Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Attirance
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Attirance
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Dernière réponse le 01/03/2012 à 19:59

el Par Elen  le 24/02/2012 à 17:29

Précédemment...



Dans la clairière des Ombres Cendrées, les Loups et les Louves s’affairaient. Elen avait disparu dans sa bibliothèque, disait-on. Il avait prétexté avoir des recherches importantes à effectuer. Et nul ne l’avait revu depuis. Le Clan avait l’habitude de ne pas voir leur Chaman et il était notoire que ses prédécesseurs aient possédé des particularités qui les écartaient un peu plus du reste des Loups. Celle de Elen était sans nul doute de passer sa vie dans les grimoires.

Evonis, lui, cueillait des fruits, nombreux en cette fin de saison chaude : poires, pêches, prunes, raisin... Il remplissait des paniers, aidé par quelques autres. Ces fruits serviraient aux repas, seraient confits ou séchés pour les saisons froides ou les voyages. Bientôt, il faudrait qu’il examine les framboisiers, les ronces où poussaient les mûres et les cassis.

- Evonis ! Evonis !
- Quoi ?

La brutalité de la réponse fit hésiter le jeune Elfe.

- Euh...
- Rhaa ! Maintenant que tu m’as dérangé, Estis, dis-moi ce que tu veux.
- Ca fait des heures qu’il est dans la bibliothèque, comme la dernière fois.
- Et qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? Il fait ce qu’il veut !
- Mais il y a un Corbeau qui est arrivé !
- Et tu ne pouvais pas me le dire plus tôt, bougre d’andouille ? lui lança Evonis. Remplace-moi !

Evonis laissa Estis poursuivre la récolte, le maudissant sur le chemin de l’entrée de la Tanière. Allez savoir où ils avaient fait attendre le Corbeau ! Sans Ashkas responsables, tous ces idiots n’en faisaient qu’à leur tête. Vivement que les Ashkas en mission rentrent !

- Toi, là ! Où est le Corbeau ?

Le jeune Edoniel sursauta. Visiblement il ne savait pas. Il ne prit même pas la peine de poursuivre la conversation ou de tenter d’expliquer quoi que ce soit au jeune Loup. Il pénétra dans la Tanière, se dirigeant d’un pas rapide vers l’ancienne ambassade. Dans son empressement, il bouscula quelqu’un...

- Mais tu ne pourrais pas... s’interrompit-il avant de poursuivre. Oh ! C’est vous... Désolé... Vraiment... Tout va bien ?
- Ouille ! Oui... Bonjour Messire... Bredouilla Isa.

Le coup de coude bien involontaire de Aksha l’avait sortie de ses pensées abruptement. Elle fit un pas sur le côté pour éviter dorénavant la trajectoire du Loup pressé.
Cependant, celui-ci ne semblait pas désireux de repartir immédiatement. Ce que Elen voulait de cette Olympienne, cela ne regardait que ces deux-là. Mais certains Loups pourraient mal interpréter sa présence à la Tanière.

- Pas de ça entre nous. Evonis. Simplement. Les “messires” ne sont pas pour nous, vous savez.
- Veuillez m’excuser, Evonis, Elen me l’a déjà sûrement dit cent fois au moins. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure... Surtout lorsqu’on ne se souvenait pas de l’identité des gens. Puis-je rester dehors ? On m’a dit aux cuisines qu’il y avait de l’ouvrage dans les vergers. Et cela me permettrait de profiter du beau temps.
- Vous voulez travailler ? demanda-t-il, supris. Oh... Eh bien je ne vois pas pourquoi je vous en empêcherais. Vous savez Elen vous a autorisée à circuler partout. Je ne vous cache pas que certains verraient d’un mauvais oeil de vous voir dans les quartiers des Loups. Mais si vous étiez accompagnée du Chaman ou de moi, personne n’oserait vous le reprocher. Bref, en tant qu’invitée, je ne saurai vous forcer à nous aider. Mais si c’est ce que vous souhaitez...
- Merci beaucoup Evonis. A plus tard alors ! répondit-elle avec un sourire.

Elle n’avait pas envie de s’appesantir sur les raisons qui l’incitaient à quitter la forteresse.

- Il est à la bibliothèque. lança Evonis par dessus son épaule, reprenant sa route. Amusez-vous bien !

Isa savait bien qu’Elen était occupé. Elle avait demandé son chemin aux gardes pour sortir des quartiers des invités. Et eux aussi avaient eu le réflexe immédiat de lui dire où se trouvait le Chaman. Mais elle ne voulait pas le déranger : il avait ses responsabilités de chef de clan qui passaient avant la villégiature de certains de ses amis.
Sans compter ce réveil troublant... Elle avait mis de longues minutes à rédiger ses notes pour le lendemain. Car tout recommencerait, inévitablement. Les confessions d’Elen devaient être arrangées pour qu’elle en comprenne le fond sans mettre pour autant le Chaman en défaut, si d’autres venaient à tomber sur les pages. Et cette fois elle les cacha dans sa besace avec les dessins de Dalhia.
Maintenant, prendre un peu l’air et effectuer des tâches simples lui feraient le plus grand bien.

Les arbres fruitiers étaient regroupés dans une zone plus ensoleillée que la clairière. Ainsi cela favorisait la maturation mais on était loin des plantations méthodiques des vergers olympiens. Elle aperçut les Elfes qui récoltaient.

- Bonjour ! Puis-je vous aider ?
- Oh... Euh... Oui, oui... Il y a des paniers par là... bredouilla Estis, en reconnaissant l’Olympienne.

Certains des Loups et Louves autour semblèrent se concentrer plus intensément encore, comme pour ignorer Isa. Estis en faisait visiblement partie. Mais d’autres ne semblaient pas plus perturbés que cela. Certains, même, osaient lui sourire.

Isa se servit dans la pile de paniers et commença à ramasser les fruits, imitant les Elfes à l’oeuvre.

- Moi, c’est Isa. Fit-elle pour se présenter.

Les Elfes semblaient peu locaces. Ils murmuraient parfois discrèment entre eux. Mais ceux qui se trouvaient près d’elle ne daignèrent pas lui répondre. Tout au plus lui adressèrent une fois encore un sourire.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 24/02/2012 à 18:17

Soudain, Isa sentit quelque chose tirer sur sa tunique. Une petite main fébrile, celle d’un jeune louveteau. Un groupe de gamins observait la scène de loin, comme s’il s’agissait d’un défi connu d’eux seuls. Le petit, qui ne devait pas avoir plus de cinq ans, semblait peu rassuré, comme s’il regrettait déjà son audace.

- Dis, m’dame, t’es une Olympienne ? demanda le petit curieux.
- Oui jeune homme, je viens de Lardanium. Expliqua Isa en souriant à l’enfant, à la fois amusée de sa question et soucieuse de ne pas lui faire peur car, à son air, elle le sentait prêt à déguerpir à la moindre alerte.Tu sais où c’est ?

Le gamin, visiblement rassuré par le comportement non belliqueux de l’Olympienne, se tortilla légèrement à sa question. La géographie n’était pas enseignée aux si jeunes Loups. Généralement, on les laissait s’ébattre et on les éduquait dans le but de les préparer à l’épreuve de Iltarion. Quelques notions de survie et de quoi se débrouiller : la chasse, reconnaître les plantes et trouver de l’eau saine.

- Nan, chais pas. Mais tu sais, les autres ils croivent que j’suis pas cap’ de regarder tes yeux ! Tu veux bien m’les montrer ?
- Hum...

La requête était étrange. Y avait-il des contes à dormir debout sur les yeux de sorcières olympiennes ? Servaient-elles de croquemitaines aux enfants désobéissants ? C’était possible... Elle joua le jeu.

- Tu es courageux j’espère ! Il n’y a qu’à cette condition que tu résisteras à ma puissante magie ! Sinon mon regard te transformera en pierre !
- Euh... Ouais... fit-il, visiblement de moins en moins rassuré.

Les autres, de loin, riaient entre eux, de le voir se déconfire à ce point. Pourtant, aucun n’oserait s’avancer vers elle pour savoir ce qui effrayait leur camarade.
Isa posa son panier et s’accroupit à hauteur de l’enfant puis croisa son regard, sans ciller. Le gamin hésita un peu avant de la fixer à son tour. Puis il s’écria :

- Ouaaaaaaaah ! Ils sont beaux !
- Tu es mignon ! Elle rit doucement en lui ébouriffant les cheveux.

Voyant qu’il n’arrivait rien à leur copain et que Isa se montrait à la fois coopérative et pas méchante, le reste du groupe arriva comme une nuée d’abeilles, pour la regarder droit dans les yeux. Certains tendirent même leurs petites mains pour lui toucher les bras et les jambes, comme pour vérifier qu’elle était bien réelle. Et les questions fusèrent :

- Ça fait mal ?
- Ils sont comme ça depuis quand ?
- Pourquoi tu as un tatouage ?
- Il t’aime bien le Chaman ?
- Pourquoi t’es ici ?
- Tu aimes les fruits ?
- Tu veux jouer avec nous ?

Cependant, une gamine de six ans environ n’avait pas suivi le mouvement. Elle observait de loin. Ses amis lui adressèrent des signes de la main, mais elle les ignora.

Isa répondit comme elle put aux questions, parfois farfelues. Puis il fut temps qu’ils retournent tous à leurs occupations. Elle ignorait si leurs parents se trouvaient dans les parages mais ils n’apprécieraient peut-être pas qu’une inconnue de l’Empire accapare leur progéniture.

- Je connais une excellente recette de tarte, je vous la préparerai pour le dessert de ce soir si vous voulez. Mais il faut que je termine de ramasser les fruits, sinon pas de gâteau ! Retournez vous amuser maintenant, on se verra plus tard !
- OUAAAAAAAIS ! Crièrent les enfants avant de s'égailler derechef dans toutes les directions.

Le fillette attendit qu’il se soient éloignés suffisamment pour venir à son tour rencontrer Isa. Elle se campa à un pas seulement de l’Olympienne, malgré tout hésitante.

- Tu voulais me demander quelque chose ? Dit la jeune femme, voyant que la petite ne rejoignait pas ses amis.
- Tu... Tu connais ma maman ? Fit-elle, plongeant son regard dans celui de Isa avec intensité.



- Ta maman ? Répéta la jeune femme, étonnée. Je ne sais pas ma puce. Comment s’appelle-t-elle ?
- Edea, papa il m’a dit. Tu la connais ?

Ce prénom ne lui disait rien, malheureusement.

- Je suis désolée, je ne la connais pas... C’est une Olympienne aussi ?
- Papa il dit qu’elle avait des yeux comme toi. Et que c’était les plus beaux yeux du monde. Tu la connais pas ?

Isa secoua la tête, l’air navré. Mais elle s’approcha pour murmurer quelque chose à l’oreille de l’enfant, sur le ton de la confidence :

- Ton papa s’est trompé. C’est toi qui as les plus beaux yeux du monde. Il doit être très fier.

Les dernières paroles rendirent le sourire à l’enfant. Elle entoura le cou de l’Olympienne un bref instant, dans un geste enfantin.

- Va vite jouer et n’oublie pas la tarte ce soir !



el Par Elen  le 25/02/2012 à 18:26

Ce ne furent pas les propos d’Isa qui la firent partir mais l’arrivée d’un personnage vêtu tout de noir, tunique, cape et armure de cuir comprises. Il portait de nombreux colliers et bracelets de perles et de plumes. Ses cheveux de jais cascadaient jusqu’à ses épaules et ses yeux presque noirs surmontés de sourcils épais lui donnaient un aspect inquiétant, plus encore qu’une Olympienne. La gamine s’en fut sans demander son reste.

- Bonjour. J’aimerais vous parler. déclara l’inconnu, très direct.

Isa se releva lentement. La réaction de la fillette était un indice supplémentaire pour corroborer l’impression laissée par l’accoutrement du nouveau venu, qui dénotait des Elfes qu’elle avait croisés. L’avait-elle déjà rencontré ? Etait-ce un proche d’Elen ?

- Bonjour. Oui... A quel sujet ?
- En privé. Continua simplement l’Elfe sans prendre la peine de répondre à Isa.

Au ton, elle devina que c’était aussi “tout de suite”. Elle considéra son panier à peine rempli. Entre les enfants et l’Elfe qui l’abordait maintenant, sa récolte avait été maigre. Elle le déposa avec les autres avant de se laisser mener à l’écart.

Il l'entraîna au delà de la clairière, sous le couvert des arbres de la forêt des Cendres. Sa cape voletait à chacun de ses pas. Il passait les arbustes et les fougères sans se soucier du confort de l’Olympienne. En cela, la promenade différait en tout point de celles qu’elle avait faites avec le Chaman du Clan du Loup.

- Hey ! Attendez ! Finit par lancer Isa qui bataillait dans la végétation, ses sandales bien à la peine sur cet humus inégal parsemé de branchages.
- Nous sommes assez loin de toute manière. répondit le personnage, visiblement peu généreux avec les mots.

Il patienta quelques instants le temps qu’elle le rejoigne. Une poignée de pas furent encore nécessaires à l’Olympienne après qu’elle eut détaché des ronces du bas de sa tunique.

- Je vous écoute...
- Quelle est la nature de votre relation avec le Chaman Elen ? lança-t-il de façon laconique.
- Nous sommes amis. Un haussement de sourcils vint insinuer que ce genre de choses ne le regardait pas.
- Vous êtes sûre ? Pourquoi vous a-t-il invitée à la Tanière ?
- Pour... Pour que nous passions un peu de temps ensemble parmi les siens. Au calme, pour changer. Pourquoi ?
- Méfiez-vous de lui. avança l’Elfe pour seule réponse.
- Comment ça ? Insista Isa, voyant que l’explication risquait de ne jamais venir.
- Méfiez-vous de lui, simplement.

La conversation prenait un ton aussi surprenant que désagréable. Elle jeta un coup d’oeil à la ronde. Son instinct prenait le relais. S’il fallait se battre, elle n’était pas sans défense mais il fallait s’assurer que son adversaire potentiel était bien seul.

- Et pourquoi pas de vous, plutôt ? Qui êtes-vous ?

Lorsqu’elle focalisa de nouveau son attention sur l’Elfe, il s’était éclipsé. Cela n’avait duré que le temps d’un battement de coeur et pourtant il s’était volatilisé... Elle frémit.
Au sol se trouvait un bracelet composé d’osselets et de plumes noires dont la cordelette semblait s’être coupée. L’inconnu l’avait-il laissé tomber volontairement ou l’avait-il égaré ?
Elle se baissa, approcha sa main au-dessus de l’objet pour capter son aura magique s’il en possédait une, avant de le toucher. Elle ressentit un peu de mana résiduelle. Un charme était-il encore actif ? Ou le fait qu’il soit brisé indiquait-il qu’il avait déjà fait son oeuvre et n’agissait plus ? Elle le prit pour le montrer à Evonis et regagna le verger.
La rencontre étrange lui laissa un goût amer. Même ici loin de tout, au milieu de gens de confiance, les intrigues et les dangers la rattrapaient.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 25/02/2012 à 18:37

Isa cacha le bracelet, bien serré dans son poing fermé et rejoignit la porte de la forteresse. A un garde elle demanda :

- Excusez-moi, où pourrais-je trouver l’Ashka Evonis, s’il vous plait ?

Le garde fronça les sourcils avant de lui indiquer les quartiers des Loups au second sous-sol. L’escalier en colimaçon au fond du couloir principal l’y conduirait. Il lui demanda aussi si elle souhaitait se faire accompagner.

- Merci ça ira, je redemanderai en cours de route, si jamais je me perds. Connaissez-vous un Elfe, habillé tout en noir ? Il était là il y a quelques minutes... Son nom m’a échappé.
- Sans doute Xeïs, du clan du Corbeau. Il est sorti il y a quelques instants, oui.

Elle remercia de nouveau le garde avant de continuer son chemin dans l’immense bâtisse. Arrivée à l’entrée des quartiers des Loups, elle marqua tout de même une hésitation. Mais maintenant qu’elle était là... Elle compta les portes qu’on lui avait indiquées pour s’arrêter devant celle de l’Ashka. Elle allait toquer lorsqu’elle changea brutalement d’avis : si Evonis apprenait que ce Xeïs avait médit sur Elen auprès d’elle, cela irait aux oreilles du Chaman qui s’inquiéterait encore. Elle était assez grande pour se débrouiller toute seule et tirer tout cela au clair.
Elle remonta vite au premier étage jusque dans sa propre chambre. Là elle cacha le bracelet dans un tissu au fond de sa besace. Elle s’en débarasserait plus tard.

Quelqu’un frappa à la porte de la chambre de l’Olympienne.

- Oui ? Dit-elle après s’être assurée que tout était rangé.
- C’est moi, Isa. Je peux rentrer ? fit une voix familière étouffée par l’épaisseur de la porte.
- Oui bien sûr Elen ! Répondit rapidement Isa, tandis que le sourire revenait sur ses lèvres, toute conspiration oubliée.

La poignée joua et Elen passa la tête par l’entrebaillement.

- Je ne te dérange pas ?
- Pas du tout. Tu as fini tes recherches ? On m’a dit que tu étudiais à la bibliothèque.

Elle humidifia un linge propre pour nettoyer ses jambes des égratignures des ronces qui, maintenant, la démangeaient.

- Que t’est-il arrivé ? demanda-t-il, fronçant les sourcils, tout en refermant la porte derrière lui. Une promenade en forêt en dehors des sentiers ?

Le Chaman vint s’asseoir machinalement sur la tranche du plateau de bois qui décorait le pied de lit. Il ne s’était pas changé depuis leur entrevue du matin, une tenue simple, bien loin de celle officielle de Chaman. Isa ne l’avait jamais vu dans les vêtements qui correspondaient à son statut et il se prenait à se demander si cela lui plairait.

- Tout à fait ! Ce n’est pas à Lardanium que l’on peut profiter de cet environnement. Cela rend téméraire ! Dit-elle en guise d’explication.

Elle nota qu’il n’avait pas répondu à sa question et se tut pour lui donner l’occasion de le faire. Le Chaman n’avait pas oublié. Il avait simplement préféré, si l’on pouvait énoncer les choses ainsi, s’inquiéter pour le bien être de son invitée.

- J’ai lu un peu. Quelques traités sur la magie. Rien que je comprenne vraiment ,en somme. Pour chercher des précédents. Par rapport à ton... A ta particularité.

Isa secoua la tête alors qu’elle rinçait puis mettait à sécher le carré de tissu sur un petit portoir à coté de la coiffeuse.

- Elen... Tu ne dois pas chercher. Je ne... Je ne suis pas prête à me battre contre... Quoi ? Les Dieux ? Le Destin ? La nature injuste ? Ca. Laisse-nous... Laisse-nous un peu de répit. S’il te plait.

Elle ne savait plus comment lui demander d’abandonner. Au moins temporairement, qu’ils puissent profiter d’être ensemble à la Tanière sans préoccupation supplémentaire.
D’une certaine façon, le provisoire était devenu sa manière de penser depuis quelques temps. Rassurant, flou... On en grappillait l’agréable et le reste ne durerait pas. Il existait sans vraiment être là, comme elle...
Elle regarda par dessus son épaule vers Elen. La comprendrait-il ou ferait-il encore sa tête de mule ? Elle préféra lancer la conversation sur une autre piste.

Dis-moi, j’ai croisé une petite fille. Elle m’a demandé si je connaissais sa mère : Edea. Tu sais ce qui lui est arrivé ?

Le Chaman réfléchit un instant. En bon berger qu’il était il connaissait bien son troupeau, même si celui-ci était une meute de Loups et de Louves !

- La petite Erya ? Hum... Ethan, son père, un bakany respectable, a rencontré une Olympienne dans le désert. Les restes de la Rébellion de messire Dakon et de Gaver. La mère a eu une mauvaise fièvre quand la petite a eu deux ans. Et Hadès l’a emportée. Ethan est rentré avec Erya juste après.



el Par Elen  le 26/02/2012 à 11:05

Elen se demandait ce qui avait suscité la curiosité de l’Olympienne à propos de l’enfant. Avait-elle déjà vu des sangs-mêlés ? Ou était-ce encore une chose de plus qui entrait dans la catégorie des tabous ?

- La pauvre... Elle est si mignonne. Elle sourit avec une lueur maternelle dans le regard, ce qui l’amena à se souvenir du groupe d’enfants. Je leur ai promis des desserts pour ce soir, il ne faudra pas que je tarde.
- Ils en ont de la chance !

La curiosité piquée au vif, et aussi parce qu’il voulait savoir ce que les Olympiens de Lardanium savaient des évènements de Sigdil, il osa :

- Tu n’avais jamais rencontré d’enfants nés d’unions Olympoelfiques ?
- Pas que je sache, Elen. Ils doivent se faire très discrets dans l’Empire.
- Quand “l’autre” l’a appris, tu l’aurais vu rentrer plus encore dans son délire !

Le regard de l’Elfe s’était fait lointain mais Isa discerna dans le ton une ironie acerbe. Le Chaman poursuivit, dans une imitation caricaturale de son prédécesseur :

- N’est-ce pas la preuve que la paix est possible avec Lardanium ? Ne le vois tu pas ? Un soupir désabusé interrompit son imitation puis il expliqua. Il a rédigé une lettre à l’Impératrice Salminar, juste après ça. Quelle tête elle a dû faire quand elle l’a lue ! Est-ce qu’au moins elle savait ce qu’était un Elfe des Lunes à cette époque ? Alors un ambassadeur d’un clan qui lui écrit...
- Il a essayé. C’était quelque chose en laquelle il croyait. Il n’y a pas de mal à cela. Notre Impératrice est perspicace. Elle ne néglige rien. Je ne doute pas qu’elle ait su à qui elle avait affaire. Après... Elle a ses propres aspirations pour l’Empire.

Et la paix ne serait pas pour demain, non...
Elle observait Elen. Était-ce de la rancoeur qui le faisait être aussi dur avec Kowü ? Elle ne pouvait pas aller dans son sens, cette fois.

- Mais ce sera un beau jour, le jour où il aura raison.
- C’est certain... Moi je crois davantage aux actes individuels, comme... Comme ce qui nous unit. Mais les Peuples sont trop attachés à leurs rivalités, surtout ceux qui les dirigent. Une détermination froide aiguisa son regard. Cela changera, je te le promets. Et tu verras, tu t’en souviendras !
- Puissent les Dieux t’entendre Elen.

Elle lui sourit. Il y avait peu de chance que sa longévité d’Olympienne lui permette de partager ce moment avec le Loup. La route serait terriblement longue avant que les mentalités changent. Mais il semblait tellement persuadé...
Elle s’assit vaguement sur le rebord du petit bureau, à deux pas d’Elen. Le mouvement attira son attention sur ses jambes à peine griffées.

- Tu veux quelque chose ? Pour tes marques... Nous avons quelques excellents baumes qui limitent les démangeaisons et qui aident à la cicatrisation.
- Nonon, ce n’est rien du tout ! L’entrevue mystérieuse lui revint à l’esprit. Tiens, j’ai croisé un Elfe tout à l’heure. Il avait l’air... Différent. Tout en noir, mystérieux... Xeïs m’a-t-on dit. Qui est-ce au juste ?

Le Chaman sembla très surpris. Que faisait-il à la Tanière ? Qui l’avait invité à venir ? Et pourquoi personne ne l’avait prévenu lorsqu’il avait quitté la bibliothèque ? Que cet oiseau de malheur ait pris contact avec des Loups signifiait peut-être que les Corbeaux revenaient sur le devant de la scène. Contrariant, en un sens. Très contrariant.

- Tu as croisé Xeïs ?
- Oui au verger. Il ne passe pas inaperçu.
- C’est un Ashka du Clan du Corbeau. Un puissant mage, comme beaucoup d’entre eux. Versé dans l’Opalescencia autant qu’il est possible de l’être. Cela faisait des années qu’aucun Corbeau ne s’était manifesté, hormis Amhand.
- Ah, d’accord. C’est plutôt une bonne nouvelle alors ?
- Probablement... Mais son peu d’entrain se devait être expliqué. Je n’aime pas la magie, surtout celle de mon Peuple. Je t’ai raconté ce qu’en avaient fait les Araignées. Et bien les malédictions des Corbeaux sont loin d’être sympathiques. Et ils n’hésitent pas à s’en servir plus que nécessaire, en prétextant qu’ils ont des connaissances que nous ne possédons pas.

La politique avec les Corbeaux avait toujours effrayé Elen. Le fait que leur ancienne Intendante ait pu manipuler Kowü comme s’il s’agissait d’un vulgaire gamin était une preuve en soi. Ces dernières années, que ce clan se soit retiré avait largement servi les Cerfs et les Faucons et bien plus encore les Loups, les moins férus de magie parmi tous les clans.

Si jamais tu as un jour affaire à un Ashka du Clan du Corbeau, retiens bien ça : mieux vaut ne pas s’opposer à eux ouvertement.

Isa hocha la tête, ce serait noté. En tout cas, Elen ne montrait aucune hostilité ouverte envers l’étrange Elfe mais une méfiance nette, par contre. L’avertissement de celui-ci devait-il être interprété différemment ? Elle pourrait toujours y réfléchir plus tard.

- Isa... J’aimerais t’emmener pour une promenade en forêt, demain. Avec l’Intendante Aileen. Et peut-être aussi Dalhia. Il pourra fixer pour toi ce que nous verrons, éventuellement. Est-ce que cela te plairait ?
- Bien sûr ! Aileen est de bonne compagnie. Et Dalhia est adorable. Ses dessins m’aident énormément. Où irons-nous ?
- Ce ne serait plus une surprise si je te le disais !
- Oh le cachotier ! Et...

Et son épouse ? Elle ne venait pas ? Isa n’osa pas le demander.

- Mais je peux déjà te dire que nous allons sûrement nous baigner ! Pense à prévoir quelque chose pour ça, si tu n’aimes pas le faire... Hum... Au naturel. fit-il en fixant soudainement les rainures du parquet, troublé. Je connais un bon coin, à la Rivière Vive.

Par penser, il entendait noter. Mais il se refusait de souligner la situation d’Isa surtout lorsqu’elle semblait si enthousiasmée par le programme qu’il lui proposait. La baignade leur permettrait de se détendre et la Rivière Vive en cette saison était délicieusement fraîche.

- Euh... Et bien... Oui je farfouillerai dans mes affaires. Il y a bien une chemise qui conviendra... Ça sera amusant !



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 26/02/2012 à 14:31

Les joues de la jeune femme rosirent. Les bains à Lardanium étaient fréquents, mais dans des lieux non mixtes. Les femmes pudiques, rares, s’immergeaient avec de longues chemises très amples. Isa évitait ces endroits où l’on passait son temps en confidences à de parfaites inconnues. Pour profiter d’un bon bain, rien ne valait une chambre dans une auberge réputée.

- Tu sais nager ? s’enquit-il, tandis que ses pensées lui faisaient entrevoir un sauvetage héroïque de la demoiselle en détresse...

Il calma rapidement l’envolée lyrique de son esprit. Il n’aurait rien d’un héros s’il l’emmenait vers des eaux profondes sans qu’elle ne sache nager... Et la voir en danger ne l’amuserait certainement pas. D’où lui venaient des idées aussi stupides ? Quel imbécile il faisait !

- Non... Enfin... Je crois qu’on ne m’a jamais appris. Elle eut peur que ce détail fasse renoncer Elen à cette partie de la balade. Mais pour s’amuser à barboter, ça ne doit pas être nécessaire, si ? Ou tu me montreras ! Si je refais souvent les mêmes choses, j’en prends l’habitude, indépendamment du fait de m’en souvenir vraiment. C’est utile parfois...

Elle prit un air penaud : même pour des loisirs aussi enfantins elle était un fardeau.

- Je prendrai soin de toi, ne t’inquiète pas. Je te montrerai. Et si tu n’y arrives pas... Il poursuivit tout bas, même si cela n’empêcha pas la jeune femme de l’entendre : Et bien je te porterai.

Elle retrouva le sourire. Elen faisait preuve d’une attention permanente envers elle. Comment ce Corbeau de mauvais augure pouvait-il prétendre le contraire ? Ce n’est pas lui qui lui gâcherait ces moments ensemble, en tout cas.

- D’ailleurs, tant qu’on parle de ça... Tu te souviens peut-être quand on est arrivé sur les cols de Zagnadar en sortant des galeries naines. On n’avait pas dormi depuis des jours et des jours...
- Pas précisément, justement. Le manque de sommeil... J’ai été comme dans un état second jusqu’à ce que nous nous quittions après les évènements du Pilier Nord...

Elle avait effectué un rite, pour ce qu’il en savait. Mais dans quel but précisément ? Il n’en avait aucune idée. Il se souvenait de symboles étranges. Mais rien de plus précis.

- Tu... Tu as fait un genre de rituel ?
- En effet. Environ une fois par saison, les Cieux me permettent de me souvenir d’une journée. Ou de toute durée pendant laquelle je n’aurais pas dormi précédemment... Ce soir-là c’était ma dernière chance de ne pas oublier tout ce que nous avions vécu dans les Enfers sous Zagnadar. Tout est gravé dans ma mémoire, dans les plus petits détails. Ces rituels sont capitaux pour moi. Elen le comprendrait aisément.Je pourrai bientôt en refaire un. Si ce jour-là tu as des choses spéciales à me dire, fais-le, je ne serai pas obligée de le noter et je ne l’oublierai pas. Jamais.
- Jamais ? Alors... Tu... Quand sera la prochaine journée ?
- D’ici quelques jours. Je dois refaire les calculs, les grands voyages faussent mes estimations. Mais c’est dans peu de temps.
- Alors espérons qu’il fasse beau ce jour-là...

Il se leva, fit les deux pas qui les séparait pour se pencher et lui murmurer au creux de l’oreille :

- Nous retournerons au som...

Le Chaman se figea. Sa respiration ralentit inexorablement jusqu’à devenir imperceptible. Ses paupières semblèrent vibrer un instant avant de se clore. Son épaule droite s’illumina graduellement, à travers ses vêtements. Il vacilla, ses muscles mollissant. Et il chuta contre l’Olympienne.

- ELEN ! Cria-t-elle.

Elle n’avait eu que le temps de voir la lueur transpercer l’étoffe avant qu’il ne s’écroule. Elle le rattrapa comme elle put. Le poids du Loup les entraînait rapidement vers le sol et elle ne put qu’orienter la chute vers le lit tout à côté. Elen s’y retrouva à moitié étendu comme inconscient.
Elle continua à l’appeler et tapota sa joue pour qu’il se réveille. Son épaule irradiait intensément à présent et dispensait une douce lueur tandis que tout signe de vie semblaient s’être évanoui. Son coeur battait, mais à un rythme extrêmement faible, presque indécelable.
Sans vraiment savoir quoi faire, elle fit pivoter Elen de façon à libérer son épaule. Elle tira sur le pan de la tunique pour mieux voir la marque lumineuse. Comme pour le bracelet du Corbeau, elle chercha à définir la nature de la magie en se concentrant sur elle, sa main juste au-dessus. Etait-ce la trace d’une violente attaque magique contre le Chaman ? Si elle ne trouvait pas une solution d’ici quelques secondes, elle devrait appeler de l’aide.



el Par Elen  le 27/02/2012 à 14:06


Un Loup. Il court. Il court, dans une forêt dense. Il court. Et il est borgne. Inlassablement, il court. Et il est seul. La forêt défile à toute vitesse, infinie. Les arbres se ressemblent, comme s’il faisait du sur place.

Il y a un glapissement dans le lointain : des loups qui hurlent aux Lunes, de concert. Il accélère. Plus il les entend, plus il semble grandir. Il enfle, son poil lustré remuant, tandis que ses pates puissantes martèlent le sol.

Soudain, un son discordant se joint aux suppliques des loups aux astres, cassant l’harmonie de la mélopée. Comme le cri d’un oiseau. Un croassement ? Peut-être. Le son dissonnant fait cesser les cris des loups. Ou peut-être est-ce le grand canidé qui est devenu sourd...

L’oeil valide du loup saigne, mais il poursuit sa course, l’écume aux babines. Il n’est plus qu’à quelques pas. Il émerge tout près d’une maison, aux murs hauts et épais. Sans hésiter, le loup se jette dessus, suivi par la meute qui jailli des bois.

La maison est abattue aisément et le loup à présent aveugle s'assoit sur les ruines, se pourléchant les babines. Les pierres qui jonchent le sol semblent rougies par du sang, bien que personne n’ait été blessé lors de la destruction du bâtiment.

Le loup se dédouble, touché par un rayon des Lunes. L’autre le jauge, lui aboie passivement quelque chose puis s’asseoit, face à lui. Fou de rage, l’original se jette sur son jumeau et le réduit en pièces. Bien qu’aveugle, il semble n’avoir aucun problème pour voir. Une fois l’autre grand loup anéanti, il fond sur les autres, plus petits.


La marque, très semblable à une griffure de Loup, brillait avec toute la force du Finyë du Loup. Elle étincela encore quelques secondes avant que la luminosité ne décroisse finalement. Elle devint semblable à un tatouage à l’encre noire avant de disparaître totalement. La respiration du Loup redevint normale et, tandis qu’il ouvrait les yeux, il murmura :

- …met du Chêne sacré...

Les mots semblaient être sortis tout seuls. Cependant, le Loup fronçait les sourcils, perplexe. Non seulement il venait d’entrer involontairement en transe, mais surtout la jeune Olympienne était penchée sur lui, sa main placée au-dessus de... Au-dessus de son Saïka. Il s’empourpra, prenant une teinte pivoine.

- Elen ! Bon sang ! Tu... Tu... Ne refais jamais ça ! La voix de la jeune femme, visiblement choquée, traînait quelques hoquets de peur qu’elle essayait de contrôler.
- Ce... Ce... Ce n’était pas volontaire... Rien de grave... Une transe. Impressionnant... Désolé... balbutia-t-il, sans parvenir à s’ôter de l’esprit que la jeune femme avait aperçu son Saïka.

Maintenant qu’il avait repris connaissance, elle chercha à comprendre. Doucement, sans réaliser la gêne du Loup, elle effleura la peau d’Elen à l’endroit où le tatouage avait disparu. Il frisonna sous ce contact à la fois doux et sensuel : cela eut pour conséquence un regain d’intensité aux couleurs de ses joues.

- Qu’est-ce que c’était ?!

Il s’éclaircit la gorge, ne sachant absolument pas comment expliquer la chose. C’était un peu comme lorsqu’un gosse demandait comment on faisait les enfants. Ou pourquoi filles et garçons étaient différents. Comment répondre à ce genre d’interrogation, sans montrer à quel point le sujet était embarrassant ?

- C’est... C’était...

Il hésita encore une fois. La jeune femme prit cela pour de l’épuisement passager. Elle rabattit avec douceur l’étoffe sur l’épaule du Loup. Encore inquiète, elle vérifia méthodiquement la température à son front sans y trouver de signe de fièvre. Puis son pouls, un peu plus rapide que la normale mais fort et régulier... Elle fut sidérée que tout soit fini aussi vite que cela avait commencé. Rien ne laissait présumer une maladie quelconque, en tout cas.

- C’était mon Saïka. Tu... Tu l’as vu ?
- Comme un phare, Elen... J’ai cru que tu subissais une attaque magique, ou que sais-je encore. Tu m’as fait une de ces peurs !
- Ce... C’est... C’est assez gênant. fit-il, n’osant pas faire le moindre geste, l’Olympienne aux petits soins avec lui.
- Tu veux dire... Que j’aie vu ce tatouage ?... Je suis désolée... Qu’est-ce... Finalement elle renonça à sa curiosité, Elen était trop mal à l’aise. Non ce n’est pas grave. Du moment que tu vas bien.
- Non, non, non... Tu as le droit de me demander. Je... J’aurai aimé te montrer ça dans... Dans d’autres conditions...
- On en reparlera plus tard si tu préfères. Je t’apporte de l’eau ? Ou des fruits ? Fit-elle, pour ne pas harceler le Chaman.

Elle prit une main du Loup dans les siennes. Tandis que les afflux sanguins dans son visage commençaient à refluer, ce contact les fit reprendre, une nouvelle fois. Décidément, quel étrange pouvoir la jeune femme avait sur lui ? Il se sentait aussi vulnérable qu’un adolescent devant elle, plus encore que lorsqu’il avait rencontré Nil.

- Non, non, ça ira.
- C’est fréquent que ça se déclenche comme ça ? Tu aurais pu te fendre le crâne en tombant !
- C’est... Plutôt rare. Mais pas inconcevable.

La conversation reprenait sur un ton sérieux. Pourtant il ne pouvait cesser d’imaginer Isa entrain de contempler son Saïka. Cette marque, aussi intime qu’elle puisse être, l’était bien moins que certains des instants qu’il avait partagés avec l’Olympienne, et bien moins encore que d’autres choses. Au cours des derniers jours, l’idée de la lui montrer par lui-même, volontairement, avait trotté dans son esprit. Elle avait semblé curieuse d’en savoir plus, même si visiblement elle cherchait à le ménager. Mais comment aborder la question avec elle, alors que la gêne l’étouffait ?

- Que se passe-t-il, au juste, durant ces transes ? Tu semblais presque...

Elle déglutit, elle l’avait cru mort un moment qui lui avait paru une éternité.

- C’est impressionnant, comme je te l’ai dit. Plus profondément on s’enfonce dans le monde des esprits, plus le corps ralentit. Quand j’ai fait l’erreur de chercher ce qui dévorait l’esprit de mon Peuple et que j’ai rencontré l’Ennemie pour la première fois, cela a duré quatre jours. Et tu vois, je suis vivant. Ne t’inquiète pas...
- Quatre jours ?! Grands Dieux... Non je ne m’inquiète pas. Mentit-elle une fois de plus. C’était... Inattendu, disons. Et tu as vu quelque chose là-bas ?

Il repensa aux images, étrangement familières. Comme s’il savait pertinemment de quoi il s’agissait. Et pourtant, il ne comprenait pas les signes. Que voulait donc Luwö ?

- J’ai vu quelques images, oui. Rien d’exceptionnel.
- Bon... L’expérience n’avait pas été inutile, au moins. Si tu veux te reposer, je peux t’emmener dans tes quartiers et prévenir Evonis.
- Penses-tu ! Je suis frais comme un gardon ! lança-t-il, se relevant. Je serais même capable de danser une gigue !

Elle regarda furtivement l’épaule d’Elen de peur que la lumière revienne tandis qu’il fanfaronnait. Mais non, rien n’apparut, heureusement. Toutefois, elle n’avait pas envie de laisser le Chaman sans surveillance.

- Allons donc ! J’étais au verger à cueillir des fruits. On pourrait y retourner, un peu d’air frais te ferait du bien. Qu’en dis-tu ?

Ses récoltes contredisaient la longue balade en forêt qu’elle avait évoquée mais elle n’y pensait déjà plus. Elen, encore à chercher une signification pour sa transe, ne releva pas plus l’incohérence.

- C’est une excellente idée. répondit-il, lui tendant la main.

Elle la saisit et se leva. Sans y prendre garde, ils marchèrent main dans la main presque jusqu’à la porte. Elle le lâcha pour éteindre la lampe à huile sur la commode avant qu’ils ne sortent. Puis ils quittèrent la pièce ensemble.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 27/02/2012 à 15:49

Les enfants avaient apprécié les pâtisseries. Dans l’après-midi Isa avait multiplié les allers-retours entre le verger et les cuisines pour leur préparer de petits chaussons à la compote de fruits, car la pâte nécessitait d’être travaillée en plusieurs fois. Les poires et les pèches avaient eu sa préférence. Elle ignorait si la recette était connue ici, mais au Havre elle en avait souvent préparé pour les visiteurs des Soeurs d’Aphrodite. Le feuilletage croustillant des bouchées et la douceur de la purée de fruits était un régal, selon ces messieurs... Isa ne doutait pas que les enfants aussi aimeraient - sans s’étaler en sous-entendus équivoques qui plus est - et ils purent les déguster encore tous chauds, gardés sur un coin d’une des cuisinières.

La journée avait filé vite. Le dîner commun était pris tôt car peu de Loups déjeunaient au zénith des Titans. Alors bien sûr, lorsque la soirée débutait après une longue journée de labeur, il faisait faim. Le dernier soleil n’était pas couché qu’ils vaquaient tous de nouveau à leurs occupations.

Pour sa part, Isa décida de regagner sa chambre. Elle avait un peu de temps pour organiser son prochain réveil. Sinon il s’avérerait aussi catastrophique que celui du matin, dans l’affolement général.

Pour Elen, profiter de la compagnie de l’Olympienne avait été des plus sympathiques, et participer aux tâches communes de la Tanière, il ne l’avait pas fait depuis bien longtemps. Avant il chassait, il cueillait, il encadrait les enfants. A présent, à chaque fois qu’il se retrouvait à la Tanière, il était occupé par des problèmes autrement plus sérieux : récemment les déboires de son peuple avec les transes et à présent ses achoppements avec la noblesse na’hellienne. Et Isa pour laquelle il s’inquiétait...
Bien sûr, il ne faisait que des comptes rendus succincts à la jeune femme : les traités de magie qu’il lisait, il ne les comprenait que très partiellement. Et jusque là, il n’avait rien trouvé de comparable. Seulement divers sortilèges pour effacer définitivement une mémoire, qui nécessitaient des ingrédients improbables ou impossibles à se procurer, pour un rituel passant par le monde des esprits. Bref, il piétinait.
Après avoir lâché les ouvrages inutiles et réquisitionné du personnel pour l’aider, on le vit parcourir le couloir du quartier des invités avec un étrange équipage... Il frappa à la porte de l’Olympienne.

Celle-ci s’était installée sur le lit pour rédiger ses notes. Son bourdon illuminait faiblement un angle de la pièce et elle avait dû rapprocher une lampe à huile pour pouvoir écrire. La journée riche en détails ne voulait pas se laisser résumer aussi facilement et ses idées restaient aussi brouillonnes que les quelques lignes qui noircissaient un parchemin. Lorsqu’elle entendit toquer, elle voulut dissimuler les pages sous les couvertures mais l’encre n’était pas sèche... Alors elles finirent en vrac sous le lit.

- Elen ! Tout va bien ? Demanda-t-elle lorsqu’elle eut ouvert.
- Oui, oui. Je t’apporte une surprise !

En effet, deux Loups et une louve l’aidaient à transporter une petite baignoire à moitié remplie d’une eau chaude dégageant une bonne odeur de lavande. Le contenant était en pierre peu épaisse mais robuste.

- Grands Dieux ! Vous êtes fous ! S’exclama-t-elle, les yeux en soucoupe devant l’ampleur du déménagement en cours.

Elle ouvrit largement pour les laisser entrer.

- Hum... Ca sent bon ! Continua-t-elle, séduite par le parfum délicat. Mais c’est trop Elen ! Il ne fallait pas vous déranger comme ça !
- Bah, bah, bah ! Je te l’avais promis. Nous allons la poser ici. fit-il, plaçant l’objet au plus près du mur tiède, commun au cheminées des cuisines.

Il déposa aussi une besace de cuir sur la commode. Celle-ci contenait des savons et des huiles pour le corps et les cheveux, des extraits odorants et des cristaux colorés qui produiraient une mousse fine en se dissolvant dans le bain.

- Tu as tout ce qu’il te faut ici. Profites-en pendant qu’il est chaud ! J’espère que cela prendra plusieurs tours de sablier ! dit-il, s’éclipsant avec le reste des Loups.
- Merci ! Eut-elle juste le temps de dire avant que la porte ne se referme sur eux.

Il s’avérait que le bain était fort tentant. La pierre était chaude sans être brûlante et mettrait du temps à refroidir. L’eau dégageait une vapeur parfumée à laquelle elle ne comptait pas résister. La besace elle aussi était prometteuse... Elen avait tout prévu, comme toujours.
Ses notes attendraient. Elle les ramassa et les rangea, se dévêtit et s’immergea dans la baignoire avec un soupir de bien-être. Les yeux mi-clos elle s’y prélassa sans scrupules.
Un bon bain chaud, la solution magique à tous les soucis du monde... Devisa-t-elle mentalement, sourire aux lèvres.

Elle y resta longtemps, d’abord sans autre volonté que de se laisser flotter dans ce cocon bienfaisant puis des images de la journée revinrent à son esprit. Les enfants qui jouaient, l’Elfe mystérieux, la transe inopportune d’Elen, ce Saïka dont il n’osait lui parler, ses recherches sur son “don”, sa soi-disant folie : Tant de détails qu’elle devrait coucher en quelques mots et qui se verraient, de fait, dépossédés de tout lien émotionnel.
Mais aidée par les senteurs apaisantes du bain, pour une fois, elle n’eut pas d’appréhension quant au lendemain. Plus que l’eau dans laquelle elle se lovait, elle réalisa que ses doutes s’envolaient parce qu’à chaque interrogation, elle savait qu’Elen serait là pour répondre. Il était si facile de se reposer sur une personne aussi fiable et prévenante... Une petite voix lui disait que le destin lui était enfin favorable et qu’elle devait en profiter. Une autre l’avertissait que tout cela finirait mal. Elen ne soupçonnait pas, ou refusait de voir, le fardeau qu’elle serait jour après jour. Répéter encore et encore les mêmes choses, s’apercevoir que les sentiments les plus forts ne laissent aucune trace, que les meilleurs moments s’envolent à tout jamais. Que l’instant présent ne suffit pas pour être pleinement comblé... Sa grand-mère le supportait non sans prendre un malin plaisir à lui faire payer de bien des façons. Mais lui, qu’est-ce qui pourrait bien le pousser à l’endurer ? Il avait sa vie à mener, sa famille, son clan. Il se lasserait ou se découragerait. Fallait-il qu’elle y renonce ? Assurément. Pendant qu’ils étaient encore amis, avant qu’elle ne devienne un poids usant que seul le sens du devoir lui ferait encore porter. Mais les bonnes résolutions de la jeune femme fondaient dans l’eau qui l’entourait, se dissolvaient au gré des vapeurs parfumées. Ses lèvres formèrent un pauvre sourire : comme elle l’avait prédit dans son journal, elle serait lâche un jour de plus. Ou deux...

Et puis lui aussi a besoin de moi.

Elen cachait bien des secrets à ses proches, bien des soucis qu’il ne voulait confier qu’à elle. La seconde voix la reprit vertement :

La belle affaire ! Comme si tu étais indispensable ! S’il veut une confidente, qu’il parle donc à sa femme !

Elle marquait un point...
Malgré tout, le spectre de Kowü qu’il croyait voir et ses transes étranges l’inquiétaient.
Un avis extérieur, c’est tout ce qu’il désirait. Isa n’avait pas d’a priori sur les conséquences de ce qu’ils découvriraient. Cela ne le mettrait pas en défaut devant son clan si elle était seule à savoir, ni devant la noblesse que représentait encore un tant soit peu Nil’nelia. Sa neutralité, était-ce tout ce qu’il voulait d’elle ? C’était en vérité une belle ironie d’aller chercher auprès de l’ennemi ce dont on se défiait de la part de ses proches... L’idéal de paix de son mentor prenait une tournure cocasse, comme un pied de nez par delà la mort.

L’idéal de Kowü. Un long processus de mutation de leurs sociétés.
Les Rebelles l’avaient initié et avaient fait long feu. Était-ce l’orgueil qui avait poussé Dakon à quitter l’Empire pour faire mieux ailleurs ? Était-ce la vanité qui avait empêché Salminar de garder auprès d’elle quelqu’un capable de la brider ? Était-ce la punition des Dieux, parce qu’elle avait osé les défier, qu’elle soit haïe de son plus fidèle servant au point qu’il la quitte ?
Elle était là, l’énergie du changement. Dans les bassesses et les vices, dans la soif de pouvoir et la cupidité.
Les gens simples ne se posaient pas de question, n’étaient l’ennemi de personne. Dans leur horizon borné par les enclos des pâturages, par les chemins qu’ils empruntaient pour colporter des tissus et des babioles, par leur vie difficile à nourrir leur famille, ils n’avaient pas à s’inventer d’adversaires pour se sentir plus forts. Mais cette simplicité d’âme engendrait une inertie immuable. Le temps se figeait et les générations se succédaient, reflets conformes aux précédentes.
Alors comment parvenir à l’idéal de Kowü quand son fondement même appelait à l’immobilisme...
C’était aussi l’utopie de Diboan. Le collier de jeune lierre, seul vestige de leurs promesses, ornait toujours son cou. Vivace malgré les années passées. Les minuscules feuilles se nourrissaient-elles de ses forces, de ses rêves ?
De petites perles d’un vert tendre, nervurées d’un brun ambré.
Les yeux d’Erya.

Un long moment passa et l’eau finit par fraîchir. Isa se résolut à sortir du bain, ses muscles reposés et sa tête légère. Son corps aussi propre qu’un sou neuf sentait bon la lavande. Les huiles avaient nourri sa peau et ses cheveux et après de longues saisons de voyage épuisantes, ce n’était pas du luxe.
Il ne devait pas être encore trop tard. Elle se rhabilla de propre et s’apprêta soigneusement avant de quitter sa chambre. Si Elen et sa femme avaient rejoint leur quartier, elle irait à la bibliothèque. Elle trouverait peut-être des ouvrages qui lui permettraient d’affiner ses calculs pour le prochain jour de lecture.



el Par Elen  le 28/02/2012 à 13:09


Au premier sous-sol, elle put entendre une mélopée, scandée par une voix familière. Cela se répercutait dans les couloirs de la Tanière, s’amplifiant, comme si un coeur chantait. C’était la voix du Chaman.

Trompée par les échos, Isa se fourvoya dans les couloirs avant de trouver la bonne issue. Heureusement à cette heure-là, les Elfes ne circulaient plus guère dans la forteresse sinon ils s’en seraient amusés.

Elle déboucha sur un couloir d’où s’échappait des fins volutes vaporeux. La voix semblait provenir de l’une des deux pièces attenantes. La mélopée était celle de Neleth et Aelion. Cependant, et contrairement à sa retranscription habituelle, le Loup ne semblait chanter que les couplets tintés de la joie du couple mythique.
Isa fit quelques pas vers les pièces adjacentes mais elle hésita à entre plus avant. Cela avait tout l’air de mener aux bains communs... Elle préféra appeler, au risque d’interrompre la chanson :

- Elen ?

La chanson ne cessa pas pour autant. Visiblement, le Loup était seul dans la pièce. Ou tout au moins, s’il partageait ces instants avec qui que ce soit, c’était quelqu’un de vraiment discret. Les vapeurs qui s’échappaient de la pièce formaient une brume aux pieds de la jeune femme, tournoyant et tournoyant encore dans d’infinies spirales. Elle se résolut à faire quelques pas, précautionneusement car le sol disparaissait par endroit.

- Elen ? Appela-t-elle un peu plus bas. L’Elfe ne devait de toute façon plus être très loin.

Le chant se tut enfin.

- Isa ? fit une demi-silhouette qu’elle pouvait apercevoir au travers des brumes.

La pièce comprenait plusieurs bassins qui s’enfonçaient dans le sol, dans lesquels s’écoulait de l’eau de source, chauffée par les cheminées des cuisines. Elen se trouvait dans l’un d’entre eux, semblait-il. La température de la pièce, légèrement supérieure à celle du reste de la Tanière, n’avait rien de suffoquant, bien que l’humidité ambiante eut pu être une gêne.

- C’est toi ? demanda-t-il, la distingant à peine au travers des brumes.
- Oui... Je ne te dérange pas ?

Elle avança un peu en faisant attention de ne pas glisser dans l’un des bassins, jusqu’à ce qu’ils puissent au moins distinguer leurs visages.

- Tu n’étouffes pas ici ? Je n’ai jamais tant vu de vapeur dans des bains !
- C’est agréable, je trouve. Mais tu sais, si tu approches encore, tu risques d'apercevoir quelque chose que tu ne voulais peut-être pas voir. lâcha le Chaman, sur un ton qui témoignait visiblement d’un léger embarras, même si cela n’avait rien à voir avec sa gêne de tantôt, lorsqu’elle avait pu contempler son Saïka.
- Hein ? Ah nonon ! Je...

Elle recula aussitôt de deux pas et s’assit en tailleur sur le dallage. Aucune chance, ainsi, d’apercevoir quoi que ce soit. Le Chaman profita du mouvement de la jeune femme pour s’immerger complètement puis sortir du bassin, récupérant une serviette qu’il enroula autour de sa taille, avant de venir la rejoindre, un sourire mutin sur les lèvres.

- Oh tu ne restes pas dans l’eau ? Fit-elle, voyant qu’elle avait finalement perturbé la relaxation d’Elen.
- Ce serait impoli, non ? A moins que ton précédent bain ne t’ait pas suffi ! Dit-il, sur un ton faussement énigmatique.

Chahuter la jeune femme en la poussant dans un bassin avait quelque chose de tentant. Mais ce serait indéniablement puéril. Peut-être était-ce pour cela que cela lui faisait tellement envie !

- Justement, je me suis tellement régalée que la moindre des choses est de ne pas te priver d’en faire autant ! Puis elle réalisa le regard en coin d’Elen... Et rajouta par précaution :Mais pour ce soir, c’est largement assez !
- Je suis heureux que ça t’ait plu ! N’hésite pas à renouveler l’expérience !

Le Chaman semblait détendu par cette journée loin du labeur habituel, et d’excellente humeur. Son allégresse le poussa là où habituellement il aurait pu être réticent :

- Alors tu n’avais jamais vu de Saïka ?

Isa hésita quelques secondes, se souvenant de l’embarras d’Elen après son réveil de la transe. Mais s’il décidait d’en parler maintenant, elle était disposée à écouter évidemment. Elle répondit à voix basse, en prenant garde de ne pas marquer de curiosité excessive :

- Et bien... Non. On aurait dit un tatouage mais il a disparu...
- C’est l’un des secrets de mon peuple. C’est ça qui nous permet de manipuler notre Finyë. Enfin notre magie, si tu préfères. Celle qui se trouve en chacun de nous. Et certains, comme les Corbeaux, sont particulièrement doués pour l’extérioriser.
- Tu veux dire... Que c’est un peu comme une empreinte de ta personnalité ?
- Oh pas totalement. C’est... C’est la circulation de notre énergie spirituelle. C’est ce qui nous relie à notre Totem et au monde des Esprits, si tu veux. Et c’est pour ça que lorsque s’établit le pont entre notre monde et le leur, ma magie se concentre dans mon Saïka. C’est un focalisateur. Chacun d’entre eux est unique. Et l’énergie qui les anime est propre à chaque clan. tenta-t-il d’expliquer.

Isa cernait à peu près ce que voulait dire Elen. Cependant elle ne comprenait pas pourquoi il avait été si gêné qu’elle le voit par inadvertance.

- Mais pourquoi c’est si... Enfin, tu semblais...
- C’est que... C’est... Ça nous rend unique, en un sens. Et c’est quelque chose qui n’est pas visible, en temps normal, sans qu’on n’y consente. Je veux dire : aucun d’entre nous n’irait regarder le Saïka d’un autre à moins qu’on le lui montre ou qu’il soit placé sur une partie exposée de la peau.

Il se saisit des mains de l’Olympienne, les siennes encore humides à cause du bain, un peu plus chaudes que celles d’Isa.

- Mais d’une certaine façon, je suis heureux que tu l’aies vu. Et... s’interrompit-il.
- Tu sais... Il suffit que je ne l’écrive pas et ce sera comme si rien n’était jamais arrivé. Mon... “don” a certains côtés pratiques. Si tu préfères.
- Non, non ! Hum... Isa, ce serait un honneur si tu acceptais de le revoir, maintenant, et si tu acceptais de l’illustrer. Pour que tu t’en souviennes. déclara le Loup d’une seule traite.
- Tu es sûr ? Je ne veux pas que cela puisse te nuire.

Comme elle avait fait l’impasse sur le nom véritable d’Elen, elle pouvait laisser se perdre le souvenir de cette marque s’il y avait le moindre risque pour le Chaman.

- J’en suis certain, répondit-il, étreignant les mains de l’Olympienne pour l’assurer de sa volonté.
- Tu ne vas pas retomber inconscient au moins ?
- Pas de transe. Je te le promets.
- Montre alors ! Fit-elle en souriant comme une enfant à qui on avait promis un joli tour de magie.

Il hocha la tête, légèrement intimidé malgré tout par ce regard d’ambre qui hantait certains de ses rêves. Il relâcha les mains de l’Olympienne, se forçant à la fixer dans les yeux tandis que son esprit se vidait. D’abord, un halo plus foncé apparut sur son épaule puis, à mesure qu’il se concentrait sur son énergie, la marque noircit, imitant les griffures d’un loup. Le noir laissa d’abord place à une pâle lueur blanchâtre, peu à peu remplacée par un vif éclat blanc bleu. Il put contempler l’illumination de son épaule droite dans les yeux de la jeune femme. Et pour le Loup, cet instant avec tout d’une communion presque parfaite entre lui et elle : sa magie qui passait les deux fenêtres de l’âme de l’Olympienne et qu’elle renvoyait vers lui avec un éclat à peine altéré. En nul autre instant il ne s’était sentit aussi proche d’elle.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 28/02/2012 à 15:00

Le visage d’Isa afficha une fascination grandissante tandis qu’elle ne pouvait détacher son regard du halo bleuté. Et les questions fusèrent :

- Je vais être jalouse ! Je ne sais pas faire ça alors que je suis magicienne ! Comment est-ce tracé ? On te l’a dessiné ? C’est apparu comme ça ?
- Lytharion, notre Chaman de l’époque, me l’a tracé. Pourquoi cette forme ? Je ne sais pas. Kowü en avait un semblable, mais sur l’autre épaule je crois...
- Si l’on ne croit pas aux Totems, cela donne matière à réfléchir ! Tous les Elfes des Lunes en obtiennent un ?
- Tous, oui. Certains dès la naissance, d’autres au cours de la première année. Suivant la disponibilité du Chaman ou du responsable du Clan.
- Si tôt... Ce n’est pas dangereux de créer ce lien ? Le Monde des Esprits n’a pas toujours l’air sûr.
- Rassure-toi je n’ai jamais vu d’enfant tomber dans un état de transe. Je ne suis même pas certain que cela soit possible. Leur énergie est peut-être encore trop changeante... C’est pour ça, je crois, qu’on les dépose sur les enfants à la naissance. Ils n’ont pas l’air d’en souffrir. Alors que le procédé est... extrêmement douloureux pour un adulte. Comme si on te brûlait le corps et l’âme à la fois, d’après ce qui m’a été décrit.

Isa grimaça. Elle préférait ne pas imaginer la combinaison. Mais d’autres questions lui venaient.

- Alors certains adultes n’ont pas cette marque... Mais se rallient plus tard donc.
- Oui. Des Nobles ou des citadins. répondit-il, visiblement ravi de la tournure que la conversation prenait.

Isa avait l’esprit vif. Et elle était capable de jongler sans problème avec des concepts qui lui étaient pourtant étrangers. Il avait autant l’impression d’expliquer le fonctionnement des clans à une novice qu’à une magicienne parfaitement maîtresse de son art.

- Est-ce obligatoire quand ils arrivent dans un clan ?
- Certains te diront que oui. Mais mon avis est que ça ne l’est pas. Ceux qui viennent vivre parmi nous le font souvent par amour. Leurs convictions religieuses leur appartiennent. Et il n’est pas rare que ce soit des Elfes d’autres clans qui nous rejoignent. Peu nombreux son ceux qui changent de clan, car c’est un processus à la fois douloureux et incertain. La plupart conserve leur clan jusqu’à la mort.

Elle trouva ça d’une certaine façon assez logique. Mais si les gens étaient décidés à changer, profondément... Le rapprochement d’idées se fit et elle écarquilla les yeux :

- Alors Nil’nelia... Elle va demander son Saïka ? Si ce n’était pas déjà fait. Mais Elen ayant été absent longtemps, en grande partie par sa faute...
- Je... Je ne sais pas. Répondit-il précipitamment.
- Ca ne doit pas être facile comme choix... Et ses capacités magiques n’ont pas vraiment de lien avec les transes, si j’ai bien compris.

Elen fit un geste négatif de la tête. Doucement, comme pour couper court aux questions de la jeune femme, il saisit délicatement sa frêle main, la souleva et l’approcha de la marque, jusqu’à ce qu’elle soit plaquée contre sa peau, celle du loup posée dessus.
Le regard de la jeune femme alla des yeux du Chaman à la marque qui disparaissait sous sa main. S’il ne l’avait pas guidée, elle n’aurait jamais osé le faire. Surtout après le lui avoir imposé, sans savoir, plus tôt dans la journée.

- Ce n’est pas dangereux. C’est... C’est un peu de ma magie pour toi.

Il était devenu naturel pour la magicienne d’alimenter sa propre énergie de toute source que son esprit détectait. Le cas échéant, elle était même capable d’arracher cette essence magique de force à ses adversaires, provoquant chez eux des douleurs insoutenables. Alors instinctivement, ses barrières mentales tombèrent pour laisser venir à elle l’énergie du Loup et cela ne se fit pas attendre. Une partie passa en elle et se mêla à la sienne. Elle l’envahit inexorablement, comme un parfum enivrant. Isa en fut immédiatement grisée, son coeur s’emballa et l’air lui manqua dans cette pièce surchargée de vapeur. Elle ne pouvait détacher son regard de celui du Loup.



Il n’y avait plus qu’eux. La réalité se muait en brume dense... Par quel prodige l’envoûtait-il ainsi ? Elle se sentit vasciller et dut faire un effort colossal pour garder son équilibre. Étaient-ils en train de basculer dans le Monde des Esprits ?
Non. Rien d’aussi extraordinaire... Il n’y avait par contre aucune chance qu’Elen n’eut pas remarqué qu’elle perdait pied. La petite voix revint, terrible :

Une petite soeur hein ? Et là, tu t’en sors comment, grosse maline !



Par Google  

el Par Elen  le 29/02/2012 à 00:32

Cet échange. Cette intimité. Cette fusion spirituelle. Ces yeux !



Il pouvait lire dans son regard qu’elle ressentait la même chose que lui : cette impression d’ivresse et de plénitude. Il n’y avait encore jamais réellement prêté attention, mais il aurait pu jurer que les iris de l’Olympienne éclaircissaient alors qu’elle plongeait intensément son regard dans le sien. Il déglutit. Son état l’empêchait de réfléchir pleinement, et un instinct primaire lui murmurait de se rapprocher plus encore d’Isa. ”Isa...” A son insu, son visage se pencha vers celui de la jeune femme avec une lenteur infinie...

S’il cherchait à l’effleurer, Isa fut à mille lieues de l'interpréter comme tel. Son esprit malmené le vit grandir, lui déjà immense, et s’imposer à elle... Son aura l’entourait comme une brume qui électrisait sa peau et où sa volonté s’étiolait alors qu’elle s’y perdait... Il fallait...
Il fallait rompre le charme ! Isa mit toutes ses forces à relever ses barrières spirituelles et à fermer les yeux. Une seule seconde suffirait. Mais lorsque sa main s’échappa de celle d’Elen pour que le contact avec le Saïka soit brisé, une douleur sourde partit du bout de ses doigts jusqu’à ses entrailles, lui coupant la respiration. Parler, vite ! Dire n’importe quoi !

- C’est toi qui lui poserais ? Tu as déjà un dessin en tête ? Tu n’as pas peur pour elle ? Bredouilla-t-elle.

Tandis qu’il retrouvait ses esprits, son Saïka disparut. La question de la jeune femme l’avait ramené à une réalité brutale : il était bel et bien enchaîné à Nil. Il aimait sa femme, mais depuis leur longue séparation, après la transe, il sentait comme une distance entre eux. Même si leurs retrouvailles avaient été... intenses. Il se sentait perdu. Car d’une certaine manière, ce qu’il ressentait pour l’Olympienne était plus fort encore que les sentiments qu’il éprouvait pour Nil.

- Je... Je ne sais pas... Luwö inspirera ma main, si le moment arrive... murmura-t-il, comme s’il en doutait.
- Donne-lui un peu de temps. C’est compliqué d’apprendre à vous connaître. Et de... De se retrouver en tout ça.

Elle ne savait pas exactement si elle parlait pour Nil ou pour elle. Son épouse avait dû se sentir plus que dépaysée, à son instar. Toutes ces choses étaient assez profondes et intimes pour qu’on y aille avec prudence, au risque sinon d’y perdre une part de soi-même. On ne pouvait pas la blâmer de vouloir prendre son temps.
Evoquer Nil’nelia lui fit retrouver son calme et elle put de nouveau croiser le regard d’Elen avec sérénité.

- Peut-être... fit-il, se reculant pour s’appuyer sur ses mains, son regard se perdant vers le plafond, son torse se soulevant et d’abaissant au gré de sa respiration calme.

Isa trouvait Elen bien laconique dès qu’ils parlaient de Nil. Pour lui faire comprendre que tout ceci ne la regardait pas ? C’était très vrai... Elle ferait mieux de s’excuser.

- Pardon, je... Je ne voulais pas être indiscrète.
- Non, non, tout va bien, Isa. C’est que... Nil... Nil est différente, je crois. bredouilla le Chaman. Tu... Tu le dessineras, alors ? Pour t’en rappeler... poursuivit-il, se redressant, pour chercher à nouveau le contact de son regard.

Différente ? Elle préféra ne pas insister et sourit au Chaman.

- Oui. Je ne suis pas aussi douée que Dalhia mais je ferai mon possible. Maintenant si tu veux. Je voulais aller à la bibliothèque consulter des cartes des Cieux, si vous en avez. Pour... Ce que tu sais. Ca ne te dérange pas ?
- Laisse-moi le temps de passer quelques vêtements et je t’accompagne.
- Oui bien sûr ! Je t’attends dehors.

Elle se leva et sortit des bains. Le Chaman s’habilla prestement. Lorsqu’il émergea de la brume, il portait sa tenue complète de Chaman, cape comprise. Vêtu d’une bure sombre sur laquelle des mots rituels avaient été brodés en fils d’argent. La cape, des plus simple, noire, témoignait de son statut. Et son teint bleuté contribuait à lui donner l’apparence censée coller à son statut. L’étoffe se mouvait en tout sens.

Isa observa la nouvelle tenue, plus cérémonielle mais aussi plus austère. Habillé ainsi, nul doute que le Chaman se différenciait des autres Elfes, sa stature y aidant. Elle l’aurait presque trouvé inquiétant si elle ne le connaissait pas si bien. Xeïs et son avertissement choisirent ce moment pour se rappeler à son bon souvenir. Connaissait-elle vraiment Elen, en fin de compte ?
”Ridicule. Vivement demain.” Se dit-elle, comptant bien passer l’intrigant aux oubliettes.

- Tu es prête ? demanda-t-il, lui proposant son bras.
- Autant que vous, grand Chaman ! Fit-elle avec un soupçon de malice pour marquer le coup et mettre un terme à ses idées bizarres.

Elle espérait que le ton ne serait pas déplacé. Il paraissait tellement sérieux dans ces habits ! En guise de réponse, il lui adressa un sourire rayonnant. Elle prit son bras et ils se mirent en route vers la bibliothèque.

Chaque étage comportait une porte permettant d’accéder à la bibliothèque. Ils n’eurent pas à marcher longtemps. La salle, colossale, comportait une passerelle qui longeait les murs à chaque étage. Les étagères murales avaient été dimensionnées à la taille de la pièce : les livres recouvraient toutes les surfaces verticales possibles. A ce qui correspondait au second sous sol, trônaient une cinquantaine de meubles de taille respectable qui remplissaient l’espace, formant un labyrinthe de rayons.

- Alors... Astronomie, n’est-ce pas ? Où est-ce rangé... réfléchit à voix haute le Chaman.

Il ne comptait pas se fatiguer à chercher dans le registre, d’autant plus qu’il avait parcouru encore et encore. Sans une hésitation supplémentaire, saissant la main de Isa dans la sienne, il la conduisit à l’étage le plus bas, choisissant l’un des rayons centraux. Il s’arrêta devant une étagère pleine de grimoires.

- Ce sera un peu poussiéreux. Surtout au sommet. Ce sont les plus anciens ou les plus rares, donc les moins à jour. Les étoiles ont légèrement bougé depuis...
- Je vais farfouiller...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 29/02/2012 à 07:54

Le regard d’Isa papillonnait sans relâche. Il était impossible d’embrasser l’ensemble de la pièce tant elle était gigantesque. Elle qui était une assidue des archives de Lardanium, elle n’aurait jamais imaginé trouver un ensemble de volumes d’une taille si invraisemblable ailleurs qu’en la capitale de l’Empire.

- Si les Nobles de Na’Helli imaginaient que nous possédons tous ces ouvrages, certains qu’ils ont proscrits d’ailleurs, et des bains comme ceux que tu as pu expérimenter, ils viendraient rapidement envahir la Tanière ! déclara le Loup, sur un ton amusé.
- Promis, je ne répéterai pas !

Elle ouvrit quelques tomes au hasard, simplement pour toucher leurs couvertures anciennes, découvrir des pages d’un autre âge. Sans vraiment lire, juste pour le plaisir d’avoir de tels objets entre les mains.

- On pourrait y passer une vie ici...

Pendant ce temps, Elen s’en était allé au début du rayon à la recherche d’un échelle sur roulette, fixée à un rail au sommet du meuble. L’objet grinça tandis qu’il le guidait vers Isa.

- La mienne n’a pas suffit pour tout lire, tu sais...

En vérité, il savait qu’il faudrait bien plus d’une vie entière d’Olympien pour consulter tous les ouvrages. Et peut-être même que la longévité d’un Elfe ne lui permettrait pas de tous les lire. Elle eut une petite moue devant l’évidence, les ouvrages s’étalaient à perte de vue. Mais elle réalisa qu’elle n’avait aucune idée de l’âge d’Elen.

- Bon...

Il était temps de s’y mettre sérieusement. Elle fouilla sur les étagères, montant parfois à l’échelle pour dénicher la perle rare sur des rayonnages plus en hauteur. Elle savait ce qu’elle cherchait et la bibliothèque était agencée de façon rationnelle, même si certains ouvrages étaient rédigés en Loup Ancien. Elle ne désespérait pas de trouver le bon livre en peu de temps. Pourtant elle eut mal aux bras à manipuler ces énormes assemblages de cuir et de feuillets avant que son travail de fourmi porte ses fruits.

Tandis qu’elle était en train de travailler, le Chaman s’était éclipsé un instant pour ramener un lourd volume rédigé dans la langue de son clan. Il le lisait avec concentration, assis à même le sol, non loin de Isa. Il devait de concentrer pour comprendre les notions enseignées par le grimoire : l’Opalescencia appliquée à l’esprit.

- Ah ! Je l’ai !

Il sursauta presque lorsque l’Olympienne annonça qu’elle avait trouvé ce qu’elle cherchait. Elle le rejoignit, un livre sous un bras et quelques rouleaux de cartes sous l’autre. Elle posa le tout avant de s’asseoir à côté d’Elen.

- C’est pour effectuer les calculs nécessaires à ton rituel ? Comment cela fonctionne-t-il ?
- Sur le principe, ce n’est pas bien compliqué. A chaque saison est associée une configuration des étoiles qui m’est favorable. Je peux rechercher les dates exactes longtemps à l’avance grâce aux travaux de nos astrologues. Il y a seulement une imprécision lorsque j’effectue de grands voyages. Pour l’aller dans le désert j’avais prévu et ajusté la date avant de partir de Lardanium. Mais nous y sommes restés longtemps et les calculs que j’avais fait pour la Forêt des Cendres correspondaient à la saison précédente... Alors je dois les refaire. Normalement, cela ne devrait pas décaler de plus de deux ou trois jours. Mais il ne faut pas que je rate le coche.
Ensuite il y a des diagrammes à tracer, pour que je puisse établir un lien entre mon esprit, les cieux et les Dieux qui voudront bien m’accorder leurs faveurs. Des prières aussi bien sûr.
Elle interrompit son monologue tout en jetant un coup d’oeil au livre qu’Elen étudiait. Et toi, qu’est-ce que tu lis ?
- Un des imbuvables traités sur la magie Opalescencia. Il expose les théories de certains de nos mages quant à la manipulation de l’individu via la magie, en redirigeant certaines malédictions par exemple. répondit-il, visiblement perplexe et peu sur de lui.
- Des lectures à cauchemarder la nuit... Il ne manque plus qu’un peu de vaudou pour que cela devienne glauque à souhait. Pourquoi tu t'intéresses à ça ?
- Pour toi... Peut-être que quelqu’un t’a jeté ce genre de sortilège dans ta prime enfance. Encore que... Il s’arrêta un instant, puis exposa la faille dans sa théorie. Pour cela, il aurait fallu que tu intéresses les Corbeaux. Je vois mal quelqu’un d’autre qu’eux pour altérer à ce point ton destin par l’Opalescencia.
- Je ne suis pas de ceux de l’Empire qui rejettent toutes les fautes, y compris la mort de leurs chats, sur les Elfes. Comme tu le dis toi-même... Qu’est-ce qu’un Corbeau viendrait faire dans tout ceci ? Et les gens de ma famille n’étaient que des fermiers, à mille lieues d’intéresser qui que ce soit. Personne n’est venu les défendre contre les Lestrygons, même pas l’armée d’Ordenum, alors...

Ses traits s’étaient durcis. Elle n’aimait pas parler de sa famille car elle n’éprouvait pas grand chose pour elle et cela choquait ses interlocuteurs qui avaient donc d’autres questions... C’était parfois sans fin. Pourtant une étrange colère s’installait lorsqu’elle évoquait leurs déboires, qu’ils avaient affronté seuls, délaissés par l’Empire tout entier.

- Imagine un peu que ton nom de naissance ait été Akovowë ou son pendant Olympien... Cela expliquerait peut-être l’envoutement... Tu sais, les Corbeaux, et plus généralement les mages, ashkas et Chamans Elfes des Lunes commettent des actes que même leurs pairs ne comprennent pas...
- Akovowë ? Qu’est-ce que cela signifie ?
- Littéralement “mort des corbeaux”. Mais de nombreux noms pourraient expliquer que des Elfes des Lunes t’aient ensorcelée, tout comme de nombreuses raisons pourraient justifier qu’un Olympien, un Homme Sauvage, un Géant ou une divinité t’ait affublée d’un tel sortilège. Je n’exclue aucune hypothèse...
- Elen je ne suis rien. Aucun devin n’est venu taper à ma porte pour m’annoncer une grande destinée, mon “don” ne profite à personne. Et si c’est une vengeance, alors je dois me dire que celui ou celle qui l’a appliquée, Zeus seul sait pourquoi, est définitivement plus puissant que je ne le serai jamais. La solution n’est pas ici, Elen. Elle n’est probablement nulle part. Cesse de torturer avec ça. Elle se leva. Je vais chercher de quoi écrire, je reviens.

Elle fit l’aller-retour à sa chambre pour prendre sa besace. Elle devrait retoucher les diagrammes avec ses nouvelles données.

Le Loup n’abandonna pas sa lecture, en dépit des suppliques d’Isa. Il poursuivait tant pour tenter d’invalider ou d’affiner sa théorie que pour satisfaire sa curiosité personnelle. Et qui plus est, un Chaman se devait de connaître la parade à ce type d'envoûtement. Sinon à quoi bon guider un clan si c’est un autre qui contrôle votre destinée ?

Quand Isa revint et qu’elle trouva Elen toujours penché sur le même ouvrage, elle ramassa le livre et les cartes pour aller s’installer à un bureau proche.
Évidemment elle ne pouvait pas écrire par terre, mais elle était également soulagée de couper court à la conversation précédente. C’était bien la première fois que l'attention du Loup la contrariait et cela vint accentuer sa mine déjà soucieuse.
Si les schémas des documents qu’elle avait trouvés été relativement clairs, les annotations en langage elfique lui posaient problème. Mais elle hésitait à aller trouver Elen. Tant pis, en cherchant un peu elle finirait bien par deviner.



el Par Elen  le 01/03/2012 à 09:38

- Ca y est ! Tout s’explique ! S’exclama le Loup, les yeux agrandis par la surprise d’avoir trouvé aussi aisément une explication.

Isa releva la tête mais nul enthousiasme n’éclairait son regard. Combien de désillusions avait-elle déjà connues... L’acharnement du Loup ne pourrait qu’en amener d’autres.

- Qu’as-tu trouvé ?

Il rejoignit l’Olympienne, fébrile, déposant le livre sur son bureau, et pointant du doigt un paragraphe. Bien sûr, Isa ne pouvait pas lire le Loup Ancien, aussi le geste était des plus inutiles. Mais il en avait besoin pour poser son discours.

- C’est écrit là ! Ajouta-t-il, montrant un mot particulier qui semblait revenir plusieurs fois dans la double page. Oh ! Euh... Pardon. Cela traite d’un phénomène appelé “rejet”. Cela te dit-il quelque chose ?
- Non... Répondit-elle en secouant la tête.
- Je te résume l’hypothèse de l’auteur : il est possible, par l’Opalescencia, de modifier le destin d’une personne. Je suppose aussi que c’est l’essence même de certains sorts issus d’autres magies : un sort de combat est une modification ponctuelle de la destinée, d’autres, plus puissants et plus complexes, tendent à agir sur des durées plus longues.

Il s’interrompit, comme pour vérifier qu’Isa suivait ce qu’il avançait et qu’elle n’émettait pas d’objection à l’interprétation des sortilèges par les Elfes des Lunes. Il reprit :

Lorsque l’on est victime d’un sortilège, notre destinée tente par tous les moyens de s’accomplir en dépit des effets du sorts : c’est le phénomène de rejet. C’est pour cela que ceux-ci n’ont bien souvent qu’une durée limitée dans le temps. Mais parfois, le sortilège est si puissant, que la destinée de l’hôte ne peut s’y opposer totalement. La victime est alors constamment en rejet de ce qu’impose le sort mais ne parvient pas à accomplir ce pourquoi il est né. Expliqua-t-il avant de conclure : Il est possible que ton affliction soit en fait le phénomène de rejet : quelqu’un aura à tel point altéré le chemin que devait suivre ta vie que ta Destinée efface ta mémoire, pour tenter de te remettre sur la bonne route.

Isa laissa Elen développer sa théorie, bien qu’elle releva quelques approximations dans ce qu’il connaissait de la magie. Ce qu’il évoquait ne concernait qu’une petite partie des arcanes : on le retrouvait dans le vaudou principalement et dans l’Opalescencia. Certaines voies de la magie olympienne n’en étaient pas non plus très éloignées. En effet dans ces sphères-là cela pouvait coller.

- C’est... Possible. Dut-elle lui concéder.

Mais cela amenait évidemment d’autres interrogations. Qui aurait cherché à l’atteindre dès son plus jeune âge ? Et pourquoi donc, grands Dieux ?

- Je... Je tacherai de creuser cette piste, de retour à Lardanium.

Lorsqu’elle parla de retourner à la Cité Blanche, le Loup prit une mine dépitée. Il aurait bien souhaité pouvoir l’accompagner. Peut-être que...

- Tu... Tu comptes partir ?
- Il faudra bien. Murmura-t-elle en esquissant un sourire résigné.
- Pourrais-je t’accompagner ? fit-il, d’une voix blanche.

La question surprit Isa. Est-ce qu’un Chaman pouvait toujours être par monts et par vaux ? Elle s’était attendue que leur séjour à la Tanière soit leur dernière occasion de se croiser. Ensuite chacun retrouverait son quotidien à des lieues et des lieues l’un de l’autre.

- Je ne sais pas... L’Etoile d’Abondance pourrait être envoyée en mission. Il se peut que je ne reste pas longtemps en ville.
- S’il te plait, accepte... S’il le faut, tu pourras me faire passer pour ton... Il hésita à prononcer le mot, et finit par se rabattre sur un synonyme : ...ton serviteur.
- Bien sûr que non Elen. Rétorqua-t-elle, les sourcils froncés.C’est fini ces histoires d’esclavage, de mensonges ! Si tu viens, ce sera en invité de prestige. Mais... Il y a tes affaires avec la noblesse. Et ton clan.

Elle passa sous silence Nil’nelia, même si elle imaginait que les projets avec son épouse devaient aussi être une des priorités du Loup. Toutefois, comme il n’avait pas l’air d’aimer trop en parler...

”J’ai envie de passer du temps avec toi.” songea-t-il.

Il garda le silence car elle avait raison. Il avait quelques “menues” responsabilités qui l'enchaîneraient à Na’Helli, pour un moment.

Le mutisme d’Elen inquiéta Isa. L’avait-elle vexé ? Elle ne cherchait pourtant pas à le repousser, loin de là. Aussi lui proposa-t-elle une alternative :

- Sinon je pourrais toujours revenir d’ici quelques saisons. Quand... Quand tu auras un peu plus de temps.

Surtout qu’il était probablement plus facile de laisser venir un quidam en Forêt des Cendres qu’un Chaman à Lardanium.

- Tu seras toujours la bienvenue ici, Isa... Mon amie.

Les mots ne rendaient pas justice à ce qu’il éprouvait pour la jeune femme mais il se serait engagé sur une pente savonneuse à en dire trop.

- Et ça me fera très plaisir de revenir. La Tanière est un endroit exceptionnel. J’y retrouve un peu de cette vie en communauté qu’il y avait au Havre. Les bains à la lavande en prime ! Fit-elle, espiègle.
Tu as besoin d’aide pour tes calculs ? Lança-t-il pour revenir à des considérations moins tendancieuses.
- Oui, si tu veux bien me traduire quelques mots ?



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 01/03/2012 à 12:39

Elle lui montra les feuillets qui lui posaient problème tout en rectifiant certains de ses diagrammes. Ses premières estimations lui indiquaient encore douze jours à attendre. Elle adressa une prière silencieuse à Aphrodite pour que cela arrive avant qu’elle ne quitte la forteresse des Loups. Ils travaillèrent de concert jusqu’à ce que tout fut corrigé : un écart de trois jours rapprocha la date fatidique : le 21ème jour de la Grande Cuvée. Dans Sa Bienveillance, Sa Grâce avait été généreuse et Isa l’en remercia : son voeu allait peut-être se réaliser.

- Une bonne chose de faite ! Merci de m’avoir aidée, Elen.

La soirée était bien avancée et la fatigue se faisait sentir. Soulagée d’en avoir fini, elle s’étira puis alla ranger les précieux manuscrits.
Elle se réinstalla ensuite et prit une nouvelle feuille de parchemin. Cette fois, elle récupéra des fusains dans sa sacoche et s’essaya au tracé du Saïka du Chaman. Elle n’était pas particulièrement à l’aise dans l’art du dessin mais le motif en soi n’était pas très compliqué. Pourtant, même si cela s’avéra ressemblant, il manquait cette magie intrinsèque et mystérieuse qui rendait le Saïka unique et saisissant. Avec une moue déçue, elle montra le résultat à Elen.

- C’est pas terrible hein ? Fit-elle avec une petite voix.

Il se rapprocha pour mieux voir le dessin. Il le contempla et afficha un sourire. Il trouvait les tracés de l’Olympienne fidèles.

- Mais si il est très bien. Et puis ce n’est que temporaire.

Il lui murmura au creux de l’oreille, comme s’il ne voulait pas être surpris à faire ce genre de déclarations :

- Je te le montrerai à nouveau, dans neuf jours. Et je te montrerai toutes les choses que tu souhaiteras : note bien tout ce qui t’a plu, pour que je puisse t’aider à immortaliser ces souvenirs.
- Rien que cette journée mériterait de rester gravée toute entière. Il va falloir faire vite si nous voulons tout revoir en un seul jour !
- Nous y parviendrons ! J’en suis certain ! Même si pour cela je dois te réveiller à l’aube !

Elle sourit. Il était impossible de résister à l’enthousiasme d’Elen. Et au pire... Elle avait toujours ses drogues pour lui permettre de rester réveillée deux voire beaucoup plus de jours d’affilée. Le seul problème était que leurs effets secondaires lui gâcherait tout le plaisir de ces journées “volées”. Et si elle exagérait vraiment, cela pouvait même la tuer. Mais elle n’en était pas encore là. Et elle faisait confiance au Chaman qui saurait rendre sa journée inoubliable.

- Je vais aller me coucher. Il faudra être en forme demain pour notre balade surprise !
- C’est une bonne idée, Isa. Je te raccompagne ? Je dois aller consulter Luwö, dehors.
- Volontiers, si ça ne te dérange pas. Mais je suis arrivée à ne pas me perdre tout à l’heure ! Fit-elle avec une certaine fierté enfantine.

Ils déambulèrent dans les couloirs, sans se presser. Le visage d’Isa s’assombrissait au fur et à mesure qu’ils approchaient de sa chambre. Elle s’arrêta finalement devant la porte.

- Bonne nuit alors...
- Bonne nuit, Isa. Puisse Luwö t’accorder des rêves heureux.
- A toi aussi. Répondit-elle avec affection.

Elle ouvrit la porte et fit un pas dans la pièce avant de se retourner, avec un air plus que sérieux.

- Elen...
- Oui ?
- Demain matin... Ne viens pas. Je me débrouillerai pour vous rejoindre dans la salle commune.
- Comme il te plaira. Bonne nuit, douce Isa !

Elle hocha la tête, reconnaissante qu’il n’insiste pas. Elle referma doucement la porte et s’apprêta à rédiger ses notes avant de dormir. Il y avait tant à écrire !



el Par Elen  le 01/03/2012 à 19:59

La porte close, Elen se dirigea vers l’extérieur de la Tanière. Il se rendit directement à l’autel de Luwö. La statue de bois, la gueule béante, semblait le regarder : son oeil droit valide jaune étincelait sous les étoiles. Elen se souvenait de la nomination de Kowü. Son Mentor avait été éprouvé par Luwö, contrairement à lui et ce rite lui semblait indispensable pour légitimer sa nomination. Ce qu’il avait accompli lui avait certes valu la reconnaissance du Totem et chacun des Loups avait fait cet étrange rêve qui le dressait à la place qu’il occupait. Néanmoins, il doutait.

Et, après tout, rien ne l’empêchait de réclamer d’être traité comme l’avaient été tous ses pairs avant lui. Cela se ferait dans la solitude, mais ce qui devait être fait serait accompli. Fixant le Totem, il sentit plus vive que jamais l’aura de Luwö au sein de la statuette tandis que l’éclat dans son oeil s’intensifiait. Le Totem prendrait-il son acte pour un défi ? Qu’un Chaman déjà nommé, et ce depuis plusieurs saisons, réclame d’être éprouvé une nouvelle fois, était-ce en accord avec les préceptes que le gardien tutélaire des Loups enseignait ?

Il hésitait. Il retroussa la manche de son bras droit, qu’il tendit vers les mâchoires de la statue. Et...

Rien...

Pourtant... Il sentait une forte aura dans la statuette. Et si le Totem se sentait instulté ? Que se...

SLAM !

Contre toute attente, la mâchoire de bois venait de se refermer sur son bras. Immédiatement, le décor vacilla, alors que le contact avec la relique le plongeait dans un état de semi-transe. Dans sa tête résonnait à présent une douce mélopée. Le Chant de Luwö ! Si le Totem le jugeait indigne, son bras serait tout bonnement broyé et il mourrait. Sinon, cela prouverait définitivement qu’il n’avait pas usurpé son titre. Et peut-être alors que ses doutes se tairaient.

Il aperçut un mouvement dans la forêt. Des lueurs apparaissaient ici et là, douces et familières. Comme lorsqu’il s’était retrouvé au plus profond du monde des Esprits. Et un quadrupède massif, lumineux, semblable à un loup, se rapprochait de lui. A mesure que la bête s’approchait, la lumière s’estompait pour laisser place à un pelage noir. Lorsqu’il croisa le regard de l’unique oeil de l’apparation, il sentit clairement un lien s’établir dans son esprit entre lui et le Totem.

Le Totem s’adressa-t-il à lui ? Probablement. Mais ce n’était pas comme entendre. il sentait que quelqu’un imposait certaines pensées dans son esprit : des questions muettes auxquelles il devrait répondre ou des impressions qu’il traduisit par des phrases complexes.

”Elen. Mon fils. Mon frère. Quelques soient tes doutes, je t’ai choisi. Mais puisque tu veux prouver ta valeur, je relève ton défi. Je vais décider si oui ou non tu es toujours digne de moi. Voici l’épreuve qui fera de toi un Chaman vivant ou une esprit heureux mort. Veux-tu être Chaman ?”

Alors c’était cela, l’épreuve de Luwö. La question, d’une simplicité enfantine pourtant, figea les entrailles de Elen. Il avait tellement prié pour avoir le choix. Et à présent, Luwö le lui laissait. Être Chaman ou mourir. Pouvait-il réellement refuser d’être le guide de la Meute pour rejoindre les Enfers, égoïstement ? Ou pouvait-il accepter d’être Chaman simplement pour ne pas abandonner la vie ? Non, certainement pas. Que faire alors ? Son regard campé dans celui du Totem, il sut : il avait toujours été destiné à ce poste : les épreuves qui avaient jalonné sa vie, son combat dans le monde des Esprits et sa nomination, tout cela n’était pas les fruits du hasard. Il avait dirigé le Clan en tant qu’Intendant, malgré sa jeunesse. Toutes les transes qu’il avait effectué, pour la statuette, dans l’ancienne Kazad et face à l’Ennemie, tout cela relevait d’exploits dignes d’un Chaman en pleine maîtrise de son Saïka. Finalement, il savait exactement quelle serait sa réponse :

”Je veux demeurer ce que j’ai toujours été.”
”Est-ce là ton choix ? Ton dernier choix ?”

Luwö l’avertissait-il qu’il se fourvoyait ? Non. Ses certitudes étaient bien trop fortes : Luwö l’avait choisi depuis toujours. Il avait un plan pour chacun de ses Loups. Et son destin avait été scellé dès sa naissance.

”C’est ce que je souhaite, pour aujourd’hui et demain, quelqu’en soit le prix.

La vision se dissipa. Et avec elle une douleur fulgurante lui traversa le bras, là où les dents de la statue avait déchiqueté les chairs. Il était bel et bien vivant. Et...

”Prends garde, Elen le Chaman, ne suis pas les autres là où je ne pourrai t’accompagner.”

Luwö le mettait en garde. Parlait-il de Isa ? Le Chaman confirmé en doutait. Quelqu’un d’autre alors ? Kowü peut-être... Du moins les visions qu’il avait de son prédécesseur... Devant un problème insoluble, il ne lui restait qu’une seule chose à faire : courir !

Ignorant la douleur dans son bras, et le sang qui coulait, il s’élança, dans les bois. Les courses nocturnes, il les avait toujours appréciées. Propices à la réflexion et à la découverte de soi...

Les Loups ne le revirent pas avant le matin : il dormit en forêt comme il aimait jadis le faire, loin de la Tanière, des responsabilités, de son épouse et loin de celle qui, indéniablement, l’attirait...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes