Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Le Saïka
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Le Saïka
Topic visité 588 fois
Dernière réponse le 08/05/2012 à 14:48

el Par Elen  le 05/05/2012 à 15:45

Le Chaman invita sa dulcinée à passer sous la toile de leur tente, plus au chaud. Le Loup avait fait un grand feu, qu’il avait laissé retomber, avant de monter la toile. Les braises encore rouges dégageaient une douce chaleur contenue par la toile humide. Isa s’y réfugia vite. Le froid de l’Engourdissement devenait vraiment mordant et si cela ne la dérangeait pas de dormir à la belle étoile dans des conditions favorables, là, les limites étaient clairement dépassées. Aussi la tente qu’Elen montait lorsque le temps ne permettait plus de faire autrement était la bienvenue. Sans compter qu’aujourd’hui, il y aurait bien des choses qui devraient rester entre eux deux.

- Ça va, Isa ? Pas trop nerveuse ?

La jeune femme aurait pu mentir à Elen s’il n’avait pu voir par lui-même, à son air tendu et ses yeux sombres qu’elle n’était pas de la meilleure humeur possible. Elle avait travaillé longuement pour se donner toutes les chances de réussir cette épreuve. Mais l’arrivée tonitruante de sa grand-mère et les doutes qu’elle conservait malgré tout plombaient tout son optimisme.

- Si...

Il referma la toile de tente, se glissant derrière elle pour l’enlacer avec tendresse. Ses mains se glissèrent sur le ventre de l’Olympienne qui, bientôt peut-être, porterait les fruits de leur amour mutuel.

- Je suis là pour toi... Tout se passera bien. Toi, moi, nous... L’avenir...

Elle hocha la tête, doucement. Dans les bras d’Elen, à l’abri, une partie de ses inquiétudes s’envolaient. Et puis il était trop tard pour reculer maintenant. Isa s’était souvent demandée s’il serait pire d’échouer ou d’y renoncer définitivement. Mais elle n’avait qu’une seule option : Réussir. Pour ne pas devenir le bât pesant pour le Chaman du Clan des Loups, marié à une “ennemie” olympienne. Pour leurs enfants à venir : tout le chemin qu’elle parcourerait serait des pas qu’ils n’auraient pas à faire eux-mêmes sur une route déjà bien tortueuse. Et pour avoir ce sentiment d’appartenance qui lui manquait tant.

- On peut commencer, si tu veux. Fit-elle d’une petite voix.
- Tu veux qu’on en parle, avant ? Murmura-t-il avec douceur, déposant un baiser au creux de son cou avant de se glisser face à elle, l’entourant de ses bras pour la rassurer.

Elle ouvrit la bouche et la referma sans rien dire. Elle ne savait plus. La présence d’Elen la rassurait. Mais elle craignait qu’en lui faisant part de ce qui mettait encore ses pensées en ébullition, il ne s’inquiète pour elle et finisse par annuler. Le cocon de leur tente et leur proximité suffiraient peut-être à lui redonner confiance.

- Il ne fait pas très chaud. On peut s’asseoir un petit moment près du feu ? Elle avait la chair de poule mais savait pertinemment que le froid n’en était pas la cause.
- On s’asseoit...Il la guida, s’installant l’un contre l’autre auprès des braises rougeoyantes. Je peux te raconter l’origine des Saïkas en attendant, ça t’intéresse ?
- Oui, bien sûr !

Elle se lova contre son fiancé. Sa voix la berçait lorsqu’il racontait des légendes ou qu’il lui expliquait des pans de la culture louve, il était toujours d’une patience inépuisable avec elle et il lui apporterait, comme toujours, la sérénité qui lui faisait défaut avant de commencer le rituel.

- Le Saïka est très ancien chez nous, tu sais ? Cela fait plus de vingt mille ans que cela existe à ce que l’on raconte.
- Grands Dieux ! Tant que ça ? Mon peuple naissait à peine... Et vous procédez toujours de la même façon depuis ?
- Chaque clan a sa façon de faire, mais sur le principe oui. Nos coutumes remontent à la nuit des temps. Les Faucons, les Loups et les Corbeaux sont parmi les plus vieux clans tu sais ?
- Brrr les Corbeaux... En tout cas eux ont l’air de le savoir !

Elle se blottit un peu plus contre Elen, son regard fixé sur les braises vives. La lumière était chiche mais quelques ombres dansaient sur les pans de toile, inquiétantes, comme un rappel de la nuit qui tombait et les rapprochait de ses mystères. Et parmi ces ténèbres mouvantes, il y avait probablement ces mages qui les épiaient... Du moins c’était l’impression tenace qu’elle éprouvait depuis qu’elle avait été en contact avec ce clan.

- Et ce sont les Crapauds qui, à l’époque, ont découvert qu’avec un mélange de produits adaptés, on pouvait créer un sceau : le Saïka.
- Comment avez-vous trouvé ceux qui sont propres à chaque clan ? Il a dû falloir des lustres pour avoir les bons dosages... Réfléchir aux procédés alchimiques l’éloignait de ses appréhensions. En magicienne passionnée, elle ne pouvait faire l’impasse sur ce genre d’apprentissage.
- Le mélange de base est le même. Il nous permet de créer un pont vers le monde des esprits. Et les autres ingrédients permettent de nous connecter à nos Totems. Je t’avoue que les compétences des Elfes de l’époque étaient largement supérieures aux nôtres ! Regarde notre salle à nous...
- Oui c’est dommage que ce savoir se soit perdu. Mais vous avez développé d’autres dons à la place. En parlant de pont... Tu sais quand Aileen et moi avons lancé le contre-sort... Elle lança un regard à Elen, voir si cela ne l’embarrassait pas de reparler du sujet.

Il raffermit son étreinte à son tour, se remémorant cette parcelle de sa vie qu’il avait l’impression d’avoir vécu en tant que spectateur. Des instants qui n’évoquaient en lui qu’un sentiment de honte. Mais sa curiosité l’emporta. Il déposa un nouveau baiser dans son cou, en signe d’assentiment.

- J’ai senti une présence avant que... “Ça” n’aille vers toi. Aphrodite me protège depuis longtemps, mais je ne crois pas avoir jamais vécu quelque chose de semblable. C’était... Une vague puissante, bienveillante...

Peut-être était-elle en train de blasphémer sans le vouloir. Les Dieux oeuvraient souvent dans l’ombre, sans montrer leur omnipotence et pourtant... Les Totems étaient niés par la plupart des Olympiens. Au mieux rangeaient-ils cela comme chimères hérétiques. Mais depuis qu’Isa habitait la Tanière, les preuves ne lui manquaient pas pour appuyer leur existence. Il n’y avait pas d’illusions dans ce qu’elle avait ressenti au plus profond d’elle-même. Ce n’était pas un tour de passe-passe. Ces entités-là étaient-elles plus actives que le Panthéon du Peuple Elu ? Elle finissait par se le demander...

- Qui penses-tu que c’était ?
- Je ne sais pas si c’était vraiment Luwö ou une sorte d’énergie qu’il a envoyée. Mais c’était très singulier.La magie, la science et la religion pouvaient se mêler très facilement. Au point qu’analyser certaines choses devenait tout bonnement impossible et les mages se trouvaient souvent confrontés à leurs limites, dans ces cas-là. Tu crois... Qu’il pourrait m’en vouloir que je me pose encore toutes ces questions ? Tout devrait être clair pourtant depuis le temps que je suis ici !
- Isa... Si les arcanes des Dieux sont impénétrables, tu imagines bien que celles des Totems le sont tout autant pour nous autres mortels. Je crois que Luwö a cru en toi, tout simplement.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 05/05/2012 à 15:50

Isa regarda son fiancé un long moment. Il n’énonçait pas des paroles en l’air, juste pour la rassurer; il croyait fermement que son Totem l’avait choisie en cette occasion. Alors il était temps qu’elle fasse de même : croire en elle, croire en Luwö, comme elle avait eu une confiance absolue en Elen jusqu’à lui confier son secret. Elle lui sourit et déposa un tendre baiser sur ses lèvres avant de demander :

- Une dernière recommandation, Elen le Chaman ?
- Laisse-toi guider, et tout ira bien. Je te le promets.
- Oui... Fit-elle, sentant déjà ses mains devenir moites. Il fallait qu’elle s’occupe rapidement.Je peux t’aider pour l’encre ? Ou c’est secret peut-être...
- C’est un secret bien gardé par mon clan, oui... Mais tu seras une louve, non ?
- Comme tu veux Elen, je comprendrai si on ne met pas la charrue avant les boeufs.
- Peuh, peuh, peuh...

Il s’écarta légèrement d’elle, et renversa divers articles devant eux. Il retourna un bol céramique, plaça un couteau et une cuillère en argent à côté, une balance rudimentaire avec quelques poids et divers ingrédients. Il les tria : un morceau d’ambre, de la gomme de myrrhe, une fiole remplie d’une poudre claire et étincelante, une autre pleine d’eau, un pot contenant une résine collante, un bloc de charbon, du gui et enfin un morceau d’écorce.

- Voilà tout ce dont nous avons besoin.
- Cela vient du Chêne Sacré ? Demanda-t-elle en désignant l’écorce quelle pensait reconnaître.

Elle n’osait encore rien toucher, et surtout pas le couteau qu’elle préféra ignorer totalement. Sa grand-mère lui avait tant et tant décrit toutes sortes de rituels qui finissaient dans un bain de sang de poulet ou autre pauvre animal qui n’avait rien demandé, quand ce n’était pas les participants eux-mêmes qui s’entaillaient allègrement, que la vue d’une simple lame au milieu des ingrédients la faisaient frémir.

- C’est de l’écorce du Grand Chêne, oui. C’est ça qui contient l’essence de Luwö. Alors tous ces objets ont été bénis par les esprits. Et certains, comme l’écorce, contiennent l’essence même de Luwö. La suite est très simple : il s’agit de mêler ces ingrédients, avec des quantités précises, bien entendu.
- En tout cas ça va sentir bon ! Et puis normalement, à part la poudre de cristaux, rien n’est susceptible d’exploser... Tout va bien ! Fit-elle avec humour.
- On commence ? Demanda-t-il, dans un sourire.
- Qu’est-ce que je peux faire ? Lui répondit Isa, attendant ses instructions.

Il se saisit d’une première fiole, et la vida dans le bol.

- L’eau, pour diluer et faciliter la transition entre les deux mondes. Tu pourrais me passer la résine, s’il te plaît ? Dit-il, tandis qu’il pesait précautionneusement des morceaux de charbon émiettés avec le couteau en argent.

La jeune femme ouvrit le pot et lui tendit, attentive à ses explications. Il lui adressa un sourire et poursuivit, tandis qu’il ajoutait le charbon puis deux cuillerées de résine épaisse et collante :

- Le charbon, pour la couleur et pour purifier le corps des mauvaises énergies. La résine pour épaissir et coller le monde des esprits à ton corps. Maintenant la poudre de cristal de mana : tu peux tout verser, c’est calibré pour. C’est pour concentrer ton Finyë, ou ta magie si tu préfères, dans le Saïka.

Isa déboucha la fiole doucement. Le contenu était relativement instable et elle le manipulait toujours avec précaution. La poudre illumina l’intérieur du bol avant de disparaître, absorbée dans le mélange. Pendant ce temps, Elen se saisit de la pierre d’ambre, qu’il gratta au dessus de la balance, pour en peser une infime quantité.

- De l’ambre, pour créer un pont d’un monde à l’autre monde. Et de la myrrhe pour symboliser l’amour entre toi et le totem, le lien affectif d’un père à sa fille.

C’était peut-être ce qu’Isa avait vécu lors du lancement du contre sort, ou lorsqu’elle avait adressé une prière à Luwö devant sa statue. Sans jamais avoir connu ses parents et bien qu’élevée parmi des Soeurs très présentes, ce genre de repères lui manquait.
Elen récupéra le gui et le lui montra.

- A partir d’ici, c’est ce qui fait l’identité de notre clan : le gui cueilli sur le Grand Chêne, pour chasser les mauvais esprits.

Chose que les Corbeaux ne faisaient jamais. Ces derniers ayant la puissance magique nécessaire pour manipuler la plupart des esprits qui se présenterait à eux. Les Loups, eux, devaient se prémunir contre ce qui voudrait passer de l’autre monde vers celui des vivants. Il lui tendit la plante.

- Choisis trois belles feuilles, celles que tu veux, et mets-les avec le reste.

Isa préleva des feuilles au vert profond et à l’arrondi parfait. Elles rejoignirent l’ensemble de la préparation. Le Loup se saisit du dernier ingrédient, qu’il émietta sur la balance.

- Enfin, voici l’écorce sacrée, pour te relier à Luwö. Il ne reste plus qu’à faire chauffer le tout, et à l’homogénéiser.

Il plaça le bol sur les braises, brassant la mixture jusqu’à obtenir une pâte chaude, de couleur grise, légèrement collante, qu’il laissa à tiédir près des restes encore ardents du défunt feu. Il profita des quelques minutes qui suivirent pour se pelotonner contre sa fiancée.

- Ça va être une première, tu sais, mon ensorceleuse ?
- Ah ?
- Tu seras la première Olympienne intronisée...
- C’est vrai ? Il y en a peut-être eu à Sigdil ? Cela restait tout de même hautement improbable.
- Des unions entre Elfes des Lunes et Olympiens, oui. Mais pas d’intronisation à ma connaissance. Le seul précédent si ma mémoire est bonne, c’était au sein du clan de l’Ours.
- Alors on va s’appliquer. Tu me feras une jolie marque, d’accord ?

Ramener le Saïka à une sorte de coquetterie pouvait paraître déplacé, mais cela rendait la phase de préparation plus légère. Elen avait assez détaillé l’influence que les ingrédients donnaient au Monde des Esprits et à Luwö sur Isa pour qu’elle en cerne toutes les implications aussi sérieuses que définitives.

- Ce sera Luwö qui décidera de ça... Je ne serai que son instrument.

Elle déposa un baiser sur la joue d’Elen. Elle le savait bien mais ça l’amusait de l’imaginer se creuser la tête pour trouver un beau motif et l’endroit idéal pour le tracer.
Il ne restait plus beaucoup de temps avant que la préparation ne soit tiédie et son coeur commençait à battre un peu plus fort.

- Une chose est sûre, tu seras la plus merveilleuse Louve que le clan aura jamais connue...
- Tsss... Et tu seras fier de moi ?
- Je suis déjà fier de toi. Murmura-t-il, avant de l’embrasser langoureusement. Tu... Tu es sûre de toi ?
- Tu te souviens lorsque tu nous as fait sauter du haut de la cascade ? Fit-elle, son regard rivé à celui du Loup.Je n’ai pas regretté.
- Je t’aime.
- Moi aussi. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle resta blottie contre lui encore quelques instants.

Puis elle se pencha pour poser la main sur le pot. Il était encore chaud mais elle pouvait y laisser sa paume sans se brûler.

- Il te faut beaucoup de temps pour commencer la transe ?



el Par Elen  le 06/05/2012 à 12:03

En un signe de dénégation, il lui signifia que ce serait elle qui déciderait de l’instant ou cela commencerait. Cet instant qui ferait d’elle un louve. La première Olympienne louve. Il caressa avec délectation la chevelure de sa fiancée.

Isa savait comment se poursuivrait le rituel : elle devrait se présenter dans le plus simple appareil au Chaman, lui-même en communion avec son Totem. Tout cela ne tenait plus qu’à elle... La jeune femme observa un bref instant Elen. Il n’affichait aucune inquiétude, pas l’ombre d’un doute. Au contraire, il semblait heureux car pour lui l’issue était déjà dessinée telle cette marque qui ornerait bientôt son corps... Elle esquissa un sourire tendu et n’osa pas l’embrasser : en cet instant, il était moins son fiancé que l’élu de Luwö.
Avec des gestes mesurés tandis qu’elle contrôlait sa respiration et son coeur prêts à s’emballer, elle se leva et elle ôta l’épaisse veste de laine puis les autres vêtements qui la couvraient : ses bottines, un boléro qui doublait un haut en laine plus fine, une jupe-culotte longue qui habillait chaudement ses jambes jusqu’aux chevilles. Elle se détourna légèrement d’Elen pour terminer par sa lingerie aux couleurs satinées.

Elen se leva et embrassa tendrement la peau d’albâtre de ses épaules, autant pour la rassurer que par soumission à ses instincts primaires, avant de l’enlacer un bref instant. Quelle merveille ! Quelle splendeur ! Il eut cette pensée fugitive : qu’est-ce qui ne tournait pas rond chez les Olympiens pour qu’une jeune femme aussi douce que magnifique, aimante et pleine de bonté soit restée seule si longtemps ? C'eût été une Elfe qu’elle aurait été courtisée par tous les hommes de la forêt des Cendres ! Incompréhensible... Il remercia silencieusement Luwö que les Olympiens fussent aussi manches car cela avait permis leur rapprochement et leur union à venir !

Il ramassa le bol tiédi et vint devant elle. Il savait ce qu’il devait faire, à présent. Il plongea son regard empli d’une infinie tendresse dans le sien.

Une à une, Isa fit tomber ses défenses mentales. C’était un exercice difficile pour elle qui avait tant été entraînée à s’opposer à toute forme de coercition. Se protéger de toute intrusion était devenu un réflexe bien rôdé, qu’il fallait combattre aujourd’hui. Elle n’y serait probablement pas arrivée si ce n’avait été Elen face à elle. Les longues journées de méditation et de travail sur ses capacités mentales qu’elle avait dû fournir avant d’aller chercher sa grand-mère allaient porter leurs fruits. Méthodiquement, sa respiration s’appliquait à emplir ses poumons jusqu’à gonfler son ventre : une des meilleures méthodes qu’on lui avait enseignées pour juguler l’angoisse et garder son calme. Comme le lui avait conseillé son fiancé, elle n’avait plus qu’à se laisser guider sous son regard bienveillant.

Le Chaman ouvrit son âme au monde des esprits, ses yeux se vidant un instant de tout éclat. Son Saïka irradia la tente de sa lumière, tandis qu’une lueur bestiale apparut dans son regard. La mixture contenue dans le bol commença, à son tour, à dégager une faible lueur, attisée par la proximité de Luwö.
Il fit quelques pas autour d’elle, son regard intensément braqué sur le corps de la jeune femme. Il semblait rechercher quelque chose de précis.

Sous ce regard de braise, Isa ne se sentit pas loin d’une proie tétanisée. Sans être pudique, elle se retrouvait de fait dans une situation de vulnérabilité difficile à gérer. Quelles étaient les parts du Totem et d’Elen dans cet être qui la scrutait si intimement ? Elle se concentra pour rester stoïque et ne pas ruiner l’ensemble du rituel par simple réflexe de défense.

Dans un mouvement fluide, il revint devant elle. Puis d’un appui très doux sur ses épaules, se baissant avec elle, il la guida pour l’agenouiller face à lui. Ensuite ses mains se posèrent avec affection sur les joues de la jeune femme. Il l’observait avec un certain paternalisme et elle ressentit une fois encore cette impression de chaleur tendre celle qui l’avait envahie lorsqu’elle avait invoqué le Totem afin de guérir Elen.

- Luwö... Murmura-t-elle, presque incrédule et pourtant si réconfortée par l’aura qui l’entourait.

Les mains de l’Elfe glissèrent le long de son cou, suivant un parcours précis, comme défini d’avance, l’impression de chaleur accompagnant les mouvements lents. Elles se glissèrent le long de ses épaules, puis de ses bras. Elles frôlèrent la paume de ses mains puis ses doigts, avant de se poser sur la naissance de ses cuisses. Il prit une grande inspiration, puis contourna la jeune femme, laissant glisser une main tout contre elle, le long de sa peau, s’arrêtant au bas de son dos le doigt posé en un point où se concentra toute la chaleur.

Curieusement, l’image de la statuette qui la représentait sur la table de chevet du Loup apparut dans l’esprit d’Isa. Elle était comme ce bois brut qu’il avait façonné patiemment, copeau après copeau, en accord avec la matière, sa nature, sa fibre, sa résistance d’un côté et sa faculté à se plier au travail de l’artiste de l’autre. Combien de fois l’avait-il prise dans ses mains pour retoucher une courbe ou accentuer un détail sans trahir ni la matière ni la silhouette qu’elle devrait figurer ?
Plus tard, Elen lui avait permis de découvrir que son corps n’était pas juste cette enveloppe fragile et maladroite qu’elle dénigrait souvent et qu’une harmonie flamboyante pouvait naître de l’union de ses sens et de son intellect.
Qu’allait mettre Luwö en exergue, quant à lui ? L’énergie qu’elle possédait avait-elle d’autres pouvoirs que ceux que l’enseignement dirigiste des Eclats Divins lui avait octroyés ? Un nouveau monde s’ouvrirait peut-être bientôt à elle...

Une décharge électrique fulgura à hauteur de ses reins qui lui fit serrer les poings avec force sur ses genoux. Ses lèvres pincées retinrent un cri de douleur mais son écho brûlant se répandit rapidement, comme si des coulées de lave remontaient, du noeud du Saïka en création, le flux de ses énergies sans en oublier le moindre méandre.

Avec un soin infini, Elen continua à appliquer de ses doigts la préparation et termina le symbole qui la suivrait pour le reste de ses jours : deux lunes entrelacées, symbole de l’union entre deux mondes, entre deux idéologies, entre le passé et l’avenir.



Cela ne prit qu’un instant en fait, aussi bref qu’intense, et le Chaman prit place face à elle, en tailleur, toujours possédé par la présence de Luwö. Il posa une main sur le coeur de l’Olympienne et, dans un bref murmure d’une voix inhabituellement rauque, il prononça quelques mots :

- Ne le luwo ke zutelith. Vala ot ova.

A peine eut-il achevé sa dernière phrase que les joues du Chaman s’embrasèrent, ses yeux papillonnant sur le corps dénudé de sa compagne. Bien sûr, il s’était attendu à ressurgir de la transe face à elle, mais pas aussi près et encore moins dans une telle posture ! Luwö était parfois un drôle de farceur.

- Tu... Tu vas bien ?
- Oui... Dit-elle dans un souffle, comme si elle se remettait doucement d’un choc déroutant. Je l’ai entendu, Elen. Il me parlait... A travers toi.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 06/05/2012 à 14:13

Lentement, elle ouvrit ses mains pour venir chercher celle d’Elen égarée sur sa poitrine. Elle l’amena à sa propre joue et l’y garda un long moment, les yeux mi-clos.

- Je suis une Louve maintenant. Elle rouvrit les yeux pour demander au Chaman : Et toi, tout va bien ?
- Tout va bien, à présent. Et sans crier gare, il l’étreignit avec ferveur.
- Tu t’inquiétais ? L’interrogea-t-elle, surprise qu’il l’enlace ainsi.
- Je... Je ne savais pas si... Si ça allait te... Si ça pouvait te blesser... Je ne m’inquiétais pas : je crevais de trouille...
- Tu cachais bien ton jeu alors... Tu avais l’air si confiant. Heureusement d’ailleurs parce que je n’en menais pas large, à vrai dire.
- Je ne voulais pas te mettre en soucis... Tu n’imagines pas à quel point je suis fier de toi, Isa... Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Enfin... Si ce n’est pas trop indiscret.
- Il m’a dit de... De vivre. Qu’il me bénissait et que... Sa voix déjà ténue se brisa soudain. Que j’étais sa fille.
- Oh, euh... C’est... Il semblait perturbé : Luwö s’adressait rarement à ses fidèles. C’est vrai, naturellement. A présent, tu l’es. Et très vite, tu seras beaucoup plus.
- Plus ? Elle ne comprit pas vraiment ce qu’Elen sous-entendait, son esprit confus après cette expérience hors du commun. Laisse-moi me faire à cette idée déjà. C’est nouveau pour moi.
- Je sais... Et je serai là pour toi. Jusqu’à ce que tu t’y sois complètement faite. Et à jamais.
- Mais... Alors tu ne te souviens pas ? Réalisant d’un coup les questions d’Elen.
- De quoi ? Du ? Oh ! Non, non... C’était entre toi et lui. Tu... Tu n’as pas froid ?

La jeune femme le considéra quelques secondes. C’était tellement étrange que pour une fois quelqu’un d’autre qu’elle oublie ce qu’il venait d’accomplir... Elle ne pensait pas que la transe était si exclusive et cela assombrit sa joie d’avoir réussi l’épreuve alors qu’Elen ne l’avait en fait pas partagée jusqu’au bout.

- Non... J’ai chaud même. Sûrement un effet annexe...
- Tu n’as pas mal ? Ça va ? Ta magie ?
- Je crois qu’il vaut mieux que je m’abstienne d’incanter pour quelques jours, mais ça ira. Dit-elle prudemment.

Elle sentait bien ces picotements juste sous sa peau, ces décharges qui touchaient parfois ses organes et lui arrachaient une grimace, la privant d’une respiration ou deux. Ils se mêlaient à son énergie et façonnaient, à leur manière, cette porte vers “autre chose”... Mais cela s’avérerait supportable si elle n’essayait pas de capter de grandes quantités de mana ou d’utiliser massivement ses propres réserves.

- Tu voudrais me dire comment est la marque ? Je n’ai pas réussi à déterminer sa forme pendant que tu la traçais.
- Si tu veux. Où est-elle ?

Elle pivota et désigna l’endroit en posant une main quasiment au niveau des reins. La peau semblait légèrement boursouflée et le contact immédiatement douloureux fit croire à l’Olympienne qu’elle était brûlée. Cédant à la curiosité cependant, elle tenta d’activer la marque par un infime flux d’énergie. Sous la rougeur qui ne tarderait pas à s’estomper, un tatouage sombre apparut qui s’illumina légèrement.

- Oh ! C’est... Comment peux-tu ?... Il s’empourpra intensément et n’osa pas poursuivre en songeant que ce qu’il avait là, sous ses yeux : le Saïka de sa fiancée.

Elle se détourna vivement, surprise par la réaction d’Elen et fut soudain très embarrassée. Lui reprochait-il d’être aussi peu pudique avec lui ?

- Je suis désolée... Fit-elle, la déception transparaissant dans sa voix. Elle tendit une main vers ses vêtements.
- Hum, c’est... Il est très... Il est très beau. Lacha-t-il, détournant le regard. Tu... Tu es très... Adroite.
- Pourquoi ? Fit-elle en se levant lentement pour se rhabiller. Elle s’aperçut vite que les gestes brusques provoquaient de vives douleurs.
- On voit rarement quelqu’un... Enfin... Tu sais... Être capable de...
- Vous marquez peu d’adultes, les occasions ne sont donc pas légion. J’ai beaucoup de chance en fait. Un bébé ne se souvient pas de ce moment, de sa voix, de cette aura qui l’enveloppe... Cela reste peut-être quelque part dans votre mémoire, mais jamais aussi nettement que cela vivra dans la mienne. Cela sonna comme une petite revanche sur son “don” qui la privait de la plus grande partie de sa vie.

Elen semblait encore tout retourné qu’elle lui ait donné si tôt l’occasion de voir quelque chose d’aussi intime que son Saïka. Mais au crédit de l’Olympienne, il avait déjà vu beaucoup de ce que l’on jugeait intime. Et lui aussi avait partagé ce secret personnel avec elle, après tout. Il sourit avec fierté : elle maîtrisait déjà son Finyë d’instinct...

- Il l’a bien réussi... Souffla-t-il, sans la quitter des yeux, tandis qu’elle se rhabillait.
- Tu ne m’as pas dit à quoi ça ressemble. Dit-elle sur un ton neutre, ne sachant plus trop comment interpréter les réactions d’Elen.
- Oh... Euh...

Il fourra les quelques objets qui restaient du rituels pêle-mêle dans sa besace et en tira un parchemin vierge, une fiole d’encre et une plume. Il s’appliqua de son mieux, fronçant les sourcils et tirant la langue au coin de la bouche. Il traça soigneusement les deux lunes entrelacées et lui tendit le résultat après avoir séché l’encre en soufflant dessus.
Isa était venue s’agenouiller derrière lui, ses bras passés sur ses épaules pour le regarder dessiner. Elle prit la page et dit d’un air ravi :

- C’est joli, merci Elen. On dirait que la grande lune protège la petite, avança-t-elle de façon un peu naïve, bien loin de la symbolique que le Totem avait cherché à évoquer.
- Il l’a bien réussi... Répéta-t-il.
- Grâce à toi. Fit la jeune femme en déposant un baiser dans le cou du Loup.
- Et à toi. Je suis certain qu’il t’aime, lui aussi...
- Oh ! Serait-ce une pointe de jalousie que j’entends ? Inventa Isa pour taquiner son fiancé. Et toi, tu dirais que cela signifie quoi ?
- Jaloux ? Oh... Euh... Hum... Il y a deux lunes... Chez nous, elles symbolisent à la fois les esprits et la nuit. Mais le fait qu’elles se chevauchent, sur toi... Je dirais une union, un peu comme tu l’as dit... Notre union ?
- Ca me plaît bien comme idée. Vivement qu’il fasse beau ! Dit-elle, en allusion aux noces prochaines. Tu as raison, c’est moi qui serais jalouse si c’était toi et non ton Totem qui regardais de futures Louves comme Luwö m’a observée. Notre Tot... Voulut-elle corriger.

Mais Elen la sentit glisser dans son dos jusqu’à la trouver étendue derrière lui, en proie à un malaise soudain. La respiration de la jeune femme s’accélérait et le papillonnement de ses paupières montrait qu’elle luttait pour rester consciente.

- Elen... J’aurais dû... Avant... Il faut...

De peur de perturber la pose du Saïka avec le rituel du “jour de lecture”, elle avait renoncé à le mener avant. Mais les modifications de son énergie l’avaient plus épuisée qu’elle ne l’avait cru au prime abord. La maîtrise du Finyë lui échappait et les oppositions des énergies gagnaient en force, décuplant le nombre et la violence des décharges que son corps subissait.



el Par Elen  le 07/05/2012 à 18:43

Instantanément, Elen se pencha au-dessus d’elle, une main posée sur son front, l’autre cherchant la marque du Saïka nouvellement créé. Puiser dans son énergie pour l’activer si tôt avait dû créer un raz de marée dans le habituellement long processus d’adaptation. Et si un Saïka nouvellement créé était une porte vers Luwö, c’en était aussi a fortiori une vers le monde des esprits. Il agissait dans un réflexe professionnel qui balaya au loin l’inquiétude qu’il aurait pu avoir pour elle. Il devait la retenir !

La voix douce et grave du Chaman retentit, chantant des Icarios adaptés à la situation : ceux qui appelaient à calmer les flux d’énergie, à reformer les canaux de circulation du Finyë et à retenir l’esprit dans le corps.

L’Olympienne avait l’impression d’être entourée de brume. Plus dense encore que celle qui noyait la Forêt des Cendres. Elle se sentait prisonnière de cet endroit étrange, où sa conscience se débattait comme on tâche de sortir d’un cauchemar, ni totalement endormi, ni complètement éveillé. La voix du Chaman transperça la ouate qui l’isolait et traça un chemin pâle. La douleur refluait lentement et Isa put remonter vers le monde réel.

- Je croyais que je contrôlais... Je ne sais pas pourquoi...

Lorsqu’il fut tout à fait certain qu’elle n’avait plus un pied dans l’autre monde, il l’étreignit avec tout la vigueur que lui donnait son angoisse retrouvée. Il embrassa chaque parcelle de son visage : il avait vraiment cru la perdre.

- Tout va bien, tout va bien... Dit-il, plus pour s’en convaincre que pour elle. Ce n’était qu’une transe... Une simple transe...

Il déglutit avec difficulté, encore sous le coup de l’émotion. Il devrait la surveiller de près. Et contrôler les flux qui habitaient sa future épouse. Peut-être possédait-elle trop de magie pour le Saïka des Loups ? Non... Impossible, le Clan avait eu son lot de mages, par le passé. Kowü avait été l’un des derniers, d’ailleurs... Non... Ce n’était qu’un effet secondaire lié à la précipitation des deux tourtereaux.
La jeune femme hocha la tête doucement. Elle resta blottie contre Elen un long moment puis réalisa qu’elle devait terminer l’autre rituel. Si un autre malaise la prenait, elle pourrait perdre connaissance et sa mémoire s’envolerait.

- Ca va aller maintenant... Je suis désolée, je ne voulais pas te faire peur... Tu peux m’aider ?

Les énergies pulsaient en elle en longues décharges qui l'empêchaient de se lever. Au mieux pouvait-elle rester assise et elle se demanda si elle pourrait achever les incantations. Depuis son adolescence, le rituel était devenu une routine où le peu de magie que cela nécessitait ne représentait pas un grand défi. Sauf que ce soir... Elle avait été assez stupide pour croire qu’elle pourrait s’en acquitter sans peine.

- Ménage-toi, Isa, ma louve... Fit-il, la soutenant, attentif.
- Je préfère ne pas perdre de temps. Je... J’ai trop mal... Faillit-elle lui avouer. Tu pourrais installer le brasero s’il te plait ? Il y a tout ce qu’il faut dans la besace.

Elen l’avait déjà vue procéder aux préparatifs. Il n’y avait rien de compliqué mais chaque étape était importante, malgré tout. ll plaça braises puis ambre dans l’objet, comme il avait vu sa fiancée le faire auparavant. Puis il échangea un regard avec elle, pour vérifier qu’il avait procédé comme il le fallait.

- Merci. Lui dit-elle en esquissant un sourire pour le rassurer alors que le parfum caractéristique de la résine supplantait l’odeur, plus âcre, des braises ordinaires.

Pour être plus stable, elle replia ses jambes en tailleur et se concentra, les mains posées sur ses genoux. Aussi lentement qu’elle put, elle essaya de rassembler les énergies magiques nécessaires à l’incantation. Ce ne fut pourtant qu’un maelström incontrôlable qui déferla en elle. Sa poitrine se serra, comme prise dans un étau. Son cou et ses épaules se raidirent... Les drogues qui l'empêchaient de dormir lui donnaient par excès les mêmes symptômes.
D’une voix à peine audible, elle murmura le sortilège mais la trame qui liait normalement les mots et les énergies était loin d’être parfaite. Pouvait-elle suffire ?

Ne rêve pas trop. Lui souffla sa petite voix.

Elle se pencha pour attraper la pile de feuilles qu’elle devait incinérer, à présent. Ses bras engourdis l’en empêchèrent.

- Elen... Brûle tout, vite... Souffla-t-elle avant de s’écrouler, inconsciente.

Il s’exécuta d’un geste rapide, avant de se porter au secours de sa belle. Était-ce de l’épuisement ? Ou encore la transe ? Il prit sa main dans la sienne, attentif. Puis il posa son oreille contre sa poitrine.

- Non, non, non, non, non !

Immédiatement, il débuta les geste qu’on lui avait appris : compressions successives, baiser de la vie. Visiblement paniqué à l’idée de la perdre, il puisa immédiatement dans ses réserves pour faire luir son Saïka, tandis qu’il s’affairait à la ranimer, des larmes de joies et de tristesse perlant sur ses joues. Étaient-ils allés trop loin ?

- Isa ! Reviens ! Si tu m’entends, prends ma vie ! Prends ! Tu m’entends ?

Il lui donnerait un an, un siècle, toute son existence s’il le fallait. Il ne désirait qu’une chose : qu’elle vive, quelqu’en soit le prix. Et quelle ne fut pas la surprise lorsqu’il sentit une réponse au flux énergétique qu’il générait. Son Finyë se glissait dans le corps de la jeune femme, tournoyant, se mêlant intimement avec le flux de magie de l’Olympienne. Il crut un instant qu’elle l’avait entendu, que son instinct, à elle, lui dictait que telle était l’unique solution : prendre le souffle vital de son époux.

Mais il comprit rapidement que le phénomène n’avait absolument rien à voir. Il ressentit comme une faible pulsation dans son Finyë, comme si quelque chose s’agrippait faiblement à lui, comme quelqu’un à une corde. Et bientôt, tout son être vibra, une résonance que s’imposaient les deux énergies étrangères et pourtant si familières. Il lui sembla que la magie dont il disposait, et celle de sa fiancée, s’étaient rapprochées, touchées, plues et qu’à présent, ensembles elles virevoltaient, à un rythme qui liait plus intimement que jamais les deux amants. Une osmose de leurs âmes, de leurs corps et de leurs coeurs...

De leurs coeurs, qui battaient à l’unisson, à présent. Elle était sauvée...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 07/05/2012 à 19:55

Les yeux de la jeune femme s’ouvrirent lentement. Elle avait l’impression de flotter mais la silhouette d’Elen se dessina clairement au dessus d’elle.

- Elen...
- Chut... Ne dis rien, Isa. Ne bouge pas. Murmura-t-il, les yeux encore humides.

Elle sentait bien le froid du sol où elle reposait et la chaleur que le brasero répandait alors que les dernières braises s’y consumaient mais elle ne se souvenait pas pourquoi elle se retrouvait allongée ainsi, aussi faible.

- Je me suis évanouie ?
- Tu... Tu as failli...

Il l’étreignit tendrement, incapable de poursuivre, tant il était soulagé. Qu’elle puisse parler si tôt après son accident lui semblait être de bon présage. Les Olympiens étaient décidément bien plus résistants que les Elfes. Mais la voir aussi mal en point l’avait rendu aussi faible qu’un louveteau...

- Elen, je t’entendais... Pas des mots, autre chose...
- Tu m’as fait tellement peur. J’ai cru que...
- Je suis fatiguée... Juste très fatiguée. Et toi ? Tu vas bien ? Elle commençait à se demander si un accident n’était pas arrivé. Pourtant la tente avait l’air intacte, pour le peu qu’elle en voyait.
- Ton coeur s’est arrêté, Isa ! Et le mien avec ! Ce n’est pas... Je...

Est-ce que cela avait été vraiment si grave ? Elle n’en gardait qu’une douleur sourde dans la poitrine, qu’une force à la fois étrange et familière combattait. Ses perceptions s’en trouvaient amoindries, comme gommées.

- Elen... Si on dormait un peu ? Elle le sentait à bout, et c’était visiblement sa faute. Demain, tout ira mieux.

Sa nervosité aidant, il craqua, enfouissant son visage dans l’épaule de sa fiancée, des larmes chaudes humidifiant le tissu. Dans la mémoire du clan, Elen n’avait pleuré que deux fois depuis son passage à l’âge adulte : au départ de sa première fiancée et à la mort de Kowü...

- J’ai eu si peur ! Ce... Ce n’était peut-être pas... Ton Saïka... Jamais je n’aurais cru qu’il te... Oh Isa... J’ai cru que je t’avais perdue...
- C’est moi qui ai été imprudente. L’orgueil ne paie jamais avec la magie. J’ai crû pouvoir sauter de la cascade toute seule... Viens...

Elle referma ses bras sur lui, le serrant étroitement.

- Tu ne respirais... Ton coeur... C’était... J’ai cru...
- Chuuut... Tu m’as sauvée, comme toujours... Et tu me protèges encore, je le sens.

Il se lova contre le flanc de sa fiancée, agité de soubresauts, la respiration encore saccadée. Cet épisode lui semblait formateur : il avait perdu bien trop d’êtres chers. Et de la voir si près de la mort, il réalisa à quel point le plan qu’il avait imaginé, et qui impliquait malheureusement Isandre, lui était essentiel : jamais il ne supporterait la perte de Isa...

- Je suis une Louve maintenant. Tu as dit que tu étais fier, ce n’est pas le moment de pleurer, Elen... Tout va bien... On va se reposer et on ira annoncer la bonne nouvelle à Aileen demain. Doucement, ses doigts jouaient dans la chevelure d’Elen.
- Je t’aime... Il se redressa, essuyant les reliquats salés de ses larmes d’un revers de manche. Je... Je vais te veiller, un peu...
- D’aussi près que tu voudras, lui murmura-t-elle en esquissant un sourire tendre.

Elen repoussa le braséro d’un geste, récupéra les cinq couvertures qu’ils avaient emmenées pour écarter la froidure ambiante. Encore que de se pelotonner l’un contre l’autre, généralement, leur assurait des nuits relativement chaudes. Il posa deux couvertures sur le sol et aida Isa à s’y glisser : elle devait se ménager. Il l’embrassa à de nombreuses reprises, les yeux encore rougis par l’émotion, avant de s’allonger près d’elle, remontant les trois couvertures restantes au dessus d’eux. Puis, se collant tout contre elle pour compléter le dispositif chauffant, il s’accouda au sol, pour être certain de ne pas quitter des yeux la femme de sa vie.

- Essaie de dormir un peu aussi Elen... Dit-elle en lui caressant la joue. Puis elle bougea pour s’installer au mieux contre lui, en sécurité. Le sommeil ne tarda pas à venir.

Le Chaman resta éveillé une bonne partie de la nuit. Il observa sa respiration, régulière Ce ne fut que quelques tours de sabliers avant l’aurore qu’il se rendit, terrassé par le sommeil.

[...]

Au matin quand Isa s’éveilla, les souvenirs d’une folle journée de fiançailles vinrent à son esprit. Elle sourit en trouvant Elen à ses côtés et lança un regard étonné à ce qui l’entourait. Le Loup pourrait toujours lui expliquer lorsqu’il se réveillerait ce qu’ils faisaient dans une tente, en pleine forêt. Puis un inquiétant picotement courut sous sa peau...



el Par Elen  le 08/05/2012 à 11:30

Il la sentit bouger et s’éveilla presque instantanément, son sommeil rendu léger par l’inquiétude. Il prit une grande inspiration, déglutit puis s’enquit :

- Ça va mieux ?

Elle se tourna et grimaça. Prenant le temps de déposer un baiser dans le cou de son fiancé, elle répondit, encore ensommeillée :

- Je ne me sens pas très bien... Où sommes-nous ?
- Nous sommes près du Lac de l’Etoile et... Répondit-il par réflexe, avant de se rendre compte de ce que signifiait la question de sa fiancée : Tu... Tu ne sais vraiment pas ?
- Non... Mais j’ai mal partout... Comme si j’avais attrapé une mauvaise grippe... Qu’est-ce qui se passe Elen ? Fit-elle, soudain inquiétée par le ton du Loup.
- Pourtant hier tu as... Enfin ton rituel... C’est...

Son visage s’assombrit. ”Je suis un misérable.” songea-t-il.

Il avait posé ce Saïka. Et pour quelles conséquences ? Elle avait manqué d’y laisser sa vie. Et à présent, elle perdait tout un pan d’existence. Tous ces instants privilégiés qu’ils avaient partagés depuis le dernier rituel, tout cela ne reposait que sur lui, à présent.

- Hier... Les lèvres de l’Olympienne tremblèrent alors que l’idée d’avoir échoué faisait son chemin. Hier je n’emménageais pas chez toi, n’est-ce pas ? Et... Qu’est-ce que j’ai ? J’ai été blessée ? Peut-être que la Forteresse avait été attaquée, qu’ils avaient fui... Ou toute autre raison qui l’aurait amenée dehors dans cet état.
- C’est... C’est ma faute. Hier... Hier, je t’ai posé ton Saïka. Tu es une Louve, mais...

Comment pouvait-il lui dire qu’il l’avait entraînée sur une pente qui avait changé toute son existence et qui, peut-être, allait lui nuire pour le restant de ses jours ?
Elle haussa les sourcils sans rien pouvoir dire. Des émotions contraires tiraillèrent son esprit : la joie d’avoir réussi l’épreuve de Luwö et la détresse de l’avoir oubliée.

- Tout c’est bien passé alors. C’est merveilleux, Elen. Parvint-elle à dire au bout d’un moment.
- C’est... Oui. Mais... Enfin hier... Tenta-t-il de résumer avec peine, avant de déglutir une nouvelle fois.
- Ca ne fait rien. Tu me raconteras pour le Saïka. Plus tard. On peut rester là ? Anéantie d’avoir oublié cet événement crucial, elle tendit les bras pour se blottir contre Elen. Tout était si confus qu’elle cherchait immédiatement refuge près de lui et elle ne se sentait pas le courage de connaître les détails tout de suite.

- Tu dois te reposer avant tout... Tu... Tu as mal ?
- Je ne t’accompagnerai pas en expédition en tout cas... Répondit-elle de façon évasive.
- Je ne compte pas partir, de toute façon...
- Pourquoi le Lac de l’Etoile ? Les Géants attaquent ? Demanda-t-elle, soudain inquiète.
- Non, non... C’est de là que vient la brume... Tu te souviens de la brume ?

Il énuméra les présents, pour qu’elle n’ait pas la surprise. Il lui expliqua les évènements de ces derniers jours, ceux de la saison dont il se souvenait, les instants partagés que le destin avait volé à l’Olympienne. Puis il revint sur la veille.

- Hier, je t’ai posé ton Saïka. Et quand tu as puisé dans tes réserves, tu t’es... Enfin... Tu as failli tomber dans le monde des esprits. Et ensuite, je crois que tu n’as pas eu la force de faire ton rituel. Et tu t’es... L’émotion bloqua un instant les mots, ses yeux s’humidifiant plus qu’à l’accoutumée.
- Ca peut arriver Elen... Tu ne dois pas... Ne sois pas triste, ce n’est pas grave. Elle n’avait jamais vu le Chaman si ému et les mots lui manquaient pour le réconforter.
- J’ai failli te perdre, Isa ! Tu ne respirais plus ! Pourquoi fallait-il qu’il revive encore une fois cet instant. Il maudit intérieurement l’instigateur de la malédiction de sa future femme. Et ton coeur... J’ai dû... J’ai cru que... Il se blottit tout contre elle, dans la chaleur des couvertures. Promets-moi, Isa, promets-moi que tu n’essayeras plus de sorts avant longtemps...
- Je comprends. Lui chuchota-t-elle, abasourdie par ce qu’elle apprenait. Elle comprenait maintenant pourquoi il était si chamboulé. Je te le promets. Ecoute...

Elle n’imaginait pas faire ressasser les évènements en boucle à Elen. S’il devait lui réexpliquer chaque matin, compléter ce que les notes ne diraient probablement pas, ce serait tout bonnement infernal pour eux deux. Il vaudrait mieux qu’elle s’éloigne quelques temps.

- Ca va être très compliqué ces prochains jours. Je vais peut-être rentrer à la Tanière. Vous n’avez pas vraiment besoin de moi ici...
- J’ai besoin de toi ! Contredit le Loup.
- Pas si ce qui s’est passé t’affecte autant. Je ne veux pas que tu en souffres davantage.
- Ce n’est pas ta faute. Nous n’avons pas été prudents. Ni toi ni moi... De toute façon, dans ton état... Tu ne m’échapperas pas ! Il l'entoura de ses bras et l'étreignit avec tendresse.
- Tu es sûr ? Tu ne vas pas m’en vouloir ? Ca va être long jusqu’au prochain rituel...

Si tant est que le suivant fonctionne... Avait-elle échoué par simple manque de concentration ou de puissance ? Ou le Saïka avait-il changé sa destinée au point que les astres lui tournent le dos désormais ? Elle préféra ne pas envisager cette dernière option. Si Luwö la protégeait, il ne laisserait pas une telle sanction s’abattre sur elle.

- J’ai eu peur pour toi, Isa... C’est tout. Et si tu t’en vas, je crois bien que je serai plus effrayé encore. Si je t’ai donné cette bague, c’est pour que tu t’éveilles près de moi chaque matin, quelque soit la situation. Alors nous gérerons tout ça ensemble... Toi, ma future épouse, et moi, ton futur mari.
- D’accord... On se rattrapera au mariage, tout sera parfait.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 08/05/2012 à 12:46

Elle se recroquevilla contre lui. Son corps lui réclamait du repos à travers les picotements qui s’accentuaient et quelques décharges qui naissaient dans son dos là où la brûlure du Saïka était encore sensible pour irradier largement alentour. Nul autre endroit que les bras d’Elen n’aurait été plus réconfortant.

- Et... Comment ça se passe avec ma grand-mère ? Ne lui dis rien pour le Saïka. Je préfère l’avertir moi-même... Et cela risquait d’être encore un grand moment. Si tu savais comme j’aimerais qu’on soit loin, juste toi et moi...
- Et moi donc... Quand cette histoire brumeuse sera terminée, et que nous aurons célébré notre mariage, nous partirons, si tu le veux bien, toi et moi, en voyage de noce. Quant à Isandre... Je crois l’avoir amadouée...
- Vraiment ? Tu m’avais caché tes dons de magicien. Comment as-tu fait ?
- Je lui ai fait comprendre que le lien entre nous était fait d’un matériau autrement plus solide que sa canne...
- Moi qui croyais qu’elle ne pourrait jamais entendre ce genre de choses... C’est une bonne nouvelle, je suis contente qu’elle soit là.
- Elle ne restera pas bien longtemps, tu sais ? Ça... Ça ne t’ennuie pas ?
- Oui je me doute bien qu’aucun de vous deux ne voudra qu’elle reste. Mais... Jusqu’au mariage au moins ?
- Je pense, oui...

Il retint un soupir. Il n’aimait décidément pas que la vieille tourne autour d’eux. Mais un accord était un accord. Et si elle parvenait à trouver une astuce pour prolonger l’existence de Isa, il lui serait plus que redevable. Heureusement l’esprit étriqué de Isandre n’avait pas décelé la faveur qu’il lui demandait : il lui semblait à peu près évident que la vieille ne voyait là qu’une excellente opportunité de prolonger sa propre existence. Néanmoins, il devrait se montrer prudent : Luwö seul sait quel coup fourré elle allait inventer. S’il existait bien un rituel du type de celui qu’il lui avait demandé, il lui semblait à peu près certain qu’un autre, un qui lui déroberait son existence entière, serait un sortilège de premier choix pour la vieille bique. Et elle n’aurait aucune hésitation à en user...

- On verra... D’ici là, elle a le temps de trouver d’autres sujets désagréables... Tu aimerais aller où alors ? Fit-elle pour revenir à un futur plus prometteur.
- J’aimerai te montrer les rivages de la mer Emeraude, qu’on se frotte au montagnes des Dieux. Voyager, tous les deux.
- Evonis ne va pas te détester si tu le laisses seul à s’occuper du clan aussi longtemps ?
- Bah... Nous verrons bien en temps et en heure !
- Ca me plairait. Ca sera différent, nous n’aurons pas à nous demander si le monde va s’écrouler si nous n’arrivons pas à temps. Elle lui sourit. Bon... Il va falloir que je réécrive tout...
- Tout ? Mets moi à contribution ! Dit-il, avant de l’embrasser avec tendresse.
- Tu es sûr ? Tu sais, ça peut être fastidieux parfois... Mais si tu veux écri...
- Oh non ! Ton journal est à toi ! Mais je peux te raconter ce que nous avons fait cette dernière saison. Et toi, tu noteras ce que tu voudras.
- D’accord... Ses yeux s’embuèrent tandis qu’elle se redressait pour attraper ses affaires. Je regrette tellement pour hier...

Il se redressa à son tour, pour l’entourer de ses bras. Elle avait besoin de lui, il le sentait. Il se demanda fugitivement s’il lui était déjà arrivé de perdre ses souvenirs par le passé. Avait-elle déjà raté un rituel ?

- Ne regrette rien... Tu es une louve, à présent. Et Luwö t’aime. Bientôt il bénira notre union. Nos enfants gambaderont à la Tanière. Tu seras la plus merveilleuse, la plus parfaite et la plus aimante des mères. Alors ne regrette rien.

C’est vrai, ils avaient parlé d’enfants... Et c’était miracle qu’Elen en veuille encore avec elle, malgré tout. Comment faisait-il pour garder cet optimisme indéfectible ? Pour cela aussi elle aurait bien aimé connaître sa recette magique. Son nom peut-être, qui lui permettait de rayonner autour de lui et de dispenser joie et espoir, encore et encore... Elle lui sourit finalement. C’était salvateur de se projeter dans l’avenir, surtout à ses côtés.

- Il faudra qu’on choisisse leurs noms avec soin. Et promis, tu auras voix au chapitre.
- Ce... C’est moderne comme perspective...
- Oh ? Tu ne veux pas de ce genre de responsabilités ? Fit-elle pour le taquiner.
- Si, si ! Mais c’est rare, tu sais ? Enfin... Kowü et Breizharwen s’étaient accordés pour Kyneth, mais... Ca reste peu fréquent. Mais je suis heureux que tu souhaites partager ça avec moi.
- C’est toi l’expert, je pourrais toujours t’en proposer et tu me diras s’il n’y a pas de problème de signification. Et puis ça nous fera plus de choix si tu en donnes aussi. Des fois qu’on arrive à une famille nombreuse !
- Oh... Mais je ne veux pas faire de toi une mère porteuse ! Avant tout, je veux que nous partagions l’éternité toi et moi.
- Ha mais je ne parle pas de hordes ! Nous verrons ce que la nature nous donnera. Et je compte bien rester avec toi jusqu’à la fin de mes jours, Elen. Heureusement que je suis Olympienne tu vas dire ? Tu me supporteras moins longtemps. Conclut-elle en riant.



el Par Elen  le 08/05/2012 à 14:48

Il se renfrogna instantanément aux derniers mots de Isa. Il ne pouvait pas lui dire qu’il travaillait déjà à pallier ce léger problème de longévité.

- Je plaisante, Elen, ne fais pas cette tête. Dit-elle en déposant un baiser sur sa joue.
- Et... Et si un jour je trouvais la solution pour que tu restes à mes côtés... Plus longtemps ?
- Je ne crois pas qu’elle existe. Si les Dieux n’ont pas jugé utile de nous donner une vie longue, c’est que nous pouvons faire ce qui est nécessaire dans le peu de temps que nous avons. Et puis... Ça sera un des rôles de nos enfants; on perdure toujours un peu à travers eux, n’est-ce pas ?
- Je sais bien, mais... Tu sais, je voudrais... J’aimerais tellement...
- On en reparlera d’ici dix ou vingt ans, tu verras, tu auras peut-être changer d’avis. Imagine que je devienne aussi insupportable que ma grand-mère ! Plaisanta-t-elle, comprenant que le sujet était difficile pour Elen.
- Aucune chance ! J’ai déjà vu des couples comme le nôtre, tu sais ? Et... ”Cela finissait rarement bien. Je ne supporterais pas de te perdre.” Ils...

Devait-il lui dire que la plupart du temps, les Olympiens et les Olympiennes chassaient leur partenaire elfe pour ne pas avoir à vieillir devant eux ? Et que les rares fois où un couple se maintenait jusqu’à la mort de l’Olympien, l’Elfe supportait si peu cette perte qu’il n’aspirait qu’à rejoindre son amour dans les Enfers ? Tel était le prix d’une passion aussi tabou que la leur.
Dans ces conditions, comment lui expliquer à quel point il la savait essentielle à sa vie ? Comment lui annoncer qu’il pactisait avec la pire personne qu’il connaissait dans le seul but de prolonger l’existence de sa fiancée ?

- S’ils ont vécu heureux quelques années, c’est tout ce qui compte. Personne n’est éternel, il faut profiter quand on le peut et puis... Accepter une fin et prendre un nouveau départ. Je ne suis pas jalouse de la vie que tu auras après moi, c’est dans l’ordre des choses. ”Il n’y en aura pas.” Au contraire. Tu seras là pour nos enfants, qui auront une existence plus longue que la mienne. Ils auront peut-être des frères et des soeurs, tout continuera encore longtemps. Je trouve ça beau et plein d’espoir.
- Et je te rendrai heureuse... Je te le promets. Murmura-t-il, avant de l’embrasser. Tout ira pour le mieux, ma très chère et tendre louve aux yeux de miel...
- Mais je sais Elen, je n’en ai jamais douté. Répondit-elle dans un souffle empli de confiance.

Il pria intérieurement Luwö pour que la vieille trouve un artifice répondant à ses attentes. Il prendrait ensuite le soin d’expliquer à Isa en temps voulu sa future et surprenante longévité.

- Il n’est pas encore temps de s’en faire pour ça.

Le voyant toujours pris dans ses pensées, elle abandonna l’idée de rédiger ses notes tout de suite. A la place, elle l’embrassa à son tour et ses mains vinrent chercher la peau de l’Elfe à sa taille, sous son vêtement. Il l’étreignit avec vigueur, sans rompre leurs baisers. La peur de la veille, le fait qu’elle ait tout oublié, tout cela aurait pu intoxiquer leur relation. Pourtant, les flammes qui brûlaient dans leurs coeurs avaient rarement été aussi vives. Il la sentait si vibrante d’amour. Si brillante. Si vivante.

Et ce feu inconditionnel, elle le voulut plus intense encore, comme au jour de leurs fiançailles, lorsqu’elle l'entraîna avec elle sur les couvertures. Qu’il rouvre son coeur enserré par le traumatisme de la veille, qu’il surpasse les flux électrisés de ses énergies encore chaotiques, pour qu’elle ne vive que le bonheur de cette communion avec Elen.

Il se laissa entraîner par la fougue et la passion de sa fiancée. Ses mains exigeantes se faufilèrent dans le dos de l’Olympienne, glissantes et caressantes. Ses baisers commencèrent à se multiplier. Et bientôt, des lèvres, ils passèrent à la peau délicate du cou puis des épaules d’Isa. Et leurs vêtements furent un obstacle bien vite supprimé...

[...]

- Huuum... Lâcha-t-il, allongé sur le dos, dans les brumes cotonneuses de ce qui précédait, sa fiancée encore blottie tout contre son torse.
- Koreilen, ça te plairait pour un garçon ?, lui murmura-t-elle alors que le cocon douillet que lui ménageaient Elen et les couvertures la dissuadait strictement de bouger d’un pouce. Elle se sentait flotter dans cette douce chaleur, son propre corps presque oublié, si ce n’était les souvenirs de frissons délicieux toujours vivaces.
- Ko... Oh... Euh... Oui, c’est très joli.

La question lui sembla si soudaine. Il avait manqué rester muet de surprise. Il mit quelques secondes à reprendre ses esprits.

- Tu veux... Dès maintenant ?
- Pas toi ?
- Oui. Oui. Il déposa un baiser sur son front. C’est qu’on n’en n’avait jamais parlé... Comme ça. Ça m’a un peu surpris. Mais oui. Je veux que nous devenions parents, toi et moi.
- Hum... Elen n’était jamais très expansif et sans le connaître, son manque apparent d’enthousiasme pouvait facilement faire croire que ce qu’on disait ne lui convenait pas. Sachant cela, Isa crut néanmoins bon de justifier son empressement. Je ne sais pas si ce sera facile et...

Était-ce le fait d’être en comparaison avec l’espérance de vie elfique ? Ou avec Nil’nelia ?... Elle avait l’impression que tout devenait urgent et impératif : le Saïka, le mariage, les enfants... Comme si un drame pouvait l’emporter du jour au lendemain et que tout devait être réglé avant cette échéance. Mais la précipitation n’était pas forcément idéale non plus et le Loup avait peut-être envie de profiter plus longuement de chaque étape.

Mais c’est vrai, je vais peut-être un peu vite.
- Tu ne me rendras jamais plus heureux qu’en m’offrant le bonheur de devenir père... Et de t’avoir à mes côtés.

Elle lui sourit tendrement, rassurée. Les Olympiens avaient de grandes capacités d’adaptation mais elle ignorait combien de temps il faudrait pour que leur union porte ses fruits. Des saisons, des années peut-être et si elle était encore une jeune femme, elle ne restait pas fertile des décennies. S’ils pouvaient mettre plus de chances de leur côté, au final la nature serait seul juge.

- Et pour une fille alors, tu aurais des idées ?
- Laisse-moi réfléchir. Hum... Que penses-tu de... Lilirei ?
- Oh ! C’est doux et joyeux, j’aime cette notion d’éclat et de lumière, ça lui portera chance.
- Avec toi pour mère, la chance ne sera jamais bien loin...
- Oui c’est vrai que j’ai beaucoup de chance. Fit-elle en le dévorant du regard.
- Et tu portes chance à ceux que tu croises... Répondit-il, lui rendant son regard avec la même intensité.
- Tu crois que tes flatteries fonctionneront toujours aussi bien ? Dit-elle avant de faire mine de lui mordre le pectoral au creux de l’épaule, un éclat de provocation dans les yeux.
- Mon petit doigt me dit que oui... Répondit-il, soudainement espiègle.
- Mon Chaman préféré aurait-il eu une vision ? Demanda-t-elle sur le même ton.
- Peut-être bien... Lui souffla-t-il avant de l’embrasser passionnément.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes