L'ultime voyage | |
Topic visité 587 fois Dernière réponse le 26/05/2011 à 01:17 |
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Quand la rivière de Poséidon fut en vue, le Faucon ralentit le pas et souffla un coup. Il lui semblait que le plus dur était maintenant derrière lui, leur marche forcée les avaient finalement conduits, Elen et lui, en sécurité. Ils se devaient maintenant de rejoindre Fernliae, et continuer vers le désert... Mais l'Intendant du Loup devait être réticent à l'idée d'effectuer un détour, car il prit plein Sud, forçant Calith à faire un crochet pour le rejoindre.
Le Loup était infatigable, contrairement à lui, qui commençait à ressentir les désagréments de ce long voyage. Après tout, il ne s'était pas arrêté une seule fois depuis son départ pour la Grotte des Sources, fouillant ensuite la moitié des steppes nordiques avant de revenir sur la Mer Emeraude, d'où il avait effectué plusieurs allers-retours avec Fernliae. Celui-ci devait être le dernier, mais maintenant, le désert ... Il l'aperçut au lointain, au même moment qu'un Olympien vagabondant non loin. Il le signala à Elen mais ne s'en préoccupa pas davantage. Aussi bas dans leurs terres, le principal danger était la brûlure des Titans et non les Impériaux. Du moins, c'est ce qu'il croyait ... L'Olympien s'était considérablement rapproché, et le Faucon s'était automatiquement mis entre Elen et lui, protégeant à la fois l'Intendant et sa précieuse cargaison. Il savait qu'il n'aurait aucun mal à se charger seul d'un ennemi isolé, mais son erreur fut de croire qu'il l'était ... Seul. Son regard saphir fut attiré par une silhouette au loin, qu'il reconnut mais refusa de l'identifier. Non... Le Roi des Nains, ici ? Aussi loin dans le désert ? Il recula automatiquement de quelques pas, restant sur ses gardes devant cet ennemi mortel. Mais le nain avait dû être informé de sa présence, ou avoir la vision d'un rapace pour le repérer, car il fondit sur eux et couvrit rapidement la distance qui les séparait. - Cours ! Ce fut ces dernières paroles, au Loup. Son regard planté dans le sien traduisait l'horreur ; il sentit les sorts pleuvoir comme des milliers d'aiguilles qu'on lui enfonçait dans la chair, et même au-delà. La douleur était insidieuse et invisible, bientôt insupportable. Il s'écroula dans le sable fin, totalement impuissant. Sa vision se brouilla, irrémédiablement, ne lui laissant que l'occasion d'apercevoir une dernière fois le ciel. L'Elévation serait toute proche... Tout se terminerait-il ainsi ? |
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HRP : c'est pas un récit pour nous dire que tu arrêtes rassure nous ! |
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[Musique d'ambiance]
Il rouvrit les yeux après ce qui lui sembla une éternité. Le geste en lui-même était difficile, et il n'osa bouger dans un premier temps, la douleur le martelant encore, fantomatique. Partout où se promenait son regard, il ne rencontra que le vide abyssal. Il redouta un instant d'être devenu aveugle, la pire chose qui pouvait lui arriver après mourir sous terre. Mais non, ce n'était pas ça ... Il ferma doucement le poing et prit conscience de son propre corps, mais aussi de cette poussière grise qui recouvrait les terres, bien loin de ressembler au sable brûlant de Yaacov. Où était-il ? L'avait-on traîné ailleurs ? Ou alors était-il ... Mort ? Non, c'était impossible. Si la mort l'avait touché, il aurait enfin pu gagner les cieux, dans un dernier envol. Cherug lui aurait permis son ascension spirituelle, délivrant l'oiseau de sa cage. Mais quand il levait les yeux, seul ce noir abyssal lui apparaissait. Le ciel ... Avait disparu. Les guerriers Faucons ne craignaient pas la mort alors pourquoi ... Tremblait-il ? Ce froid étrange, comme des mains le frôlant, n'en semblait pas l'unique cause... - Elen ...? Sa voix habituellement râpeuse semblait s'être brisée de la même façon que ses ailes, et son écho lui parut étrangement désagréable. L'Intendant avait dû le ramener en Fernliae. Thalie n'était pas loin derrière eux, peut-être avait-elle pu le soigner ? - Thalie ? Vous êtes là ? Cet écho, encore. Ce vide infini. - Quelqu'un ? Répondez ! Il s'était relevé soudainement, marchant à pas rapide dans un sens et dans l'autre, accélérant la cadence au point de courir. Il n'existait aucun mur pour le retenir. Aucun ciel pour lui montrer la direction à prendre. Il était définitivement perdu ... Et seul. Pourquoi personne ne lui avait parlé de cet endroit ? Pourquoi s'étaient-ils bien gardés de le lui dire, eux qui avaient échappés plusieurs fois à l'emprise d'Hadès ? Pourquoi tous lui avait tu qu'il finirait dans les entrailles de la terre ! Son souffle lui revint à ses oreilles, saccadé et difficile. Il continua de courir encore un long moment, jusqu'à sentir les abysses se refermer sur lui, et ses jambes ne plus le soutenir. Il peinait à réfléchir, à contenir cette peur primaire, mais dans ce désespoir grandissant dans lequel il s'enlisait chaque instant un peu plus, il lui parut saisir une lueur d'espoir. Ce fut comme un déclic, et il se figea à cette pensée, cessant de respirer. Personne, oui... Mais la statuette était là ! Il se souvenait encore de la vision de Thunziel, de leur recherche vaine, l'Oracle disparaissant dans les Enfers avec leur héritage. Il n'avait aucune idée de ce qu'il pourrait en faire, si, à tout hasard, il mettait la main dessus ... Mais il avait bien remué ciel et terre pour la retrouver, il pouvait bien faire de même avec les Enfers d'Hadès. Que les Dieux soient mécontents face à son acharnement ne lui importait guère, maintenant qu'il était mort et privé de ciel. Il lui faudrait pourtant indéniablement leur aide, car privé de ses sens et de ses repères, ce voyage s'avérerait bien plus difficile que n'importe lequel auparavant. Un ultime voyage ... Un nom lui vint aux lèvres. Le nom d'un Dieu qu'il respectait, à défaut d'éprouver de l'adoration pour eux. Hermès était le Dieu des voyageurs, mais aussi le Guide des Âmes. Peut-être l'attention d'un oiseau égaré l'intéresserait-il ? Il n'avait rien à lui donner en retour et ne savait même pas comment fallait-il s'y prendre pour s'adresser à un Dieu. Prier ? Savait-il simplement comment le faire ? L'appeler, peut-être ? Il poussa un simple soupir et ferma finalement les yeux, se calmant à mesure. A l'inverse de l'intériorisation que demandait l'appel de Cherug, il devait trouver le moyen de s'ouvrir non aux cieux mais à une présence extérieure, éthérée et omnisciente. Il effectua le procédé inverse, sentant une lueur timide et pâle l'éclairer. Dans son dos commençait à briller le Saïka, fort de sa concentration. Cette lueur le rassura partiellement, lorsqu'il rouvrit les yeux et clama d'une voix lointaine, en toute humilité. - Hermès, Guide des Âmes en Enfers, des héros, Gardien des routes, Dieu des voyageurs et messager des Dieux, j'implore votre clémence et réclame votre aide. Moi, le Faucon, l'éternel voyageur, ne pourra entamer cette expédition dans les entrailles de la terre sans Guide. [HRP : Ror' : ![]() |
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Les Enfers comportaient de nombreuses régions que nul vivant parmi les simples mortels ne foulait jamais.
Une seule échappait à la règle, celle où les Héros reprenaient corps et espoir de rejoindre le monde de la surface, bien loin au-dessus. Les âmes des défunts qui indifféraient les Dieux ne retrouvaient pas de substance et n'avaient d'autre choix que tenter leur chance auprès de Charon, le nocher des Enfers, qui les conduisait par delà le Styx vers des lieux moins austères ou parfois bien pires. Ici dans l'Erèbe, la terre grise et poussiéreuse ne se colorait que de quelques traces ocres ou brunes. Le relief n'existait que sous forme de cailloux ridicules, de ceux dont les enfants s'amusent à défaut d'osselets. Et si un mortel réincarné sentait tout à coup un courant glacial l'envelopper, ce n'était pas la bise qui se levait mais une âme qui l'effleurait. Aussi, vu de loin, le Saïka était une étoile incongrue dans le clair-obscur omniprésent et immobile… Un souffle timide vient balayer la poussière aux pieds du Faucon. Imperceptible au prime abord, si ce n'est qu'elle soulevait par à-coups cette cendre légère qui butait aussitôt sur d'anciennes traces de pas dont celles, en tous sens, de Calith. Puis la brise emmena la terre fine plus régulièrement, comme une écume décrochée des vagues indiquerait le rivage proche… |
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Ce vent d'au-delà différait fortement avec ces contacts glacés dont il était parfois en proie. Il portait un message dont il n'eut aucun mal à saisir le sens. Son regard aveugle se fixa finalement, parcourant l'étendue cendrée qui dessinait le chemin. L'elfe devait remonter une piste bien étrange et des milliers de questions lui vinrent face à cette réponse inattendue. On l'avait donc entendu, mais était-ce signe de bon ou mauvais présage ?
Il marcha un certain temps, sans aucune notion du temps ou de la fatigue, parmi ces terres cendrées où tout se ressemblait. Quand le froid le pris de nouveau, plus féroche, il sentait qu'il se rapprochait, et bientôt même, en perçut la source. Des âmes se dessinaient, des morts en marche qui semblaient tous attirés par un même point, comme des insectes par la lumière. Leurs silhouettes étaient trop floues, trop lointaines, pour qu'il les identifie, et dès qu'il relâche sa concentration, la pâle lueur de son saïka s'estompa à nouveau sous ses vêtements. Dans un sens, il préférait ne pas reconnaître ses âmes errantes, afin d'éviter toutes mauvaises surprises... L'humidité ambiante lui signala la présence d'un des fleuves des Enfers, non loin, et il ne lui fallut pas plus longtemps pour comprendre où se trouvait-il désormais : A l'embarcadère de Charon, là où les morts effectuent leur passage vers les autres plans, pour le meilleur ou pour le pire. Il fronça les sourcils, perplexe, en apercevant la silhouette d'un homme debout sur un tas de rochers, plus proche de lui. Hermès ? Peut-être. A cette distance, cela pouvait bien être n'importe qui. Une chose était sûr, il ne ressemblait pas à ces âmes vagabondes. Calith s'approcha à pas lent, sa méfiance habituelle le trahissant. A cet instant, il aurait aimé se fondre dans le décor ou dans la foule environnante, mais force était de constater qu'il tranchait fortement avec son environnement, et qu'il ne saurait trouver la couverture habituelle que réclamait tout Faucon. Il s'arrêta donc à sa hauteur, levant le regard pour détailler cette silhouette, sans prononcer aucun mot. ========================= La silhouette avait tout d’un pâtre à peine sorti de l’adolescence : une musculature déliée sur une ossature fine, la tunique qui tombait nonchalamment en de larges ouvertures laissant la peau prendre cette belle couleur de miel sous les Titans. Car à voir ce jeune homme, on inventait un soleil lumineux dont les rayons étaient accrochés par ses mèches échappées du chapeau vissé sur sa tête. Ce n’était plus la morne plaine silencieuse et terne que l’on foulait, mais des restanques d’oliviers saturées des chants de cigales où gambadaient quelques cabris. Puis l’illusion s’estompait mais il restait ce jeune homme nimbé d’une lumière intérieure étrange et rassurante. - Voulez-vous un peu d’eau, Voyageur ? Fit le garçon en se baissant pour tendre une petite outre au Faucon. Les auberges sont rares ici. Il sourit et ajouta, tout en gardant un œil sur les terres qu’il surveillait de son point culminant : - Etes-vous perdu ? Là-bas les ombres blafardes se pressaient sur les bords du Styx. Beaucoup étaient refoulées car Charon ne travaillait pas gratuitement. Alors elles s’écartaient pour revenir un peu plus tard, sans le souvenir d’avoir jamais parlé au nocher. Et jamais celui-ci ne se laisserait attendrir. ========================= L'image qu'il s'était fait des Dieux de l'Olympe était tout autre. Aussi, devant l'air et même l'aspect chaleureux d'Hermès, l'Elfe marqua un blocage. Bien qu'il se l'était imaginé plus avenant que Poséïdon, Hermès se tenait aux antipodes du Dieu des Mers. Et avec ce seul point de comparaison, mis à part les récits et contes d'Olympia, c'était sa vision entière des faits qui était remise en cause. En toute première réponse, Calith lui servit donc son habituel froncement de sourcils. Ce fut d'un geste absent qu'il s'empara de l'outre, son regard résolument fixé sur le jeune homme qui lui faisait face. Après une première gorgée, il se rendit compte qu'il avait étrangement soif après sa course effreinée, et attendit de s'être désaltéré pour finalement prendre la parole. - Merci et ... Non, plus maintenant. Je suis capable de m'orienter avec de simples cailloux, mais pas encore avec de la poussière. Ceci dit avec un phare pareil, il ne se demandait plus comment les âmes s'orientaient dans ces abysses. Il lui rendit un sourire étrange avant de suivre son regard, observant le travail minutieux de Charon un instant. Hardaway devait être passé par là, ou être encore de ce côté du rivage, s'il n'avait pas eu de quoi payer le nocher, quoique ... Le fumier ! Il aurait pu passer en remettant la statuette, ce qui ne simplifierait pas son affaire. Il plissa les lèvres avant de reporter son attention sur son interlocuteur. - Je cherche ... Un héritage de mon peuple, une statuette de faucon au pouvoir étrange ... On nous l'a dérobé et elle serait tombée dans les profondeurs des Enfers avec son dernier possesseur. L'Oracle de Zagnadar, Hardaway, aurait-il traversé le Styx ? ========================= Le Faucon avait l’air déterminé et méfiant. De ceux qu’on ne fait pas facilement changer d’avis. Mais Hermès garda son air jovial et tranquille car c’était dans sa nature. Hardaway… Les derniers instants de l’Oracle avaient secoué la trame de la Destinée. Tous les Immortels en avaient eu vent car les défis aux Moires n’étaient pas si fréquents. Aussi le Dieu des Voyageurs avait-il quitté l’Olympe en urgence pour assister à l’arrivée de l’âme du Géant dans l’Erèbe. Il n’avait pas regretté son empressement. Mais refusant pour le moment de trop en dire, Hermès hocha simplement la tête. ========================= Calith ouvrit la bouche, pour la refermer de suite. La réponse d'Hermès était bien trop maigre pour susciter autrechose que des interrogations supplémentaires. Lui qui pensait que lui exposer la situation en toute sincérité lui permettrait d'obtenir davantage qu'une simple affirmation... - La statuette du Faucon était-il avec lui ? Il n'a pas pu l'emmener de l'autre côté de la rive, n'est-ce pas ? Il se força au calme, retenant d'autres questions, mais eu bien plus de mal à masquer son impatience, ses mains enserrant davantage l'outre. ========================= Hermès hésita. Il voyait bien que la chose était importante pour Calith. Néanmoins, malgré ses affinités avec les mortels, il ne pouvait trop en dire au risque de fâcher le seigneur des lieux. - Pourtant il l’a fait. Le Dieu qui paraissait si jeune prit un air inquiet, celui d’un grand frère qui tâcherait de convaincre son cadet de ne pas courir de risques inutiles. - Vous devriez oublier cette statuette. On ne vous la rendra pas. |
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Ce fut un regard plein de résolution que lui rendit l’Intendant du Faucon. Il lui tendit l’outre d’un air étrangement calme et détaché.
- Vous me demandez d’oublier douze millénaires de paix et prospérité instauré par Marcus ? Il tenait à cette statuette plus qu’à sa propre existence, nous lui devons, peu importe le prix à payer. Et il savait pourtant qu’il risquait de le payer de sa vie, pire, de son repos éternel. S’il ne trouvait pas le moyen de remonter à la surface avec et de la purifier, il serait condamné à être damné. Mais ce n’était pas le plus inquiétant ... - Qui est ce ”on” dont vous parlez ? Et que peut bien avoir accordé Hardaway au nocher pour s’assurer son passage ? Il avait brûlé... Son regard se porta automatiquement vers la rive. Si Hermès refusait de lui répondre, il devrait voir directement avec Charon, ce qu’il craignait devoir faire. Les personnes ayant traversées le Styx et en étant revenues se comptaient sur les doigts de la main, pouvait-il prétendre en faire autant ? Le regard inquiet du fils de Zeus ne le rassurait pas davantage. Pour qu’un Dieu puisse se tracasser sur le devenir d’un mortel, qui plus est un elfe, c’est que les épreuves qui l’attendaient étaient au-delà de son imagination. Mais soit, cela aurait valu le coup de vivre trois siècles pour voir une telle expression déformée le visage d’un Dieu. ========================= - Oh loin de moi l’idée de vous faire oublier l’œuvre de Marcus, reprit l’éphèbe en gage d’apaisement. Au contraire même, j’aimerais que vous la compreniez dans son ensemble… J’ai moi aussi des questions pour vous. Car s’il ne pouvait donner trop de réponses, il pouvait toujours contourner l’affaire. Et la maïeutique était un artifice on ne peut plus efficace. - Que croyez-vous qu’il se soit passé dans ce gouffre pour que votre Chaman finisse sa vie ainsi, enterré au milieu de la plus odieuse des vermines ? N’est-ce pas ce qu’il peut arriver de pire à un Faucon ? Calith avait ses certitudes, mais Hermès comptait les ébranler avec le parallèle que l’Elfe ne manquerait pas de faire avec sa propre panique lorsqu’il s’était réincarné ici. - En effet, vous dites qu’il tenait à cette statuette plus qu’à sa vie et quel a été votre premier geste en la voyant ? ========================= Qu’il réponde aux questions par d’autres questions n’étaient pas pour lui plaire. Les Dieux jouaient, mais à quoi jouaient-ils ? Hermès semblait en savoir bien plus long qu’il n’osait le dire, ce qui le laissait perplexe. Il se souvenait de cette silhouette noire juchée sur un char tiré par le griffon, le passage qui lui avait été impossible de déterminer dans cette transe, mais qui s’approchait de la personnification d’un Dieu de l’Olympe... Étaient-ils mêlés à ça ? - Je ne vous pensais pas informer des rites et mœurs de mon Clan. Marcus est mort en voulant nous protéger d’un mal antique, issue de cette caverne reculée. Quelque chose s’est réveillée ... Et ces araignées étaient contrôlées par ce géant scarifié. Ce mal étrange a touché la statuette mais aussi l’Oracle, qui étaient alors étroitement liés... Il secoua lentement la tête, observant son interlocuteur, comme cherchant la réponse dans la moindre de ses expressions. - Marcus a vécu des millénaires entiers. On ne peut pas défier la mort sans devoir payer un lourd tribut en retour. Peu importe qui lui a accordé ses faveurs, il lui a retiré sauvagement. Il fronça les sourcils à nouveau. Il avait réfléchit cent fois à ces mêmes questions en ne pouvait qu’émettre des hypothèses, mais le secret était resté entier. L’importance de la statuette, par contre, lui avait semblé grandissante. - J’ai voulu la mettre à l’abri, trouver un moyen de guérir son mal. Je ne vois pas où vous voulez en venir ... Je reproduis les mêmes erreurs que Marcus, selon vous ? ========================= Hermès opinait du chef tandis que Calith réfléchissait à haute voix. Le Faucon n’était pas si loin de la vérité à quelques détails, hélas d’importance, près. - On peut vivre des milliers d’années et penser avoir tout vu, tout compris. On profite de choses dangereuses en se disant qu’on est assez méfiant, assez prudent. Qu’il sera toujours temps de chercher LA raison qui fait qu’on détient un peu plus de chance, un peu plus de force ou d’intelligence que tous les autres… L’orgueil est le pire fléau des puissants. Hermès savait que Marcus avait été abusé. Au début le Faucon ne fit que ”trouver par hasard” cette statuette et prit cette chance comme un cadeau du Destin. Une faveur qu’il méritait grandement selon lui, après tout ce qu’il avait fait pour son peuple. Quand il comprit que de maître il devenait esclave, il tenta de purifier l’objet pour en garder les bénéfices sans les inconvénients. Mais ses pouvoirs et ses connaissances pourtant issus en ligne droite des Titans ne suffirent pas. Faible et aliéné, sentant le traquenard se refermer sur lui maintenant qu’il s’était ouvertement rebellé, il avait jeté ses dernières forces tant physiques que mentales pour soustraire des Terres connues cet objet de malheur. L’entrée du Gouffre avait explosé, broyée par sa magie. En s’enterrant ainsi, il renonçait aux rites funéraires et à l’au-delà paisible qu’ils promettaient. Une éternité d’errance l’attendait dans l’Erèbe et c’était le prix à payer pour sa vanité. Du moment qu’il emmenait cette chose avec lui. Tout aurait dû s’arrêter là mais… - Les mêmes, répondit simplement le pâtre. |
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Il écouta sagement les paroles du Dieu, ses yeux rivés sur lui, analysant chacune de ses paroles. Ses épaules s'affaissèrent alors qu'il comprenait le message caché de ses mises en garde. Non, Hermès ne lui mentait pas.
Bien qu'ils savaient tous que la longévité du Chaman n'était pas naturelle, Marcus n'étant pas des Premiers, ils savaient aussi que sa promesse de garder les Clans unis le tenait. C'est ainsi qu'ils s'habituèrent à sa présence ... Immuable. Son regard se voila, alors que l'espoir qui l'avait animé tout ce temps s'amenuisait. - Douce ironie. J'appris qu'elle était le centre de son pouvoir lorsque j'esquivai sa déferlente de justesse, elle qui n'était censée être qu'un hommage ... Il soupira. Mais à cet instant, le Clan était uni comme jamais depuis sa mort. Je n'espérais rien de plus. Il se souvenait encore de ce pouvoir latent, utilisé contre lui. S'il n'avait eu d'ailes pour se mettre hors d'atteinte, il en serait mort. La statuette avait été une bénédiction pour Marcus, autant qu'une malédiction. Il en était de même pour Hardaway, qu'elle devait sauver, mais qu'elle avait plongé dans les abysses. Peut-être était-ce bien vrai, et plongerait-elle son peuple dans le chaos plutôt que de lui accorder son salut. Intérieurement, il savait pertinemment pourquoi il l'avait tant cherché, non pas pour son pouvoir mais sa symbolique, car jamais il ne pourrait assurer correctement la relève de Marcus. Lui, le faucon aux ailes brisées, ne tenait sa place que par nécessité. - Je ne pouvais leur rendre Marcus, mais elle devait leur rendre espoir. Il secoua lentement la tête, avant de rajouter : - Je vais rentrer. ========================= - Ne soyez pas déçu, vos amis vous attendent, n’est-ce pas tout ce qui compte ? Hermès était sincèrement peiné de ne pouvoir faire plus pour le Faucon. Il était curieux de voir que les mortels s’attachaient à des objets, des souvenirs, des regrets, alors que la principale lumière, la seule porteuse d’espoir, était tout simplement en eux, au moment présent et dans leurs projets futurs. Les voyageurs comme lui savaient qu’on trouvait son foyer là où étaient sa famille et ses compagnons. Peu importait l’endroit ou sa richesse. - Bonne chance, l’ami. ========================= Le Faucon lui rendit un pâle sourire, avant d’hocher sèchement la tête. Son regard s’évada à nouveau vers la rive opposée, à la mention de ses amis. Certains l’attendaient encore à la surface, mais d’autres avaient traversés le Styx définitivement. Il se reprit avant de commencer à détailler ces âmes errantes, tournant le dos pour reprendre sa route, ses regrets vite envolés. Et pourtant, il s’arrête à nouveau, jetant un regard par-dessus de son épaule, mais cette fois-ci vers Hermès. - Je ne vous ai pas demandé ... Comment pourrais-je vous remercier ? Cela lui semblait important, car si le Dieu ne lui avait pas tout révélé, son aide avait été réelle. Peut-être même ne mesurait-il pas encore à quel point, mais cette attention était au-delà de ses espérances et il ne l’avait pas mérité. ========================= Le regard d’Hermès avait suivi celui de Calith vers la berge et le ponton. La barque de Charon s’éloignait, chargée d’âmes hagardes. Les malchanceuses qui n’avaient pu embarquer s’éloignaient à pas lents. - Je n’ai fait que mon métier, vous sembliez perdu, répondit le berger. Quand vous fêterez vos retrouvailles avec vos amis, dédiez-moi un chant. Ou même deux ! La demande tenait peut-être de la boutade car Hermès l’émit avec un grand sourire avant de sauter en bas de son promontoire de fortune. Il s’éloigna à pas légers et rapides. Il était facile de suivre sa silhouette nimbée de cette lumière douce. Les âmes dépourvues d’intentions qui l’apercevaient se remettaient en marche vers les rives du Styx. Très loin, il disparut pourtant dans la plaine sinistre, lui donnant une dimension soudain infinie. ========================= Calith haussa un sourcil, perplexe, en observant la silhouette s'éloigner. Des chants ? Il ne l'avait jamais entendu chanter pour lui demander une telle faveur... Un sourire asymétrique naquit sur ses lèvres. Il secoua la tête et se mit en route, s'étonnant de trouver si aisément son chemin vers la faille qui le ramenait à la surface. Il en toucha la surface, du bout des doigts, avant de se glisser à l'intérieur dans une dernière hésitation. Au loin, alors que les murailles de Na'Helli se dessinaient déjà, une autre vision se superposa à cette réalité retrouvée, celle d'une forme plutôt trapue qui louvoyait entre les âmes errantes, plus noire que les abysses eux-mêmes... ========================= Hermès avait quelques remords d’avoir été si peu prolixe. Calith n’avait rien plus rien demandé à propos de Hardaway. Ni de Marcus. Sûrement le croyait-il heureux, son âme de Faucon volant sous la voûte de saphir des Champs Elysées… Hadès n’avait pas eu cette charité. Tout à ses pensées, il marchait vite pour se rendre dans d’autres confins de l’Erèbe. Il ne prêta pas attention aux premiers mouvements fugaces, à la limite de son champ de vision. Le relief était si rare… Il devenait aisé de pêcher par cette fameuse assurance, illusoire, que l’on contrôlait tout. Mais l’intrus était pressé et son ébauche de précautions fut insuffisante. Hermès perçut une forme, puis deux, puis d’autres qui se glissaient d’une crevasse vers un tas de roches. - En voilà encore, pensa-t-il. Il en avait déjà vus, mais pas aussi souvent que ces dernières saisons, pas autant. Les suivre ? Les tuer ? Le Pâtre des Enfers soupira. Il se fendrait d’une note au Maître qui aviserait. La hiérarchie avait du bon. |
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Euh ...
Je ne sais pas si c'est fini, mais je tente. C'est superbe. Une chronique où il ne se "passe" rien, je veux dire, pas d'évènements notables, pas de conquête, de tués, de chasse, etc. Mais une série de descriptions, une imagination partagée et tellement d'ouvertures, de suites possibles. Je me perds dans mes mots. Écris plus souvent. |
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Je suis entièrement d'accord avec Ambre !
Tu as du talent, Minuit aussi, résultat: une super chronique =) |
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Moi, j'aime ce genre de récit! Bravo aux auteurs ![]() |
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