me mettrais en mouvement ; la route ne me fait pas peur tant qu’on me montre le début du chemin. Nous ne pouvons plus attendre… Qui sait quel Dieu décidera de nous sacrifier encore un de ses Fils pour nous contraindre à croire en lui… » Il savait que Shalassan serait prudent dans les informations qu’il lui confierait et qu’il devrait apprendre beaucoup par lui-même mais il était prêt. La mécanique des ombres se mettait en place. |
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Shalassan saisit le désarroi qui étreignit un instant Raksha. Mais il comptait sur la fougue de la jeunesse pour voir ce qui était positif, dans tout cela, même si c’était fort mince. Et en effet, les questions fusèrent, curieuses, impatientes.
Son nom... N’a pas d’importance Raksha. C’est ce qu’il représente qui compte. Il a pris soin de toi et t’a sauvé du néant. Mets des mots sur ces actes et tu sauras ses dogmes. Peut-être que son nom viendra alors comme une évidence, ou que ton coeur lui en trouvera un autre tout aussi vrai. Comprends ses dogmes et tu porteras sa parole. Ce sera un acte de foi, où tu marcheras à la seule force de la confiance que tu lui portes. Le regard de l’Ermite se voila. Il s’était lui-même engagé sur ce sentier tortueux, n’y avait trouvé que la folie avant de rebrousser chemin. Ce jeune assis-là pourrait-il faire mieux que lui ? Il l’espérait même si sa vieillesse le rendait trop incrédule. Il tapota l’épaule de Raksha. Allons, assez de bavardages, sors du Refuge, retrouve des amis, ça te fera du bien ! Hosl, je compte sur toi pour l’encanailler un peu, ce jeune ! |
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Pour comprendre ce qu'a fait Raksha depuis son départ de Fernliae:
- La traversée du désert est contée: ici - Le retour vers Fernliae est conté: là Mais place au récit du soir... Le Noir ![]() Raksha caressait lentement la croupe de l’animal. Lorsque ses doigts passaient sur la chair calcinée, il avait des mots apaisants pour soulager la douleur de l’animal mais il n’arrivait pas à effacer les séquelles de la foudre. Le jeune sauvage avait voulu offrir un avenir meilleur à ces créatures traquées afin qu’elle trouve enfin la paix dans son sanctuaire sylvestre mais il n’y avait plus de sérénité. Par endroit, la terre avait été éventrée par les racines des arbres qui avaient cédé à la violence des vents. Ailleurs, il y avait eu des débuts d’incendie heureusement rapidement contenus par la nature marécageuse de l’endroit. Les jeunes pousses n’avaient eu aucune chance. Elles avaient été balayées par la violence des éléments… ... mais tout irait mieux demain, répétaient-ils sans cesse. On peut reconstruire à partir de rien, c’est vrai… mais pour la nature, il faut lui laisser du temps. Si on intervient trop, tout devient artificiel et on perd le lien à son authenticité… On passe à autre chose, la civilisation peut-être ? On devient alors capable de tout… maîtriser la foudre dans des cages de métal, mettre des laisses de poudre bleue à des entités élémentaires, on peut tout faire mais on s’est perdu. On ne voit plus le mal immédiat car on sait que le monde peut être plié à son volonté et on peut tout reconstruire, comme on le souhaite, en mieux. On est déjà devenu son propre dieu… mais la Nature ne fonctionne pas comme cela. Il y a un ordre des choses que même les Dieux ne peuvent remettre en question sinon ils sombreraient à leur tour dans le Chaos. Puis, il faut du temps… La Nature est éternelle. Elle trouve toujours son chemin… mais elle peut être piégée. Demain, c’était hier et c'est pire aujourd’hui. Je suis revenu pour incarner un espoir. J’y ai cru vraiment, au retour à cet équilibre fondamental mais je ne contrôle plus les poids de ces plateaux désaxés. Je cherche à compenser le déséquilibre mais voila, je suis à la frontière et personne ne m’a dit qu’il fallait s’arrêter. Je regarde derrière moi et la ligne est déjà passée. Pour Landéras, ce n’était sans doute qu’une piqure de moustique qui l’avait drainé de ses forces cette nuit-là mais la goutte de sang qui perla à la pointe de ma dague fut offerte à la colère qui grondait en moi. Puis vint le plaisir de tisser la toile d’un complot qui ne comporte que deux V : Vengeance et Victimes. Trégate dépose une bourse dans ma main pour payer sa dette d'avoir été plus agile que moi et d’avoir réussi à me dérober quelques piécettes. Je récupère ma mise au quadruple. Justice a été rendue. A côté, un lutin se fraye un chemin vers la banque pour mettre quelques économies à l’abri. Il faut, en effet, être fou pour se balader dans la cité des voleurs avec plus de 3000 pièces d’or en poche, surtout quand on a un criminel à côté de soi. Je triple mes gains et j’attends patiemment que l’impudent se rende compte de son erreur et crie au méfait. Les doigts se baissent immédiatement pour jeter l’opprobre sur mon agresseur. Personne ne peut croire en effet à sa rédemption. Les fils se sont resserrés autour de son cou et je m’éloigne en souriant. S’il est jugé coupable, cela signifie qu’il n’y a plus de Justice en Fernliae. S’il n’est pas condamné, qu’importe… Je suis rassasié. La tête me tourne. Je suis la balance désaxée, la Nature chamboulée. Ce qu’ils m’ont fait, je le transforme en méfaits. Qui sont ces impudents géants qui foulent notre forêt dévastée ? N’ais-je pas eu des amis géants ? Oui, c’est vrai… mais ne m’ont-ils pas assassinés ? Ils sont leurs invités? Hé bien, je régalerais… Tout était vert pourtant, au début… Renaissant pour un nouveau printemps, Ayant retrouvé ce lien effacé à la Nature, Et le vert a foncé ensuite, Alors que j’étais soumis à la pourriture, Qu’elle me rongeait telle la maladie, Pour me mener au Noir, Celle qui me guide dans l’obscurité, Telle une ombre… vengeresse. |
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La nuit était déjà avancée et No'irin avait passé une tunique simple et légère, avec laquelle elle dormirait. Elle avait même ôté ses sandales; marcher sur le parquet ne la dérangeait pas. Les fenêtres du balcon, grandes ouvertes, laissaient passer un air tiède qui chassait les fumeroles des bougies qu'elle venait d'éclairer. Il y avait bien ce globe magique au plafond qui s'allumait à la demande, mais sa lumière crue ne lui plaisait guère.
Depuis combien de temps le brasero trônait-il à côté de son bureau ? Il lui semblait que cela faisait des années… Elle en tisonna les braises qui faiblissaient et y jeta une petite pelletée de charbon; cela serait bien suffisant. Elle servit un verre de liqueur de miel puis un autre d'eau fraîche et les posa sur un guéridon, à côté d'un fauteuil. Son invité n'aurait plus qu'à rapprocher le tabouret sur lequel il aimait prendre place. "Pour être libre de mes mouvements" disait-il… Encore une habitude qu'il avait dû ramener de Sigdil. Quant à elle, elle se lova dans son fauteuil, un coté du corps contre le dossier moelleux. Ses bras entourèrent ses jambes repliées et elle attendit. Pas longtemps. On toqua à la porte mais le bruit de la clenche la dispensa de répondre. - Bonsoir ma Reine ! Fit Gaver avec emphase, se pliant en une courbette à l'Olympienne largement caricaturée. Depuis quelques jours il soignait ses entrées, pour le simple plaisir de voir un sourire s'esquisser sur le visage de la Première Née. Ce qui ne manqua pas. - Entre seulement si tu as de bonnes nouvelles, Litihn. L'ancien Rebelle prit un air désabusé et fit mine de ressortir. Au dernier moment il tenta une dernière carte pour attendrir la Reine : - Tu ne me laisserais même pas profiter de mon petit verre ? - Moui bon… Si tu insistes, lui concéda-t-elle. Mais le jeu était terminé. D'une main il attrapa sur le bureau un tas de petits parchemins et de l'autre avança son tabouret. Il les feuilleta, assis sommairement. Et un par un, une fois consultés, les documents étaient jetés dans le brasero où ils disparaissaient en une flamme vive. Gaver n'en avait plus que trois à la main. Il s'octroya son verre de "remontant" tout en jetant un œil inquiet à la Reine. Son regard s'était perdu le vide et elle semblait si frêle dans cet énorme fauteuil… Passant en revue rapide les derniers messages, Gaver demanda : - Salminar n'a pas encore répondu ? No'irin émergea de sa rêverie. - Non. Mais ce n'est pas étonnant avec ce qui se trame à Lardanium. - Tiens… Shalassan doit venir ? - Oui il est en route… - Pourquoi faire ? - Rien, si je peux l'en empêcher. Gaver ne voyait pas vraiment de quoi il retournait mais il serait probablement aux premières loges et donc vite au courant. Les deux derniers mots n'appelaient pas de commentaires et finirent au feu. Pourtant, les mains maintenant vides, Gaver fronça les sourcils. - Pas de nouvelles de Zagnadar ? No'irin secoua la tête. - Il a été pris. C'était le quatrième espion qu'elle envoyait chez les Géants en à peine deux saisons. Seul le premier avait donné quelques informations avant de disparaître. Les autres avaient été capturés avant même d'avoir glané quoi que ce soit. Si No'irin en était certaine, c'est parce qu'elle s'entretenait longuement avec ces hommes avant de les envoyer en mission et qu'elle établissait alors ce lien empathique, ténu mais réel, qui lui permettait de connaître leurs conditions presque à tout moment, pour peu qu'elle se concentre. No'irin avait expliqué à Gaver ce qui était arrivé au premier, il n'avait plus jamais redemandé pour les autres. - Tu vas en renvoyer ? - Non, c'est inutile. Et puis tout va bientôt éclater au grand jour. Economisons des vies pendant que nous le pouvons encore. - Oh voilà que tu t'en soucies ! Il serait temps ! Lança une voix du balcon. Gaver se leva aussitôt et sa main attrapa le manche de sa dague bien avant de reconnaître l'intrus. - Range ça gamin, ordonna le vieil homme d'une voix qu'on reconnaissait facilement. - Vous ne pouviez pas passer par la porte comme tout le monde ? Ronchonna l'Elfe en découvrant l'Ermite. - Pour dire bonsoir à ce vieux coincé qui campe devant ? Non merci. - Shalassan… Comment vas-tu ? Demanda la Reine, pour faire revenir un semblant de courtoisie dans la pièce. - Rappelle tes Sylphes, No'irin, et j'irai mieux. - Tu es venu juste pour ça ? - Oui "juste" pour ça et je te le dis en face, tu le fais ou je m'en charge. Le ton de son visiteur aurait charrié la moitié du Lac de Givre que ça n'aurait pas étonné la Reine. Elle ferma les yeux le temps d'une profonde inspiration. Sa bouche était devenue sèche et le verre d'eau fut le bienvenu. Après une bonne gorgée, sa main ne trembla pas lorsqu'elle reposa le verre sur le guéridon. - C'est non. - Tu outrepasses largement notre accord ! Il n'a jamais été convenu de ça ! - Garde ton sang-froid Shalassan. Nous ne pouvons plus reculer. - Que je garde mon sang-froid ? Tu es gonflée ! Le vieil homme en bafouillait de rage. - Qui subit depuis des millénaires pendant que tes Nobles sont dans leurs belles maisons ? Pendant que tes Luneux s'amusent avec leurs Totems ? Rappelle-moi quelle cité a été rasée ? C'est peut-être plus facile pour toi de garder ton joli sang froid pendant que c'est MON peuple qui disparaît ! No'irin ressentait de plein fouet la colère et l'angoisse mêlées du vieux Sauvage. A tel point que ça en devenait douloureux, ces lames de désespoir en plein cœur et les poumons écrasés par la culpabilité. D'une voix qui trahissait son supplice, elle tenta de l'interrompre : - Arrête Shalassan. Arrête… S'il te plait… Elle prit quelques secondes pour retrouver sa respiration et discipliner son esprit. - Il nous fallait du temps pour qu'une occasion se présente. Nous savions que ce serait long… C'est vrai que c'est par des illusions que les Elfes se sont rendu la vie plus facile. Mais peut-on leur reprocher d'avoir voulu un avenir ? De remplir ce qui avait été déserté ? De se ressouder autour de nouvelles cultures ? Vous vous êtes enferrés à croire au retour imminent de Gaïa, sans mesurer le prix de ce retour, sans même avoir la moindre idée de comment y parvenir. Le vide béant que cela a laissé a brisé votre peuple. Alors que j'ai laissé au mien l'opportunité de se recréer, tu as abandonné le tien à des espoirs trop lourds à porter. Alors qui, de nous deux, a été le plus égoïste Shalassan, dis-moi ? Rappelle-toi pourquoi tu n'as jamais eu le courage de revenir avant. Pourtant si tu l'avais fait… Elisenda aurait été mieux préparée, elle aurait eu une chance de comprendre sans en perdre la raison. L'Ermite se mit à tourner en rond, plus féroce qu'un fauve blessé. No'irin n'était pas sûre qu'il l'entende et Gaver s'était fait oublier dans un coin sombre du salon pour agir plus efficacement si cela dégénérait encore. - Quant aux Sylphes, ce n'est pas à nous de décider. Tu le sais, n'est-ce pas ? Tu savais que notre retour sonnerait le glas d'une époque… Et que tous les moyens seraient bons pour y arriver. Je ne suis pas fière de ce que nous avons manigancé mais nous sommes devant une nécessité. Elle se sentit immensément soulagée d'avoir parler à cœur ouvert et fut désormais capable de chercher l'apaisement avec son hôte. Elle continua d'une voix plus posée : - Et maintenant l'espoir repose sur d'autres qui pourront faire mieux que nous… Comment va ton protégé ? L'interrogé ne répondit pas tout de suite, comme englué dans ses idées fixes, imperméable à toute discussion. Pourtant, après un long moment, il finit par répondre. - Mon protégé… Comment veux-tu qu'il aille avec le mentor que je fais ! Je l'ai laissé en pâture à Poséidon et à ses sbires. A cause de tes petits calculs, de tous tes secrets, je l'ai abandonné dans l'ignorance la plus crasse ! Et il s'y perd ! No'irin comprit alors que c'était simplement la détresse d'un père que Shalassan ressentait à cet instant précis. Une émotion primaire qui remettait tout en question. Voir celui que l'on considère comme un fils aller dans l'erreur, tester l'interdit et ne pas être sûr de le revoir sur le bon chemin un jour… Ne rien pouvoir lui dire… Elle ne releva pas le fait qu'il rejette la faute sur elle. Si cela pouvait le soulager un peu… Car l'avenir serait encore moins tendre. - Jusqu'au dernier moment, il aura le choix. Tu dois lui faire confiance. Il n'y a que dans le libre arbitre que l'on trouve la foi véritable. Elle se leva et vint prendre une main de Shalassan. Puis doucement, elle l'incita à la poser au sol, elle-même s'agenouillant. - Sens… Le Palais n'était que de bois. Aussi sculpté, travaillé, lustré, marqueté qu'il fut, ce n'était que du bois. Et pourtant, si l'on se focalisait sur son toucher, on sentait une infime vibration du parquet, presque continue. - Le monde gronde… Tout va aller très vite maintenant. - Humpf… Grogna l'Ermite en se relevant. Il se frotta les joues à plusieurs reprises mais sa barbe hirsute n'en prit pas grand ombrage. La couleur ambrée de la liqueur contenue dans la carafe de cristal était engageante. Il s'en empara sans un mot et alla s'écrouler dans un autre fauteuil qui garnissait un angle du salon. - Je vais dormir là, prévint-il en ôtant de la carafe le bouchon qui tomba sur sa robe en ruine. |
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Âme en Paix
Depuis bien des saisons, les évènements s’étaient enchainés pour Raksha, recouvrant d’un voile d’oubli certaines questions toujours en suspens comme celle de sa place sur l’échiquier des puissances. Tout d’abord, il avait été élu au poste de conseiller par son peuple pour seconder Amallya, la Magistrate, et renverser de facto la tyrannie silencieuse des Sylphes sur le refuge des hommes sauvages. A deux, ils avaient cadenassé l’accès à Fernliae pour que sa destinée ne leur échappe plus, n’en déplaise à la noblesse elfique. Seul, il avait entamé de grands chantiers au sein de la forêt afin de panser ses blessures. Rapidement rejoint par de nombreux congénères ainsi que quelques alliés précieux partageant ses idéaux, il avait donné à la Forêt du Renouveau la chance d’un nouvel essor. Ensuite, il avait contribué à percer les mystères des Roseaux d’Emeraude en compagnie de quelques chercheurs qui, s’ils n’étaient pas nécessairement parmi les plus grandes éminences d’Olympia, n’en demeuraient pas moins plein de bonne volonté. Au final, l’influence de ces végétaux attachés à l’élément aérien était encore incertaine mais nul doute que le temps leur trouverait une utilité à la défense du Refuge. Finalement, il fallut qu’un fantôme se mette à errer dans les ruines de Sigdil pour que le destin de l’Intendant bascule à nouveau et le pousse à jouer un nouveau rôle dans la grande trame. Une main s’agite au bord de l’échiquier Tout commença par les élucubrations d’un lutin qui prétendait à tous qu’il avait aperçu un spectre errant aux alentours de l’ancienne Forteresse des Sables. Les Morts s’échappaient-ils des Enfers pour rôder à nouveau dans le monde des vivants sans le consentement du Maître du monde souterrain ? C’est ce qui semblait et ces élucubrations prirent un tournant dramatique lorsque la reine des elfes, No’irin Kai’tlin, vint corroborer cette hypothèse, annonçant, à demi-mots, la venue possible d’un Age Sombre pour les vivants d’Olympia. La Tour de Jade battit le rappel des volontaires pour percer ce nouveau mystère. Raksha était l’un d’entre eux. Rapidement arrivé sur les lieux, l’Ombre rencontra l’âme en peine, une créature éthérée à la silhouette féminine, errait d’une lenteur envoûtante dans le désert supérieur de Yacoov. ![]() Le sauvage hésita sur la marche à suivre. Il n’était pas vraiment un expert en matière de communication avec les esprits des morts. L’Intendant ne savait pas non plus quoi lui demander s’il parvenait à établir un contact avec l’entité diaphane. Raksha tenta alors une approche personnelle pour accaparer l’attention du spectre. Il s’approcha de la créature et tendit simplement son bras droit devant lui, pointant le doigt sur la créature, sans un mot. Ce geste, vu de l’extérieur, devait paraître étrange, comme si le sauvage intimait un ordre muet à l’évadée des Enfers. Pourtant, cachée par la tunique et le poing fermé de l’intendant, la pointe d’une dague sacrificielle parcourait les quelques millimètres séparant Raksha de la position apparente de la forme éthérée. Cette arme impie n’était pas faite pour affecter le physique d’un individu mais son psychique. Après tout, on prend toujours au sérieux son agresseur, non ? La main saisit une pièce de l’échiquier et la déplace sur une case blanche. L’âme-en-peine apprécia peu et commença à s’agiter, cherchant à éloigner le sauvage par l’usage de la magie nécromantique. Le contact glacé de l’étreinte de la mort qui draine la vie fut particulièrement désagréable; la suite, plus étrange… Un sentiment d’urgence, voire de panique envahit le sauvage. Oui, tout cela ne pouvait être qu’un guet-apens. Si les morts s’échappaient des Enfers, ils devaient être affamés de la vie qui régnait sur Olympia. Une vision fugace de son corps décharné dans les décombres d’Héliké sous les rires des sirènes de Poséidon provoqua la rage qui le fit bondir à la poursuite du spectre. Une évidence s’imposa cependant rapidement. Seul, il ne pourrait la vaincre comme seule, le fantôme n’arriverait jamais à lui drainer toute sa vie. Lorsqu’il sentit la magie curative de Thalie l’entourer d’un sentiment de bien-être, Raksha sut que la cavalerie était arrivée. Lorsqu’il remarqua que Thalie tentait de restaurer l’énergie perturbée du spectre, le sauvage comprit que les choses ne seraient pas aisées. Sa colère était grande envers l’ancienne conseillère et il lui lança un ultimatum. Soit elle était venue combattre la non-vie que Gaia ne pouvait permettre, soit elle devrait se passer du soutien de Raksha si les choses tournaient mal. Mélangé les croyances et la couardise naturelle des vivants et vous obtenez des résultats immédiats. Thalie se rétracta et le combat put réellement démarré. Lentement d’abord, car les attaques physiques n’affectaient que très peu l’âme-en-peine et la magie ne donnait pas des résultats beaucoup plus probants mais lentement, les renforts arrivaient et il devenait évident que le spectre serait bientôt renvoyé au néant. Raksha se sentait fort d’avoir réussi à persuader. C’était comme s’il apercevait dans le visage effrayé de l’âme-en-peine chancelante, un reflet de Thelxiopé qui l’avait trompé durant de nombreuses années. Sa vengeance était à portée de dague… … et elle lui était volée. Une flèche traversa par un angle de tir bizarre le spectre et dissipa le peu d’énergie qui lui restait. Un lutin qui n’avait été d’aucune utilité jusque là était le tireur. ![]() La main hésite pour le prochain coup. Quelques lunes ont passées et l’expédition menée par Ambre a réussi à remonter la piste des Ames-en-peine jusqu’aux Scellés de Chtonios, du nom du fléau qui s’abattit sur les elfes de Na’Helli des décennies auparavant. Un autre revenant errait dans les profondeurs, apparemment inerte à la présence des vivants. Une crevasse dont la profondeur semblait sans fin fut découverte dans la grotte et le lutin qui se prénommait Dahlia décida de s’y engouffrer. Il fut impossible de déterminer si le lutin avait survécu à la descente. Le silence n’était percé que par la respiration inquiète des membres du groupe. Une diversion, Raksha avait soudainement besoin de réaliser un nouveau tour de passe-passe. Le sauvage laissa tomber sa dague sacrificielle dans sa paume et passa discrètement à côté du spectre inerte. Il communiqua comme il l’avait fait pour sa consœur. L’âme-en-peine se montra immédiatement menaçante. La seule conclusion logique était qu’elle était devenue allergique face à tant de vie qui l’entourait. Néanmoins, l’Intendant dut payer le prix de sa fourberie et lorsqu’elle fut en difficulté, l’âme-en-peine s’échappa à travers le corps du sauvage, drainant fortement ses forces au passage. La douleur était grande mais Raksha souriait sous son masque alors qu’il invoquait la sombre magie des ombres pour créer une atmosphère de panique dans la grotte. La pièce était jouée à la perfection. La fin de l’acte se joua lorsqu’une des olympiennes tolérées dans le groupe raconta la nécessité pour un mort de payer son passage par-delà le Styx d’une pièce d’or. Un des jeunes sauvages présents, Zibouille, s’exécuta et l’âme fut libérée de sa peine. L’attention se tourna immédiatement de nouveau vers la crevasse et le moyen d’y descendre. Certains préparaient des cordes tandis que d’autres évaluaient le degré de courage ou de folie qu’ils leur restèrent pour tenter le voyage vers les abysses. L’intendant fut dans les premiers à descendre. Il se laissa glisser le long des parois du gouffre jusqu’en bas. La pente était sévère, si bien que la remontée ne serait pas chose aisée et quelques pierres vinrent lui écorcher la peau durant la descente. Il déboucha dans une caverne assez grande composée de nombreuses galeries. Le sauvage partit à la recherche de ses compagnons. Dans l’obscurité, la première personne que Raksha aperçut fut le lutin qui lui avait volé son trophée. Il était recroquevillé derrière quelques rochers et semblait en proie à la plus grande des paniques. D’étranges ombres se mouvaient non loin et au rendu de leur grognement, elles semblaient disposer à ingurgiter un peu de chair fraîche. Raksha prit de la hauteur, sans un bruit pour se placer en surplomb de la scène. La créature qu’il put discerner était indescriptible… Une espèce de tripode de roches et de chair à la gueule au sommet du crâne, pour autant que l’on puisse considérer que son unique œil était situé sur son visage… ![]() Le sauvage patienta quelques instants pour attendre le meilleur moment avant de s’élancer dans les airs, dagues en main. Lorsqu’il retomba dans le dos de sa victime, la première dague s’enfonça dans le cœur de cette dernière tandis que la seconde lui transperça la gorge pour atténuer le cri qu’elle aurait pu émettre. La vie s’échappa rapidement de la dépouille inerte de Dahlia. Le lutin prenait le raccourci le plus rapide vers les Enfers. Si quelqu’un remarquait un jour l’absence de ce dernier dans le groupe expéditionnaire, il faudrait se résoudre à l’évidence : il avait été dévoré par l’une des féroces créatures peuplant ses galeries… Une seconde main apparut pour applaudir la manœuvre, satisfaite. Je suis Raksha. Tantôt, pion blanc. Tantôt, fou noir… Echec ! ![]() |