Funérailles royales | |
Topic visité 798 fois Dernière réponse le 30/12/2011 à 20:19 |
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Participants : Aileen, Amallya, Calith, Dalhia, Elen, Faceo, Lindorie, Narrateur (Gaver, Darwor, Kaeniel, Shalassan), Nil’nelia, Syi
Merci à tous ceux qui ont participé et contribué à l’élaboration de ce texte, que cela soit par leurs hommages à la Reine ou en ajoutant des paragraphes superbes à la narration. ------------------------------ La Reine s’est éteinte ici... Darwor avait fait transporter la défunte à la Tanière, sous la garde de Gaver et de son escorte royale. Le Scribe tentait de réorganiser discrètement le palais après qu’Elen eut fait l’annonce publique du décès de la Reine. Le Chaman avait refusé la plupart des soins qu’on lui avait proposés au palais et il semblait s’être attelé à différentes tâches : la réparation de l’Arche des Songes et la préparation du rite funéraire à venir. Puis il s’en était retourné pour veiller sa souveraine auprès de Gaver. Le manque de sommeil l’empêchait de récupérer pleinement de l’extrême fatigue résultant de sa transe. Evonis lui avait fait part de l’étrange rêve commun Loup, dans lequel il apparaissait aux côtés de Luwö. Elen lui avait confirmé la véracité de la vision. Les Loups voulurent organiser une fête mais le Chaman leur annonça qu’il n’y aurait pas de festivité pour l’occasion : les Nobles et le Peuple Sauvage ne pourraient comprendre la joie d’un clan en de pareilles circonstances. ll n’annoncerait sa nomination que par la suite, après la cérémonie. L‘ancien Intendant veilla ensuite No’Irin avec Gaver, pour les jours qui suivirent. Le corps blanc de sa Reine, paré de ses plus beaux atours, avait été placé sur un autel pour que ses sujets puissent la saluer une toute dernière fois avant que la cérémonie ne commence. Elle semblait aussi fragile qu’une poupée de porcelaine, allongée sur des draps blancs, au centre de la clairière des Ombres Cendrées recouverte de neige. Les Titans éclairaient chichement la clairière et laissaient à sa chevelure d’or le soin d’illuminer la scène. Puis il advint le temps du dernier hommage... Les lueurs des chandelles vacillaient sous la bise tenace. Les Loups et les différents invités portaient des vêtements chauds, fourrés pour la plupart, aux cols hauts et aux revers de manches épais. Gaver était méconnaissable, les traits tirés, presque hâve. Il avait jeûné toutes ces dernières journées, seulement capable d’absorber un peu de cette eau glaciale qu’on lui offrait. Même Darwor n’arrivait pas à le raisonner. Tel ces âmes en peine qui avaient un temps parcouru les Terres Connues, il restait au chevet de sa Soeur, hébété, indifférent à ce qui l’entourait. Shalassan aussi avait fait le déplacement. Non sans une part de honte et de culpabilité. No’irin avait eu ce courage qui lui avait fait défaut. Elle paierait devant Hadès ce qu’il n’avait pu qu’espérer dans ses rêves les plus fous... Sa tenue n’était pas plus soignée qu’à l’accoutumée mais à son regard éteint, on devinait que le vieux roublard n’était plus qu’un cousin endeuillé. Kaeniel était venu. Pour donner le change essentiellement. Ce n’était pas le moment d’alimenter les commérages mais chacun savait qu’il n’était pas dans les petits papiers de No’irin. Avoir en sous-main tout fait pour ne pas hâter son réveil et espéré que, de façon idéale, elle ne revienne pas parmi son peuple y était à coup sûr pour quelque chose... D’ailleurs on ne le vit pas aux abords de l’autel car Gaver, qui pour le coup aurait brisé sa léthargie, lui aurait montré la sortie à la bonne vieille méthode sigdiliste. Nil’nelia, de son côté avait vu Elen se rendre chez la Reine. Elle ne s’était pas inquiétée outre mesure lorsque celui-ci n’était pas revenu le soir même... Les discussions avec cette dernière pouvaient être longues lorsqu’elles concernaient un sujet d’une telle importance. Mais, toujours absent le lendemain, elle n’avait plus le coeur à la tâche. C’est un peu malgré elle qu’elle continua, aidée de plusieurs loups à forger des plaques d’acier, mêlées de magie pour réparer l’arche des Songes. Mais elle avait un terrible pressentiment. Alors qu’elle finissait de ranger le matériel, harassée par cette dure journée de labeur, quelque chose se produisit. Evonis était à ses côtés, ils parlaient de tout et de rien, de l’avenir du clan lorsque... Il s’arrêta. Quelques secondes. Mais ce court laps de temps suffit à le changer. C’est, le regard grave qu’il regarda la future Louve. Il déglutit, avant de parler. - Nil... Il vient de se produire quelque chose d’important pour le clan. Il lui raconta sa vision de Luwö. Un nouveau chaman venait d’apparaître pour le clan. C’était Elen. La vision était claire, sans ambiguïté. Cela signifiait aussi que le monde des esprits était sûrement de nouveau atteignable. Elen, Chaman ? Il était donc en vie. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter alors... Mais si. S’il y avait à nouveau accès au monde des Esprits, il avait dû une fois de plus tenté d’y pénétrer ! C’est rongée par l’angoisse que la jeune femme attendit le retour d’Elen. Mais la nouvelle fut un choc. Le monde des Esprits avait été libéré mais à quel prix ? Ce n’était pas possible. Non ! Des larmes coulèrent sur les joues de Nil’nelia. Elle n’avait pas souvent rencontré la Reine, alors même qu’elle avait dirigé un temps le Cercle. Mais elle était son modèle, la fierté du peuple forestier. Et aujourd’hui, elle était morte. Elle s’était sacrifiée pour le bien de tous. Comme allait le faire Elisenda, comme l’avait fait Hardaway pour les géants. C’était cela qui ferait d’eux des Légendes. Elen arriva tard dans la nuit, épuisé. Elle courut à sa rencontre, prête à l’assommer de questions. Cependant, un simple regard sur son état l’en dissuada. Il était, si la chose était possible, dans un plus sale état que lorsqu’elle le retrouva, au nord, à l’arche des Glaces. Les choses s’enchaînèrent alors vite. L’annonce de la mort de la Reine se propagea comme une traînée de poudre dans Na’helli, puis la forêt des Cendres puis dans tout le territoire Forestier. Les gens vinrent de toute part pour assister à l’hommage. Nil’nelia, effondrée, incapable de communiquer clairement avec Elen, se prépara pour la cérémonie. Elle revêtit une tenue sobre, de Louve, d’un vert tournant sur le noir. Nul maquillage, nuls bijoux n’allaient aujourd’hui l’habiller. Seules les perles de larmes habiteraient ses yeux. C’est, la tête haute, mais le coeur broyé qu’elle s’approcha de son mari. Sans un mot, elle prit sa main et la serra. Il n’était pas seul, elle était là, elle aussi, à ses côtés. Dalhia avait failli arriver en retard... Il avait couru aussi vite que ses petites jambes de lutin le lui permettaient et était arrivé parmi les derniers. Dans ses mains, il serrait un petit rouleau de parchemin, son hommage pour la défunte... Ça n’était pas grand chose mais il tenait à lui amener pour son dernier voyage. Il semblait fatigué, mais rien de plus normal, il y avait passé toute la nuit. Il avait aussi les yeux rouges, il avait pleuré. Plusieurs fois. Il déroula une dernière fois le parchemin, vérifiant que tout était parfait puis chercha du regard quelqu’un qui pourrait le donner à la Reine pour lui... Il n’osait pas le faire lui même... Il n’était rien qu’un lutin, et elle, c’était la Reine... Il remarqua Elen mais il lui faisait peur avec son air sombre et fatigué. Il chercha quelques secondes encore et se dirigea vers Gaver - il n’avait pas l’air trop méchant - et lui tendit le parchemin. Pas de très bonne qualité mais il n’avait que ça... - M’sieur... Excusez-moi... Vous pouvez... Vous pouvez lui donner ça pour moi ? A la Reine ? J’ose pas... On m’a dit qu’elle s’était réveillée dans un cocon, alors je me suis dit... Enfin, j’espère que ça lui fera plaisir, voilà... J’ai fait ça pour elle... Comme les papillons... Il se tortilla les doigts d’un air pitoyable alors que ses derniers mots se firent si bas qu’ils en devinrent presque inaudibles. Gaver prit le parchemin machinalement, mais quand il aperçut les larges ailes et la silhouette diaphane de No’irin, il réalisa que c’était dans la naïveté de certains que l’on trouvait le plus de vérité : une éternité de transformation pour un instant de vie dans la lumière. - Ca lui plaira, Dalhia. J’en suis sûr. Murmura-il. Merci. En retrait des autres se tenait une silhouette, droite et fière. Calith était méconnaissable sous sa lourde cape aux teintes grises et aux solides épaules de fourrure. Son capuchon était rabattu sur ses yeux et peu semblait l’avoir remarqué. Si certains Faucons étaient présents à l’évènement funeste, aucun ne vint lui adresser la parole, comme s’ils n’avaient pas encore appris le retour de leur Intendant du Grand Nord. Il avait les bras croisés et le regard fixe sur la scène, des mèches d’un noir de jais venant brièvement lui entraver sa vision. Comme un oiseau de mauvais augure, plus proche du corbeau que du faucon, l’Intendant souriait. Un sourire malsain qui n’était destiné qu’à une seule personne, Gaver. Il profitait de sa vision acérée pour ne pas rater une miette du spectacle tout en restant assez éloigné du groupe en deuil. Il semblait étranger à la tristesse et l’affection qu’éprouvaient les siens pour la Reine, comme si sa mort était lointaine, improbable et ne s’imposait pas à son esprit. Tout ce que pouvait représenter No’Irin de puissant, de fédérateur, de symbolique même, tout cela ne le touchait pas. Du moins, pas suffisamment pour le priver de ce moment de joie, de mépris et de vengeance. Il savourait la souffrance d’autrui, à un tel point que l’idée de tuer Gaver s’était oubliée à lui. - Souffre. Souffre comme j’ai souffert de la perte que tu m’as infligée. Souffre et apprends. Un être cher ne peut jamais être remplacé. Jamais. Lâcha t-il au vent, dans un murmure inaudible, destiné à personne d’autres qu’à lui-même; même le début de la cérémonie ne sembla pas le rappeler à la réalité, une réalité bien plus difficile. Dans les premiers rangs, on retrouvait aussi la juge Az’lissüe. Elle était arrivée parmi les premières et ne s’était pour l’instant pas exprimée publiquement sur la mort de sa reine. Ce jour-là, elle portait une robe noire, simple, sans fioriture. Ses traits étaient tirés, et ses yeux soulevés par des cernes devenues habituelles. Depuis qu’elle avait trouvé sa place, elle était restée figée, ne prononçant un murmure que lorsque cela s'avérait nécessaire, mais rien de plus. Pas un geste de trop, pas de démonstration d’émotion, pas de pleurs, rien. La stature haute, la juge restait la plus digne possible, et respectait du mieux qu’elle le pouvait son statut et la cérémonie menée par le clan du loup. Pourtant, intérieurement les choses n’étaient pas aussi claires, pas aussi calmes. Ces derniers jours, elle s’était concentrée sur d’autres tâches, comme pour repousser le plus possible le moment où la réalité la rattraperait. Manifestement, ce moment était venu. Et bien qu’un sentiment de culpabilité l’ait effleuré lorsqu’elle s’était imaginée le chantier que deviendraient les institutions elfiques, elle était profondément attristée et inquiète. Attristée, oui, car elle se souvenait encore de son choix d’entrer dans la Tour de Jade. A l’époque, elle n’en avait rien dit, mais c’avait été pour elle un grand honneur de faire parti des elfes chargés de sa protection. Puis, tout au long de sa carrière, jusqu’à son arrivée au poste de juge et même ensuite, Sa Majesté était restée un modèle de sagesse. Inquiète. Énervée, même si elle n’en montrait rien. Car malgré tout, Dame Az’lissüe comprenait mal pourquoi elle se trouvait là aujourd’hui. Jamais elle n’avait envisagée que la reine trépasse avant elle, et si cela devait arrivée, elle aurait du demeurer à Na’Helli. Elle n’aurait pas dû s’abandonner à ces rites étranges des elfes des lunes, rester lumière des regards des familles nobles de Na’Helli valait bien mieux. La noble frissonna. Ce fut le seul moment où elle laissa transparaître une émotion. Les minutes passaient et Syi respirait silencieusement, la tête haute. Elle suivit les adieux profonds de tout un peuple à sa reine, les adieux qu’elle aurait voulu ne jamais donner. Elen portait encore sa tenue d’Intendant, poste qu’il avait décidé d’occuper jusqu’à ce que sa souveraine repose en paix, loin du tumulte de la cité. Le visage fermé, les yeux soulignés de cernes noires et sa peau d’un pâleur maladive, son apparence s’apparentait plus à celle d’un cadavre que d’un vivant. La main de Nil dans la sienne lui rappelait douloureusement les derniers instants qu’il avait partagés avec la souveraine. Mais sans son soutien, son pas n’aurait pas été aussi sûr ni sa voix aussi claire lorsqu’il s’avança pour initier la cérémonie : - Mes sœurs ! Mes frères ! Nous pleurons la perte d'êtres inestimables, emportés par le néant. No’Irin Ka’tlin, Litihn, nous ne t’oublierons pas. Ta lumière ne s’éteint pas. Tu es l’étoile, plus vive que jamais et nous la suivons. Tu es notre guide, notre mère, notre soeur, notre Reine. Tu as choisi de mener ton peuple, quoi que cela te coûte et quoi que cela t’oblige à sacrifier. Comme il a dû te peser de tant savoir, d’avoir tant de réponses et que ton peuple te pose si peu de bonnes questions. Tu as porté ce fardeau seule, sans jamais te plaindre ou réclamer de l’aide. Tu t’es sacrifiée pour ton peuple, te plaçant loin au-dessus de tous ceux qui furent, sont et seront. Ton cœur était pur, et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt. Comme un seul Elfe, le clan répéta : Ton cœur était pur et ta voix à jamais résonnera en nous et dans cette forêt. ![]() Le chant de Elen s’éleva, sa voix à la fois grave et chaude, rompant sans heurt le silence qui avait suivi l’hommage. Il fut rapidement rejoint par les choeurs des Loups présents. La litanie s’éleva, étrangement haut au-dessus des frondaisons, emportée par le vent, englobant les bois de son air mélancolique. Certains jurèrent que ce furent les Totems eux-mêmes qui relayèrent la mélopée jusqu’aux confins des terres Elfiques. Puis il se mit en route vers le lieu de crémation. Faceo était arrivé juste à temps pour porter le cercueil, il avait du faire quelques préparatifs auprès de la Tour de Jade. Des membres de la tour vinrent semer le chemin du cercueil de pétales blancs. Une plante rare que les botanistes de la Tour de Jade cultivaient depuis plusieurs saisons. Faceo se dit que tout autre chose aurait été superflue. Faceo, Gaver, Nil’Nelia et Syi Az’lissüe, suivis d’un cortège des notables les plus proches de la Reine ainsi que de ses fidèles dames de compagnie, transportèrent la couche sur laquelle reposait le corps immaculé de No’irin. Sur un bûcher, un cercueil finement ouvragé, incrusté de bois rares et paré de plantes odoriférantes l’attendait. L’objet était en vérité une pure merveille. Le dernier lit de la Reine avait été taillé par les meilleurs ébénistes du clan. Les motifs en Loup ancien, en elfique et en commun racontaient l'histoire exceptionnelle de No'Irin et les gravures qui la représentaient semblaient s'animer grâce à l'expertise de l'ébéniste. Les hommages épistolaires furent placés avec la Reine : ils l'accompagneraient pour l'éternité, témoignage vibrant de l'amour que lui portait son peuple. Celui de Amallya qui assurait du respect du Peuple Sauvage pour la Souveraine elfe y fut joint. Celui de Aileen, sobre et plus personnel, vint l’y rejoindre et Gaver déposa le dessin de Dalhia. Une longue plume ainsi qu’une magnifique fleur séchée toutes deux d’un blanc immaculé furent jointes à la lettre de Lindorie. Une pièce d’or lui fut aussi placée dans la main de la Reine afin d’assurer son droit de passage devant Charon : si l’essence d’un mort allait à Luwö son esprit, lui, devait se contenter des Enfers... ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Hommage de Amallya : Intendant Elen du clan du Loup, Indendant Calith du clan du Faucon, Juge Syi Az’lissüe, Je viens d’être informée de la terrible annonce de la mort de la reine No’irin Kai’tlin. Bien que je ne puisse pas être présente à vos côtés dans ces moments difficiles, je tenais à vous assurer de tout mon soutien à titre personnel durant cette tragique épreuve ainsi que vous présenter toutes mes condoléances au nom du peuple de Gaïa. L’Intendante Aileen, le consul Voronwë et moi-même nous trouvons au sud de la chaîne des dieux et nous ne pourrons malheureusement pas être de retour à Na’Helli à temps pour assister à la cérémonie. Je souhaiterais cependant vous demander la permission de nous rendre à la tanière du clan du Loup dès notre retour afin que nous puissions nous recueillir en souvenir de la défunte. La reine No’irin Kai’tlin était le phare qui guidait notre alliance dans la nuit et sa lumière nous manquera à tous. Puissions-nous éviter le naufrage durant les tempêtes à venir. Amallya, Conseillère du peuple de Gaïa. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Hommage de Aileen : Elen, ne vous inquiètez pas pour moi, je vais bien, je vous l’assure. Prenez plutôt soin de vous, je me doute que la perte de notre reine doit vous toucher... J’en suis moi même très peinée, cette nouvelle me surprend énormément... Maintenant, ça sera à nous de veiller à ce que son travail ne vole pas en éclat. Je ne sais pas si j’aurai la possibilité de venir à mon tour me recueillir à la Tanière, mais sachez que toutes mes pensées vous accompagnent. Sincèrement Aileen ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Hommage de Dalhia : ![]() ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Hommage de Lindorie : Elen, La terrible nouvelle est arrivée jusqu’ici. Un sentiment horrible envahit en ce moment mon cœur. Je ne trouve pas les mots qui expriment mon désarroi et mon incompréhension face à cela. Je ne sens que le vide infini qui prend lentement possession de mon être. Où irons-nous maintenant ? J’espère que les elfes sauront s’unir face à cela... Mais nous n’avons plus le temps de nous lamenter malheureusement. Je n’aurai pour notre Reine que ces simples présents : Une plume de mon bien aimé Alcyon et une fleur du grand Nord. Je sais que c’est peu mais pour les nôtres ces deux symboles ont beaucoup de valeur. La plume pour voler encore et encore même après la mort, et la fleur pour ne pas oublier le lien à la nature que nous entretenons, symbole de mort et de renaissance perpétuelle. Tout deux d’un blanc immaculé tel la pureté de notre Reine. J’espère que cela la protégera là où elle ira. Le temps me presse, j’en suis infiniment désolée. Que les Totems vous protègent. Lindorie Eluanella, clan du Faucon ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Gaver déposa un dernier baiser sur le front de sa soeur sans pour autant se résoudre à ne plus jamais la revoir. Elen avait considéré que seule une Flamme éternelle serait assez pure pour lui servir dans sa tâche ultime. Avec soin, il la glissa parmi les branchages et une chaleur ardente s’en dégagea bientôt. Avec une certaine émotion, tous regardèrent leur précieuse Reine se consumer et quitter définitivement le monde des Vivants pour un lieu qu'ils espéraient meilleur pour elle. A la nuit tombée, il ne restait que quelques braises rougeoyantes qui ne résistèrent pas longtemps à la froidure humide de la saison. Elen récupéra les cendres dans une boîte en vermeil finement ouvragée. Elle impressionnait par les fines gravures qui la recouvraient, rehaussées de petites gemmes colorées. En une lente procession, les Elfes gagnèrent les proches racines de l'arbre de nombreuses fois millénaire qui abritait la tanière. Des lanternes avaient été disposées et leurs lueurs douces rappelaient les lumières de Na’helli que la Reine aimait contempler de son balcon. Le Chaman nicha avec précaution l’urne funéraire dans le trou qu’on avait creusé puis Gaver déposa la première poignée de terre sur l'objet. Cette astreinte fit monter tant de désespoir et de colère en lui qu’il ne put dire un seul mot. Il fut suivi par Darwor puis Shalassan qui murmurèrent chacun une prière. Ô ma Reine, pourquoi êtes-vous morte ? Avec votre mort, c’est tout un peuple qui pleure. Je n’ai jamais été bon en discours mais vous avez toujours eu mon respect et vous l’aurez aussi par delà la mort. Je me souviens encore lorsque j’ai eu l’idée de faire le temple d’Athéna vous m’avez soutenu, même si ce n’est pas officiellement. Vous avez toujours été là, pour nous. Jamais je ne vous oublierai ma Reine, même après la mort. Faceo serra son collier toujours froid et commença alors une prière à voix basse. Seuls Gaver, Darwor et Elen pourraient entendre cette dernière. Ô Athéna, déesse parmi toutes, si c’est possible j’aurai voulu donné la moitié de ma vie pour notre Reine. Son esprit est sûrement toujours là et créer une enveloppe charnelle n’est probablement pas grand chose pour vous... Prenez ma vie et donnez-lui, s’il vous plaît. Si ce n’est pas possible, aidez-la dans l’autre monde. Je vous en serai redevable dans la vie comme dans la mort. Gaver posa une main sur l’épaule de Faceo, reconnaissant. - Athéna sera à ses côtés, d’autres aussi. No’irin ne sera pas seule. Aie foi. Syi n’attendit que quelques instants avant de parler à son tour. Elle savait pertinemment quoi dire. Ses jambes tremblaient légèrement, et sa voix tout autant. - Sa Majesté, le monde sans elle ne sera plus le même. Elle donnait à notre vie une saveur particulière, l’ambition de nous rassembler, de nous élever et de briller. Pour une dernière fois et à jamais, elle brille plus que nous tous. Adieu. Syi elle-même ne savait si elle s’adressait à la reine ou au monde en général. Elle n’en avait que faire, elle avait dit ces derniers mots sans flancher. Nil, la gorge serrée, s’approcha à son tour de l’urne. Etait-elle à sa place, elle, qui avait abandonné le poste que lui avait confié la Reine ? Oui, elle le pensait. “Ma Reine, vous m’avez fait confiance un jour. J’ai toujours cru en vous. Aujourd’hui, vous avez fait l’ultime sacrifice pour que les elfes persistent à jamais. Ce ne sera pas vain ! Pour vous, pour tous les nôtres, qu’ils soient des enfants des Lunes ou des Nobles de Na’helli, je rebâtirai le pilier, le monde des Vivants ne sombrera pas dans les ténèbres et... Votre nom sera...” Elle ne pouvait plus retenir ses Larmes. “... Sera à jamais honoré. Adieu, ma Reine. Anmuata No’irin” Dalhia regardait la niche où l’urne était enterrée sans rien dire... Il n’avait rien à dire de toute façon... Il espérait - très fort - que le dessin lui avait plu, à No’Irin... Lui, il avait déjà oublié ce qu’il y avait dessiné, mais il se souvenait qu’il y avait pris grand soin. Ça n’est pas tout les jours qu’un lutin triste dit au revoir à une reine... Dans le lointain, un froissement de cape signala simplement que l’Intendant du Faucon s’en retournait, aussi anonymement qu’il était venu. Il ne s’était pas approché pour rendre hommage à la Reine dont la trahison lui avait laissé une sensation mitigée. Le peuple elfe récompenserait largement les efforts de la souveraine à sa place, lui n’arrivait pas encore à peser la balance. Peut-être plus tard, en d’autres temps, laisserait-il des fleurs à son attention, mais pour le moment ne lui venait qu’une pensée respectueuse et une prière arrachée à ses lèvres, gage de remerciements pour son sacrifice, non pas de l’ensemble de son oeuvre. Vint enfin le tour de Elen : - Je vous suivrai jusqu’en Enfer, ma Reine... Murmura-t-il dans un souffle. Ensuite, tous ceux qui assistaient à la cérémonie les imitèrent, la plupart glissant une dernière parole à No'Irin. Lorsque la boîte fut totalement ensevelie sous la racine, les Loups et ceux qui connaissaient le rite lancèrent d’une seule voix : - Puissiez-vous à jamais croître ! Puis dans un ensemble parfait, ils baissèrent la tête, les yeux fermés, saluant la défunte Reine en guise d’adieu. Puis il déclamèrent, en Loup Ancien : - Luwö setho le rani. Ainsi la cérémonie fut achevée, laissant les Elfes à leur deuil. Celui des Loups durerait une journée, durant laquelle ils jeûneraient et se retireraient dans la Tanière. Pour certains, la durée serait plus longue, par choix ou par tristesse, mais beaucoup devraient se résigner à reprendre leur tâche car le monde, lui, n’attendrait pas. Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |
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[HRP : Texte coécrit avec Nil, faisant suite à l'enterrement]
Après la cérémonie, le Chaman se retira dans la Tanière, se plongeant dans un profond mutisme. Son visage creusé par la tristesse, la colère et la culpabilité, il s’était installé à même le sol, là où il jugeait qu’était sa place. Son corps allait s’affaiblir plus encore s’il refusait les soins et les fortifiant que les Loups ou les serviteurs de Darwor lui envoyaient. A quoi bon guérir ? Il avait retiré aux Elfes leur avenir. Il se plongea dans la lecture de tous les documents qui lui tombaient sous la main, comme si cela pouvait lui donner une solution au problème qui le préoccupait. Où s'était-il trompé ? Qu'avait-il fait qui lui vaille que le destin se joue à ce point de lui ? Il avait presque été élevé par Kowü et avait à son tour pris soin de la fille de son mentor. Il la sentait destinée à devenir Chamane. La petite excellait déjà là où il lui avait fallut des années pour comprendre les lois qui régissaient la manulation du Finyë. Elle devrait être à sa place. N’était-il qu’une transition pour les Totems ? Allaient-ils se débarrasser de lui comme ils l’avaient fait pour Kowü ? Comment avait-il fait pour ne pas deviner que la Reine choisirait de se sacrifier plutôt que de l'abandonner seul face à Elle ? Quelles erreurs avait-il faites dans ses équations pour que les événement deviennent à ce point imprévisibles ? Pourquoi Luwö l'avait-il choisi ? Il ne pensait pas posséder ne serait-ce que la moitié du talent de Kowü. Et il venait d'être nommé Chaman plus jeune encore que son mentor ne l'avait été. Cela témoignait-il d'un renouveau chez les Elfes des Lunes ou d'un déclin plus avancé de son peuple qu'il ne l'avait imaginé ? Si les Totems étaient réduits à porter à un tel poste des Elfes trop jeunes pour pouvoir l'assumer, cela signifiait que la fin approchait, inéluctable. Les Elfes des Lunes disparaîtraient. Lorsqu’il fermait les yeux, il la voyait, sa Reine, confiante. Et il l’apercevait aussi, pâle, fantomatique. Mais pire encore, il la voyait, Elle. Elle s’évertuait à le hanter. Il s’en était libéré, au sens où elle ne pouvait plus l’atteindre désormais que par des voies conventionnelles, autres que le Monde des Esprits. Mais elle vivait toujours en lui. Chaque fibre de son corps la haïssait. Plus il désirait effacer ces souvenirs de son esprit plus il s’accrochait à eux. Cette colère sourde, la sauvegarde des siens et de ses amis, la protection de sa femme et de sa famille, quelqu’en soit le prix, voilà tout ce qui lui restait. Et cette transe ? Un échec assurément. No'irin les soutenait, le soutenait. Malgré tout ce qu'elle lui avait déclaré, elle s'était sacrifiée pour qu'il puisse avoir une chance de vivre. La Reine n’aurait jamais dû mourir. Ils devaient libérer le monde des esprits, ensemble, par n’importe quel moyen. Mais certainement pas celui-là. Elle avait usé jusqu'à la dernière goutte de son énergie pour lui. Elle. La manipulatrice sans pitié. Il se souvint de ses dernières paroles, celles qu’il avait dites à la Reine. Cette promesse à demi masquée. Il la suivrait, oui. Il la rejoindrait. Soit pour la ramener, soit pour l’éternité. Sa damnation, à lui, serait éternelle. Il le pressentait. Pour tout ce qu’il avait déjà fait. Pour tout ce qu’il ferait. Sa responsabilité dans cette affaire ne faisait aucun doute. C’est lui qui, le premier, avait bravé l’interdit qu’il avait lui-même imposé. C’est lui que le Néant, ou quoi qu’Elle fut, avait choisi. A quel point avait-Elle anticipé ces évènements ? Savait-elle comment la Première Née réagirait en apprenant qu’Elle s’attaquait au Monde des Esprits ? Non. Il avait lui-même conduit la Reine dans un piège mortel. Il l’avait sacrifiée, comme elle l’aurait fait pour lui. Même si cela n’avait pas été volontaire, il avait hypothéqué l’avenir de tout un peuple en jouant avec des forces qui le dépassaient. A présent, on le récompensait pour cela. Impensable. Impossible. Inadmissible. Il jeta le l'épais volume qu'il lisait au loin. Cela ne servait à rien. Non seulement la lecture ne lui apporterait pas la paix, mais pire encore, il ne parvenait pas à se concentrer : la fatigue aidant, il lisait et relisait sans cesse la même page. Il y eut un bruit de porte que l'on ouvre puis le pas familier de son épouse, léger et dynamique, qu'il aurait reconnu entre mille. ”Nil ?” ”Elen, parle-moi. Dis-moi ce qui te ronge.” ”C’est ma faute, Nil. Tout est de ma faute. J’ai été trop arrogant. Et nous le payons tous. Je l’ai tuée, Nil. C’est moi qui l’ai tuée. Je l’aurai égorgée que rien ne serait différent. Je suis responsable de sa mort. C’est moi qui...” Sa voix mourut dans sa gorge. Le poids de la culpabilité le rongeait presque autant que sa colère, celle qu’il Lui réservait et celle qu’il avait à l’encontre de lui-même. Nil’nelia ne pouvait croire ce qu’elle entendait. Ce ne pouvait être vrai. Il devait se tromper quelque part. Elle se précipita vers lui, se pencha dans son dos et enserra ses épaules, posa sa joue contre celle de son mari. ”Elen, ce n’est pas vrai... Tu as libéré le monde des esprits... Elle... Ce devait arriver. Et si tu avais commis un tel acte, Luwö ne t’aurait pas choisi ! Ce malheur était malheureusement un mal nécessaire et.... Sa voix se brisa. C’était si dur de réconforter Elen alors qu’elle même était détruite par ces événements. Mais il en avait besoin. ”Je l’ai tuée, je te dis. J’aurai dû prévoir qu’elle allait retirer cette protection. J’aurai dû comprendre. J’aurai dû...” fit-il, comme si elle n’avait rien dit. ”Elen, Elen, regarde moi. N’oublie pas ce qu’il s’est passé, mais n’y pense pas comme quelque chose de triste. Elle ne voudrait pas que le peuple arrête de vivre et se lamente. Elle ne voudrait pas que celui qu’elle a choisi dépérisse. Elle voudrait qu’il prenne le flambeau, qu’il mène son peuple vers la victoire, comme elle l’a mené auparavant.” Elle tenta un maigre sourire mais qui eut plus l’allure d’une grimace. ”Mener ? Moi ?..” C’était la plus belle de l’année. Tout cela n’était-il qu’une vaste farce organisée par les Dieux et les Totems pour se moquer cruellement de lui ? Il n’avait rien de ce meneur d’homme que son épouse, Luwö la bénisse, voyait en lui. Les Nobles ne tiendraient jamais compte de l’avis d’un Elfe des Lunes tel que lui, pas sans des moyens draconiens. Quant au Peuple Sauvage, ses membres étaient plus têtus que des mules et plus malins que des renards. Il éclata de rire : celui qui sied si bien aux gens qui n’ont plus rien à espérer. Un rire qui l’avait poursuivit ces dernières saisons, à mesure que son esprit glissait, tombait et s’effondrait au pied du sommet sur lequel on l’avait hissé malgré lui. ”Tu as raison, ma chérie... Tu as tout à fait raison...” Il se releva, et il l’embrassa tendrement. Puis il parla comme s’il tentait de se convaincre lui-même plus que son épouse. ”Je vais m'atteler de mon mieux à réparer ce Pilier. Aider Calith comme je le peux avec les Eclats. Et libérer Aileen de ce... ce... cet Olympien. Tu as raison. Et ensuite ? Nous verrons. Nous verrons bien.” Il chassa au fond de son fond de lui-même toutes ses sombres pensées qui l’avaient animé. Reviendraient-elles à la charge ? Peut-être. Mais pour son épouse, pour son clan et pour son peuple, il se devait d’enfouir toutes ces mauvaises pensées et de les conserver pour lui seul afin de ne donner aux autres que le meilleur de lui-même... Voilà ce qu’on attendait de lui. Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |