Il était tard, très tard...
Les deux olympiennes étaient de retour à Lardanium, le voyage fût assez tourmenté, et empli de questionnement. Mélodie avait d'ailleurs pris les devant, laissant Elsaria et Pizgup discutait, elle avait à faire.

Qu'allons-nous faire, comment, quand...

Tant de questions, seul l 'AMF avait une proposition assez farfelue soit-elle;

Femmes de joie, Na'helli, château, maison close...

L'AMF, l'agence en manque de femmes libertine, il ne manquait plus que ça !

Mélodie ne tarda plus une minute, elle et son amie de toujours, presque soeur, était d'accord avec les deux lutins.
Le temps était compté, le calme avant la tempête qu'il disait...



A l'intérieur de la capitale, l'olympienne n'accorda aucuns regards vers les autres, elle continua sa marche d'un pas décidé, presque neutre, masquant parfaitement son angoisse envers l'Autorité.
Elle passa vivement la porte de son grand appartement, son précepteur était là, cela faisait bien plusieurs mois qu'elle n'était plus revenue.

- Père, je suis désolée...

Le vieux mage ne lui répondit pas immédiatement, de la fumée était visible derrière son dos.

- Bien entre... Je perçois déjà que c'est la dernière fois que je verrais ton visage. D'ailleurs, je connais tout.

L'expression de l'olympienne était teintée de stupéfaction et de honte à la fois. Cependant elle percevait elle aussi, que le vieille homme était en peine. Les mots étaient presque inutiles, chacun lisant dans l'esprit de l'autre.

- Tu sais donc pour moi, ma soeur et... Aaah. Sache, que... Mon choix est réfléchi. Et toi, tu...

- Moi, j'ai fais mon temps voyons ! Et enfin, ne tire pas cette tête ! Regarde, j'ai déjà tout prévu... Même les Paladins n'en sauront rien. Enfin, pour combien de temps... Ah, cette Salminar le découvrira tôt ou tard, vaut mieux tard que jamais ! Voici une dernière chose pour toi, applique le avec raison.

L'Olympien à la barbe blanche lui offrit un ouvrage empli de magie. Rien qu'à son touché, un mage averti peut directement en ressentir la nature divine.
Mélodie posa sa main, puis, sans même le lire, parvînt à le déchiffrer. C'était la crème de la crème des sorts divins, l'olympienne en ressortit affaiblie.

- Ces sortilèges là sont les plus puissants et les plus fourbes, encore une fois fait y attention. Quand à moi... Il est temps.

- Temps ? Ne te moque pas de moi ! Où vas-tu aller avec toutes ces choses ?! Ne t'...

- Rien. Repose toi, demain est un autre jour.



Le lendemain, à l'éveil, personne. Un mot griffonné, des mots incompréhensibles.
Mélodie prit de quoi s'envelopper, manger boire, de l'argent, beaucoup d'argent, puis sortit par la petite porte.
Elsaria était là, manifestement préoccupée.

"Courrier pour vous m'sieur Pizgup !" brailla Wallace de sa voix haut perchée.

Cela faisait plusieurs années maintenant que ce Lutin facétieux avait rejoint les rangs de l'AMF et accepté le rôle prestigieux de gérer le courrier des lecteurs. Lettres d'amour de splendides créatures en quête d'affection, missives haineuses de détracteurs de l'association, poèmes d'artistes désireux d'être publiés dans Le Lutin Déchaîné pour donner un petit coup de pouce à leur carrière ou encore lettres d'amour de splendides créatures en quête d'affection (oui, à l'AMF on en reçoit beaucoup) , tout passait entre ses petites mains agiles.

Il redirigeait ensuite chaque courrier vers la personne la plus propice à s'y intéresser. Brave Wallace...
Pizgup leva la tête, quittant pour un moment l'analyse des derniers rapports de compta (oui, j'aime bien raconter dans chaque chronique qu'il travaille toute la journée alors qu'en fait il passe son temps à rien foutre), et fit signe à Wallace de lui remettre le pli.

"Autre chose ?
- Nan m'sieur Pizgup. Y'avait bien quelques poèmes d'artistes désireux d'être publiés dans Le Lutin Déchaîné pour donner un petit coup de pouce à leur carrière, mais j'ai tout foutu au feu comme vous me l'aviez demandé !
- Tu as bien fait... je commençais à en avoir marre de tous ces poèmes qui commençaient par "Je t'aime" et qui finissaient par "demain".
- A vot'service m'sieur Pizgup !"

Le Lutin s'eclipsa, laissant le Géant seul avec son message. Brisant le sceau qu'il ne prit même pas la peine d'identifier ("les gens signent de toute façon, ça m'évite d'avoir de la cryptologie à faire" disait-il souvent), il déroula le vélin et commença à déchiffrer les fines lettres qui s'alignaient devant lui. Le message venait de Mélodie et Elsaria, deux jeunes Olympiennes qui avaient rejoint les légendes le jour où elles avaient participé à la glorieuse mission initiée par l'AMF en territoire Zumain.

Pizgup lut la missive dans son intégralité.
"Hum..., maugréa-t-il, infiltrer deux Olympiennes et une Incarnation en territoire forestier. A Na'Helli qui plus est..."



Le Géant se leva et se dirigea à grands pas vers le bureau 17 : celui de Fuzzy, sa plus rapide estafette tolérée en territoire forestier.

"Fuzzy, j'ai besoin de toi. Tu vas aller à Na'Helli et me ramener Nidril au pas de course. J'ai besoin de lui. Et si jamais il fait des difficultés, dis-lui qu'il sera placé sous embargo sexuel !"

L'embargo sexuel était une notion que Pizgup avait inventée quelques mois auparavant. Elle s'appliquait aux membres de l'AMF qui avaient signé pour avoir accès aux femmes qu'ils n'avaient jamais réussi à séduire eux-mêmes. Elle consistait en un arrêt pur et simple du ravitaillement de toute personne indisciplinée jusqu'à ce que celle-ci daigne s'intéresser aux exigences qui lui ont été soumises. Ledit Nidril avait déjà eu à subir cette punition et avait craqué au bout de trois heures et vingt-sept minutes.

Fuzzy fit un bref signe de tête et partit sans perdre davantage de temps : son rôle l'avait poussé au fil du temps à toujours avoir ses affaires de voyage prêtes en cas de départ à l'improviste. Pizgup le regarda s'éloigner dans long couloir qui constituait l'axe principal du QG de l'AMF, avant de retourner à ses rapports de compta.

___________________________
Nidril était un Elfe de taille moyenne, aux cheveux auburn et aux yeux verts. Ou plutôt à l’œil vert.
Il avait en effet perdu le deuxième lors d'un combat épique contre un puissant dragon.
Ça c'est pour la version officielle : la vérité est bien plus triste.
Ancien soldat dans les armées elfiques, il avait été gravement défiguré par l'explosion de la grenade avec laquelle, un soir d'ivresse, il avait décidé de jongler pour épater ses camarades. Toute la partie gauche de son visage n'était plus qu'un magma informe, et on avait dû lui amputer le bras à son arrivée au dispensaire. Et son aspect ne l'aidait pas vraiment pour ses conquêtes féminines, ce qui était fort fâcheux car cet ancien coureur de jupons avait un fort appétit sexuel.
Il était devenu intéressant pour l'AMF lorsque ses supérieurs lui avaient trouvé un nouveau travail dans l'administration elfique. Car non seulement il devenait ainsi une précieuse mine d'informations, mais en plus il pouvait chercher et modifier des registres à sa guise. Un accès bien pratique lorsqu'on est aussi bon faussaire que lui.
Car c'était là la raison qui avait poussé Pizgup à faire appel à lui : Nidril était très certainement le faussaire le plus habile de l'Association. Lors de son entretien d'embauche, il avait exhibé la prétendue condamnation à mort du recruteur, signée de la propre main de celui-ci.

Assis en face de Pizgup, il attendait que celui-ci lui explique pourquoi il l'avait fait venir, jetant des coups d’œil nerveux dans toutes les directions.

"Je vais aller droit au but : il me faut quatre visas et trois permis de travail pour Na'Helli. Le premier visa sera à mon nom. Pour les trois autres et pour les permis de travail, tout ce que tu as besoin de savoir se trouve dans cette enveloppe. De combien de temps as-tu besoin ?
- Hum... tout dépend de combien de signatures vous voulez bénéficier.
- Celle de Syi suffira."

Nidril fut surpris d'entendre Pizgup appeler la Juge de Na'Helli par son nom.

"T'offusque pas : on a gardé les lapins ensemble. Et c'est une redoutable adversaire aux 7 familles !
- Vous avez l'air de bien la conaître. Pourquoi ne pas lui demander de vrais visas ?
- De vrais visas ? Mais où serait le challenge ? C'est bien plus fun d'avoir des faux !
- Vous dîtes ça parce que c'est pas vous qui les faites.
- Contente-toi de faire ce que je te demande, sinon la petite Elyne arrêtera de faire ce que toi tu lui demandes, ok ?
- Non m'sieur ! Pas l'embargo sexuel !!! Vous aurez vos documents dans un mois, mais laissez-moi Elyne ! Je sens qu'il y a vraiment quelque chose entre nous."

Nidril se leva et prit congé, soudain pressé d'aller produire ces fameux papiers. Lorsqu'il fut parti, Pizgup répondit à sa dernière remarque :

"Ouaip ! Y'a bien quelque chose entre vous... un contrat !"

Pizgup se leva à son tour : il n'avait plus qu'à prévenir les deux Olympiennes de son plan : il allait les faire passer pour de nouvelles filles de joie pour les bordels de Na'Helli gérés par l'AMF. C'est-à-dire tous. Il allait produire un faux rapport de compta qui prouverait une baisse des recettes dans la cité elfique, ainsi qu'un faux résultat d'enquête auprès des clients, qui lui prouverait que la baisse de fréquentation des lupanars était due à un manque d'exotisme.

Pizgup sourit.
Son plan était décidément génial...

Oh oui, en effet. Génial comme plan ! J'applaudit !
Et j'ai ri !