Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Confidence au sommet
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Confidence au sommet
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Dernière réponse le 21/02/2012 à 13:00

el Par Elen  le 18/02/2012 à 12:39

La forêt n’avait pas changé depuis leur départ : toujours pleine de vie. Elen, accompagné par les Loups, son épouse comprise, et Isa, rentrait dans sa demeure après avoir aidé de son mieux à la reconstruction du Pilier. Il se demandait à quoi bon, puisque personne n’osait le remettre en fonction. Mais, au moins, ce qui devait être fait l’avait été. Il partait, la conscience tranquille. Peut-être que les Nobles choisiraient d’offrir Syi en sacrifice pour le remettre en fonction... Il sourit vaguement à cette idée...

Les Loups regagnèrent la Tanière avec joie, abandonnant leur Chaman. La fatigue du voyage aidant, chacun voulait regagner son lit alors même que mes Titans resplendissaient encore à l’horizon. Elen expliqua à son épouse qu’il allait montrer à Isa sa chambre, puis qu’il lui ferait visiter un peu les lieux pour qu’elle ne se sente pas perdue. Son épouse haussa vaguement un sourcil, suspicieuse, cependant, lasse, elle s’éclipsa, recommandant à son mari de la rejoindre plus tard...

- Tu m’accompagnes, Isa ? Je vais te montrer les quartiers des invités. Demanda-t-il, lui offrant son galamment son bras.
- Je suis fourbue, répondit-elle en guise d’accord tandis qu’elle passait sa main dans le creux du bras du Loup.

Elen la conduisit à l’intérieur de la Tanière. La luminosité du couloir, chichement éclairé par les globes de verre contenant les lucioles volantes, imprégnait les lieux d’un certain mystère. Les yeux du Loup s’acclimatèrent rapidement : il avait vécu au sein de la Tanière toute sa vie. Les murs et les sols, en pierres taillées, semblaient étrangers à l’usure.

Le temps ne semblait pas avoir de prise ici. Où que portait le regard, nulle trace de moisissure, et encore moins d’humidité. Une ancienne magie, dont les arcanes étaient perdue depuis des cycles et des cycles, devait opérer en ces lieux. Le décor, minimaliste, se composait d’une frise qui ornait les murs, gravée de symboles en Loups ancien, tandis que les sols étaient recouverts de tapis conçu par les Loups eux même. Les motifs de ces tentures représentaient certaines des légendes du Clan et des Elfes.

Isa ralentit le pas, sans vraiment s’en apercevoir. Son regard s’attachait aux détails des frises sculptées à la recherche d’une signification mais le temps lui manquait, néanmoins. Ses doigts frôlèrent la pierre, curieux d’en apprécier la température, d’en connaître la rugosité pour lever une part du mystère de cette étrange construction. Elle percevait, légère, cette aura magique qui baignait le lieu mais elle n’aurait su dire d’où elle provenait exactement.

- Nous nous arrêterons avant les oubliettes, n’est-ce pas ? Demanda-t-elle non sans humour à son hôte alors qu’ils cheminaient de plus en plus loin dans la bâtisse.
- Il n’y a pas d’oubliettes ici. fit-il, amusé.

Il est vrai que les membres des autres peuples, ou même des autres clans, trouvaient la Tanière singulière : aussi vaste qu’un petit château, c’était une véritable forteresse souterraine à l’architecture ancienne et aux nombreux mystères. Les Loups découvraient encore des pièces cachées dans des passages tenus secrets, même dans les écrits les plus anciens.

- Les quartiers des invités sont à cet étage, au plus près de la surface. Ceux des Loups sont au deuxième sous-sol. En général les invités se sentent moins enfermés ici. Mais je te laisse choisir : si tu préfères dormir parmi les Loups, je serai ravi de t’accueillir dans une chambre en bas...
- Cet étage. Ce sera parfait, Elen.

Non pas que loger dans les niveaux inférieurs l’aurait oppressée, mais il n’aurait pas été convenable qu’elle s’incruste plus que nécessaire parmi ses hôtes.
Ils quittèrent le couloir principal, bifurquant. Une rangée de portes, sur leur droite, menaient aux chambres des invités.

- Les chambres sont adjacentes aux cheminées des cuisines, expliqua-t-il. Il ne fait jamais froid la nuit.
- Ah ! Mais si c’est trop confortable, je risque d’y prendre goût ! Vous recevez souvent du monde ? fit-elle en voyant nombre de pièces disponibles.
- Plus maintenant. A une période, durant un conflit entre les clans et le Dément, nous recevions les émissaires des autres clans. De même sous Ithril et Lytharion. Sous Kowü, nous avons reçu ici des émissaires de Luminae, de Zagnadar, de Lardanium, de Sigdil, de Quatar et de Na’Helli. Kowü croyait que les Loups pouvaient s’auto-gérer, sans que les Nobles ne se mêlent de notre diplomatie... Exposa-t-il longuement, l’air songeur.

Il pensait toujours que les Nobles n’avaient pas à se mêler des affaires des clans, et encore moins de celles des Loups.

- Quoi qu’il en soit, tu peux rester aussi longtemps que tu le voudras ! ajouta-t-il, ouvrant la deuxième porte.

La première des chambres devait subir quelques réaménagements : une partie du mobilier devait être restauré. Un peu de verni, une touche de peinture et quelques dorures à refaire. Il ne pouvait décemment pas lui attribuer une chambre en travaux. Il invita l’Olympienne à entrer dans la seconde.

Isa s’était rembrunie durant les explications d’Elen. Évidemment tout ceci l’intéressait mais elle oublierait tous ces noms surgis d’autres époques. Il ne resterait dans sa mémoire pas même quelques fantômes du passé. Elle finit par esquisser un sourire au Loup lorsqu’il l’invita à entrer. Elle ne doutait pas qu’il soit sincère mais elle savait déjà que son séjour ne pourrait qu’être de courte durée. Elle fit un pas dans la pièce.

L’endroit comportait tout le confort nécessaire à un dignitaire : un lit double muni de couvertures chaudes et moelleuses, un bureau avec le nécessaire pour écrire, un coffre et divers rangements. La pièce pouvait être éclairée par plusieurs lanternes à huile, pour l’instant éteintes. Des objets d’arts et de riches tapisseries décoraient la pièce tandis que les sols avaient été recouverts par des parquets soigneusement entretenus et divers tapis. Une cheminée contre le mur du fond pouvait être allumée par les invités les plus frileux. Le Loup retira la clef qui se trouvait dans la serrure de la porte, du côté de la chambre :

- Voici ta clef. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peux me faire appeler ou même le demander à quelque Loup que ce soit. Nous ferons le nécessaire.
- C’est immense ! Et... Je... Il ne me faut pas tout ça !

Isa trouvait la pièce magnifique et ne tarderait pas à se sentir comme une princesse dans de tels appartements.

- Tu es sûr que ça ne dérange pas que j’occupe cette chambre ?
- Toutes celles-ci sont sur le même modèle, tu sais. Nous n’avons pas plus petit. déclara-t-il, amusé.
- Bon et bien... Les auberges de Lardanium ne vont pas me manquer alors !

Elle fit quelques pas à l’intérieur et posa sa besace dans un recoin sans avoir l’idée de la poser sur l’un des meubles de rangement.

- Les bains sont communs, par contre, mais pas mixtes. Mais tu as une petite pièce de toilette ici. Les Loups peuvent t’apporter une baignoire d’eau chaude chaque fois que tu le voudras, si tu préfères l’intimité.
- Ne t’inquiète pas Elen, je sais me débarbouiller avec le strict minimum, les Soeurs du Havre y veillaient.
- Eh bien laisse-moi te recommander au moins un bain avec de la lavande. Tu verras, c’est très... délassant ! Et l’eau de la source qui coule sous la Tanière possède certaines vertus, à ce que l’on dit, pour la peau et l’esprit.

La jeune femme rougit légèrement.

- Euh oui, je verrai avec ces dames alors...
- Veux-tu te détendre quelques instants ou souhaites-tu visiter un peu la Tanière ? demanda le Chaman, l’air presque aussi frais que s’ils n’avaient pas marché une bonne partie de la journée.
- Je vais me rafraîchir avant, si tu veux bien.

Ce ne serait pas du luxe d’ôter ses vêtements de route pour en mettre de plus légers et moins poussiéreux. Comme la Tanière n’avait rien d’une grotte d’ours mal léché, il serait également plus respectueux de s’y promener une fois son avantage retrouvé.

- Certainement. Fais-moi appeler quand tu seras prête.

Le Chaman s’inclina, avec le sourire, puis il quitta la pièce, pour aller lui aussi se décrasser un peu aux bains et changer de tenue. Il ne voulait pas porter ses vêtements de Chaman, et encore moins ceux de voyage : quelque chose de plus simple et de plus léger lui suffirait, la visite de Isa n’ayant rien de protocolaire.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 18/02/2012 à 13:03

Dès que le Loup fut sorti, Isa alluma une lampe et se dirigea vers une coiffeuse où tronaient des récipients. Laissant son manteau et ses habits défraîchis, elle se passa généreusement un linge mouillé d’eau savonneuse et cela la revigora avant d’enfiler une robe propre. Elle prit un soin particulier à se recoiffer et retraça le tatouage qui ornait son front d’une magie simple qui durait à peine une journée. Les couleurs plus nettes lui rendirent bonne mine.
S’était-elle déjà préparée avec autant d’entrain ? Elle s’aperçut qu’elle souriait dans la grande glace depuis plusieurs minutes qu’avaient duré sa toilette. L’avait-on déjà attendue comme cela tandis qu’elle se pomponnait ? Voilà qui était nouveau et ne manquait pas de l’intriguer, au bout du compte. Elle se dépêcha un peu plus et ne put s’empêcher de vérifier une dernière fois son reflet juste avant de quitter la pièce.

Elle revint sans difficulté jusqu’à l’entrée de la Tanière et fit mander le Chaman par un jeune Loup qu’elle interpella. Le Chaman arriva bien vite, propre et détendu, dans une tenue qui l’éloignait autant que possible de sa fonction, portant cependant une cape, à dessein. Ses longs cheveux, encore humides, cascadaient dans son dos.

- Tu m’as fait appeler ? dit-il avec le sourire puis il ajouta sans arrière pensée : Tu es ravissante, Isa.
- J’ai eu peur d’être trop longue mais nous avons tout de même meilleure allure, fit-elle, sensible au compliment.
- Et cela fait du bien après un voyage comme celui-ci ! Alors, dis-moi, que t’avait montré Egazil, la dernière fois ? Les Jardins ? Luwö ? demanda-t-il, faisant référence à la statue du Totem, gravée dans une des gigantesques racines et placée sur un autel de pierre.

Un instant de panique saisit Isa. Elle avait noté les lieux où le Loup l’avait conduite mais elle aurait été bien incapable d’y retourner seule ou d’en donner des détails sur le champ.

- Oui les jardins... Nous y avons été, avant de rentrer car il faisait froid. Il m’a ensuite montré la bibliothèque, rapidement bien sûr, c’est tellement grand ! Et puis nous nous sommes tous retrouvés...

Elle en bafouillait presque de peur de se tromper. Elle n’avait pas réalisé à quel point il était difficile de se passer de sa grand-mère qui, bien souvent, lui soufflait ce qu’elle était censée savoir. Elen ne sembla pas relever l’hésitation de la jeune femme, trop heureux de pouvoir faire visiter les lieux à quelqu’un qui ne les avait jamais fréquentés jusqu’alors.

- Il t’a presque montré l’essentiel de la Tanière alors ! Mais il est un lieu que bien peu osent fréquenter. Te sens-tu d’humeur un peu aventurière ?
- Tant que cela ne m’oblige pas à remettre mes grosses bottes ! fit-elle en haussant un sourcil, intriguée.

Son trouble était passé inaperçu et le soulagement transparut dans son enthousiasme renouvelé. Il l’invita à le suivre, pour contourner le chêne sacré.

- Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Mais je ne te cache pas qu’il faudra une certain habileté !
- Est-ce loin ? La marche l’avait tout de même fatiguée et elle espérait qu’il ne faudrait pas escalader quelque montagne ou même cet arbre immense...
- En un sens, oui.

Ils longèrent le petit ruisseau qui traversait la clairière, pour contourner une racine gigantesque dont l'extrémité baignait dans l’eau clapotante. Le Loup, d’un petit bond, grimpa sur l’appendice du chêne, et il tendit la main à l’Olympienne, pour l’aider à l’imiter. Elle le suivit en attrapant sa main. Il l'entraîna, à sa suite, le long de la racine jusqu’au tronc de l’arbre.

- C’est par ici, fit-il, désignant d’un signe de tête les hauteurs. Tu vas voir, c’est très simple !

Isa regarda tour à tour Elen et l’arbre, les yeux en soucoupe. La prenait-il pour un écureuil ? Ses instincts citadins n’étaient pas du tout préparés à concevoir que cela fût aisé...

- Ah bon ? fit-elle en attente d’explication.
- Je t’aiderai. répondit-t-il simplement.

A bien le regarder, le tronc semblait à la fois creusé par endroit, par des entailles naturelles, et à d’autres jaillissaient des noeuds. Invisible de loin, l’ensemble des prises formait un chemin que l’on aurait pu croire artificiel et volontaire vers la cime. Etait-ce là les traces d’une magie ancienne qui avait sculpté l’arbre à dessein ? Ou l’influence de Luwö lui-même ?

Le Chaman débuta l'ascension avec une grande aisance. En vérité, malgré la verticalité du tronc, les prises, suffisamment profondes ou épaisses, offraient un confort presque comparable à celui d’un escalier. La distance entre elles et leur nombre laissait l’embarras du choix pour s’assurer une position stable. Il jeta un regard en arrière, attentif à la progression de son invitée.

L’Olympienne lui laissa quelques toises d’avance, essentiellement pour regarder comment il s’y prenait. En effet, cela sembla assez intuitif et elle s’y risqua, lentement au début puis ses prises s’affirmèrent. Sans être aussi rapide que son compagnon, elle finit par s’amuser de cette balade originale et gravit le tronc. Ce n’est que plusieurs hauteurs au-dessus qu’elle osa jeter un coup d’oeil en bas... Et ses doigts se crispèrent immédiatement sur l’écorce. Ils étaient déjà fichtrement haut ! Elle déglutit et respira plusieurs fois profondément avant de regarder vers Elen qui montait toujours.



el Par Elen  le 19/02/2012 à 09:24

Bientôt, ils atteignirent les premières branches. Le Loup grimpa sur l’une d’entre elles, et il tendit la main vers Isa, pour l’aider à le rejoindre.

- Tu as fait le plus difficile, Isa ! Le reste ne sera qu’une promenade !

Curieusement, elle se sentait moins rassurée maintenant sur la branche, jouant les funambules au-dessus du vide, que collée au tronc lorsqu’elle l’avait escaladé.

- C’est encore loin ? Fit-elle cette fois avec une toute petite voix.
- Plus très loin. Tu veux faire une pause ? s’enquit-il, attendri par l’apparente crainte de l’Olympienne.

Elle secoua la tête. Si elle attendait, elle ne pourrait plus avancer. Elle prit la main d’Elen avec les deux siennes et décida de ne plus le lâcher. Il laissa l’Olympienne se placer entre lui et le tronc, pour qu’elle puisse éventuellement s’appuyer aussi contre l’arbre lui-même.

- Nous allons marcher un peu. Ne regarde pas en bas. Fais comme si tu prenais un escalier, dit-il, désignant un enchaînement de branches qui formait une spirale autour de l’arbre.

Encore une séquelle de la magie qui avait vu le chêne grandir à ce point ? Cela formait une voie fort belle, et l’écart entre les branches semblait idéal pour marcher à pas moyens. Il serra fermement la main de l’Olympienne, pour la rassurer.

Isa se focalisa sur les pas d’Elen et le suivit comme son ombre, sans un mot. Ils gravirent les branches proches du tronc en quelques instants. Aidée par le Loup, la jeune femme n’eut pas de grandes difficultés. Finalement, ils émergèrent du feuillage. Ils n’avaient pas encore atteint le sommet de l’arbre, loin de là, mais c’était un exploit que bien peu osaient réaliser.

Le chêne dominait les autres arbres, roi de la forêt, surpassé en hauteur uniquement par l’Arbre des Murmures de Na’Helli, que l’on apercevait, à l’ouest. La forêt s’étendait de part et d’autre de l’arbre de l’arbre. Un faible vent caressait la peau des deux jeunes gens, faisant bruire les feuillages. Il était certain que par le passé, cela avait servi de poste d’observation pour contrer les invasions. La vue, aussi belle soit-elle, offrait l’opportunité d’observer les plaines des terres connues dans toutes les directions. Mais aujourd’hui, seul importait la beauté du paysage !

- Qu’en dis-tu ?

La jeune femme finit par regarder autre chose que là où elle mettait les pieds. Quand ses yeux se levèrent sur ce panorama sans limite, ils restèrent grands ouverts, subjugués. Lorsque son regard se porta au nord-est, elle put même apercevoir la silhouette familière des plateaux rocheux de Zagnadar !

- C’est...

Fantastique ? Epoustoufflant ? Elle n’avait pas de mot, ou trop. Gardant la main du Loup dans la sienne, elle se serra contre lui, entre ciel et terre, bercée par la brise qui jouait dans sa chevelure.

- Merci Elen... C’est magnifique...
- Je suis ravi que ça te plaise ! Mais ce n’est que le début du spectacle ! déclara le Loup, tout sourire.

Il l’invita à s’asseoir sur la branche. Il n’avait emmené que son épouse aussi haut. Il était l’un des seuls Loups à oser escalader l’arbre. Il en avait fait son boudoir personnel. Elle le rejoignit, les jambes ballantes au-dessus du vide. Elle prenait goût au danger, à moins qu’inconsciemment elle fut persuadée que rien ne pourrait lui arriver tant que le Loup serait à ses côtés.

- Le début ? Elle faisait confiance à Elen pour la surprendre encore, malgré cette entrée en matière spectaculaire.
- Tu sais que l’on peut apercevoir Lardanium, par temps clair, lorsque la luminosité s’y prête ? La Cité Blanche est très... brillante... exposa-t-il, désignant la direction du nord, avec un léger décalage vers l’ouest.
- Grands Dieux, c’est si loin pourtant ! Elle essaya de discerner sa ville mais une brume devait recouvrir l’horizon. Tu viens souvent ici ?
- C’est un endroit propice à la réflexion, à la poésie et à l’écriture. J’avoue que lorsque les saisons le permettent, cet endroit devient mon bureau !
- C’est même étonnant que vous ne soyiez pas plusieurs à vous battre pour la place ! Ah ! Je vois à quoi te servent les privilèges de la fonction ! lança-t-elle pour plaisanter.
- Tu ne crois pas si bien dire ! répondit-il, énigmatique. Mais c’est surtout parce qu’ils n’osent pas monter aussi haut !
- C’est facile pourtant ! fit-elle en roulant des épaules, faussement vantarde après ses frayeurs durant l’escalade.

Bientôt, les Titans se rapprochèrent de l’horizon, colorant les cieux. Les dégradés d’orange, de pourpre se projetèrent sur la forêt tandis que les arbres étendaient leurs ombres à l’est. Les premières étoiles, les plus brillantes, apparaissaient.

- Regarde ! dit-il simplement, désignant le coucher des jumeaux.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 19/02/2012 à 14:29

La magie se propageait à l’infini. Le feu prenait sur les cimes des arbres, boutait de l’une à l’autre pour ne plus s’arrêter. Tout s’enflammait sous les rayons obliques des Titans. Un dernier prodige avant qu’ils ne s’évanouissent parait la forêt d’un rougeoiement intense.

C’en fut trop pour Isa dont les yeux débordèrent de larmes. L’aube cruelle lui arracherait ces images que tout mortel croyait mémorables. Elle pouvait regarder à s’en brûler les pupilles que rien n’y ferait : elle oublierait ce vertige qui la faisait vasciller, la chaleur des mains d’Elen qui l’avait rattrapée, les couleurs incendiaires de ce crépuscule qu’elle n’aurait jamais imaginées, ce vent doux qui caressait la nature dont elle se sentait à cet instant la minuscule partie d’un tout si parfait. Elle oublierait, inéluctablement. L’idée en était insupportable. Des sanglots secouèrent bientôt sa poitrine et elle cacha son visage dans ses mains.

Le Chaman réagit presque instantanément, se tournant au deux tiers vers elle pour l’étreindre. Pourquoi pleurait-elle ? Le spectacle n’était tout de même pas beau au point de l’émouvoir jusqu’aux larmes. La tristesse s’était bel et bien installée au coeur de la jeune femme.

- Que... Qu’as-tu, Isa ? fit-il sans subtilité, mettant les pieds dans le plat avec un tact exemplaire.

Elle secoua doucement la tête avant d’essuyer ses joues du revers des manches. L’embarras s’ajoutait au chagrin. Elen allait se sentir responsable...

- C’est rien, la fatigue... Je... Une aventurière de pacotilles tu vois....
- Allons, tu peux tout me dire, Isa ! Ne t’ai-je pas promis que je t’aiderai ? insista-t-il, pas dupe.
- Non ! Tu ne peux rien ! De la peur affleura dans sa voix. Je n’aurais jamais dû venir !

Elle avait tout gâché, autant couper court. Elle se leva malgré l’équilibre qui lui faisait dangereusement défaut, pressée d’en finir, de partir, de retourner à Lardanium où rien ne pourrait plus la tenter de braver l’interdit des Dieux. Y retrouver une vie insipide dont tout le monde se moquait, elle la première. Sa grand-mère avait raison, elle était incapable de profiter du bonheur, autant le laisser à d’autres...

- Isa, je...?

Seuls ses mots furent hésitants et empreints d’inquiétude; lui se mit immédiatement debout pour la retenir de peur qu’elle ne tombe. Il l’attira contre lui, comme dans le désert.
Il ne voulait pas qu’elle parte. Il ne voulait pas qu’elle pleure. Il voulait comprendre. Depuis qu’il la connaissait, il se doutait qu’elle portait un très lourd fardeau, seule. Et dès lors, le désir de la soutenir, de lui venir en aide avait germé en lui et poussé.

- Fais... Fais attention... Je ne veux pas qu’il t’arrive le moindre mal... Je... Je t’aiderai à redescendre... fit-il, visiblement blessé par la tournure des évènements.
- Je suis désolée... Dit-elle entre deux sanglots, s’accrochant à lui autant qu’elle voulait le fuir. C’est trop dur... Je ne peux plus... Faire semblant.
- Je ne comprends pas... Qu’est-ce qui t’oblige à feindre ? demanda-t-il, resserrant son étreinte, autant pour la rassurer que pour s’assurer une prise plus ferme : à une telle hauteur, une chute était à proscrire.

Les personnes qui connaissaient le secret d’Isa se comptaient sur les doigts d’une main. L’avouer pouvait signifier son arrêt de mort. Elle le savait mais ce poids l’étouffait un peu plus chaque jour. Même si l’accoutumance était quelque chose qu’elle ne pouvait appréhender, elle savait au fond d’elle-même que les choses devaient changer ou sa vie n’aurait jamais de sens. Et si quelqu’un comme Elen la trahissait, alors c’était que l’existence ne méritait pas d’être vécue, tout simplement. Rien de ce qui lui arriverait n’aurait plus d’importance.
Mais comment lui expliquer ? Comment prendrait-il le fait qu’elle lui mente depuis des saisons ?

- Demain... Demain je ne me souviendrai plus de rien, Elen. Elle cacha son visage dans le creux de son épaule. Plus de rien...
- Tu ne ?.. Comment ça ?

Si Isa s’était trouvée en face de lui ou avait pu voir son visage, elle aurait pu constater à quel point cette déclaration mystérieuse le surprenait. Le secret de la jeune femme, aussi simple qu’il était de par sa nature, se trouvait être relativement peu concevable pour le commun des mortels.

- Les pages que tu me vois écrire... C’est ça ma vie... Tout ce qu’il en reste... Je suis désolée Elen... Tellement désolée...

Soeur Alys lui avait dit que c’était ceux dont on ne se souvenait pas qui étaient blessés. Maintenant elle le comprenait. Après tout ce qu’ils avaient vécu, il était le seul à savoir; tous ces petits moments qu’elle ne retrouverait jamais et dont il était le seul détenteur... Combien de fois devrait-elle s’excuser pour que cela compte enfin ? Elle l’ignorait...



el Par Elen  le 20/02/2012 à 07:30

- Tout ce qu’il ?.. Ton journal... Tu veux dire que...

Les choses se mettaient en place. Dans son esprit, les briques élémentaires s’agençaient une à une pour construire ses hypothèses et les théories plus ou moins farfelues qu’il bâtissait afin de comprendre ce dont il était question.

- Demain tu ne te souviendras pas... de nous ?

Elle ne put répondre, tant les mots lui déchiraient le coeur. Mais les frissons qui la secouaient et ses larmes qui trempaient la tunique d’Elen ne laissaient pas d’équivoque. Les mains du Chaman remontèrent doucement le long du dos de la jeune femme, le frôlant. Il glissa ses doigts dans la chevelure de Isa, la caressant avec tendresse, tandis qu’une boule se formait dans la poitrine du Chaman.

Quel courage elle avait eu, jusque là, d’affronter l’adversité. S’il comprenait bien la nature de l’affliction de l’Olympienne, comment avait-elle pu le laisser déprimer ce soir là, dans le désert, alors qu’elle seule aurait eu le droit légitime de se trouver triste, et ce en tout instant de sa vie. Et pourtant, elle affichait cette joie, ce bonheur permanent de découvrir et de partager chaque moment comme s’il s’agissait du dernier. Comment Luwö avait-il pu laisser un être empli d’une telle bonté porter un fardeau aussi lourd ?

- Isa... Je... Est-ce que je peux ?.. Puis-je ?.. balbutia-t-il, cherchant à lui affirmer son soutien inébranlable., transcendant les nations, les races et les sangs.
- C’est... Sans issue Elen. Oublie tout ça, ne perds plus ton temps. Je vais... Rentrer à Lardanium. Je ne...
- Non... Rien n’est changé, Isa ! Rien n’est changé entre nous ! Si je dois te faire escalader cet arbre chaque jour pour te montrer ce spectacle, je le ferai ! dit-il, plus déterminé que jamais. Ne t’ai-je pas promis, ce jour là, que je t’aiderai à porter ton fardeau, quelqu’en soit sa nature ?

Elle hocha doucement la tête. Elle se calmait peu à peu, avec l’envie de croire que tout était possible. L’étroit contact d’Elen et sa détermination la rassuraient. Pourtant, dans un recoin de sa tête, elle savait qu’ils ne faisaient que tisser un voile d’illusions et plus dure serait l’inévitable suite. Il souffrirait. Plus qu’elle... Grands Dieux, qu’avait-elle fait...
Elle releva la tête. Il était temps qu’elle le tranquillise à son tour, qu’elle tisse avec lui son petit bout de voile... Cela ne résisterait que jusqu’au lendemain mais le pire serait passé.

- Ce n’est pas si grave, tu sais... C’est juste que des fois... Il y a des choses dont je voudrais me rappeler... Plus que quelques lignes... Mais je suis heureuse sur le moment, ça je le sais. Ce soir, c’était merveilleux. Et c’est toi qui me l’as offert.

Il comprenait le désarroi de la jeune femme. Et il n’aurait pas été un bon Chaman s’il n’avait pas sentit qu’elle cherchait à endormir sa vigilance. Après tout, n’était-ce pas là l’un de ses tours favoris lorsqu’il souhaitait ménager un ou une amie ?

- Regarde, Isa. dit-il, désignant les cieux à présent étoilés. Les étoiles ont-elles besoin de se souvenir de nous pour qu'on les regarde ? Leur beauté est intrinsèque, Isa. Elles continueront de briller, et ce pour tous les mortels, et en tous temps. Je ne prétends pas connaître la nature de ce qui t'affecte, ni posséder le remède et encore moins pouvoir te consacrer chaque instant de mon existence. Mais dès que mes obligations me le permettront, je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour chercher une solution, si tu le veux bien. Mais comment pourrais-je t'aider si tu décides de me fuir ?
- Ça m’est interdit, dit-elle en un souffle. La crainte s’entendait de nouveau dans sa voix. Les Dieux ont voulu qu’il en soit ainsi, je ne sais pourquoi, mais c’est comme ça. Au Havre, on m’a dit que si je cherchais à me débarrasser de ce don, je serais maudite. Et ma grand-mère me l’a confirmé.

Quels Dieux permettraient une telle chose ? Certainement pas des Dieux qui récompensent. Certainement pas Luwö, par conséquent !

- S’ils t’ont affirmé que tu ne devais pas le résoudre par toi-même, Isa, c’est probablement pour une excellente raison. Peut-être est-ce parce que ton destin est de rencontrer quelqu’un qui t’aidera et te sauvera. avança le Chaman.

Dans la politique, les propos cachaient parfois tout autre chose, voir le contraire. Et les manigances divines avaient souvent, dit-on, des traits communs avec les ronds de jambes de ceux qui dirigeaient les peuples. Alors pourquoi les affirmations des prêtresses ou de Isandre seraient-elles différentes; il grimaça en songeant à celle qui l’avait torturé et manipulé pour lui extorquer des informations.

- Je ne serais pas une amie si j’acceptais de faire de ta vie un cauchemar. Tu sais jusqu’où les Dieux peuvent aller... Mon existence n’est pas idéale mais je m’en accommode, j’ai mes petits secrets... Cela pourrait être tellement pire...
- Isa... Je vais te dire un secret moi aussi : je suis déjà condamné. Je ne sais pas si tu as entendu ce qu’a dit l’Oracle Karnage lorsque notre bien aimée Reine No’irin Kai’tlin a réclamé l’union pour lutter, ni si tu l’as écrit dans ton journal. Une chose est certaine, Isa : tous ceux qui ont frayé avec l’Ennemie sont morts aujourd’hui ou voués à un sort bien pire que la mort. Une lettre que Marcus a transmise aux Faucons l’a confirmé.
Il est maintenant supplicié dans les Enfers; le Dément qui provoqua le déchirement des clans et qui fut corrompu par un artefact qu’Elle contrôlait subit la même peine. L’Oracle Hardaway a dû devenir un Vivant parmi les Morts...


Il fit une pause tandis qu’il la faisait se rasseoir doucement sur la branche, tout en la maintenant dans son étreinte protectrice. Avant de poursuivre, il eut un sourire amer.

- J’ai frayé avec elle autant qu’il a été possible de le faire, Isa.
- Non ! Contredit-elle avec force. Tu l’as combattue, à chaque seconde ! Je l’ai vu ! Et ça je m’en souviens, Elen. Tu l’as battue à la fin, qui peut en dire autant ?
- L’ai-je combattue ? Ou nous a-t-elle abusé en nous le laissant croire, avec pour seul but de provoquer cette bataille entre elle et moi dans le monde des esprits, la Reine à mes côtés, pour causer la perte de No’irin ?

Il fit un mouvement de tête de dénégation.

- Non, Isa, je te l’affirme, j’en ai la quasi certitude : j’ai joué son jeu. Et quand bien même cela ne serait pas le cas, les divinités ou les peuples auront besoin d’un bouc émissaire. Ce n’est qu’une question de temps.
Aussi, je t’aiderai, Isa, je t’aiderai jusqu’au bout ! Je t’aiderai car tu le mérites ! Je t’aiderai parce que tu as cru en moi dès les premiers instants alors que tout dans ce monde faisait de moi ton ennemi !


Et maintenant, au beau milieu de la Forêt des Cendres, elle avait remis sa vie entre ses mains; Pour lui gâcher la sienne... Quelle ironie. Était-ce là le dessein ultime des Dieux ? Jouer... Jouer encore jusqu’à ce que tous leurs pions soient brisés. L’énergie la quittait et elle se sentait devenir une poupée de chiffon dans les bras d’Elen.

Le Chaman desserra le cercle de ses bras pour la considérer un instant, un sourire plein d’espoir sur les lèvres. Plongeant son regard dans le miroitement troublé par les larmes de ses yeux d’ambre, il murmura :

- J’ai foi en toi.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 20/02/2012 à 11:31

Plus touchée par les mots d’Elen qu’elle n’aurait voulu le montrer, elle se refusait cependant à choisir une destinée qui ne lui appartenait pas. Céder à ses souhaits qui bordaient les limites de sa conscience, rompre son atroce solitude et lui dire oui, c’était l’enchaîner à elle de la pire des façons. Lui dire non serait futile car elle savait qu’il insisterait encore et encore... Le choix était trop difficile pour le peu de forces qui lui restait. Elle chercha un autre sujet sur lequel se défausser : sous le regard intense d’Elen elle réalisa le pauvre spectacle qu’elle devait offrir, avec les yeux et le nez rougis, l’air hébété d’épuisement... Un sourire d’auto-dérision se peignit sur ses lèvres et elle lança au Loup :

- Dire que je m’étais pomponnée...
- Et ça t’allait très bien... Tu recommenceras demain ! Tu as une chambre à toi avec tout ce qu’il faut !

Il eut un mouvement de tête désinvolte, désignant la cime des arbres.

- Veux-tu rester encore un peu ici, pour discuter et admirer le spectacle que nous offrent les cieux ou retrouver le plancher des vaches ?
- On peut rester encore un peu... Dit-elle d’une voix presque enfantine.

Avant de s’endormir, il faudrait qu’elle réfléchisse à ce qu’elle devrait faire le lendemain. Et l’écrire. Peut-être partirait-elle comme une voleuse... Ce serait sûrement le plus sage pour eux deux. Alors si cette soirée était la dernière qu’ils partageaient, un peu naïvement voulait-elle en profiter jusqu’au bout.

- Laisse-moi te faire un cadeau... murmura-t-il, avec une certaine tendresse. Je sais qu’il te plaira... Tu me l’as dit, déjà...

Passant un bras par dessus l’épaule de l’Olympienne, l’attirant plus près de lui, il chanta pour elle la chanson de Neleth et Aelion d’une voix douce et envoûtante. Il voulait la rassurer, lui faire oublier ses soucis et lui offrir l’opportunité de se perdre dans l’immensité du firmament étoilé. La nuit, sans lune, opaque et vide, il la trouvait pourtant belle.

La chanson s’acheva sur son épilogue à la fois triste et plein d’espérance. Il se tut, observant du coin de l’oeil sa compagne. S’était-elle assoupie ? Peut-être. En tout cas, sa respiration s’était calmée. Il lui avait peut-être rendu une part de sa sérénité, bien qu’il ne doute pas un instant des cogitations qui devaient habiter l’esprit de la jeune femme. Il garda le silence jusqu’à ce que finalement :

- Isa, je peux te confier un secret ?

Bien calée au creux de l’épaule du Loup, la jeune femme releva à peine la tête. Elle avait retrouvé son attitude détachée, juste bercée par ce chant qu’elle aimait, merveilleusement servi par la voix d’Elen, les yeux mi-clos. Elle luttait contre le sommeil et la question d’Elen vint l’y aider. Un secret ? Avec elle, il serait bien gardé...

- Oui bien sûr Elen. Dit-elle dans un murmure.
- Mon vrai nom... Je m’appelle Ereinlen...
- C’est joli. Fit-elle en premier lieu, sensible à la poésie des sonorités. Mais...

En quoi était-ce un secret ? Pourquoi lui disait-il cela maintenant ? Elle haussa un sourcil et se redressa davantage pour capter le regard du Chaman.

- Mais pourquoi tout le monde t’appelle Elen ?

Elle pouvait comprendre que les proches usent de diminutifs mais les notables l’appelaient ainsi pareillement... A Lardanium, cela aurait été loin d’être correct.

Elen est le diminutif que mes parents m’ont choisi et que j’ai choisi d’adopter. Les noms, Isa, sont un bien précieux, tu sais ? Les Loups ne se présentent qu’avec un surnom ou un diminutif. expliqua-t-il, bien conscient que cette tradition, aussi importante soit-elle dans son clan, les présentait aux yeux des autres comme des barbares supersticieux.

Elen faisait parti des Loups prudents : il avait déjà confié son vrai nom à son mentor Kowü, à la Reine No’irin Kait’lin par inadvertance - l’avait-elle envoûté pour qu’il lui donne un tel pouvoir ? - à sa première fiancée et à Nil, bien entendu. En plus de ses parents, l’Ennemie l’avait appelé ainsi, prenant un ascendant non négligeable sur son âme, et Le Chien, l’esprit lié à Ambre. En dehors de ces esprits, qui devaient pouvoir dérober l’identité des Elfes des Lunes au cours des transes, nul autre ne connaissait son vrai nom.

Isa lui inspirait confiance. Il avait ce sentiment profond qu’elle ne ferait rien qui puisse lui nuire. Un secret, lorsqu’on le disséminait, n’en était plus un. Mais il sentait qu’elle comprendrait...

- Je te fais don du “Soleil Heureux”. Prends-en grand soin.

Elle le regarda longuement. Elen ne parlait pas de ses traditions à la légère. Jamais. S'il lui dévoilait quelque chose en ces termes, c'est que son importance dépassait ce qu'il avait bien voulu lui en dire. Pourquoi faisait-il cela ? Pour les mettre à égalité ? Évidemment il s'était rendu compte de la valeur des confidences d'Isa. Même si elle n'avait pas voulu en arriver là… C'était fait. Elle lui avait donné une arme capable de réduire sa vie à néant. Était-ce pour l'assurer de la confiance qu'elle pouvait avoir en lui qu'il lui confiait une sorte d'équivalence ? C'était adorable… Mais bien trop dangereux.

- Soleil Heureux… Qui l'eut cru… Alors qu'elle le savait si souvent semblable à une lune triste et solitaire errant dans la noirceur de nuits incertaines… Je saurai te le rappeler, Ereinlen.

Sa “menace” ne valait pas grand-chose. Ce serait folie de noter le nom sur ses pages qu'elle pouvait perdre ou se faire voler. Mais Elen aurait la mémoire pour eux deux, il y repenserait à coup sûr durant ces moments où la mélancolie chercherait à l'envahir.

- Je compte là dessus, Isa.

Il afficha un sourire emplit de tendresse, que l’Olympienne ne put manquer. Il songea à quel point par le passé il correspondait en un sens à ce “Soleil Heureux” que sa mère avait vu les premiers jours de son existence : babillant et gesticulant, plein de vie et curieux de tout. Un gamin comme tout le monde en voulait, en somme. Pourtant, il savait qu’il ne fallait pas se limiter à une interprétation littérale du sens du nom. Sinon, pourquoi deux Loups porteurs du même nom ne partageaient généralement pas la même destinée ?



el Par Elen  le 21/02/2012 à 08:26

Tout en sachant qu’elle ne se souviendrait probablement pas de ses explications, il tenait à ce qu’elle comprenne les implications d’un tel don. Il se plaisait à voir dans le regard de l’Olympienne l’intérêt qu’elle portait à la nouveauté. Sa curiosité, presque enfantine parfois, attendrissait le Chaman.

- Les miens croient énormément aux pouvoirs des noms, Isa. Je ne pense pas cela ait son égal parmi les autres peuples, ni même parmi les autres clans. Le nom est, dit-on, le reflet de la destinée d’un individu. Je crois qu’en vérité, c’est le Totem qui nous le donne par l’intermédiaire de nos mères.
Lorsque tu connais le nom de quelqu’un, Isa, tu es en mesure d’influer sur sa destinée, de l’en écarter ou de l’en rapprocher. Certains rites totémiques et certaines des plus puissantes malédictions de l’Opalescencia utilisent les noms pour atteindre leur cible.
C’est pour ça que j’utilise mon diminutif pour toute autre personne que celle en qui j’ai confiance...


Les Loups craignaient la magie, car peu d’entre eux la comprenaient. Dans les grimoires de la bibliothèque de la Tanière sommeillaient des sortilèges anciens, interdits et dangereux, capable de changer entièrement la vie d’un individu, voir même d’un groupe ! Il avait lu certains de ces rituels claniques et quelque unes des malédictions d’Opalescencia qui atteignaient l’apogée de leur puissance lorsque le nom de naissance de l’individu cible était utilisé comme vecteur.

- Tu n’as pas à faire ça, Elen. Ca me fait plaisir que tu me dises ce genre de choses mais... Je ne serais jamais venue seule ici si j’avais l’impression de redouter quelque chose de toi. On n’a pas besoin d’être à égalité...

Peut-être qu’elle se trompait, que ce n’était pas une forme de donnant-donnant risqué. Mais cela y ressemblait bien pourtant et ce n’était nullement nécessaire. D’abord flatté par la confiance qu’elle lui témoignait, il aurait voulu lui dire qu’il le lui aurait donné son vrai nom, qu’elle lui ait ou non révélé son secret, mais elle ne lui en laissa pas le temps :

- Si tu veux me faire plaisir, de nouveau, sois ce Soleil Heureux plus souvent. Sans arrière pensée, sans te demander quelle interprétation tu dois lui donner. On ne rend les gens heureux autour de soi qu’en l’étant un peu soi-même non ?
- Eh bien si tu veux savoir, je suis heureux de t’avoir appris mon nom. Et d’enfin connaître ton secret. Répondit-il, sans pouvoir s’empêcher de sourire.

Les étoiles étaient si belles, ce soir. Sans la clarté des lunes, les cieux scintillaient de mille feux. Ici la constellation de Luwö, là-bas celle de Zeus, entre elles celle du Muguet et plus loin celle des Amants...

Elle sentit brièvement mais intensément le baiser tendre que le Loup déposa sur son front. Le Loup étendit sa cape sur la jeune femme, pour briser les élans de l’air qui fraîchissait après le crépuscule. Tout lui soufflait de protéger la jeune femme, par tous les moyens. Il n’aurait su l’expliquer : ce singulier instinct se trouvait encré profondément en lui, et ce dès les premiers instants de leur rencontre dans les galeries...

Isa eut un moment de surprise qui s’envola vite. Elle le remercia d’un sourire. C’était tellement lui, même pour le peu qu’elle s’en souvenait. Un grand frère improbable issu de l’armée ennemie qui se mettrait en quatre pour elle et n’hésitait qu’elle comptait pour lui. On était bien loin des carcans olympiens... De tout ce qu’elle avait appris, de sa façon d’être plus distante lorsqu’elle en avait la force. Etait-ce plus simple ? Ou plus compliqué en vérité ? Elle baissa les yeux et s'emmitoufla dans la cape. Y avait-il une petite chance que le tissu fasse une barrière efficace contre certaines pensées incongrues ? Ses espoirs furent ruinés lorsqu’elle huma le parfum subtil d’Elen qui l’imprégnait.

- On devrait peut-être rentrer. Ils vont se demander s’il ne t’est rien arrivé...
- Peuh ! Ne t’inquiète donc pas de ce que pensent les autres. Ils me croient immortel ! Et plus encore depuis que je suis Chaman ! déclara-t-il, étouffant un rire. Ils s’imaginent sans doute que j’ai trouvé un moyen de te capturer, pour tout te dire ! Quels grands idiots !
- Il doit y avoir des geôles plus misérables,fit-elle en jetant un coup d’oeil au panorama. Elle ajouta, avec une pointe d’humour : Je ne me plaindrais pas d’être obligée de rester là... Ta femme ne va pas te gronder ? Chaman ou pas, cela ne se fait pas de rentrer trop tard au bercail.
- Pourquoi me gronderait-elle ? Un hôte se doit de s’occuper de ses invités ! Et il n’est pas si tard que ça ! énonça le Loup, sur un ton malicieux. Mais si tu es fatiguée, je te raccompagne alors !

Le Chaman se leva, sûr de son équilibre, puis il aida la jeune Olympienne à l’imiter à son tour, lui tendant la main. Il lui laissa sa cape, pour que sa douce peau ne soit pas exposée à la morsure du vent durant la descente. Lorsqu’ils se furent éloignés de l’extrêmité de la branche et qu’ils furent de retour au coeur de l’entremêla végétal jaillissant dans tous les directions, l’obscurité se fit plus totale encore.

- Il fait un peu noir pour renouveler ton exploit de tantôt. Puis-je ? demanda-t-il, l’invitant à se rapprocher un peu plus de lui.
- On pensera aux lampes la prochaine fois ! L’exercice devenait périlleux. Elle tâtonnait du bout des pieds plus qu’elle ne marchait en rejoignant Elen comme il le lui demandait.

Il la souleva pour la porter dans ses bras. Instinctivement, elle passe les siens autour de son cou avant de se demander si tout ceci était vraiment raisonnable dans cette obscurité d’un noir d’encre... Il échangea un instant un regard avec elle, puis il entreprit de la ramener là où ils avaient escaladé le tronc. Il progressait rapidement, connaissant le chemin de jour comme de nuit, à force de l’avoir emprunté tant et tant de fois. Il marchait avec souplesse, sans sauter, d’une branche à l’autre, veillant à réduire autant que possible les secousses. La jeune femme ferma les yeux et se garda bien de dire un mot : Le Loup avait l’air de connaître son affaire, mais mieux valait éviter de le déconcentrer...

Bientôt, ils furent de retour à la grosse branche adjacente à la piste qu’ils avaient suivie sur le tronc. Il la déposa sur le bois ferme et épais.

- Et voilà, Isa ! Nous y sommes presque. Tout va bien ? s’enquit-il.
- Oui oui Elen ! C’est facile comme ça ! Fit-elle en souriant, maintenant qu’ils étaient arrivés entiers.
- Attends moi quelques instants. répondit-il, souriant.

Il se rapprocha du tronc et fouilla un creux non loin de la branche. Une ancienne loge de chouette ou quelque chose d’approchant. Il en tira une corde d’une belle longueur.

- La descente sera bien plus facile que la montée ici aussi, tu vas voir. annonçait-il tandis qu’il s’attellait à nouer solidement la corde autour d’une branche massive toute proche. Tu auras besoin d’aide ? Ou tu sauras te débrouiller ?
- Ca ira, ça je sais faire ! Assura-t-elle, bien que la hauteur restante fut encore impressionnante. Au moins là, pas besoin d’y voir !
- Après toi, alors fit-il, accompagnant ses paroles d’un geste galant.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 21/02/2012 à 13:00

La jeune femme empoigna la corde et descendit tranquillement. La nuit devenait un peu plus claire au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient des branchages denses et cela facilitait leur progression. La racine gigantesque se raprochait, inlassablement, et avec elle la promesse de se retrouver, enfin, sur le sol fertile de la Forêt des Cendres. Elen suivit Isa de quelques minutes, ayant attendu qu’elle ait atteint le sol avant d’effectuer à son tour la descente en rappel, de peur de perturber l’Olympienne.

- Et voilà. Voilà l’un des lieux qu’aucun Noble n’a jamais foulé et qu’ils ne soupçonnent pas le moins du monde. Et si tu m’en laisse le temps, je t’en montrerai d’autres. Tu seras étonnée de tout ce que cache notre forêt !
- C’était magique, Elen. Et vraiment gentil de m’y amener. Je suis désolée d’avoir un peu gâté ce moment... Je réalise que ce n’est pas donné à tout le monde. Et c’est pour ça que... J’aurais voulu...

Elle se doutait qu’il comprendrait ce qu’elle n’arrivait pas à exprimer. Trop d’attention à son encontre, trop d’émotions qu’elle n’avait pas su gérer. C’était si rare... Elle espérait seulement qu’il saurait qu’elle lui en était reconnaissante.

- Tu n’as rien gâché, Isa. dit-il, plongeant son regard avec intensité dans celui de la jeune femme, comme pour l’en convaincre. Aurais-tu imaginé lieu et instant plus propice à partager ton fardeau ? Note bien ceci dans ton journal : je te ramènerai là haut autant que tu le voudras. Tu n’as qu’à me demander. ajouta-t-il avec un grand sérieux, avant d’enchaîner : Évite les saisons froides, par contre...
- Même ici, avec le plus beau des couchers de soleil, ça ne serait pas arrivé si ce n’avait été avec...

“Toi... “ Elle s’interrompit, certaines choses ne pouvaient pas se dire. Et là était l’ironie. Le seul qu’elle aurait voulu avoir pour confident était celui qui ne méritait absolument pas de se trouver avec un tel secret sur les bras, en plus de tous les soucis qui l’occupaient déjà. Elle esquissa un sourire.

- Mais promis, pas quand tout sera gelé.
- Allez ! Viens ! Tu dois être affamée après tout ça ! poursuivit le Loup, étrangement enjoué, et par conséquent étranger à l’interruption précédente de son interlocutrice. Nous allons voir si nous pouvons nous dénicher un petit quelque chose à manger en cuisine ! ajouta-t-il, l’invitant à le suivre tandis qu’il reprenait le chemin qu’ils avaient emprunté à l’aller dans l’autre sens.
- Bonne idée ! Mon royaume pour un bol de soupe fumante ! Lança-t-elle en lui emboîtant le pas.

Ils rentrèrent rapidement à la Tanière et partagèrent un repas bien chaud dans la salle commune. Ils y retrouvèrent d’autres Loups dont l’épouse du Chaman et la camaderie fut de mise, chacun y allant de son anecdote du jour.

Isa eut droit à sa soupe, bien entendu, puis à de la viande de volaille à la mode louve, rehaussée de divers herbes aromatiques et rôtie dans les cheminées. En guise de dessert un choix varié de fruits de saison, cultivés par les Loups eux-mêmes, contentèrent toute la tablée.

Elle goûta aussi, bien qu’Elen l’ait prévenue que c’était à ses risques et périls, un vin de production locale. Des herbes lui donnaient une saveur fumée pour tenter de dissimuler son fond aigre... Les Nobles ne se privaient pas pour appeler ce breuvage “la piquette des Loups”. Mais s’ils n’étaient pas doués dans la confection de vin de table, les Loups se rattrapaient sur les gnôles en tous genres, qu’ils proposèrent à la jeune femme en guise de digestif.

Ils se séparèrent après le repas, le Chaman souhaitant la bonne nuit à Isa, et lui rappelant que si elle avait besoin de quoi que ce soit, elle pouvait le faire mander ou s’adresser à n’importe quel Loup. Quelques-uns des Elfes, chargés de la surveillance notamment, ne dormiraient pas et pourraient l’aider, en cas de besoin.

Une fois dans sa chambre, deux étages plus bas, le Chaman eut presque autant de mal à tomber dans les bras de Morphée que dans ceux de son épouse. Mais que lui arrivait-il ? Les étranges sentiments qu’il éprouvait, son esprit vagabondant loin des pâturages habituels et les pensées coupables qu’il ne pouvait contenir, tout cela lui avait ôté toute envie de dormir. Il ne souhaitait qu’une seule chose : qu’elle reste, quelques temps au moins, et qu’elle lui donne sa chance... Une chance de l’aider... De lui prouver que ses paroles n’étaient pas vaines...

Isa le remercia pour tout. Ces dernières heures, dans l’arbre vénérable puis autour de cette table aussi simple que conviviale l’avaient projetée dans un monde qui lui semblait terriblement familier bien qu’à des lieues et des lieues de ce qu’elle connaissait. Une expérience exceptionnelle. D’autres auraient pu dire inoubliables...

La réalité la rattrapa quand son regard se posa sur sa besace, la porte close sur sa chambre silencieuse... Si elle fermait les yeux, l’objet de malheur allait-il disparaître ? Elle ne voulait plus de ces feuilles à noircir de lignes encore et encore tous les soirs. Mais elle n’avait pas le choix. La mort dans l’âme, elle alla chercher les parchemins et de quoi écrire. Les règles étaient simples : ne pas mentir, ne rien cacher. Plus facile à dire qu’à faire, être honnête envers soi-même ne coulait pas toujours de source.

La Tanière, 11ème jour de la Grande Cuvée,

Ma soeur,

Nous voici arrivés à la Tanière. C’est immense, des gardes pourront t’aider à trouver ton chemin.

Pour notre première visite, Elen m’a emmenée dans les branches de leur Chêne, cet arbre dont on voit les grosses racines tout autour de la bâtisse.
C’était un moment si particulier en sa compagnie... J’ai flanché. Au point de ne pas me reconnaître. Au point... De lui avouer notre secret. Je lui ai dit, voilà. Je n’aurais pas dû. Mais c’est Elen. Je sais que tu ne crains rien. Ne me demande pas pourquoi, je le sais c’est tout.
Il a dit qu’on pourrait y retourner quand on voulait. Tu verras c’est magnifique. Alors tu comprendras et tu ne m’en voudras plus.

Lui aussi m’a confié un secret, son nom véritable qui peut influer sur sa destinée. Il n’était pas obligé. Il veut que je m’en souvienne, mais tu seras d’accord avec moi, ce n’est pas prudent de l’écrire. S’il insiste, parle-lui du jour de lecture mais tu ne seras peut-être plus ici à ce moment-là. Je vais t’expliquer pourquoi.

Je crois que mes sentiments pour lui changent. Je n’en suis pas sûre, c’est difficile à dire. Mais n’oublie pas : il aime sa femme. Passionnément. Tu es juste une amie, une petite soeur peut-être, d’une certaine façon. Ne va pas t’imaginer des choses, même s’il te témoigne une affection sincère.

Je n’ai pas décidé de ce qu’il fallait faire. Voilà des heures que j’y réfléchis. Rester encore un peu sera-t-il tenable ? Je le mets en danger s’il s’obstine à vouloir m’aider. Je perds tout ce à quoi je tiens si je pars... Je vais être lâche et te laisser choisir. Dans un contexte plus apaisé. Demain. Ou après-demain. En priant qu’un jour, il ne soit pas finalement trop tard.


Elle prit soin de laisser le parchemin sur la table de chevet puis ôta ses vêtements pour se glisser dans une chemise plus légère. C’était vrai qu’il faisait bon. Le mur collait un mur tiédi par le foyer des cuisines. La nuit serait douce dans ce nid moelleux. Recroquevillée sous les couvertures, elle s’accrocha tant qu’elle put aux images et aux sensations de la journée; jusqu’à ce que le sommeil ne finisse par gagner et ne les emporte pour toujours.