Amallya faisait face à des ennemis en surnombre. La femme sauvage était seule, isolée, encerclée. Le combat semblait perdu d’avance. Tout du moins c’est ce qu’ils devaient penser...

En infériorité numérique, la femme sauvage ne pouvait lutter. Il lui fallait abattre un ennemi et obtenir le renfort d’un allié. Elle le savait : c’était le moment de passer à l’offensive ! Sans hésiter, la femme sauvage dégaina sa plume, son arme la plus aiguisée, et écrivit une missive en toute hâte. Les mots glissaient sous la plume d’Amallya qui ne semblait nullement hésiter ni douter. Lorsqu’elle acheva le dernier mot elle contempla le parchemin qui gisait devant elle. Elle prit alors le temps de relire une dernière fois le contenu de la lettre qu’elle se préparait à envoyer, comme un combattant visualisant le combat à venir.

Raksha,

Je me permets de te contacter car j’ai remarquée tes récentes prises de positions en faveur de notre refuge, de notre forêt et à l’encontre du Cercle des Sylphes. Saches que je comprend la position que tu défend et que je la partage.

Il est vrai que le Cercle des Sylphes a beaucoup fait pour aider notre peuple. Les Sylphes ont fournis des pierres pour reconstruire nos murs et des bras pour dresser nos tours. Nous leur devons beaucoup et nous en sommes conscients. Eux aussi en sont conscients, tout comme ils sont également conscients de notre gratitude à leur égard. Et ils en abusent !

Tandis que nous considérons les Sylphes comme nos amis, eux nous considèrent comme leurs débiteurs. Ils engagent notre parole sans nous demander notre avis et s’invitent dans nos forêts sans nous demander notre accord. Nous ne pouvons plus continuer à accepter d’être traités de la sorte, à baisser la tête et fermer les yeux en nous soumettant à leur volonté. Il est temps que notre peuple regagne sa fierté, il est temps que notre peuple prenne son indépendance, il est temps que nous prenions notre destin en main. Cette situation, cette humiliation ne peut plus durer !

Malheureusement seule je ne peux rien faire. Les récents événements l’ont démontrés : lorsque le conseil du peuple de Gaïa doit se positionner vis-à-vis de cette faction les dés sont toujours pipés. Deux des membres du conseil font en effet partis du Cercle des Sylphes et je ne peux que suivre leurs décisions. Non contents d’avoir pris possession du conseil, ils investissent aujourd’hui nos forêts pour y attirer des tempêtes et y inviter nos ennemis.

La situation semble désespérée mais tout n’est cependant pas perdu : des élections seront prochainement organisées pour élire le nouveau conseil du peuple de Gaïa et les candidature aux postes de conseillers sont d’ors et déja ouvertes. La présence d’une personne de ta qualité au sein de notre conseil pourrait renverser le rapport de force et redonner le pouvoir à notre peuple.

Réfléchis à cette proposition Raksha, l’avenir et l’indépendance de notre peuple en dépend. Quoi qu’il en soit je te fais confiance : je sais que tu saura choisir ce qui est le mieux pour les tiens.

Salutations,
Amallya.

L’un de ses adversaires venait de tomber, elle le savait, et un allié ne tarderait pas à la rejoindre pour poursuivre le combat.

Il est emplit de haine et d’amertume, se dit-elle, le manipuler sera à la portée d’un elfe !

La femme sauvage roula le parchemin, le scella et le transmis à son coursier en lui indiquant l’identité du destinataire.

Quelques semaines s'étaient écoulées après que la conseillère eut envoyée sa lettre à Raksha. Comme elle l’avait prévue, le jeune sauvage avait répondu favorablement à sa proposition et avait présenté sa candidature. Ce fut d’ailleurs le seul candidat à l’élection du conseil et un vote de confiance fut ainsi organisé. A l’unanimité le peuple des enfants de Gaïa mirent leur confiance derrière Raksha et Amallya. Tous les hommes sauvages étaient derrière eux. Tous sauf un, visiblement, qui avait choisit de voter uniquement pour Amallya.

Mais qui peut bien être cet inconscient ? se demanda-t-elle.

Les paroles du sage Shalassan résonnèrent alors dans sa tête.

Peut-être un futur prétendant, Dame Amallya ? Héhé ! avait-il grincé.

Oui. Un inconscient ou un fou.

La conseillère fut tirée de ses pensées par l’arrivée de son aide de camp, Lulu, qui fit irruption dans la pièce.

M’dame la conseillère, lança la malheureuse lutine, le peuple vous a élue, vous et le conseiller Raksha !

Amallya jaugea la lutine d’un air hautain. Malgré toutes les humiliations qu’elle lui faisait subir, et pour une raison inconnue, Lulu semblait toujours porter Amallya en admiration. Son enthousiasme la dégoûtait. D’une voix sèche, la conseillère répondit à la lutine.

Encore une fois tu ne m’apprends rien, Lulu. Je me demande bien à quoi tu me sers.

La lutine resta sans voix. Une fois encore la conseillère lui avait brisée son optimisme. Mais une fois encore la pique fut vite oubliée et la lutine reprit avec le même enthousiasme.

Mais j'comprend pas une chose, m’dame Amallya. Pourquoi vous avez insistée pour que Raksha se présente ? Les deux autres conseillers ne se sont pas représentés, et vous auriez pu être seule à la tête de votre peuple !

Les paroles de Lulu avaient énervées Amallya. Celle-ci lança un regard noir de colère à l’encontre de sa suivante.

Ne sois donc pas si sote Lulu ! Si Raksha ne s’était pas présenté le précédent conseil aurait été reconduit. Encore ! De plus, je n’avais aucun moyen de savoir que ces deux Sylphes abandonneraient si facilement leurs postes.

Elle continua d’une voix plus calme et plus sereine.

En outre, la situation actuelle me convient parfaitement. Je laisse ce morveux prendre des mesures impopulaires et nous débarasser des Sylphes. Quant à moi je garderais la confiance et l'estime de tous. Comme toujours.

La conseillère reprit d'une voix sèche et autoritaire.

Maintenant pars, Lulu. J’ai à faire !

Et alors que la lutine s’éloignait de la conseillère, Amallya ne put s’empêcher de murmurer à elle-même.

Les motivations de ce jeune ambitieux sont peut-être trop grandes. Manipuler ce freluquet sera sûrement moins aisé que je ne l’aurais pensée.