Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Aube
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Dernière réponse le 12/05/2013 à 21:59

el Par Elen  le 11/12/2011 à 11:51

L'Intendant revenait de loin...


L’Intendant arriva au palais, encapuchonné comme lors de sa précédente visite. La Reine l’avait invité à lui rendre visite et lui faire compte rendu de ses recherches. Aussi, lorsque ses recherches le lui avaient permis, il s’était rendu discrètement au palais. Nil poursuivait la lecture des ouvrages de la bibliothèque de la Tanière durant son absence.

Les rues de Na’Helli s’étaient vidées. Les commerces et les échoppes avaient fermé leurs portes et barricadé leurs fenêtres. Les gens craignaient la fin de monde. Certains citadins avaient déserté la ville pour se rendre, inutilement, en des lieux souterrains.

Les idiots ! La mort ne viendrait pas d’en haut...

Nulle trace de la foule de notables qu’il avait vue précédemment. Ne restait que les plus courageux et les plus lâches qui recherchaient désespérément la protection de la monarque. Tous les autres ? Ils avaient probablement fuit ou s’étaient cloîtrés chez eux, attendant la fin des événements qui secouaient les fondements même du Monde des Vivants. Cela le fit sourire : ses Loups, à lui, étaient soit en mission, soit entrain de se préparer au pire à la Tanière. Ils feraient face à leur destin, qu’il soit funeste ou non !

Décidément, à l’exception de la Juge, de Ambre et de quelques autres, les Nobles n’étaient bons qu’à manigancer et à fomenter quelque vilain plan pour obtenir les faveurs de sa majesté. Quel peuple à la décadence pitoyable ! Il se demandait si les notables Olympiens agissaient de même. Probablement, dans leur grande majorité.

- L’Intendant Elen du Clan du Loup, votre majesté. L’annonça le héraut, après qu’il eut traversé la pièce à grands pas.

Elen aperçut le Scribe qui prenait note de son arrivée dans la pièce et qui se préparait à consigner ce qui allait suivre. La Reine, dans son trône, l’observait. Comme la dernière fois, il n’avait pas ôté son capuchon. Il y avait certes un public moindre pour réagir à son affront, mais il jugeait que se montrer conciliant une fois l’obligerait à céder sur des points bien plus importants plus tard. Et il ne pouvait se permettre de s’exposer à ce genre de risques.

Il exécuta une révérence courtoise avant de s’adresser à sa souveraine :

- Ma Reine, c’est une joie que de me tenir devant vous et cette restreinte assemblée. Malgré le peu de participants aux doléances, je souhaiterai, si vous m’y autorisez, pouvoir m’entretenir avec vous en privé de l’affaire que vous connaissez.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 11/12/2011 à 12:21

Le Palais était bien calme ces temps-ci. La froidure, ou la peur, paralysait la capitale elfique et les jours, bien que les Titans fussent timides, semblaient s’allonger à l’infini.
La Reine n’était pas restée sans nouvelle d’Elen. En quelques occasions, elle avait tendu son esprit vers lui et appris certaines choses. Guère précises mais suffisantes pour constater les progrès du Loup.

Qu’elle le veuille ou non, quand il franchit les portes du Palais, elle s’aperçut qu’elle était impatiente de le revoir. Elle ne fut pas déçue. Les dernières épreuves qu’il avait endurées avaient trempé son âme, devenue aussi affûtée et aussi résistante que le meilleur des aciers.
L’aura qu’il dégageait magnétisa la Reine. Deux aimants en résonance… Il y avait si longtemps. Dans son cocon de cristal, ce n’avait été que des impressions fugaces… Here’al, Kyrah… Ceux qui étaient sortis du lot pour se hisser aux côtés des Totems. Kowü… Mais, dans son long et profond sommeil, ils n’avaient été que des étincelles. Aussi vives qu’éphémères. Et au souffle suivant, ils s’étaient éteints.

Elen venait de la saluer, mais ce n’est que lorsque Darwor toussota que No’irin revint à des considérations moins hypnotiques. Elle jeta un coup d’œil aux Nobles qui guettaient sa réponse. Les éconduire deux fois pour l’Intendant ferait jaser, à n’en pas douter. Aussi adopta-t-elle un sourire de convenance pour lui répondre.

- Le plaisir est partagé, Intendant. J’imagine que vous aurez beaucoup à me raconter. J’aurais aimé vous offrir les agréments d’une promenade au parc mais la saison n’est pas idéale. Alors…

L’ombre était-Elle toujours là, à espionner ? Elle ne la vit ni ne la sentit. S’était-Elle lassée ? Trop de combats à mener de front l’obligeait-Elle à renoncer à Elen ? Non, cela ne pouvait être aussi facile… La patience était bien sa seule vertu mais ce serait une grossière erreur de la négliger.

- Si nous convenions d’un dîner ?



el Par Elen  le 11/12/2011 à 12:23

L’Intendant ne fut pas surpris que la Reine lui refuse un entretien immédiat. Certes elle ne pouvait pas perdre la Noblesse, ceux-ci n’étaient que des moutons qui bêlaient derrière leur bergère, mais fâcher le troupeau en faisant entrer un Loup dans la bergerie ne lui aurait tout de même pas été salutaire. Imitait-elle les Nobles par plaisir ou s’y contraignait-elle parce que c’était là le prix de leur fidélité ?

Cependant, lorsqu’elle lui proposa un dîné, probablement en tête à tête, ou avec Gaver et messire Darwor au maximum, un sourire étrange se dessina sur le visage de l’Intendant. Une expression mi flattée mi bravade. En somme, elle lui demandait de patienter, pour que les gens ne puissent dire qu’il avait un ascendant sur elle, mais elle l’invitait à sa table, faveur que tous ceux présents dans cette pièce recherchaient désespérément.

- Ce sera avec plaisir, votre majesté. Je vous laisse terminer votre réunion tandis que je m’en vais trouver une meilleure mise...

Il s’inclina respectueusement devant sa souveraine. Là où d’autre auraient fait face à No’Irin jusqu’à leur sortie par la porte, marchant à reculons le dos encore à moitié vouté dans une exagération de politesse, lui tourna le dos à la Reine d’un mouvement de cape et quitta la pièce d’un pas tout aussi vif que celui qu’il avait en y entrant.

S’il devait faire l’aller et retour Tanière Palais pour changer ses vêtements, il lui fallait se presser. Surtout s’il voulait avoir le temps de se baigner...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 12/12/2011 à 09:58

No’irin sentit une légère pression sur son épaule, une main qui lui signifiait la présence d’un ami, tandis qu’un esprit frère touchait le sien. Mais ni Darwor ni les Nobles présents dans la salle du trône n’aperçurent celle, invisible, qui s’invitait à l’instant. Alors qu’elle suivait du regard la sortie d’Elen, elle sourit.

Litihn…

Puis ses yeux se tournèrent vers les tapisseries de la salle, indifférents, comme si elle attendait patiemment le prochain notable qui espérerait lui soutirer quelque gratification.

Si tu es là, dois-je en déduire…
Oui. Il y avait un soupçon de frustration dans la réponse tranchante.
Ce fut rapide.

Thémis qui avait participé aux combats, aurait pu contredire sa sœur. Mais elle ne voulait pas épancher ses informations. No’irin n’était pas une déesse. Il fallait bien que cela ait ses petits privilèges d’avoir tant sacrifié. La Reine s’amusa du silence prolongé de sa comparse.

Tu deviens cachottière… Ne suis-je plus dans tes bonnes grâces ?

Ainsi donc la statuette avait-elle retrouvé sa propriétaire. Cela sentait la négociation bâclée. Ou une grosse, grosse panique dans les Enfers. Oui... Plutôt cela.

A-t-elle obtenu autre chose ?
Non. Mais son culte émergera. Ce n’est qu’une question de temps. Et ils ne s’y opposeront pas.
Peu me chaut, la concurrence les affaiblit. VOUS affaiblit… Corrigea No’irin.

Si Thémis voulait jouer à ce jeu-là, elles pouvaient être deux.

Pourtant ses activistes les plus zélés sont dans tes rangs. Ne néglige pas le fait que NOUS pouvons aussi chercher un responsable. Et bien sûr le trouver.

La pression se fit plus forte sur l’épaule.

Des menaces. Ce n’est pas digne de toi, Litihn. Ta condition n’est-elle pas censée t’élever ?

L’aplomb de la Reine exaspérait Thémis. La déesse changea de sujet avant que la conversation ne dégénère vraiment.

Et lui ? C’est encore un enfant.

Thémis avait vu Elen arriver puis repartir. Fier de ses prérogatives, droit dans ses bottes, comme on disait… Elle partagea avec sa sœur l’image d’un gamin qui s’initiait à l’équitation sur un poney et qui, cheveux au vent lors du premier galop, se voyait déjà boucler le tour des Terres Connues.

Vous m’obligez à conclure plus rapidement que prévu.

L’Ennemie en avait terminé avec les Enfers. Elle n’avait plus à menacer les piliers puisqu’elle pouvait librement organiser son futur cheptel de brebis, de celles qui s’égareraient des troupeaux plus conventionnels.
Mais sa soif de pouvoir avait ratissé large. Le monde des Vivants ne lui suffisait pas et depuis des années maintenant elle fomentait des troubles parmi les Esprits. Une autre carte qu’elle se réservait si ses manœuvres dans les Enfers n’avaient pas abouti et, dans tous les cas, une nouvelle source de puissance.
Mais il était impensable que la Reine la laisse prendre pied là où Gaïa, sur le point de s’éveiller, devait régner seule. Il fallait agir vite. Plus elle tarderait, plus l’ennemie rassemblerait ses forces et serait difficile à déloger.

Il n’est pas prêt. Quand comptes-tu attaquer ?

Les doigts de No’irin pianotèrent sur le large accoudoir de son trône. Après quelques secondes de réflexion, elle lâcha :

Demain. Après une dernière leçon.

Les mots furent charriés par un courant glacial et implacable qui n’annonçait rien de facile.

A trop le secouer, tu vas en faire un tyran. Il en porte déjà les germes...

C’était une éventualité. Les caractères forts et solitaires devenaient souvent intransigeants et insensibles. Puis seulement cruels pour finir détruits par leur propre paranoïa, si leur mégalomanie ne s’en chargeait pas avant.

Les tyrans engendrent les héros, Litihn… Et tout recommence.

Décidément, Thémis n’arriverait pas à arracher à sa sœur une bribe de compassion. Elle y renonça, non sans une dernière pique :

Tu es un monstre.
Je règne. Répondit froidement No’irin avant que le contact des esprits ne soit rompu.



el Par Elen  le 12/12/2011 à 12:51

De retour à la Tanière, Elen mit Nil au courant, lui expliquant qu’il avait obtenu un entretien avec la Reine, sous la forme d’un dîner. Sa femme fut ébahie, bien plus que lui, en somme. Il ne savait pas précisément quand il rentrerait. Il la prévint simplement que cela pouvait durer jusque tard dans la nuit.

Il se prépara un bain, faisant fondre de la neige et la plaçant à la température de la Tanière. Il s’habilla ensuite non pas de ses plus beaux atours, désormais symboles de son union avec Nil, mais du costume traditionnel du guide du clan du Loup, légèrement modifié pour la circonstance.

Cela se composait d’une bure sombre, portant des phrases rituelles dans la langue sacrée de son clan. L’étoffe avait été travaillée de telle sorte que les mots normalement indistincts formassent des phrases suivant la tournure d’esprit et l’orientation du regard de ceux qui l’observaient. Chacun y percevait un message différent. La coupe mettait en valeur sa taille et renforçait sa carrure. Cela allait merveilleusement bien avec son teint, en vérité !

Il avait ôté la cape symbolique du Chaman, car il n’en possédait pas le statut. Néanmoins, jamais il n’avait porté une tenue le rapprochant plus de cette fonction.

Il s’en fut au palais, dissimulant son visage sous le capuchon de son vêtement. Ceux qui l’aperçurent dans les bois se demandèrent s’il n’était pas le Chaman d’un clan disparu de retour. Lorsqu’il pénétra dans les rues désertées de Na’Helli, la ville lui sembla plus vide encore, comme si les Nobles craignaient sa simple présence.

Il n’était pas en retard. Une chance. Il se fit donc annoncer, comme d’usage...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 12/12/2011 à 16:14

No'irin s'était changée. Une tenue à peine moins cérémonieuse que celles qu'elle arborait en journée au Palais. Ce dîner ayant été annoncé en public, il s'avérait donc formel et les places de chacun devaient y être conservées, jusque dans les détails. Cependant, au lieu de la grande salle de réception, pour une tablée si réduite avait-elle fait préparer l'un des salons, le plus spacieux, de ses appartements.

- L'intendant Elen viendra-t-il accompagné de son épouse, Votre Altesse ? S'enquit Darwor.
- Je ne crois pas, il ne l'a pas requis après mon invitation, réfléchit la Reine. Mais prévoyez tout de même, ce serait impoli de la laisser s'asseoir par terre, le cas échéant.

Le Scribe haussa un sourcil.

- Je plaisante Darwor ! N'oubliez pas que vous surveillerez le service, de bout en bout. Je ne veux aucun aléa.

Elle vérifia la salle, satisfaite. Les plats monteraient des cuisines, passeraient par le boudoir jouxtant le salon où Darwor les inspecterait avant de les remettre aux servantes.
La nuit tombait vite en cette saison. No'irin fut en quelques pas sur le seuil de la pièce.

- Je vais au laboratoire. Gaver accueillera notre invité et le guidera jusqu’ici.
- Bien, Votre Altesse. Dit-il en s’inclinant pour la saluer.



el Par Elen  le 12/12/2011 à 20:22

Un peu plus tard, l’Intendant se présenta au notable qui annonçait l’arrivée des visiteurs. Celui-ci se dirigea d’un pas vif vers une étude située non loin de là, frappa à la porte d’if, s’inclina lorsqu’elle s’ouvrit et murmura quelques mots. Le “Seigneur” Gaver quitta alors la pièce, précédent le héraut, pour accueillir le Loup :

- Ah Elen ! Lança-t-il de façon peu protocolaire. Bienvenue à Na’helli, depuis tout ce temps ! Comment vas-tu ?

L’Intendant exécuta le salut traditionnel de son clan :

- Bonjour Gaver. J’ai été libéré d’une entrave. Les miens peuvent de nouveau compter sur moi. C’est un bon point. Et toi ?
- Hum... Les nouvelles ne sont pas toujours excellentes mais on s’accroche, n’est-ce pas ?

Il jaugea rapidement l’Intendant. Malgré son allure plus mature, sûrement due aux épreuves affrontées, il avait l’air en forme. D’un geste, il le convia à emprunter le chemin qui les conduirait à travers le palais.

- La Reine a décidé de nous recevoir dans ses appartements. Nous serons tranquilles pour discuter.
- J’espère qu’elle est de bonne humeur. Je n’ai pas vraiment de bonnes nouvelles... Juste des nouvelles, en vérité.
- Disons que... Tu la connais.

Non, en fait Elen ne devait pas la connaître comme lui. Mais parler d’humeur pour No’irin, c’était un peu comme parler d’un ruisseau qui ne débordait jamais. Il ne voulait pas mettre mal à l’aise son invité aussi préféra-t-il le rassurer :

- Mais elle avait l’air contente de ta venue, de cela tu peux être sûr !
- C’est un honneur. Répondit-il sobrement.

Gaver lui lança un coup d’oeil. Le Loup était-il anxieux ? Il se rappelait de lui plus... Bavard, plus... Impétueux.

- Voilà nous y sommes.

Ils entrèrent par le boudoir et y retrouvèrent Darwor, prêt à les installer au salon.

- Intendant, fit-il avec une courbette en guise de salutations. Puis il lui offrit de se défaire de son manteau. Permettez que je vous débarrasse.
- Messire, salua l’Intendant en s’inclinant, avant d’ôter la cape de fourrure qui recouvrait la tenue sacrée de son clan. Il en profita pour retirer sa capuche, laissant sa longue crinière tomber derrière sa nuque. Je vous remercie.

Le vieil Elfe conduisit alors les deux hommes dans le salon puis s’éclipsa. No’irin n’arriverait que quelques minutes plus tard, c’était l’usage. Mais ce qu’ils ignoraient, c’est qu’elle passa d’abord par le boudoir.

- Dame Nil’nelia est-elle là, finalement ? Demanda-t-elle.
- Non, Votre Altesse.
- Parfait.

Sur les deux fioles qu’elle avait préparées, elle n’en remit qu’une à Darwor : celle qu’elle destinait à l’Intendant. L’autre n’était qu’un somnifère puissant pour son épouse, devenu inutile.

- Vous attendrez ma confirmation. Elle réfléchit quelques secondes pour convenir d’un “code”. Je vous ferai hâter pour les desserts et vous viendrez les apporter en personne. Il serait malvenu que les servantes inversent les assiettes... Et pas un mot à Gaver. C’est bien compris ?
- Oui, Votre Altesse.

Elle fixa quelques secondes le Scribe. Elle était certaine de sa connivence mais en cet instant, elle douta de ses propres motivations. Et si elle se trompait ?

- Tout ira bien, Votre Altesse. Conclut Darwor, comme s’il avait deviné les pensées de la Reine.

Elle hocha la tête, se para de son sourire le plus franc et franchit le seuil qui séparait le boudoir du salon.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 13/12/2011 à 07:49

- Seigneur Gaver, Intendant Elen, cela me fait plaisir de vous recevoir. J’espère ne pas vous avoir fait trop attendre !

Les formules ne différaient pas de celles qu’une hôtesse attentionnée pouvait dire et le ton était amical, chaleureux. Cela n’empêcha pas l’Intendant de grimacer à la mention de son titre.

- Votre majesté, commença-t-il dans un salut protocolaire, c’est un honneur pour moi de me trouver en votre présence.

- Asseyons-nous et racontez-nous, j’ai hâte de tout savoir !

Quand ils eurent pris place, des domestiques arrivèrent et servirent au choix des liqueurs et quelques bouchées avant de disparaître sans s’attarder. No’irin comptait sur Gaver pour mener la conversation avec le Loup si jamais les questions plus philosophiques s’essoufflaient. Tous les deux avaient l’air de s'apprécier, parlaient le même langage. Quant à elle, elle se focaliserait sur la nouvelle personnalité de l’Intendant. De son évolution dépendrait la suite des événements.

- Pour tout vous dire, Majesté, les projets qui motivaient mon départ n’ont pas progressé. Vous n’êtes certainement pas sans savoir que les Impériaux m’ont fait perdre un temps précieux en me maintenant captif.

Il se saisit d’un verre avec une certaine nonchalance, sans pour autant flirter avec l’impolitesse. Il attendit avant d’en boire une gorgée, le regard tourné vers la Reine.

- Je sais que vous avez souffert... Murmura-t-elle et Elen sut que ça allait au-delà d’une affirmation toute faite. Mais ne croyez pas que cela fut du temps perdu. Bien au contraire.
- L’Intendant Calith m’a rapporté les détails que vous lui aviez donnés sur ma condition. Je dois dire que vous l’avez motivé plus encore à me retrouver...
- Apparemment les Elfes des Lunes ont des prédispositions à être contrariants. Dit-elle avec un demi-sourire. J’ai tâché de lui faire comprendre que vous aviez besoin de discrétion, et il a fait tout juste le contraire...
- C’est dans sa nature. Il se préoccupe de ses amis. Vous ne pouviez pas le deviner. Je ne suis pas même certain qu’il ait renoncé après que son Faucon ne lui ait transmis mon message.
- Et bien nous le saurons pour la prochaine fois : les Intendants sont des têtes de mules ! Elle leva un verre. Mais tout ceci vous a finalement ramené au foyer. Fêtons-le donc.

Il imita la monarque, affichant un sourire. Visiblement, la Reine souhaitait que l’entretien dure. Il sentait que sa clairvoyante Reine savait pertinemment ce qu’il avait à annoncer.

- Soit. A la fin du monde tel que nous le connaissons. Lança-t-il en guise de toast.

Gaver se joignit à lui et No’irin trinqua de bon coeur. Elen ne croyait pas si bien dire...



elfe Par Ambre  le 13/12/2011 à 10:27

Allez, tant pis, je brise ce silence trop pesant et laisse filtrer mes émotions !

C'est trop alléchant ! Je veux la suite ! C'est bien écrit, il y a le suspens, sans trop le faire durer ce qui gâcherait tout.

Félicitations aux gens derrière Elen, No'Irin et Gaver !



admin Par Olympia  le 13/12/2011 à 15:56

Mici Ambre ^^

(Je précise, pour la suite, que ce RP a été fait "à la loyale", comme tous les scénars joués sur le plateau. Il n'y a eu aucun arrangement préalable sur les issues des différentes actions.)



~ Adepte de la pédagogie à balles réelles ~
~ Dans le savoir, la liberté. Dans l'ignorance, le bonheur ~

Par Google  

el Par Elen  le 13/12/2011 à 17:20

- Parlez-moi de votre... Compagne. Je sens une magie étrangère qui émane de vous, qui ne doit pas lui plaire...

Il déboutonna légèrement le haut de sa tenue, faisant fi des convenances et dévoilant des tracés précis, s’enroulant et se déroulant sur sa peau, ponctués par des signes en Loup Ancien. Il referma presque immédiatement le vêtement et expliqua :

- C’est une... Amie qui me l’a offert. Elle a associé certains pouvoir des Enfers avec ses propres talents. Et j’ai ajouté une goutte de mon sang pour améliorer la circulation du Finyë. Cela offre, semble-t-il, une protection respectable. Aussi se montre-t-elle bien moins pressante que par le passé. Je crains que cela ne dure malheureusement pas.

Il pressentait en effet que la lutte était loin d’être terminée. Et si elle avait eu l’avantage dans la destruction des Piliers, il avait la certitude que son orgueil ne supporterait pas qu’un insecte comme lui échappe au sort qu’elle lui réservait.

- C’est malin. Constata laconiquement No’irin.

Elle se doutait qu’Elle avait déjà eu fort à faire ces derniers jours et malmener Elen, même pour en obtenir de petites victoires faciles, lui aurait coûté juste plus d’énergie pour combattre ces faibles protections qu’Elle n’était disposée à en consommer.

- Mais il faudra en finir avec tout ceci... Dites-moi, Intendant, en toute sincérité, comment vous sentez-vous ?

Son regard se fit affuté, attendant une réelle démonstration de force du Loup, au delà des mots.

- La fin approche inéluctablement. Imaginez quelqu’un qui se sait condamné mais qui ne peut l’exposer aux gens qu’il apprécie, mis à part vous et Gaver, et vous aurez un aperçu fidèle de ce que je peux ressentir. Annonça-t-il, accompagnant son propos en faisant tournoyer sa main droit avec flegme. Cependant, je ne me rendrai pas sans combattre. Cela fait plusieurs saisons que je prépare mon esprit et mon corps à l’affronter. Et si je peux l’occuper suffisamment longtemps, lorsqu’elle aura décidé de ma fin, pour donner à mon peuple ou à ceux qui la combattent une ouverture, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. Je vais lui montrer comment meurt un Intendant. Acheva-t-il affichant un sourire carnassier, celui qui barrait habituellement le visage des combattants Loups sur les champs de bataille.

No’irin eut un sourire satisfait. Gaver aurait pu même y voir une pointe d’admiration s’il n’avait pas été obnubilé par les petits pains garnis qui se trouvaient devant lui.

- Je n’en doute pas, Intendant. Je place de grands espoirs en vous. Savez-vous, au final, qui se cache derrière tout cela ?
- Je l’ai découvert, d’un certaine manière. Elle est celle qui s’attaque aux Vivants et aux Enfers. Je suis surpris qu’elle parvienne à lutter sur trois sphères aussi différentes que nos terres, celles de Hadès et le monde des Esprits. C’est de cela dont je voulais vous parler.

Il fit une pause, se remémorant avec précision la vision qu’il avait eue lors des combats.

- Je l’ai vue, dans la caverne, loin au Nord. Elle semble contrôler à la fois les morts, les araignées et les créatures qui mangent la roche. Et Elle sait que je sais, indéniablement. C’est pour cela que je suis surpris d’être encore en vie... Peut-être même que je sers ses desseins en l’amenant ici...

No’irin prit une mine dubitative mais elle ne dit rien de plus. Les servantes firent de nouveau leur entrée pour débarrasser. Il était temps de passer au repas à proprement dit.

- Vous ne m’avez pas donné de nouvelles de votre épouse. J’imagine que la séparation a dû être difficile pour elle aussi. Vous lui transmettrez mes amitiés, s’il vous plait.
- Je n’y manquerai pas, ma Reine. La séparation a en effet été longue et difficile. Mais cela lui a permis de se rapprocher de sa nouvelle famille, en quelque sorte, puisque la sienne l’a chassée.

L’Intendant fit une légèrement moue, visiblement déçu que la famille de Nil ait réellement coupé tous les ponts avec leur fille. Chez les Loups, la famille comptait plus que le reste. Kowü avait marié sans problème l’un de ses filles à un Noble. Et d’une manière générale, les unions avec les non Loups étaient, plus que tolérées, acceptées.

Le repas se poursuivit. Les sujets ne manquaient pas mais l’un d’entre eux intéressa plus particulièrement Gaver.

- Ca me plaît, ton nouveau projet avec Calith. Vous étiez fauchés au point de ne plus pouvoir payer les visas pour Liae ? Dit-il avec humour pour se moquer des dernières lois du Peuple Sauvage.
- Liae nous a bien fait comprendre qu’elle pouvait se passer de nous. Alors tu vois, on filoche. Et ça permettra d’unifier les clans sous une même bannière. Cela ne vous dérange pas, majesté ?
- Cela ne peut être que bénéfique, Intendant. Il est des traditions qui doivent perdurer. Et maintenant plus que jamais. Sans compter que je serais inconsciente de ne pas souhaiter que ceux qui sont en première ligne de la défense des Terres Forestières prospèrent.
- Je suis ravi de vous l’entendre dire. En tout cas, tu vois, Gaver, le plus difficile va être de secourir Aileen. Mais lorsque nous l’auront libérée, le clan du Cerf se ralliera à notre cause. Elle est aux mains de... s’interrompit-il, réfléchissant. Je ne me souviens plus de son nom. Il fait parti du gratin de Lardanium, c’est certain.
- Le Prince... Le “grand ami” de notre Juge. No’irin esquissa un sourire. Ces célébrations pour Athéna avaient été très instructives.
- Ah ? Je n’ai pas eu le plaisir d’y participer, malheureusement.

Elen semblait plus qu’étonné que la Juge des Elfes, qu’il tenait en très haute estime malgré le zèle déplacé dont elle faisait preuve à le poursuivre en justice, ne se soit laissée berner par le personnage haut en couleur qu’était le Prince. Certaines rumeurs n’avaient pas de frontière.

- Dommage Elen, on s’était bien amusés.

Gaver se rappela la venue de son frère d’armes avec nostalgie. No’irin lui jeta un coup d’oeil. Peut-être pour couper court à des souvenirs qui ne seyaient pas à la bonne humeur ambiante, elle lui glissa :
- Pourrais-tu aller dire à Darwor de hâter le mouvement avec les desserts ? Nous serons plus à l’aise ensuite au salon pour continuer à converser au lieu de rester à table...

Gaver, toujours à l’affût de gourmandises et peu soucieux des protocoles, ne se le fit pas dire deux fois. L’aller-retour dans le boudoir fut exécuté à grandes foulées pressées.

- C’est en route ! Lança-t-il en se rasseyant.

La Reine le remercia avec un sourire qui cacha la tension qui commençait à monter. Elle croisa les doigts pour que tout fut prêt...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 14/12/2011 à 07:40

- Il parait que vous aviez organisé une formidable chasse, à l’occasion de ce banquet ? Interrogea-t-il, sincèrement passionné par l’exercice.
- Haha ! Oui ! Evidemment il y a eu quelques susceptibilités froissées, “on ne mange pas les animaux des bois” et d’autres fadaises... Mais une fois les daims passés à la broche et les bouches pleines, tout le monde s’est bien régalé je crois.
- Le daim est une viande excellente. Je suis certain, Gaver, qu’il te plairait de participer à l’une de nos Grandes Chasses traditionnelles, si tu ne l’as pas déjà fait. Je me fais fort de t’inviter à la prochaine !
- Ca sera avec plaisir, Elen, mais tu regretteras ton invitation ! C’est que je me débrouille pas mal avec...

Les servantes l’interrompirent pour débarrasser. A leur suite, l’air confus d’avoir tant tardé, le Scribe poussait un petit chariot avec un assortiment de desserts répartis dans les assiettes. Il fit lui-même le service.

- Votre Altesse, fit-il avec une petite courbette pour se faire pardonner. Puis à tous : bonne dégustation.

Elen remercia servantes et Scribe avec les mêmes égards. Il poursuivit, comme s’il n’y avait pas eu d’interruption.

- Cela ne fera que plus de nourriture pour le banquet qui suit la chasse ! Dit-il, avant de picorer dans son assiette avec des gestes précautionneux, savourant chaque bouchée de ces mets raffinés que l’on servait trop rarement à la Tanière.

Gaver y alla, lui, avec moins de retenue. Seul une dernière part résistait encore dans son assiette quand il répondit au Loup quelque chose comme “Ch’est impor’ant de ‘ien mancher”. Elen mordit finalement à belles dents un des petits gâteaux moelleux, suivant l’exemple de son interlocuteur.
Il entendit à peine la suite du discours de Gaver, voyant ses lèvres remuer légèrement tandis que la pièce sembla tanguer. Était-ce le salon ou était-ce lui ? Sa vision se troubla tandis que les sons se rallongeaient étrangement, tendant vers les graves. Il se sentit vaguement tomber de la chaise, devenue trop instable pour lui malgré ses quatre pieds. Quelqu’un ou quelque chose amortit sa chute, mais cela se déroula trop vite pour qu’il comprenne ce qu’il était advenu.
Les yeux entrouverts, il percevait d’étranges formes qui se mouvaient en périphérie de son champ de vision tandis que les lumières l’éblouissaient.

- Bon sang, Elen ! Gaver avait rattrapé in extremis le Loup qui s’était effondré. Qu’est-ce qu’il lui arrive ?

Il s’était tourné vers la Reine pour avoir une explication. Elle s’était levée, imperturbable. Seules ses lèvres pincées laissaient présumer que l’état de l’Intendant ne lui était pas étranger.

- Qu’est... qui... pa... Tenta d’articuler le Loup, les yeux écarquillés pour tenter en vain de rendre sa netteté à sa vision brumeuse et tournoyante.
- Litihn ! Fit un peu plus fort Gaver, voyant que la Reine ne semblait pas décidée à intervenir.
- Puis-je me rendre utile ? Demanda Darwor en arrivant, alerté par le raffut.
- Conduisez-le dans la chambre d’ami. Il sera mieux, allongé. Dit-elle enfin. Gaver, il vaudra mieux que tu partes, ensuite.
- Hein ?? L’Elfe avait déjà mis un bras du Loup par dessus ses épaules tandis que Darwor faisait de même de l’autre côté mais il resta médusé de l’ordre de No’irin.
- Cela ne te concerne plus. Reviens demain. Demain soir par exemple. Le ton indiquait qu’il n’y aurait pas de négociation possible.

Relevé par les deux Elfes, la tête d’Elen lui tournait bien plus encore. Son esprit partait dans toutes les directions à la fois et s'empêtrait dans des pensées qui n’avaient aucun sens.

- Qu’est-che que vous... balbutia l’Intendant, avant d’être saisi d’un vertige plus fort, tentant d’accrocher le regard de la Reine.
- Nous avons du travail, Elen, économisez vos forces.

Elle suivit ensuite le cortège jusqu’à la chambre, un peu plus loin. Ils ne croisèrent personne car Darwor avait congédié tout le personnel.
Le Loup fut couché sur le lit et Gaver semblait réellement s’inquiéter pour lui. No’irin lâcha ses dernières consignes avant de s’isoler avec l’Elfe des Lunes.

- Verrouillez tout, Darwor, lorsque vous serez sorti. Va-t-en Litihn, la suite ne te plairait pas.

Elle s’assit au bord du lit et prit la main d’Elen.

- Vous me faites confiance, n’est-ce pas ?
- Oui, lâcha-t-il, son esprit trop embrouillé pour réfléchir réellement au lien entre la question et ce qu’il lui arrivait à présent.

Derrière, Gaver pesta mais n’aurait jamais osé aller contre les ordres de la Première Née. Il quitta la pièce d’un pas rageur, après un dernier coup d’oeil à l’Intendant qui semblait, malgré tout, ne pas être en danger. On entendit des verrous jouer et même les murs eurent de curieux reflets, l’espace d’une seconde. La pièce, voire peut-être même tout l’étage, venait d’être scellée.



el Par Elen  le 14/12/2011 à 09:58

- Où es-tu, Ereinlen ? Commença à questionner la Reine, d’une voix hypnotique.
- Je flotte... C’est... C’est comme... Un rêve...
- Non Ereinlen. Réfléchis. Où es-tu ? Insista la Reine, serrant un peu plus fort la main de l’Elfe.
- Je... Je... Au palais... Je suis au palais...

Il se sentait étrangement en sécurité, sa main serrée par celle de sa souveraine. La douce chaleur de ce contact suffisait à calmer quelque peu son esprit qui jusque là s’était vainement débattu contre l’impression de n’être que le spectateur de son corps.

- Exact. Qui suis-je, Ereinlen ? Continua-t-elle sur le même ton.
- No’irin, ma bien aimée... Souveraine... murmura-t-il, son esprit luttant contre l’étrange impression qu’elle l’avait dupé.

La Reine sentit l’hésitation. Aussi, sans aucun scrupule, redemanda-t-elle :

- Me fais-tu confiance, Ereinlen ?
- J’ai... Peur... Je ne dois pas... Je ne veux pas faire comme lui...

Elen craignait en effet d’être en route pour le monde des morts, empoisonné. Il ne pouvait pas se permettre d’abandonner les siens. Il devait se battre pour eux. Ne pas les abandonner...

- Ce que tu veux ne m’intéresse pas, Ereinlen. Réponds à ma question. Et réponds sincèrement. Nous y passerons le temps qu’il faut. Le ton était implacable mais ne témoignait pas de colère ni d’hostilité.
- Je vous fais confiance... Je donnerai ma vie pour vous...
- Tu as tort, Ereinlen. Tu ne devrais pas me faire confiance. Je t’ai menti à de nombreuses reprises. J’ai mis ta vie en danger. L’existence des clans également. Parce que cela faisait partie de mes plans. As-tu toujours envie de donner ta vie pour moi ?
- Combattre pour... plus grand nombre. C’est le fardeau d’une Reine. Je vous suivrai... Pour la survie des miens. Quoi qu’il m’en coûte... déclara-t-il, avec une certaine ferveur altérée par son état cotonneux.

Il est indécrottable, se dit la Reine. Puis, toujours avec cette voix calme, presque décharnée, elle évoqua le Monde des Esprits :
- Je suis comme Elle, Ereinlen. Je te manipule, je t’offre en pâture à tes bourreaux, je profite de ce qui te fais souffrir. Aujourd’hui encore... En ce moment-même.

Sa main écarta le vêtement qui protégeait le torse du Loup et ses ongles griffèrent lentement sa peau. Cela n’était qu’un contact léger mais l’illusion puissante dégagée par l’élixir le transformerait en larges entailles dans l’esprit d’Elen.
La panique s'empara instantanément de lui et il chercha mollement à se débattre. Il revit le sourire d’Isandre se délectant de sa souffrance. Et les gravures qui présageaient de ce qu’il allait subir.

- Non ! Non ! J’obéirai ! Tout mais pas ça ! implora-t-il, croyant avoir affaire à la vieille folle. Pas encore... Pas...
- Tu ne peux pas m’en empêcher, Ereinlen. Elle viendra. Nous le voulons toutes les deux. Me fais-tu toujours confiance ?

L’espace éthéré où Elen avait l’impression de flotter quand l’illusion l’emportait sur sa concentration se transforma petit à petit pour ressembler à cet endroit lointain des strates profondes du Monde des Esprits. Elen crut y glisser et la silhouette de la gamine apparut, comme dans ses souvenirs. Elle l’attendait.

- Pourquoi ? Pourquoi ? dit-il essayant toujours d’échapper à cette main devenue celle du bourreau.

- Parce que l’une de nous deux doit disparaître. Et que tu es le seul à pouvoir l’atteindre. Tu ne peux compter que sur toi-même. Et sur moi. Mais je suis comme elle. Alors quelle différence entre nous deux ? Laquelle détestes-tu le plus, Ereinlen ? Celle qui n’a jamais caché que tu étais son objet, ou celle qui t’utilise à ton insu depuis des années ? Je vous ai laissé créer les Sylphes pour faire germer la rancoeur entre nos peuples et ainsi attiser Ses forces. Tant de labeur pour rien, Ereinlen. Je pourrais évincer ton épouse ce soir et obtenir de toi une progéniture capable de mettre à genoux les Clans. Il suffirait que cela serve mes desseins. Tout est si facile avec les Mortels, Ereinlen...

Il avait l’impression que la voix provenait à la fois de la gamine, cette enfant terrible qui avait fait parti de tous ses cauchemars, et d’ailleurs, diffuse dans l’espace obscure de ce qu’il croyait être le monde des esprits. Il ne comprenait pas. Que signifiait ce discours ? Était-ce vraiment elle qui s’adressait à lui ? Ou autre chose ?
La gamine le contemplait avec ce sourire, celui d’une enfant à qui l’on vient de donner une poupée avec laquelle elle allait pouvoir jouer. Une gamine qui n’hésiterait pas à jeter son jouet une fois qu’elle en aurait terminé.
Elle ? La Reine ? Elle ou No’Irin ?
Celle qui avait pris Ximès, Lithan et Etendas. Celle qui avait tué Millie.
Ou celle qui avait volontairement hypothéqué ses chances d’être libéré, sans savoir qu’en vérité c’était ce à quoi il aspirait. Celle qui avait manipulé des peuples entiers pour des raisons qui lui échappaient. Celle qui...
Elle...
Le Néant...
Il ne devait pas la laisser gagner. Pas aussi facilement. Il l‘avait combattue tout ce temps. Et il pouvait le recommencer.

- Ne o Ereinlen, luwön duthn ereti... Murmura-t-il, prisonnier de l’illusion, poursuivant d’un voix forte : ... ot le anvara ni rani, roru erodel !

Il déploya son esprit, jaillissant comme un diable de sa boite avec une violence soudaine vers la conscience dont il pensait être l’ennemi. Sur son corps, les tracés étincelèrent légèrement et son Saïka s’illumina, tandis que le Finyë se concentrait. La Reine le soutiendrait-elle dans son combat ?



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 14/12/2011 à 14:16

No’irin resta stupéfaite le temps d’un battement de coeur. Puis elle laissa un filet d’énergie couler à travers sa main dans celle d’Elen pour le rassurer et l’apaiser. Il l’avait choisie, sans l’ombre d’une hésitation. Malgré tout ce qu’elle avait dit pour qu’il la haïsse. Ces mêmes arguments que l’Ennemie ne manquerait pas de lui exposer, lors de l’ultime combat. Il ne se laisserait pas piéger.
Il était prêt.
Les illusions s’évaporèrent lentement. Le Loup découvrit la chambre dans laquelle on l’avait transporté.

- N’oublie pas cette dernière leçon, Ereinlen. Demain nous combattrons. Elle usera des mêmes artifices, elle te replongera dans les mêmes affres de doutes. Mais je serai là. Selon tes choix, nous vivrons ou nous mourrons. Repose-toi, maintenant.

La lueur de son Saïka s’évanouit. Et ses yeux virent. La Reine, près de lui, sa main dans la sienne. Il ne comprenait pas encore la portée de son choix, ni précisément avec quoi la Reine l’avait drogué. L’intensité de l’illusion, la voix oppressante de No’Irin, la morsure de la dague dans sa chair, tout cela lui avait paru si réel.

Illusion. C’était précisément ce qu’il avait vécu. Juste une illusion. Il avait gaspillé ses forces à combattre du vent ! Il frissonna lorsque la Reine annonça le combat tout proche.

- Demain ?...
- Gaïa s’éveille. Le monde des esprits ne doit pas être corrompu ou notre Mère portera cette corruption elle aussi. Nous n’avons plus le temps.

D’un geste maternel, elle écarta l’une des longues mèches d’ébène du Loup qui barrait son front. L’enjeu colossal lui donna l’impression que jamais il ne pourrait vaincre pareil ennemi. Elle avait toujours joué avec lui, joué, comme un chat avec une souris ou avec un vulgaire lézard. La pression sur ses épaules devint insoutenable et il eut le sentiment qu’il s’agissait d’un voyage sans retour.

- Notre Mère ?... Le monde des esprits ?... Je... Je... Puis-je... Nil... Mon épouse...
- Tu la reverras ensuite.

Elen sembla quelque peu peiné. Il avait promis à Nil qu’il ne se mettrait plus en danger sans qu’elle ne soit au moins au courant. Mais la Reine le prenait au dépourvu.

- Soit... Il se sentit gagné par la fatigue, ses yeux peinant à demeurer ouvert. Avons nous la moindre chance ?
- Tu seras la main, je serai l’acier. Si tu ne te laisses pas distraire, nous la détruirons. Ou du moins... Cette partie d’Elle qui s’est répandue dans le Monde des Esprits.

No’irin avait senti sa déception mais Nil’nelia n’avait aucune des compétences indispensables pour les aider. Au pire pourrait-elle le distraire en exposant son âme à l’Ennemie.

- Oublie tout ce qui n’est pas ton combat. Je sais que c’est difficile mais elle ne laissera passer aucune erreur. Tu ne dois avoir aucune faille. Dors quelques heures, je ferai de même.

Elle lâcha sa main doucement, prête à quitter la pièce.

- Je ferai de mon mieux...

L’Intendant s’endormit presque instantanément, son esprit épuisé et son corps devant éliminer la substance narcotique. La lutte viendrait bien assez tôt, il n’allait pas gaspiller son énergie contre Morphée.
La Reine le regarda une dernière fois avant de rejoindre sa propre chambre. Quelque soit l’issue, elle paierait cher le retour de Gaïa. S’attirer l’animosité des Clans était un risque, calculé mais bien réel. Pourtant, malgré ses funestes pensées en tête, elle non plus ne tarda pas à s’endormir.



el Par Elen  le 14/12/2011 à 20:02

L’Intendant dormit relativement mal : peu habitué à autre chose que sa chambre souterraine de la Tanière ou que les étoiles pour seule couverture, il s’éveilla plusieurs fois. Et, lorsqu’il parvint à trouver le sommeil, son esprit rejoua sans cesse la scène de la veille. Aussi finit-il pas avoir envie de s’occuper les mains pour ne plus penser qu’au combat à venir.

Il parcourut la luxueuse chambre dans laquelle il se trouvait et dénicha trois petits récipients. Dans le premier, il plaça de la terre qu’il avait prise dans une fleur en pot, de l’eau, une goutte de son sang et de la myrrhe qu’il avait dans sa besace. Darwor avait visiblement amené sa cape et ses affaires ici, bien avant qu’il ne soit conduit dans la pièce. Il récapitula pour lui même :

- De la terre pour l’endroit d’où je viens, de la myrrhe pour l’endroit où je vais, de l’eau pour établir la connexion et du sang pour la circulation de l’esprit.

Il hocha la tête, et commença une seconde pâte, dans un autre récipient, analogue à celle qu’il venait de préparer. Il dénicha les ingrédients une fois encore dans la pièce et dans ses propres affaires : l’écorce sur l’arbre dans lequel était bâti le palais. Il récupéra deux diamants sur le riche mobilier de la pièce. Il se servit d’un pour rayer l’autre et obtenir une faible quantité de poudre de diamant.

- De l’écorce pour me protéger de l’extérieur, du diamant pour la résistance, de la terre pour que les vivants me protègent et du sang pour la circulation de l’esprit.

Il prépara une troisième mixture, semblable aux deux autres :

- De l’eau pour renforcer la connexion, du diamant pour amplifier la force de l’esprit, du feu pour lui donner sa sauvagerie et du sang pour la circulation.

Il eut l’air satisfait. Cela serait probablement utile lors de l’affrontement.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 15/12/2011 à 08:10

Les Titans étaient encore loin de se lever lorsqu'on toqua à la porte. Elle s'ouvrit sur Darwor qui surprit Elen en pleine préparation de ses mixtures. Le Scribe fronça les sourcils en voyant la terre humide qui éclaboussait les riches tapis, les entailles dans le siège de haute facture d'où avaient été extraites les pierres précieuses et les différents contenants, dont une carafe de cristal, dangereusement posés au bord d'un guéridon.

- Hum... Bonjour Intendant...

Il se retint à grand peine de quelque remarque désobligeante sur les manières de vivre des Elfes des Lunes et sur le fait qu’il pourrait dresser un procès-verbal pour dégradations de biens royaux.
Elen prit le temps de le saluer, avant de se remettre à l’ouvrage.

- J'allais m'enquérir de votre nuit mais je suppose qu'elle n'a pas été très agréable. Si vous voulez bien vous apprêter...

Il montra une porte vaguement camouflée par les tentures qui couvraient les murs.

- Vous trouverez un cabinet de toilette pour vous rafraîchir. Son Altesse vous attend dans son salon pour le petit déjeuner.
- Merci, Messire. Ne vous en faites pas, je rembourserai le mobilier que j’ai dû abîmer. Je ne pense pas que l’on m’aurait laissé quitter le palais et le temps pressait trop pour que je retarde la préparation de ces produits. Pourrez-vous m’aider à les transporter, s’il vous plait ? lâcha l’Intendant, tout en disparaissant dans la salle indiquée par Darwor sans attendre sa réponse.

Il se lava, s’habilla et sortit de la pièce plus frais que lorsqu’il s’était levé. Il récupéra deux des récipients sur les trois qu’il avait préparés avant de se laisser conduire au salon par le Scribe Royal qui s’était saisi du troisième et de la carafe de cristal pour la mettre hors de portée de l’Intendant. Mieux valait qu’il prenne soin de l’objet lui-même.

La Reine était déjà installée à une petite table ronde où des viennoiseries ainsi que diverses boissons chaudes attendaient d’être dégustées. Lorsqu’elle entendit les deux hommes arriver, son regard se fixa sur Elen, qu’elle dévisagea longuement. L’Intendant s’inclina, prenant garde à ne pas renverser ses préparations.

- Votre majesté.
- Intendant Elen. Avez-vous bien dormi ?

Ses traits ne laissaient rien paraître d’inhabituel. Aucun indice quant à la soirée de la veille n’aurait pu être visible pour un invité lambda, comme ces Nobles qui arrivaient parfois à lui arracher la faveur d’une collation matinale.

- Que nous apportez-vous ? Continua-t-elle en avisant ce qu’ils tenaient en main.
- Il s’agit d’aides pour la lutte à venir. Pour vous comme pour moi.

Il énuméra ce que contenaient les récipients, les posant sur un support éloigné de la table où déjeunait la Reine. Il voulait qu’elle sache que cela ne serait certainement pas dangereux, ni pour elle ni pour lui. Elle opina et apprécia qu’il ait gardé les idées suffisamment claires pour se projeter déjà dans le futur combat.

- Vous avez bien fait de prendre les devants. Je suis novice dans l’art de la transe. J’ai d’autres... Prédispositions qui pourront tendre à l’équivalence. Mais votre expertise nous est nécessaire, comme je vous l’ai dit.
- J’aime à croire que vous êtes bien plus savante que vous ne le dites dans votre connaissance du monde des esprits.

Il garda le silence et, voyant qu’elle ne répondait pas, il poursuivit :

- Ma Reine, je ne peux dire si vos propos d’hier étaient un test ou une mise en garde, mais sachez que je me battrai pour vous de toute mon âme. Je suis prêt.
- Si vous vous battez pour les Clans, cela me suffira Intendant. Mais soyez sûr que je n’ai jamais été plus franche avec vous qu’hier soir. Et si vous avez des questions à me poser, c’est le moment... Il ne nous reste que peu de temps avant l’aube.

D’un geste d’invitation, elle le pria de s’assoir à la table. Il accepta avec joie de prendre place, face à elle, regrettant que Gaver ne soit pas là. Il n’était toujours pas convaincu.

- Je n’aurai qu’une seule question, ma Reine. Êtes-vous celle que vous m’avez décrite ou est-ce votre rôle qui vous impose de le croire ?
- Si je cherchais votre sympathie, je vous dirais que mon rôle m’impose de l’être. Mais ce serait arranger la réalité. C’est ma nature, mon histoire, mon identité... Je suis capable de compassion mais cela reste... Tout à fait facultatif.

Il plongea son regard dans celui de la Reine, cherchant à lire en elle quelque chose qui contredirait son propos, sans parvenir à saisir les émotions que suscitait en elle la situation.

- Je suis inquiète, Intendant, mais on le serait à moins. Fit-elle pour répondre à la question muette du Loup.
- Vous serez préservée. Ce que j’ai préparé garantira votre sécurité, je le crois. Le Peuple a besoin de vous, ma Reine. Surtout si nous venions à échouer.

Elle sourit de façon énigmatique. Avec tout ce qu’elle avait manigancé, elle espérait bien gagner, quel qu’en soit le prix. Pour se montrer plus détendue, elle piocha parmi les brioches qui étaient présentées puis se versa une tasse de thé.

- Ne partons pas pessimistes. Il y a beaucoup de facteurs qui joueront en notre faveur. J’ai tout fait pour et le Destin ne saurait être aussi mesquin pour s’acharner sur nous maintenant.
- J’ai foi en vous, ma Reine.

L’Intendant s’inclina respectueusement, bien qu’assis. Lui ne mangeait pas. Son esprit et son corps se préparaient déjà à l’effort qu’il faudrait fournir au combat. Lors de sa dernière transe, il avait passé quatre journées dans le Monde des Esprits, soit une petite éternité là-bas. Et il songea qu’un ennemi aussi redoutable que celui auquel ils devraient faire face conduirait à une lutte plus longue encore.

Les premières lueurs orangées tintèrent l’horizon, chargeant le ciel d’un dégradé nuances de bleu, de pourpre et de rouge. Les Titans ne tarderaient pas à émerger. Il fallait se préparer. Il se leva, et alla chercher les trois mixtures. Avec la première fiole, il traça une marque symbolique sur son torse, décrivant pour la Reine :

- Il s’agit de mon ancre. C’est ce qui va créer le lien entre le monde des Vivants et celui des Esprits, et avec un peu de chance maintenir le pont avec mon corps.

Il prit le second récipient.

- Vous permettez ? demanda-t-il à sa royale interlocutrice, désignant son front.
- Faites. No’irin ferma les yeux le temps qu’Elen exécute son tracé et l’une de ses mains se crispa sur la serviette en soie sur ses genoux.

Avec une douceur prévenante pour ne pas plus brusquer la souveraine, il traça la marque rituelle :

- Cela sera votre bouclier. Le lien entre nous ne se fera que de vous à moi. Il me sera impossible de vous soutirer de l’énergie, même si Elle tente de m’y contraindre. De plus, si je venais à être capturé définitivement par Elle, le lien entre nous serait immédiatement coupé, vous préservant.

Il se saisit ensuite de la dernière fiole et traça adroitement un autre symbole sur son propre front.

- Et enfin, ceci va amplifier la force de mon Finyë et ôter les barrières mentales qui m’obligerait à me retenir. En somme, le combat durera jusqu’à la victoire ou jusqu’à ce que j’ai épuisé mes dernières réserves d’énergie. Et si cela devait arriver, la marque que j’ai tracée sur votre front coupera le lien entre nous.
- Bien. Alors tout est prêt. Conclut la Reine. Nous nous installerons plus confortablement dans ces fauteuils, cela risque d’être long...

Il hocha la tête. Puis, debout devant les fenêtres, il profita des dernières minutes de la nuit, l’aube se rapprochant inéxorablement. Il plaça sa main sur son coeur, et entonna le chant guerrier que les clans entonnaient lors de leur lutte face aux forces plus nombreuses du Dément. Sa voix résonna haut et clair et il imagina qu’elle se répandait sur la ville encore endormie jusqu’au bois au sein desquels se trouvait son épouse, pour qui il allait peut-être offrir sa vie.

Pour les Clans,
Pour la Reine,
Pour l'amour des Totems,
Pour nos terres, nos foyers,
Pour le sang des deux Lunes,
Pour les Elfes, la forêt,
Pour la gloire et la force,
Nos Saïkas, au combat, révéleront notre éclat !


Légèrement en retrait, No’irin guettait aussi l’apparition du premier Titan, ses pensées envolées au chant d’Elen dans une communion improbable. Comme cette aube était merveilleuse, à la fois simple et magnifique. Pourquoi tout n’est-il pas comme cela ?...
L’Elfe des Lunes s’inclina ensuite devant la monarque.

- Bonne chance, No’Irin Kai'tlin, ma Reine. Puisse notre ennemi périr sous notre assaut vigoureux ! déclara-t-il, les sourcils froncés à la fois de détermination et de concentration, éprouvant cet étrange picotement au bout des doigts symptomatique de l’excitation qui précédait le combat.
- Bonne chance, Ereinlen, Intendant des Loups. Elle lui sourit, retrouvant dans l’assurance de l’Elfe un peu de sérénité.

Puis elle rejoignit l’un des fauteuils. Elen s’installa dans celui qui lui faisait face, lui lança un dernier regard, puis ferma les yeux, vidant son esprit.
Et il plongea...



hs Par Feirsbus  le 15/12/2011 à 13:05

Génial ! Bravo à tous ceux qui participent.

J'ai pas trop suivi avant donc je ne sais pas trop qui est Elle, c'est normal ou je dois me reporter à d'autres textes (j'ai parcouru le texte "doubles jeux" où elle fait une apparition mais cela ne m'a pas apprit beaucoup) ?

---------
By Oly : tu trouveras le début de l'histoire racontée ici :
Crépuscule ^^



el Par Elen  le 15/12/2011 à 13:47

Son esprit s’enfonça presque instantanément, sans résistance, vers les strates les plus profondes du Monde des Esprits. Il fut rapidement englouti dans les ombres du Désert Onirique, comme Elle l’avait appelé la dernière fois. Et en effet, les lieux avaient été désertés de toute lumière, plus encore que lors de sa première visite. Avait-Elle consumé les esprits de tous ceux qui s’étaient égarés ou en avait-Elle fait ses esclaves ? Il le saurait bien assez tôt.

Ses sens étaient étrangement brouillés. Il ne sentait pas le froid mais il lui semblait plus que certain que les lieux étaient glacés. Une brume opaque limitait son champ de vision. Mais il savait qu’il ne se trouvait rien ici qu’il puisse voir ou admirer. C’était une plaine immense et désertée, plus vaste qu’aucun être pouvait le concevoir et en même temps désespérément vide.

Face à l’infini, il aurait pu se sentir seul comme il ne l’avait jamais été. Mais il percevait derrière lui une présence indistincte, bienveillante et forte. Son esprit, complètement apaisé, à l’aise, se laissa submerger par ce sentiment de quiétude. L’éternité en un lieu pareil ne lui sembla plus aussi inconcevable qu’à l’origine. Et...

Le flot s’interrompit. Momentanément, le ramenant à la dure réalité. C’était là l’effet du bouclier de la Reine. L’Intendant s’était douté qu’être soutenu par une telle puissance rendrait son esprit bien moins disposé à lutter contre les effets étrangement addictifs du Monde des Esprits. Cela piégeait la majorité des novices, généralement ramenés par les Icarios. Mais le bouclier avait interrompu le flot entre lui et No’Irin, tandis qu’inconsciemment il tentait de dérober de l’énergie à sa Reine pour se maintenir en ces lieux.

Il avait une mission. Elle comptait sur lui. Et le destin des Clans dépendait de sa lutte et de sa capacité à contrer les effets pervers du Monde des Esprits. Le silence oppressant lui rappela qu’il était seul. Il ne restait nulle âme égarée, nulle autre présence que la sienne, celle vaporeuse de No’Irin et probablement la noirceur de l’Autre.

- Allons y...

Il choisit une direction au hasard, et se laissa flotter. Il n’existait aucun point de repère, mais il avait la certitude que son arrivée avait été détectée par l’Ennemie dès le départ. Elle devait être en train d’analyser les forces de l’Intendant, de se préparer à une rencontre et de jauger l’énergie qu’il lui faudrait pour le soumettre. Ce dernier espérait qu’Elle ne devinerait pas trop tôt la présence de la Reine des Elfes ou qu’en tout cas cela ne l’empêcherait pas de se montrer : ils gaspillaient leur énergie rien que par leur présence dans l’autre monde...

Le paysage ne changeait pas. Toujours cette brume opaque et ce sentiment d’être observé. De temps à autre, le lien avec le monde des Vivants fluctuait tandis que les mécanismes qu’il avait mis en place préservait celle qui l’accompagnait. Conserver ses pleines facultés mentales dans ces lieux tenait de l’exploit. Et plus l’on s’y attardait, plus les chances d’être perverti augmentaient.

Que faisait la Reine à la surface ? S’ennuyait-elle ? Le temps défilait-il aussi lentement pour elle que pour lui ? La colère s’empara de l’Intendant devant l’injustice de la situation : il se retrouvait seul dans cet endroit qui lui avait déjà tant coûté, tandis que Calith vagabondait à l’extérieur ! Pourquoi leurs places n’avaient-elles pas été échangées ? Pourquoi était-il celui qui se jetait sans réfléchir dans les ennuis et non celui qui planifiait avant d’agir ?

Seul. Pourquoi fallait-il qu’il le soit toujours ? Séparé d’Isa dès lors qu’il commença à apprécier sa présence. Loin de son épouse durant son esclavage. Loin de sa première fiancée, exilée dans le désert de Yaacov. Abandonné par son père alcoolique. Séparé de sa mère durant l’épreuve d’Iltarion. Et pire que tout...

- Pourquoi a-t-il fallu que tu meurs ?

Son esprit se recroquevilla. Kowü. Pouquoi ? Pourquoi l’avait-il abandonné, alors qu’il avait tant besoin de lui pour le guider ? Pourquoi avait-il fallu qu’il disparaisse alors que les Loups se réjouissaient de l’avoir pour Chaman ? Pourquoi l’avait-il laissé faire face à l’avenir, seul ?

Seul... Un murmure. Il n’était pas seul, dans cette épreuve. Il se redressa, sentant comme une douce chaleur dans sa main, comme la veille. Réconfortante, rassurante, forte.

- Non, tu n’es pas seul. fit une voix douce et tendre en écho. Je suis là pour toi.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

geant Par Rorschach Karnage  le 15/12/2011 à 14:25

HRP : je peux pas m'en empêcher, c'est juste trop bien comme chro !!
la suite vite !!!!!!!!

ps : Feirsbus : tu peux trouver ce qui précède tout ca: ici, ici, ici, et enfin ici si je ne me trompe pas



elfe Par No'irin Kai'tlin  le 15/12/2011 à 17:40

Il pivota. Une enfant.



Entourée par une brume plus sombre encore que le reste de l’environnement. Une gamine de sept ou huit ans peut-être, qui le fixait avec un sourire plein de tendresse. Elle lui rappelait quelqu’un. Il n’aurait su dire qui précisément.

- Tu es là, fit-elle d’un voix aussi attendrissante qu’enfantine. Et je suis là.
- Qui es-tu ? Nous sommes nous déjà rencontrés ?
- Tu veux bien rester avec moi ? Je ne veux plus être seule ici.
- Je suis là... Fit-il lorsqu’il s’approcha de l’enfant.

Instinctivement il lui ouvrit ses bras. Elle lui évoquait quelque chose mais il ne parvenait pas à se rappeler quoi. Et la voir ici, perdue et solitaire dans l’obscurité, lui donnait envie de la cajoler. Elle lui ressemblait. Elle... Il sentit comme une décharge et il fit un pas en arrière.

- J’ai peur ici...

Quelque chose n’allait pas. Que faisait-elle en ces lieux ? Et où se trouvaient-ils, au juste ? Une nouvelle alerte vint du fond de son âme. Il oubliait quelque chose d’essentiel.

- Tu...

Et ce fut l’électrochoc. Un ou deux pas l’éloignèrent d’elle, les sourcils froncés, ses muscles prêts à réagir.

- Il n’y a plus personne ici, récita l’enfant, comme lors de leur première rencontre. Tu n’es là que pour moi, Ereinlen. Et je suis si contente que tu aies fait tout ce chemin pour me rejoindre.

Encore abasourdi par la révélation qui le prenait de court, l’Intendant recula encore de peur qu’elle ne s’attaque à lui immédiatement. Les souvenirs s’imbriquaient dans sa tête, comme si une main étrangère les replaçait. Elle était tout ce qu’il combattait, Elle représentait le mal qu’il devait bouter hors du Monde des Esprits. Avait-elle instillé en lui cette terrible solitude ? C’était presque certain. Et il sut que s’il s’était lancé seul dans cette entreprise, il serait devenu son pantin sans même avoir pu combattre.

- Je ne suis pas seul, créature ! Je ne suis jamais seul. Luwö est toujours dans mes pas.

La gamine sourit de plus belle, se rapprochant de lui de ses minuscules mais inexorables foulées. Elle dodelinait de la tête avec un soupçon d’ironie pour rejeter en bloc toutes les pieuses affirmations de l’Intendant.

- Tu nous prives peut-être de nos transes ! Tu nous empêches peut-être de communiquer avec notre Totem ! Mais il vit en chacun de nous ! Il est nous et nous sommes lui ! Je ne suis jamais seul.
- Mon dévoué Ereinlen, mon doux louveteau. Ne te souviens-tu pas de ce que je t’ai dit la dernière fois ? Tu es à moi. Ton Clan m’appartiendra bientôt.
- Jamais !
- Tu peux te bercer d’illusions autant que tu le veux, mais ton âme est déjà mienne. Je t’ai appelé, et tu es venu à moi ! N’est-ce pas la preuve la plus évidente ? dit-elle, faisant un pas de plus vers lui.
- Mensonge ! Je ne suis ici que pour te combattre !
- Et pour qui te bats-tu ? Pour ta femme ? Votre avenir ? Mais ton avenir est ici, tu te mens à toi-même à prétendre le contraire. Je peux être ton épouse, la vraie, celle qui marche à tes côtés, celle qui te comprend le mieux au fond...

Dans un hurlement de rage, le Loup jeta son esprit droit sur l’Entité. Il sentit une vague d’énergie affluer en lui mais il ricocha contre le défenses de l’adversaire sans lui causer le moindre mal.

- Ereinlen, sois raisonnable. Ne lutte pas.
- Je te bouterai hors de ces lieux, roru erodel ! lança-t-il, réitérant son attaque sans plus d’efficacité.
- Je pourrais être bien plus généreuse que les autres Dieux qui s’amusent de vous. Nous partagerions un lieu unique, toi, tes frères et moi.

Il hésita, la jaugeant. Elle négociait ? Avait-elle peur de lui ? Ou s’amusait-elle de voir un moucheron se débattre aussi vivement tandis qu’il était déjà pris dans sa toile ?
S’il avait été moins concentré sur son interlocutrice, il aurait vu ces petites sphères d’énergie apparaître lentement. Une, puis deux. Puis une plus loin et d’autres encore.

- Et que devrais-je te céder en échange ? demanda-t-il, sur ses gardes, ses défenses mentales dressées.
- Regarde comme cet endroit pourrait être merveilleux si nous le peuplions ensemble...Elle écarta son bras pour balayer l’horizon et faire remarquer le prodige qui s’accomplissait. Il ne s’agit pas de céder, Ereinlen, mais de ne plus m’affronter, tout simplement ! Tu n’en as pas vraiment envie. Tu aimes cet endroit, tu y resterais pour toujours si tu pouvais. Et je suis comme toi.
- Je...

Sa tête s’embrouillait. Cette voix, celle qui l’avait hanté, qui se montrait à présent si compréhensive, si sympathique. Ce monde qui s’illuminait sous Sa volonté...

- J’étais en colère lorsque tu m’as rejetée. Mais tu sais ce que cela fait de se sentir repoussé. Tu comprends pourquoi j’ai voulu te faire souffrir en retour. Oui... Je sais que tu comprends...

Il se sentait confus. Rester ici. Pour l’éternité. Ses soucis physiques évaporés.
Les lumières s’élevaient, flottaient, erraient sur des courants imaginaires. Plus il y en avait, plus cela devenait hypnotique et plus l’endroit semblait devenir enchanteur. La lande déserte se peuplait de formes étranges, mouvantes, fantastiques.

- Je t’en prie... Regarde ! Tout est si beau ! Je serais si heureuse si tu restais ici avec moi. Pour toujours. Nous guiderions ton peuple, ils viendraient et découvriraient ce monde idéal... Après tout ce qu’ils ont enduré, ne serait-ce pas une belle récompense ?

Son clan, sauvé. L’offre était plus qu'alléchante. Le Monde des Esprits serait la demeure de tous les Loups. De sa femme. De... La chaleur diffuse rayonna de nouveau dans son esprit. Millie... Pauvre Millie... Seule...

- Non ! Personne ne vivra ici avec toi ! Personne ! Parce que tu vas quitter ces lieux, définitivement ! Tu te trouves sur le territoire des Esprits, des Totems et des Elfes des Lunes ! Et je n’aurai de cesse de te combattre tant que tu ne seras pas partie ! Pour Millie ! Et tous ceux qui tu as consumés !

L’Intendant se plaça en posture d’attaque, prêt à en découdre. L’environnement s’illuminait, seconde après seconde. La gamine, toujours entourée par son halo de brume opaque, devenait un coeur sombre qui contrastait violemment. Elle prit un air blessé, douloureux.

- Tu me rejettes encore... C’est ta dernière chance, Ereinlen. Contemple tout ce que tu vas perdre... Pour toujours. Tout ce que ta famille n’aura jamais. Cet endroit que les Clans ne pourront jamais plus fouler. Pourquoi leur infliger ce sacrifice ?
- Je ne te laisserai jamais faire à mon peuple ce que tu as fait à Millie ! Jamais !

D’un bond, il l’attaqua encore une fois, tandis qu’elle se métamorphosait : ses yeux devinrent d’obscures orbites vides et sa bouche s’allongea en un horrible museau garni de crocs acérés. Ses bras, plus longs et terminés par des mains griffues se saisirent de lui, alors que son esprit affrontait directement l’entité.




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el Par Elen  le 16/12/2011 à 06:34

La panique s’empara de lui et l’énergie afflua, brute, presque indomptable et d’une secousse il échappa à son étreinte mortelle, se repliant au loin.

- Je te bannis ! cria-t-il rageusement, puisant cette fois-ci dans ses propres ressources pour se lancer droit contre elle.

Il lui semblait qu’elle était insensible à ses assauts, aussi furieux qu’ils soient. Peut-être n’était-ce pas le bon moment. No’Irin avait décidé d’attendre un instant précis pour l’attaquer. Pourquoi ? Pourquoi pas plus tôt ou plus tard ? Il devait trouver la faille dans Ses défenses. Le bon moment pour lancer toute sa fougue et sa fureur dans un assaut fatal. Et d’ici là, économiser. Feindre des attaques pour qu’elle ne se doute de rien.
La créature éclata de rire. Ou ce qui devait être un rire mais qui fut un borborygme odieux.

- Ce monde est le mien, Ereinlen. Je suis partout chez moi. Ne l’as-tu pas encore compris ? Je suis là car je suis vous ! Partout et en tout temps ! Me bannir ? Un nouveau rire vrilla l’espace autour des deux combattants.
- Je ferai tout ce qu’il faudra pour que tu sois vaincue, dussé-je périr pour cela !

Il se lança une nouvelle fois contre elle, puissant toujours dans ses propres ressources pour conserver l’énergie de la Reine en cas de besoin.

- Mais tu péris déjà, Ereinlen. En ce moment-même, tes forces s’écoulent. Tu meurs lentement. Ton esprit s’agite et ton corps se fige. Bientôt respirer sera un effort incommensurable... Depuis combien de jours erres-tu ici ? Crois-tu qu’il te reste encore du temps ? Combien d’assauts penses-tu pouvoir mener avant que ton coeur à l’agonie ne s’arrête...
- Suffisamment pour t’éliminer définitivement de cet endroit ! lança-t-il, fonçant vers elle une fois encore.

Cependant, elle disait vrai. A consommer ses propres forces, il ne tiendrait pas longtemps. Et si lui ne l’avait pas compris, la Reine elle le força à accepter une bouffée de sa propre énergie, juste assez pour donner le change sur cette attaque. Il fallait qu’il modifie sa stratégie ou il courait à sa perte.
Jusque là, que lui avait-on fait ? On l’avait manipulé, on l’avait donné en pâture à des monstres titanesques qui d’un seul geste pouvaient le balayer de la surface du monde. Il allait enfin tirer sa revanche :

- Et si je t’offrais quelque chose en échange de ton départ définitif de ce lieu ? Quelque chose de précieux. Quelque chose de fort qui serait le joyau de ta collection de pantins ! dit-il d’une voix qui se voulait enjôleuse.

Il y eut un moment de flottement. Elle s’attendait à peu près à tout mais pas à une négociation.

- Serais-tu devenu raisonnable ? Qu’as-tu à proposer qui pourrait être intéressant au point que je laisse ce monde si prometteur ?
- No’irin Kai’tlin. répondit-il sobrement.
- Oh ! Une prise de choix ! Elle ferait une recrue merveilleuse, nous avons tellement de points communs, elle et moi ! Et comment comptes-tu me la livrer ?
- D’où crois-tu que je tire mon énergie ? Je pourrai te l’amener, sans qu’elle ne s’aperçoive de la manoeuvre avant qu’il ne soit trop tard. La faire glisser lentement ici... Mais cela ne te ferait pas déguerpir. Tu la prendrais, voilà tout. Dis-moi où te la livrer et quitte ces lieux, définitivement. fit-il, d’une voix assurée.

Ainsi donc la réserve d’énergie colossale qu’Elle devinait provenait de la Première Née. Elle avait laissé une partie de son esprit remonter le flux mais le Monde des Esprits conservait une multitude d’obstacles pour Elle... Il y aurait pu avoir vingt Ashkas dehors à chanter des Icarios qu’Elle n’aurait pu faire la différence. Mais il pouvait mentir... Pourquoi avoir mentionné la Reine des Elfes alors ?... L’offre La jeta dans une immense perplexité.

- Allons, ne chipotons pas sur les détails. Je tiendrai parole. Les Dieux savent à quoi s’en tenir avec moi, ne sois pas plus prétentieux qu’eux. Livre-la moi, ici, maintenant et je pars.
- Les Dieux n’ont peut-être pas eu le choix, mais moi je l’ai. Si tu la veux, va-t-en. C’est cela ou le combat ! lança-t-il avec hargne.

Un filet constant d’énergie courut dans les veines d’Elen, fort et clair comme un signal impérieux. Elle le sentit et fut curieuse. Elle s’approcha pour mieux l’identifier.

- Arrière ! Je t’ai fait une offre honnête. dit-il, en reculant.

Le doute n’était plus permis, c’était bien la Première Née et cette puissance qui se déversait ainsi était un véritable gâchis. Elle en eut soif, Elle en eut faim. Et ce n’était pas un vulgaire mortel qui pourrait La narguer plus longtemps.
La créature hideuse se ramassa sur elle-même, comme déçue par les conditions d’Elen. Mais son recul apparent ne dura pas plus de quelques secondes.

- Soit... Tu ne veux pas me croire, alors... Je te l’arracherai de force !

Le monstre bondit sur l’Elfe : une boule de griffes et de crocs menés par une puissance mentale inimaginable. L’Intendant appela à lui toute la fureur qu’il avait accumulée à l’encontre de la haïssable créature et il tenta de dévier une partie de l’énergie du coup du monstre tout en faisant un bond de côté comme il l’aurait fait dans le monde des vivants. Il parvint à amortir une partie du choc mais il fut secoué par l’immense énergie en excès. Il se sentit comme plus éloigné qu’il ne l’était de son corps.

- Choisis Ereinlen. Toi ou elle. Tu sais avec quel soin je peux m’occuper de toi... Cela te fait-il envie ?
- Quoi qu’il m’en coûte. répondit-il simplement.

Il bondit à son tour, frappant aussi fort qu’il le pouvait, cherchant lui aussi à atteindre ce qui La liait à son corps, si Elle en possédait un. Si Elle pouvait le faire, il finirait à son tour par trouver son point faible. Et elle n’aurait d’autre choix que de reculer. Il la harcèlerait jusqu’à ce qu’elle cède !

Les lumières flottantes se rapprochèrent, comme si ces petites énergies voulaient s’associer à une source plus grande. Méfiante, Elle contint sa fureur pour se dérober. Elle s’en écarta mais la manoeuvre l’obligea à encaisser quelques assauts de l’Intendant. Quand Elle fut mieux positionnée, elle bondit de nouveau et ses mouvements mieux calculés que la première fois laissaient présager qu’il faudrait de réels talents pour en réchapper.

Elen avait noté qu’elle semblait fuir les lumières flottantes, aussi se rapprocha-t-il d’un bond de certaines d’entre elles afin de tenter d’en capter l’énergie, en plus de celle de No’Irin et La frapper dès qu’elle serait à portée, de toutes ses forces. Une impression étonnamment familière s’en suivit, comme une odeur évoque un souvenir ancien, refoulé depuis longtemps.

Quelques lumières furent englouties sous l’assaut et des cendres ternes tombèrent au sol, en tristes flocons gris.

- Que cherches-tu à faire Ereinlen ? Te cacher derrière ces mirages ? Je les anéantirai et je te possèderai ! Je te viderai de ta substance et je me nourrirai de la sienne !

Il profita qu’elle parlait pour se lancer droit contre elle, sans même chercher à lui répondre, visant la tête, le corps, les bras, tout ce qu’il pouvait atteindre, en vérité. Il mobilisa le plus d’énergie qu’il osa, espérant ne pas en soutirer trop à sa souveraine.

Le harcèlement du Loup n’était plus celui d’un seul mais d’une meute. Frappé de toute part, le monstre commença à reculer. Elle voulait broyer Elen, là n’était pas la question. Mais l’appât tant convoité de l’énergie qui faisait de lui ce terrible adversaire l’obligeait à revoir sa stratégie pour l’obtenir et cela ne s’avérait pas simple.

Les myriades de lumières s’assemblèrent autour de l’Intendant et prirent forme, peu à peu, mimant les assauts du Loup, tel un fidèle congénère qui aurait suivi les ordres d’un Chef de meute.

Fort de cette activité soudaine des énergies primaires qui s’assemblaient dans le monde des Esprits, Elen calcula ses coups en observant les réactions de son adversaire. Il ne répétait les frappes que là où il La sentait reculer, feintant pour qu’Elle lui donne des occasions...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

elfe Par No'irin Kai'tlin  le 16/12/2011 à 11:21

D’une formidable bourrade, Elle écarta Elen et le flux d’énergie. Elle enfla, enfla, enfla, sous le regard médusé du Loup. Ces forces étaient-elles donc inépuisables ? Deux longues paires de pattes velues jaillirent de son corps tandis que, inexorablement, ses bras et ses jambes grandissaient et se couvraient d’une armure de chitine noirâtre. Son corps devint gigantesque, ses appendices jaillissant d’un buste lié un abdomen boursouflé et à une tête hideuse. Ses yeux à facettes, obscurs puits de malveillance, le fixèrent. De son immonde gueule, entre deux paires de crochets, coulait un filet de bave qui témoignait dans ce monde peuplé de symboles de la faim incoercible qui animait la bête.



La gigantesque arachnide se jeta sur lui à une vitesse incroyable qui ne correspondait pas à sa masse. L’Intendant ne pourrait jamais esquiver une créature aussi massive. Il lui fallait attaquer de front ainsi qu’éviter les quatre crochets et deux fois plus de pattes dont le moindre contact risquait de mettre violemment fin au combat.

Il se jeta dans une glissade rapide sous la créature, et frappa aussi fort qu’il le put vers le haut, avant de se retirer prestement de sous le monstre pour ne pas être broyé.

L’attaque porta et une longue estafilade griffa l’abdomen de la Créature. Elle sauta de côté et un fil d’argent apparut au bout de son abdomen. L’attrapant d’un rapide mouvement de ses pattes, elle cueillit Elen alors qu’il essayait de se relever. Le lien se resserra autour de ses jambes et il chuta de nouveau, rudement.

L’affolement le paralysa aussi efficacement que le filin, durant de trop longues secondes alors que l’énergie de sa Reine coulait à travers lui puis le long du fil pour nourrir la bête. Il ne devait pas perdre... Il ne pouvait pas perdre ! Dans un sursaut il en appela à toute sa volonté pour détruire ce lien et frappa d’un coup sec.

Le fil cassa en un volée de brindilles cristallines. Mais le mal était fait. Elen se sentit vidé de toutes ses forces. Le temps qu’il retrouve ses esprits et que l’énergie de No’irin se reconcentre sur lui, l’araignée dardait dans sa direction ses deux pattes avant aux extrémités semblables à des pieux acérés. Il concentra son énergie pour la modeler en une lame à la démesure de son Adversaire pour couper les appendices qui se dirigeaient sur lui.

Tandis que sa lame improvisée filait à la rencontre de la pointe immense, les lumières tournoyantes se condensèrent en une silhouette de Loup gigantesque qui s’attaqua à l’autre patte de la bête. A son contact, une nouvelle pluie de cendres se substitua aux lucioles éthérées mais l’appendice avait disparu. Quant à la lame, elle tailla dans la chitine et l’extrémité effilée de la patte vola. Le choc cloua Elen au sol et un liquide doré s’écoula des blessures de la Créature.

L’Intendant pensa qu’il fallait qu’il l’entaille davantage pour l’affaiblir, mais se relever n’était déjà pas une mince affaire. Fatigué, sans l’afflux constant d’énergie de No’Irin il se serait effondré depuis longtemps. Mais il fut le plus rapide des deux à se remettre de l’assaut précédent.

Il bondit, cherchant à couper une autre patte, afin de la déséquilibrer et la blesser une nouvelle fois. Trop lourde pour se déplacer rapidement avec son handicap, Elle interposa sa gueule où les mandibules étaient des faux capables de tout déchiqueter sur leur passage. Il exécuta un roulé boulé pour s’éloigner de ce gouffre immonde dans lequel il n’avait aucune envie de finir et pour se rapprocher de son objectif.

Elle pivota en conséquence, les membres comme des marteaux-pilons colossaux qui martyrisaient le sol désolé. Il amplifia la taille de sa lame en réclamant plus d’énergie à No’Irin pour en faire une longue lance et frapper droit dans l‘ouverture béante de sa bouche.
La Créature émit un hurlement fracassant et sembla se suspendre en l’air au dessus d’Elen, prête à l’écraser de la simple masse de sa tête. Il recula vivement, allongeant sa lance autant qu’il le put pour être à la fois hors de la trajectoire et pour profiter du mouvement pour l’enfoncer plus profond dans la chair de l’araignée.

Réalisant son erreur, Elle accusa le terrible coup avant de soulever son corps, tendant ses pattes du milieu au maximum. Elen, pas plus lourd qu’une ablette au bout d’un hameçon, risquait de se retrouver rapidement suspendu à une hauteur vertigineuse au-dessus du sol. Il dissipa son arme pour ne pas être emporté et forma une nouvelle épée d’énergie. Puis il se rua sur les pattes reposant au sol.

Prise dans son élan pour se redresser, Elle ne put esquiver cette nouvelle attaque et un autre appendice fut tranché. Déséquilibrée, elle s’écroula sur le flanc. Il frappa derechef dans la chitine à sa portée, la lardant de coups violents. Ses pattes s’agitèrent en tout sens mais ne lui permirent pas de tout parer avec efficacité. Elle banda le peu de force qu’elle possédait encore pour se rétablir et ses mouvements erratiques ne firent qu’augmenter le flot d’or qui s’écoulait de ses blessures et inondait le champ de bataille. Dans sa frénésie, Elle faucha Elen d’un de ses pattes rescapées, le projetant à plusieurs mètres.

Le Loup pria pour que la Reine tienne le coup. L’Ennemie allait finir par abandonner, il le sentait et c'est ce qui lui permit de se relever. Encore. Elle voulait l’entendre chanter à leur première rencontre ? Elle allait l’entendre ! Il entonna d’une voix forte ces mêmes Icarios qui l’avait gênée alors qu’elle le “guidait” dans le Monde des Esprits, il y avait plusieurs saisons. Tout en formant une lance avec l’énergie dont il disposait il chargea la tête de la créature, son arme pointée, visant les yeux à facettes.

Alors qu’elle était déjà percluse d’indicibles douleurs et rendue folle de rage, les Icarios ne firent que la désorienter davantage. Ses pattes battirent l’air, pulvérisant sur leur passage les myriades de lumières qui essayaient de reprendre corps. Elle ne vit la charge d’Elen que lorsqu’il fut trop tard. Après ce coup, il mit toute son énergie dans le suivant, amplifiant sa lame de manière trancher son immense et hideuse tête.

Ce qu’il restait de la Créature s’écroula en quelques spasmes et de longs hurlements d’agonie. Elle ne fut rapidement plus qu’une mare scintillante, absorbée par le sol desséché.



el Par Aileen  le 16/12/2011 à 13:26

Hé ben, nom d'une quenouille comme on dit chez moi ! Quel combat épique !! :O
J'ai rarement été aussi stressée pour les personnages ! >___<
La suite ?



Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle !

elfe Par Nil'nelia  le 16/12/2011 à 16:53

C'est mon mari, c'est mon mari !
D'habitude j'aime pas écrire en plein milieu mais vu que certains le font, pourquoi pas moi. Juste épique, avec des révélations, mais avec toujours des interrogations.
Bravo aux deux participants, c'est génial. (Mais Elen je l'ai déjà félicité en privé alors il le sait déjà)



el Par Elen  le 16/12/2011 à 17:43

L’Intendant tituba, toute tension disparue. Sa tête lui tournait. Il observa les alentours, complètement perdu. L’énergie de No’irin s’était évaporée. Que faisait-il ici, au juste ? Où se trouvait-il ? Il mit quelques instants à réaliser ce qui venait de se passer.

Il lui fallait à tout prix remonter. Les lumières l’entourèrent, amicales, et commencèrent à le hisser. A de nombreuses reprises les lueurs formèrent la silhouette de ce Loup extraordinaire qui avait combattu avec l’Intendant et tout le Clan eut la vision d’Elen parcourant les landes désertes, Luwö à ses cotés.

Il termina son voyage en utilisant son ancre, ce qu’il avait de plus précieux sur Olympia : sa bien aimée, son épouse, sa Nil. Cela le ramena sans accrocs dans le monde des Vivants : la résistance que lui occasionnèrent les différentes strates étaient certes perceptible, mais sans les efforts du Néant, comme il appelait cette entité qui avait maintes fois essayer de le retenir, la remontée fut aisée.

Il prit une grande bouffée d’air, comme un plongeur resté pendant longtemps en apnée. Mais si ses poumons lui obéirent et sortirent de leur torpeur pour réoxygéner en force ses organes, son corps refusa de bouger, ses muscles et ses bras engourdis. Du sang avait coulé de ses tempes, de sa bouche, de son nez et de ses yeux. Il le sentait. Le combat avait été d’une rare violence.

Mais avait-il réellement vaincu ? Il ne s’était pas encore défait de cette angoisse latente. Les yeux à peine entrouverts, il chercha dans les angles brumeux de sa vision les recoins où Elle lui apparaissait parfois. Ses sens, dans un dernier sursaut de précautions, la traquèrent jusque dans les franges de transe légère. Mais il n’y avait plus rien. La présence malsaine qui l’avait terrorisé tout ce temps s’était envolée. S’en était-il libéré définitivement ? Il l’espérait.

Il était temps de retrouver la réalité. Les yeux d’Elen s’ouvrirent grand à la recherche de sa souveraine... Et furent éblouis par la lumière qui inondait la pièce. Il faisait nuit en vérité, mais face à lui, à la place du fauteuil de No’irin, les lueurs d’énergie qui l’avaient guidé s’étaient maintenant rassemblées en une silhouette qu’Elen aurait reconnu entre mille : un loup massif, au pelage noir et brillant à la fois. Au dessus de sa truffe, son oeil gauche était barré par une balafre...

- Luwö... parvint-il à articuler, dans un murmure à peine audible.

Son regard était rivé sur celui qu’il avait espéré rencontrer toute sa vie. Il n’osait s’adresser au Grand Loup Borgne, de peur de le contrarier. Il ne faisait que l’admirer.
Luwö avança vers lui, lentement. Puis ses deux puissantes pattes avant vinrent se placer sur les épaules du nouveau Chaman et le Totem vint laper le sang qui goûtait de son visage.
Elen osa le geste fou de caresser avec tendresse le poil soyeux de sa divinité tutélaire, qui lui faisait non seulement l’honneur de sa présence, mais aussi celui de souhaiter le voir devenir son contact privilégié parmi les vivants.
Après un dernier échange de regards, l’animal redevint une nuée lumineuse qui se dispersa aussitôt. Le salon retomba dans une pénombre froide et silencieuse...

Elen mit quelques instants à se remettre de ses émotions. Tout s’était enchaîné si rapidement ! Ce ne fut qu’après qu’il réalisa que le siège de No’irin avait été déplacé tout à côté du sien. Elle lui tenait encore la main. La tête légèrement penchée, son autre bras ballant glissé de l’accoudoir, elle semblait dormir. Il l’observa avec une certaine affection, luttant contre l’envie de la rejoindre dans les bras de Morphée. Elle lui semblait si paisible. Si... détachée. Comme une enfant qui dormirait, bien heureuse. Une esquisse de sourire se peignit au coin des lèvres du Loup à ces pensées. Il avait de bonnes nouvelles à lui annoncer, qui l’excuseraient de l’avoir réveillée.

- Majesté ? souffla-t-il. Tout va bien, ma Reine. Nous avons...

Il voulut serrer sa main, fier de leur victoire commune; elle était fraîche et ne dégageait plus cette douce chaleur qui l’avait si bien accompagné dans son périple... Un funeste pressentiment le fit se lever avec précipitation, soudain oublieux de sa fatigue et des courbatures. Il plaqua son oreille contre la poitrine de sa Souveraine, faisant fi de toutes convenances. Sa blancheur de porcelaine... Son buste qui ne se soulevait plus... Il avait mis tout ce temps à s’en rendre compte !

- Non, non, non ! Vous n’avez pas le droit ! Non ! gémit-il.

Des larmes de rage et de douleur coulèrent le long de ses joues, diluant les restes de sang coagulé qui les recouvrait.
Alors que son regard retombait au sol, il aperçut une serviette sur l’épais tapis, échappée de la main de No’irin. Des traces de terre ombraient son blanc immaculé. Qu’avait-elle fait ?! Son regard bondit du carré de soie au front de la Reine, vierge de toute protection. Elle l’avait effacée...

- Darwor ! Gaver ! cria-t-il à pleins poumons, oubliant sa fatigue un instant, ivre de désespoir. Un malheur est arrivé ! Gaver !

Le Scribe fut à la porte du salon une poignée de secondes plus tard.

- Elle a... Elle a... balbutia-t-il, la main à présent froide de sa Reine serrée dans la sienne.

En quelques pas, le vieil Elfe fut à son chevet et tenta de trouver un pouls à sa gorge. Mais il secoua la tête, arrivé à la même conclusion que le Chaman.

- La Reine est morte. Déclara-t-il simplement avant de se relever, la mâchoire serrée.

Ces quelques mots parurent monstrueusement indifférents à Elen.

- Pourquoi ? Pourquoi ? fit l’Elfe soudain en colère avant de se relever, assailli par un vertige. - J’irai la chercher. Où que son esprit réside. J’irai... J’irai la... chercher...

Darwor posa une main sur l’épaule d’Elen en signe d’apaisement.

- Vous ne pouvez plus rien. Si ce n’est agréer ses dernières volontés. Notre Reine et moi avions évoqué cette éventualité. Emmenez-la et inhumez-la à la manière de votre Clan. Après une éternité parmi la Noblesse, une autre parmi le Peuple des Lunes sera équitable.
- Je... Je ferai selon son désir... abdiqua l’Intendant qui déposa la main de sa Reine sur ses genoux et abandonna tout espoir de la ramener parmi les vivants.
- Bien... Je dois prévenir le Seigneur Gaver. Et faire venir un médecin qui vous apportera quelque fortifiant. Vous avez une tête à faire peur... Je ne peux vous laisser rejoindre votre épouse dans cet état.

Le Scribe ne s’attarda pas suffisamment pour savoir si l’évocation de Nil’nelia amènerait un peu de baume au coeur d’Elen. Il ne pouvait que l’espérer.

Avec une pensée fugitive pour son épouse, le Chaman retomba sur son siège, vidé de son énergie, de sa volonté et de ses sentiments. Ne persistait que l’amertume d’avoir arraché à tout un peuple le guide dont il avait besoin. Son regard se perdit dans le lointain : la nuit qui gagnait lentement le monde faisait grandir les ombres de Na’Helli et de la forêt alentour.



Le voile crépusculaire recouvrit No’irin Kai’tlin,
Première d’entre tous les Elfes,
qui s’était éteinte pour offrir à son Peuple
la promesse d’une aube nouvelle...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

el Par Aileen  le 16/12/2011 à 18:18

T_T
Ben purée. Vous avez roxxé.



Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle !

geant Par Rorschach Karnage  le 16/12/2011 à 18:33

C'est moi ou les cases anims meurent toutes les une après les autres?
Ou peut être que ce sont celles des peuples qui savent s'auto-gérer

HS, Olympiens, Nains, prenez en de la graine ! xD



elfe Par Ambre  le 16/12/2011 à 23:31

Mais ... mais ... mais ...
...
Mais nan !
Nan, nan, nan, nan, nan !
Ca va pas du tout ça !
Vous êtes pas bien !
Elle ... elle pouvait pas mourir !



el Par Lindorie Eluanella  le 17/12/2011 à 01:43

Elle avait pas le droit ! Elen tu nous la ramènes !!



el Par Faceo  le 17/12/2011 à 14:44

Wouah, j'ai mis du temps à tout lire.

Chapeau bas aux auteurs. Mais moi aussi je veux que la reine revienne, snif



Par Google  

elfe Par Emosiwn  le 12/05/2013 à 21:59

Je sais bien que ça date, mais vu que je me mets à niveau concernant l'Histoire d'Olympia, je lis. Et du coup, je voulais dire que ce RP m'a profondément touché par sa qualité (pis au fond j'ai toujours été un elfe alors bon voilà quoi, ce qu'il s'est passé chez eux m'intéresse un minimum). Deux grands conteurs de LoO pour une seule chro, c'est plus que ce que j'attendais, merfi.