Aileen s'étira de tout son long en s'éveillant puis s'immobilisa quelques instants, écoutant la respiration lente et profonde d'Evonis à ses côtés.

Le Loup dormait encore. Elle sourit, se sentant même un peu fière de s'être réveillée avant lui. C'était plutôt rare, à vrai dire. La Cerf était habituée à ce que ce soient les rayons des Titans qui la tirent doucement hors des bras de Morphée, mais leur lumière parvenait rarement jusqu'aux sous sols de la Tanière... Pour ainsi dire, jamais.

Souvent, elle se réveillait donc assez tard alors qu'Evonis avait depuis longtemps émergé hors des brumes du sommeil. Parfois, il n'était déjà plus là, laissant derrière lui un petit mot à l'attention de la jeune femme, posé sur la table de chevet. D'autres fois, elle le trouvait toujours à ses côtés, accoudé d'un air nonchalant alors qu'il la regardait dormir puis se réveiller paisiblement, feignant d'y porter bien peu d'attention... Mais là, dans le siège de guilde, elle retrouvait son avantage, se disait-elle en observant la chiche lueur de l’aube qui filtrait par la fenêtre.

La jeune femme passa tendrement une main dans les cheveux de son compagnon endormi en souriant. Elle se redressa et frissonna un peu lorsque les couvertures glissèrent le long de ses épaules nues, la privant de leur agréable chaleur. Elle afficha une moue vaguement contrariée en constatant que ses vêtements s'étaient vus quelque peu éparpillés à l'autre bout de la chambre. L'idée de traverser la pièce relativement froide pour les récupérer ne l'enchantait pas vraiment. Qui plus est, la chemise d'Evonis était plus proche, se dit elle en s'en emparant.

Précautionneusement, prenant garde à ne pas le bousculer, elle s'assit sur le bord du lit et tendit les bras devant elle avec un rire discret, évaluant la longueur des manches du vêtement. Elle devait vraiment avoir l'air minuscule, dans la large chemise du Loup, se disait-elle.

- Humph... Grogna Evonis, tout en tâtonnant infructueusement à la recherche de sa compagne de lit. Hu-um ! Fit-il, contrarié de ne pas la trouver...

Elle se tourna à demi vers lui en l’entendant grogner comme un ours mal réveillé et se retint plus ou moins efficacement de rire, sans bouger pour autant.

- Grumph... Finit-il par lâcher, abandonnant, avant de grogner en serrant les coussins contre lui.

- Réveil difficile ? Demanda-t-elle en riant, d’une voix douce.

- Hum ?.. Interrogea-t-il.

Elle s’allongea derechef, prenant appui sur ses coudes et déposa doucement un baiser sur le front du Loup. Ça l’amusait de le voir batailler ainsi contre le sommeil... Pour une fois que ce n’était pas l’inverse !

- Huuuum ! Sembla-t-il protester quand elle s’éloigna...

- Ho, pardon, je t’ai déran...

Des bras vengeurs entourèrent la jeune femme, l’attirant contre un torse musclé qui dépassait des couvertures. Il roula, l'entraînant avec lui, jusqu’à se retrouver allongés sur le côté, la tête de la jeune elfe contre son torse.

- ...Gééé ?! Termina-t-elle, surprise par sa brusque étreinte. ...Bonjour ?

- Humph... Grumblrblrbl... Mourquoi n’es mabillée ? Demanda-t-il, avec une main légèrement baladeuse...

Elle lui répondit en riant tout d’abord, tout en se tortillant un peu, comme si elle tentait d’échapper à sa main un peu trop curieuse.

- Ho, rien... J’avais juste un peu froid...

Il l’attira avec fermeté contre lui, faisant fi de ses déhanchements. Il ouvrit enfin un oeil, puis deux, rivant son regard droit dans le sien. Il lorgna plus bas, dans les plis de tissus entrouvert qui laissaient deviner une charmante part de l’anatomie de sa belle. Puis il s’écria :

- Mais... Mais c’est à moi ça !

- Et... Tu parles de quoi ? Demanda-t-elle d’un air suspicieux, ayant bien compris ce qui avait tant attiré son regard...

- Bin de la chemise !

- Ha ça ! Fit-elle en éclatant de rire, tant et si bien qu’il lui fallut au moins une bonne dizaine de secondes pour s’en remettre... Ha, oui pardon... Je te l’ai dit j’avais un peu froid... Et c’était tout ce que j’avais à portée de main.

[...]

Elle se redressa sur un coude et de nouveau lui posa un baiser sur le front avant de se blottir à nouveau contre lui.

- Tu as moins froid, maintenant ?

- Beaucoup moins ! Fit elle avec un sourire. Par contre... Ajouta-t-elle sur un ton faussement contrit. Tu m’as pas dit bonjour !

Il leva les bras au ciel, faussement outré.

- Bonjour, ma toute belle...

- Hé, parce que tu crois que tu vas t’en tirer comme ça ?! Fit-elle en éclatant de rire une fois de plus et en lui pinçant les côtes par la même occasion.

- Je l’espérai, en tout cas... Mais visiblement, j’ai déjà abattu toutes mes cartes et tu as un meilleur jeu que moi...

- Bah... Elle haussa les épaules. Une telle franchise, ça mérite un petit sursis... Au moins jusqu’à demain !

Elle s’étira une fois de plus et lâcha un long soupir en se tournant sur le ventre, la tête posée sur ses bras croisés.

- Ca te va ?

- Mmm-oui... Et à toi ?

- Bah, oui bien sûr ! Par contre, j’ai faim... Lança-t-elle, d’un air désinvolte.

- Tu vas vider le garde manger !

- Tu comptais pas m’y aider ? S’étonna-t-elle en s’asseyant à nouveau au bord du lit.

- Bien sur que si ! Je te ramène un petit quelque chose. Ajouta-t-il, avant de se lever, pour s’habiller en toute hâte, au moins se couvrir le bas du corps.

Il disparut quelques instants seulement, et fut de retour avec quelques fruits et des gâteaux secs. Le garde manger du siège n’avait rien à voir avec celui de la Tanière. Mais, à n’en pas douter, cela conviendrait à Aileen. Comment faisait-elle pour être toujours affamée ? Et aussi, comment parvenait-elle à rester aussi svelte avec tout ce qu’elle mangeait ? Cela tenait du miracle !

- Wah t’as fait vite ! Fit-elle lorsqu’il revint. Elle n’avait même pas eu le temps d’amorcer le moindre geste pour s’habiller... Non pas qu’elle soit pressée, ils avaient le temps après tout, mais malgré la chemise empruntée à Evonis, elle avait toujours un peu froid. La pièce n’était pas spécialement chaude...

- Tu préférerais que je te fasse attendre ?

- Ha ! Je... Euh, non ! Non, je faisais juste la remarque...

- Je peux revenir plus tard, sinon, hein ? Ou aller sous la couette avec toi, pour manger au lit ! C’est toi qui décide...

- Deuxième option !! Répondit-elle du tac au tac en riant.

Il la rejoignit, se glissant sous la couette, passant un bras par dessus l’épaule de la jeune Cerf, l’attirant contre lui, avant de poser le bol contenant les victuailles sur ses propres jambes.

Elle se cala confortablement contre lui et piocha vivement un gâteau dans le bol avant de mordre dedans avec appétit.

- Hum... Dit... Tu... Tu as prévu de faire quelque chose de spécial, aujourd’hui ? Demanda-t-elle d’un air songeur.

- Comme quoi ?

- Je sais pas... Elle haussa les épaules. - C’était pour savoir... Fit-elle, l’air de rien.

- Tu devais bien avoir une idée, non ?

- Ha bon ? Pourquoi ? Elle piocha quelques fruits secs.

- Bin j’sais pas... Tu dois bien avoir une idée... Pour demander...

- Ha mais ! T’es pas drôle ! Protesta-t-elle en riant et lui assénant un petit coup de coude dans les côtes. En fait, c’est juste que... Tout à l’heure quand tu te réveillais, j’ai pensé à quelque chose que j’aurais bien aimé te montrer...

- Ah oui ? Demanda-t-il, haussant un sourcil lourd de sens.

- Oui, mais ça risque de prendre du temps, peut être pour rien... Répondit-elle en ignorant les sous entendus impliqués par son regard. Surtout avec la brume. C’est pour ça, comme tu as des responsabilités, peut être que tu as autre chose à faire aujourd’hui. Si c’est le cas, t’en fais pas, ça peut attendre !

Elle n’ignorait pas qu’en sa qualité d’Ashka - un des dernier du clan du Loup qui plus est - il avait parfois fort à faire. Elle ne voulait pas se montrer trop envahissante...

- Bah... Elen fera double travail aujourd’hui ! Et je ne bosse pas loin de la Tanière. Donc je suis tout à toi, tant qu’on est en voyage !

- J’espère qu’il ne m’en voudra pas trop de lui voler son bras droit pendant une petite journée ! Plaisanta-t-elle en attrapant de nouveau quelques fruits. Elle suspendit son geste à mi parcours en s’apercevant qu’elle était pour l’instant la seule à vider le bol... Tu manges pas ?

- J’attendais juste que tu te serves... Répondit-il simplement, se saisissant d’un gâteau.

- Et il faudra pas que j’oublie de te rendre ta chemise, aussi ! Fit-elle en posant sa tête contre son épaule.

- Tu peux la garder, tu sais ? Elle te va bien. Murmura-t-il, ses lèvres s’attardant au creux de son cou.

Elle se tourna vers lui et l’embrassa avant de se lever d’un bond, n’oubliant pas d’attraper quelques gâteaux restant au fond du bol et lui envoya sa chemise dans la figure.

- Tu me la prêtera une autre fois ! Décida-t-elle en se dirigeant vers ses propres vêtements, étalés au sol un peu plus loin. Avec le froid et la brume, je n’ai pas envie que tu tombes malade parce que je te vole tes vêtements !

Il eut à peine le temps de réagir, de chasser la chemise et de reluquer les courbes de sa belle qu’elle s’était déjà habillée. Il eut une moue boudeuse, quand elle se fut parée de ses atours habituels. La chemise avait cet avantage qu’elle lui laissait tout le loisir d’admirer le galbe de ses cuisses, la longueur de ses jambes et que le tissu, dans sa chute, épousait avec une relative justesse le corps de Aileen.

- Bah quoi ? Demanda-t-elle naïvement en remarquant son air déçu.

- Rien, rien... Éluda-t-il en mangeant une patisserie.

Elle revint vers lui et s’assit en tailleur, face à lui, affichant un grand sourire.

- Bon bah... On y va quand tu veux ! Lança-t-elle, enthousiaste.

- Allons-y.

Il englouti un dernier fruit, passa sa chemise, l’embrassa et de leva, sautant hors du lit.

Sans attendre, elle le devança et, après s’être suffisamment emmitouflée pour se protéger du froid, se dirigea d’un pas vif à l’extérieur. Dehors, elle s’arrêta un instant dans l’air glacé du matin, son souffle se matérialisant en une épaisse fumée blanche qui se mêlait ensuite à la brume persistante. Elle se tint là quelques instants, semblant sonder les taillis du regard. Il était encore très tôt et le calme régnait encore dans la forêt. La brume était épaisse, comme toujours, mais elle se remit en route d’un pas assuré, sachant parfaitement où elle allait malgré la visibilité réduite.

Elle prit tout d’abord le chemin qui les ramènerait à la Tanière mais finit par se décider pour un sentier forestier qui rejoignait la route sur leur droite. Peu fréquenté, il était presque invisible aux yeux de ceux qui ignoraient son existence et parsemé d’obstacles divers. Des racines, des pierres et des flaques de boues, parfois marquées de la présence du passage d’un groupe de sangliers. La Cerf ne se semblait pas se formaliser de toutes ces embûches naturelles et se contentait de les enjamber ou de bondir par dessus sans ralentir sa progression. De temps à autre, elle se retournait, non sans un sourire, vers Evonis pour s’assurer qu’il la suivait bien.

Leur marche fut plutôt longue à travers les bois. Le sentier serpentait à travers les arbres de la forêt des cendres et prenait parfois d’inutiles détours, tant et si bien qu’on aurait pu croire que leur progression était tout à fait aléatoire. Pourtant, la jeune femme ne semblait pas douter un seul instant de leur destination. Ils finirent par déboucher dans une petite clairière assez discrète et la Cerf ralentit le pas en approchant. Le lieu n’avait vraiment rien de particulier. On aurait même pu dire qu’il était parfaitement quelconque. Pourtant c’est bien là qu’elle comptait les mener. Elle regarda autour d’elle, cherchant quelque chose du regard. Ne le trouvant pas, elle s’approcha d’Evonis et lui fit, d’un air penaud :

- “Il” est pas encore là... Il va falloir qu’on attende...

Combien de temps, ça, elle n’aurait su le dire. Celui qu’elle attendait ne venait pas vraiment à des heures précises et s’il n’avait pas envie de la voir, il ne venait simplement pas.

- Et qui attendons nous ? Ton lapin ?

- N... Non ! Fit-elle, surprise. C’est... Un ami... Mais je ne sais pas si il va venir... La brume, il n’aime pas vraiment ça...

Elle commençait à s’inquiéter. Lorsqu’elle avait eu l’idée de les emmener ici, elle n’avait pas songé à la brume surnaturelle qui déplaisait tant à son ami. Et si il ne venait pas ? Si il craignait de s’approcher du Loup ? C’était un solitaire, peu habitué à fréquenter quelqu’un d’autre que la jeune Cerf... Et si elle avait dérangé Evonis pour rien ? Machinalement, elle se mit à tourner en rond, scrutant les bois. Mais rien...

- Je suis désolée, je t’ai peut être dérangé pour rien... S’excusa-t-elle, baissant les yeux.

- Meuh non... Tu sais... S’éclipser à deux, ensemble, ça me permet de passer du temps avec toi !

- Merci... Elle lui sourit. Dommage qu’il fasse si froid... Ajouta-t-elle, venant se blottir contre lui.

- Bah... Reste contre moi, alors... Tu aurais moins froid.

Ce qu'elle fit avec plaisir. Serrée contre le Loup, l'attente lui sembla bien moins longue. Elle ne savait même plus depuis combien de temps ils étaient là quand quelque chose bougea sur leur gauche. La jeune femme perçu le mouvement du coin de l'oeil et se tourna dans sa direction, scrutant la forêt brumeuse avec insistance. Timidement, l'animal fit un pas, puis deux et s'arrêta, son regard s'attardant sur Aileen avant de se fixer sur Evonis. Le cerf semblait anxieux.

Aileen se tourna vers le Loup et, les yeux pétillants de joie, prit sa main dans les siennes.

- Tu te souviens à la fête du partage ? Quand il y avait les loups ? Tu m'as laissée en voir un... Lui dit-elle avec un sourire rayonnant.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et se retourna en quelques foulées vers le cerf qui n'avait pas quitté les deux elfes du regard. Il baissa la tête vers Aileen, comme une sorte de salut, alors qu'elle s'approchait. La jeune femme posa doucement sa main sur le flanc de l’animal et lui murmura quelques mots à voix basse. Puis il releva la tête, fixant Evonis encore quelques instants, comme s’il réfléchissait à ce qu’elle venait de lui dire, avant de décider que, finalement, il n’y avait rien à craindre.

Toujours souriante, Aileen se tourna de nouveau vers Evonis et lui fit signe d’approcher.

- Ne t’inquiètes pas, il ne va pas te manger... Fit-elle d’une voix douce à l’intention du cerf avant de se tourner vers Evonis. Bon, je sais que c’est moins impressionnant qu’un loup, mais... C’est un ami à moi, je voulais te le présenter !

”Moins impressionnant... Moins impressionnant... Elle en a de bonnes, elle ! C’est quand même massif comme machin !” Songea-t-il, avant d’imaginer de belles pièces de viandes alignées dans la cuisine.

Cependant, à la fois par égard pour son hôte, le clan du Cerf et sa belle, il réprima vivement ces pensées idiotes. Il aurait dû emporter quelques-uns de ces gâteaux secs ! Il se rapprocha de la bête, sans l’ombre d’une hésitation, malgré les bois gigantesques que portait l’animal. Evonis savait que peu après le Chant du Renouveau, l’animal les perdrait, et qu’ils commenceraient à repousser au Souffle Infernal. Après tout, ce n’était usuellement pas le cerf qui dévorait le loup...

Comme par réflexe, l’animal gratta la gelée la terre d’un sabot, semblant encore un peu nerveux. Mais quelque mots d’Aileen à ses côtés suffirent à lui faire retrouver son calme.

- Il n’est pas habitué à voir quelqu’un d’autre que moi, alors il est un peu tendu. Expliqua-t-elle à Evonis. En fait... Tu es même le premier à qui je le présente !

- Vous êtes intimes ? Demanda béatement le Loup, qui ne concevait pas de qu’il puisse exister un lien aussi particulier que celui qui liait Aileen à ce cerf.

Pour les adeptes de Luwö, le monde abritait plusieurs meutes, dont celle formée par le clan, et elles n’interagissaient que lors des cérémonies du Partage. Le reste du temps, chaque meute se cantonnait à son territoire, évitant dans la mesure du possible d’empiéter ou de circuler sur ceux des autres. Connaître un animal en particulier dans ces conditions relevait de l’impossible.

- Hum... Disons qu’on se connaît assez bien pour se faire confiance. Répondit-elle alors que le cerf baissait de nouveau la tête, ayant repéré quelques glands appétissants au sol. Aileen se décala légèrement, évitant ainsi de finir avec un joli bleu là où les bois l’auraient frappée...

- Oh... Et ça fait longtemps, que lui et toi vous ?..

- Qu’on quoi ? Fit-elle sans comprendre.

- Bin que vous vous connaissez...

- Ho, je ne sais plus vraiment... Plusieurs années, en tout cas ! Elle caressa distraitement l’encolure de l’animal alors qu’il relevait la tête après qu’il en eut terminé avec les glands.

- Et vous vous rencontrez souvent ?

- Hum... Ça dépend des saisons... Et de lui, aussi ! Ajouta-t-elle alors que l’animal la poussait d’un petit coup de tête, comme en protestation. Enfin, c’est vrai aussi qu’il n’aime pas trop cette brume, alors il se fait discret, ces derniers temps.

Evonis observa l’animal, à une distance qu’il jugeait à la fois respectueuse et raisonnable : ni trop près, pour ne pas effrayer la bête, ni trop loin, pour ne pas froisser Aileen. Voulait-elle qu’il touche le cervidé ?

L’animal rendit son regard à l’Ashka, immobile. Aileen ne semblait pas particulièrement y avoir prêté attention aussi sursauta-t-elle quand le cerf s’avança brusquement vers Evonis, se dressant de toute sa hauteur, comme s’il voulait se mesurer à lui. Il semblait presque le défier du regard, jaugeant son adversaire d’un air impérieux...

Evonis hésita sur la marche à suivre. Affronter la bête, et la vaincre, cela ne plairait pas à Aileen. Mais se laisser marcher sur les pieds par un herbivore, une proie, qui plus est, ne le réjouissait pas plus. Aussi il fit la seule chose qu’il était bon de faire dans ce genre de cas : attendre et voir.
Après un instant d’hésitation durant lequel son regard passa de l’un à l’autre, la jeune femme éclata de rire en comprenant ce qu’il se passait.

- Bin quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je crois... Je crois qu’il est jaloux !! Fit-elle, riant de plus belle.
- Et je fais quoi ?
- Bah, je sais pas, ce que tu veux ? Répondit elle en haussant les épaules. Non, je plaisante. C’est plutôt lui qui va se calmer un peu, hein ? Ajouta-t-elle à l’intention du cerf.

Celui ci se tourna un instant vers elle et feignit de l’ignorer, continuant de défier le Loup du regard...

- Ne pas retrousser les lèvres... Ne pas s’énerver... Tu... Tu veux bien le calmer ?

Aileen sentait que la situation devenait de plus en plus tendue... Elle regrettait même un peu d’avoir conduit Evonis ici mais elle ne se doutait pas que le cerf se montrerait aussi récalcitrant. Elle leva une main et assena une violente claque sur la croupe de l’animal. Surprit, il fit un bond sur le côté et se tourna vers elle, abandonnant immédiatement son attitude si peu amicale.

- Arrête ça tout de suite, toi !! Lui ordonna-t-elle. Qu’est-ce qui te prend, à faire ton malin comme ça ? C’est n’importe quoi ! Tu me déçois, je ne pensais pas que tu serais aussi... ”Idiot !” Elle ne termina pas sa phrase, évitant d’insulter son ami et se tourna ensuite vers Evonis, d’un air un peu dépité. Je suis désolée... Je pensais pas qu’il ferait ça...
- Bah... Tu sais... Il n’aime pas trop les carnivores... Et... En règle générale, je n’aime pas les herbivores... Enfin... Pas comme ça... Enfin... Sauf toi... Je préfère te manger toute crue...
- Dis-le tout de suite, si tu veux le manger, je pense que pour cette fois, je te laisserai te charger de lui ! Fit-elle, avec un regard pas vraiment amical pour le cerf...

L’animal, qui avait reculé suite aux réprimandes d’Aileen, baissant la tête en soumission à la jeune femme, la releva soudain, alerté parce qu’il venait d’entendre. Son regard passa vivement du Loup à la jeune femme, puis de cette dernière au premier, plusieurs fois de suite. Visiblement, il ne savait pas si elle était sérieuse ou pas...

- Bah... De toute façon, ça fait belle lurette qu’on ne mange plus de cerf.
- Ha bon ? Je ne savais pas... Vous perdez pourtant quelque chose. Fit-elle avec un autre regard vers l’animal. Elle lui en voulait quelque peu, c’était évident...
- C’est Kowü qui l’avait imposé : on ne tue ni corbeaux, ni faucons et plus de cerfs. Pour l’amitié entre les Clans. Et c’est resté.
- Ha ! Je... J’en avais aucune idée... Fit-elle, se sentant un peu idiote d’ignorer quelque chose d’aussi important pour l’entente des Clans...

Plus loin, le cerf semblait s’être un peu calmé, ayant finalement compris qu’Aileen ne désirait pas réellement sa mort. Même si, sur le moment, il en avait quelque peu douté. Il semblait un peu gêné, néanmoins. Ne sachant pas trop quoi faire, il s’approcha de nouveau vers Evonis. Mais cette fois, son attitude était bien moins agressive...

Evonis tendit une main fraternelle à l’animal, pour bien lui montrer qu’il n’avait aucune intention hostile. Après tout, si les choses avec Aileen tournaient comme le Loup l’espérait, ils avaient de bonnes chances de se rencontrer de nouveau à l’avenir.
Le cerf s'avança et donna un coup de tête amical dans la main du Loup. Aileen ne retint pas un sourire teinté d’une légère amertume.

- J’en connais un qui veut se faire pardonner...
- Je vois ça... Répondit Evonis, tentant de flatter le museau de l’animal avec une extrême douceur.

Celui-ci se laissa faire sans broncher. Après tout, il n’allait pas non plus changer d’avis si brusquement alors qu’Aileen venait juste de le réprimander... Il recula ensuite, semblant fier de lui. Ça n’était pas vraiment le cas de la jeune femme. Le cerf les regarda encore un instant tout les deux avant de finalement rebrousser chemin et s’enfoncer dans la forêt où il disparut bien vite.
Aileen lâcha un long soupir et tenta de sourire à Evonis.

- Bon, ben ça aura pas été si long, au final...
- Tu trouves ? J’ai eu plutôt l’impression que le temps s’était arrêté...
- Je... Vraiment ? Désolée... J’espérais que ça se passe un peu mieux... S’excusa-t-elle, la mine un peu déconfite. On ferait mieux de rentrer, alors...
- Non, tu n’as pas compris. C’était un moment très spécial.
...Ha ? Spécial comment ?
- Approcher un tel animal n’est pas donné à tout le monde, tu sais... Encore moins aux miens !
- Oui mais... J’aurais préféré qu’il fasse un peu moins sa mauvaise tête...

Evonis éclata de rire.

- En même temps, il ne t’avait que pour lui avant. Et voilà que tu lui ramène un concurrent. Et un Loup en plus !
- Oui, c’est vrai mais... Ha, il aurait pu être un peu plus compréhensif, tout de même !! Protesta-t-elle en retrouvant un peu le sourire.
- Bah... Je comprends qu’il veuille l’exclusivité ! C’est aussi ce que je réclame !
- Ha, vraiment ? Demanda-t-elle d’un air malicieux...
- Tu le sais aussi bien que moi ! Répondit-il, avec un clin d’oeil.
- C’est vrai... Admit-elle en lui rendant le clin d’oeil. J’espère quand même que vous arriverez à vous entendre, je ne peux pas me couper en deux !
- Bah... De mon point de vue, s’il ne veut pas de moi, alors je te garde !
- Tu ne lui laisse pas vraiment le choix, alors ! ...Enfin, moi non plus, d’ailleurs. Si il continue comme ça... Elle haussa les épaules. Bah, tant pis pour lui !
- Ça, ça me fait plaisir...
- Parce que tu croyais que j’allais préférer un cerf à toi ? Lui dit-elle en venant se serrer contre lui.
- Bin on ne sait jamais... Murmura-t-il, l’enlaçant plus étroitement encore.
- Crétin... Fit-elle simplement, riant néanmoins. Après un court silence, elle leva les yeux vers lui et demanda : Tu veux qu’on rentre ?

Elle serrait bien restée encore un long moment dans ses bras mais peut-être n’en était-il pas de même pour le Loup. Après tout, après l’avoir suivie sans rechigner jusqu’ici et subit le mauvais caractère de son ami, elle pouvait bien lui accorder ça...

- Pas vraiment. Et toi ? Murmura-t-il, bienheureux pelotonné contre elle.
-J’en ai l’air ? Fit-elle en posant sa tête contre son torse.
- Hum... Alors pourquoi est-ce que tu demandes ?
-Bah pour toi... Je t’ai déjà traîné jusqu’ici...
- Tu me traînes où tu veux... Répondit-il avec sur un ton aguicheur..
- Tu ne devrais pas dire ça... Je vais abuser de ce droit, maintenant que je sais que je l’ai.

Elle ferma les yeux quelques instants. Blottie là dans les bras puissants d’Evonis, elle se sentait en sécurité, elle avait l’impression que rien ne pourrait les atteindre. Le temps aurait pu s’arrêter et les étoiles tomber sur eux, peu lui importait en vérité. Même le froid de l’Engourdissement n’avait plus prise sur elle.

- Mais ce droit, tu l’as toujours eu, Ailou... Fit-il plein de tendresse.
- Ça, il fallait me le dire avant ! Protesta-t-elle en rouvrant les yeux et plantant son regard dans celui du Loup.
- Je pensais que tu l’avais deviné...
- Mais je ne suis pas devin, moi, monsieur ! Feignit-elle de s’offusquer.

Il haussa les épaules, l’air désolé.

- Dommage pour toi...
- Comment ça dommage pour moi ? S’étonna-t-elle, se séparant légèrement de lui pour mieux voir son visage...
- Tu aurais pu user plus tôt de cette prérogative si tu l’avais deviné...
- Ha, oui forcément ! Fit-elle en riant, se blottissant à nouveau contre lui. Enfin... C’est triste à dire mais il ne faudra pas qu’on traîne trop dans les parages, sinon on va finir par avoir vraiment faim !
- Dis donc, qu’as-tu donc à avoir tout le temps faim comme ça, toi ? C’est pas naturel d’être aussi... Parfaite et de manger autant !
-Euh... Bah je sais pas... J’me suis jamais posé la question, en fait ! Par contre, c’est peut être un peu présomptueux de dire que je suis parfaite...
- Si tu le dis... Répondit-il, feignant l’innocence. Pourtant, je te trouve parfaitement idéale...
- Si tu le dis ! L’imita-t-elle en haussant les épaules. Quoi qu’il en soit, la journée avance... On aurait dû emmener à manger... Ajouta-t-elle, regrettant visiblement de ne pas y avoir pensé avant.
- Encore ? Bon... Bon... On va rentrer alors... On est tout prêt de la Tanière.
- D’accord ! Mais c’est moi qui te suit cette fois !

Il s’écarta d’elle, prenant sa main dans la sienne. Il l’entraîna ensuite en direction de la Tanière, à pas vif, tout sourire.

Elle le suivit sans hésiter, devant presque courir pour soutenir l’allure : là où il lui suffisait d’une seule foulée, elle devait en faire deux pour parcourir la même distance... La voyant peiner, il la souleva, la portant au creux de ses bras. Elle fit semblant de s’offusquer sans pour autant se débattre. Au contraire, la jeune femme passa plutôt ses bras autour de son cou. Puis il entama la course à la mode louve : de petites périodes de course entrecoupées de bonds prodigieux. Au début, elle eut un peu peur et lâcha un cri de surprise lorsqu’ils survolèrent le sol de la forêt sur une distance anormalement longue mais à mesure qu’il multipliait les bonds, elle finit par s’y faire et même s’en amuser.

Et en cet instant, elle pu comprendre que le Loup aurait très bien pu la rattraper lorsqu’il la poursuivait à la Fête du Partage. Arrivés à la Tanière, elle put aussi constater qu’il ne pouvait pas soutenir cette allure bien longtemps : essoufflé, il la déposa courtoisement au sol. Toucher enfin terre lui était presque étrange après une course pareille, se dit-elle alors qu’elle en riait encore. Elle se tourna vers le pauvre Evonis harassé et l’embrassa sur la joue alors qu’il reprenait son souffle.

- Hé ben, j’ignorais que tu savais être si rapide !
- Pffffiouf... Elen... Rheuh... est... Pfeuh... bien... Humph... meilleur... Rheufl... que... Humph... moi... Graaah...
- Quelle idée de s’épuiser autant juste parce que je n’arrive pas à te suivre ! Fit-elle en éclatant de rire. Tu veux que j’aille te chercher quelque chose à boire ? Ajouta-t-elle cependant, s’inquiétant de le voir aussi épuisé.
- Non, non... Rhofl...

Il prit plusieurs grandes inspirations successives, se penchant en avant, les mains sur ses genoux. Il sembla remis de sa course. Il se redressa et lança un regard mutin à la Cerf :

- Ça m’a donné faim, tout ça ! Allons en cuisine !
- Ha ! Bah tu vois qu’il n’y a pas que moi qui aie faim ! Lui lança-t-elle d’un air triomphant en entrant dans la forteresse des Loups. Mais au fait, pourquoi t’as pas fait ça quand tu me poursuivais dans les bois, le lendemain de la fête du partage ? Tu aurais pu me rattraper beaucoup plus vite !
- Je t’ai attrapée, non ? Et sans me fatiguer !
- Ha, je vois... Partisan du moindre effort ! Le taquina-t-elle.
- Et comment ! Si je peux te laisser t’épuiser à ma place... Lui répondit-il, lui lançant un regard appuyé.

Elle éclata de rire alors qu’ils arrivaient aux cuisines. Il dégota de quoi grignoter un peu : quelques fruits, du pain, du jambon et quelques autres denrées. Il cuisina au mieux les quelques provisions qu’ils avaient récupérées. Aileen ne put s’empêcher de le taquiner un peu, faisant mine de vouloir perpétuellement voler ce qu’il préparait, de manière volontairement fort peu discrète, cela dit, et ramenant toujours sa main à elle d’un geste vif dès que le Loup jetait le moindre coup d’œil dans sa direction.

Il s’amusa de la voir s’entêter dans ses démarches pour l’embêter, infructueusement et sans sérieux. Et finalement, tout fut prêt. Ils s’installèrent à une table dans la salle commune, où il partagèrent ce déjeuné frugal. Finalement, tandis qu’ils rapportaient la vaisselle souillée en cuisine, Evonis se montra désireux de prendre un bain.

- Ça me fera du bien après cette course. On se voit après ?
- Après ? ...D’accord, alors. Fit-elle après un instant d’hésitation
- A tout de suite.

Il déposa un tendre baiser sur le bout des lèvres de la Cerf avant se partir en quatrième vitesse pour le second sous-sol, pour chercher des vêtements dans sa chambre, puis il fonça au premier sous-sol pour rejoindre les bains. A cette heure ci, ils étaient généralement vides. Ses vêtements prirent place sur un banc de pierre, non loin de l’entrée des bains des hommes, puis il s’installa lui-même confortablement dans l’eau chaude.

- Aaaaaaaah...
- Elle est bonne ? Fit une voix qui était loin de lui être inconnue.

En premier réflexe, il se redressa de toute sa hauteur pour la chercher du regard puis dans un second temps, il se plongea dans l’eau jusqu’au dessus du nez, seuls ses yeux dépassant de la surface. Il scruta la pièce, du moins ce qu’il pouvait en voir du bassin, à la recherche de la jouvencelle qui osait l’interrompre tandis qu’il se baignait.

Un rire s’envola un peu plus loin, vite suivit par quelques clapotis discrets alors qu’elle entrait dans l’eau à son tour.

- Alors ? Fit-elle, cachée dans l’épaisse vapeur, à bonne distance du Loup.
- Blub lublub... Répondit-il, avant d’émerger. Oui, oui... Elle est bonne...
- Finalement, j’ai pas eu envie d’attendre... Continua-t-elle d’un air innocent, faisant référence à la conversation qu’ils avaient eu quelques minutes auparavant. Elle s’était assise dans l’eau, ramenant ses genoux contre elle.
- Et c’est pour ça que tu te caches ?
- Non... Répondit-elle, sur un ton qui se voulait indifférent. En fait, c’était juste parce que ça l’amusait...
- Soit... Alors je ne bougerai pas non plus.

Il s’assit bien confortablement sur un épaulement au bord du bassin, s’immergeant jusqu’aux épaules. Un autre rire lui répondit.

- Ha, alors cette fois, c’est moi qui doit t’attraper ? Interrogea-t-elle en se glissant vers lui, ses longs cheveux flottant derrière elle.
- C’est un peu facile en sachant que je ne peux pas fuir cette pièce dans cette tenue !
- Mais je ne suis qu’une débutante... Lui dit-elle, se blottissant tendrement tout contre lui. Je t’ai eu ! Lui souffla-t-elle ensuite au creux de l’oreille.
- C’était un peu facile, non ? Demanda-t-il, ses mains se plaquant sur ses hanches offertes.
-Oui... Mais je te l’ai dit, je débute seulement !
- Et que me vaut l’honneur de ta merveilleuse présence dans ces eaux ?
- Je viens de le dire, non ? Fit-elle avec un sourire. Finalement, j’avais pas envie d’attendre... Qu’est ce qui te fait perdre la mémoire comme ça ? Ajouta-t-elle, se moquant gentiment de lui.
- Te voir dans une telle tenue ? Suggéra-t-il.
- Ah... Tu préférais peut être la chemise de ce matin ? Demanda-t-elle d’un air faussement contrit.
- Oh... Tu m’inspires tout autant dans cette tenue, tu sais ?
-Tu m’en diras tant...
- Tu veux le vérifier ? Demanda-t-il, la fixant avec intensité.

Elle lui rendit son regard, ses mains glissant doucement sur le torse du Loup.

- Pourquoi pas... Répondit-elle dans un murmure.

- On devrait prendre plus souvent des bains ensemble... Suggéra-t-il en toute innocence.
- C’est pas une mauvaise idée... En vérité, c’était même loin de lui déplaire...

Il caressa tendrement la joue de sa compagne avant d’échanger un tendre baiser.

- Il faudra juste faire attention à ce que personne ne nous surprenne... Lui dit-elle avec un sourire malicieux.
- Il suffit de se montrer discrets... Ou de venir la nuit...
- Ça pourrait être amusant ! Fit-elle, en les imaginant arriver en pleine nuit, comme deux voleurs...
- Bon... C’est pas tout ça, mais au départ, j’étais venu pour me laver !
- Ha c’est vrai ! Elle éclata de rire. Tu veux que je te laisse ?
- Bien sur que non ! Tu n’as qu’à profiter du bain avec moi...
- C’est si gentiment proposé que je ne peux pas refuser !

Elle s’écarta de lui, avec quelques regrets cela dit, pour lui laisser le champ libre. La Cerf en profita également pour s’étirer de tout son long, se sentant un peu lasse... Enfin, ça n'avait rien d'étonnant, cela dit. Entre leur longue promenade du matin et le reste...
Elle s'assit et croisa les bras autour de ses genoux alors qu'Evonis se mettait à l'oeuvre. Elle le regarda faire, un sourire distrait flottant sur ses lèvres.
Une fois lavés, séchés, ils se rhabillèrent. D’un geste plein de délicatesse, il souleva la belle jeune Cerf, et la porta un étage plus bas. Il ouvrit la porte de leur chambre d’un coup de pied, puis il la referma d’un coup de fesse une fois à l’intérieur. Il déposa précautionneusement la Cerf sur le lit...

[...]

Elle songea à quel point elle se trouvait chanceuse d’être tombée sur un Elfe tel que lui. Aucun autre ne lui ressemblait, elle en était certaine. Combien, sur Olympia, étaient fourbes et égoïstes ? Combien d'êtres malsains aurait-elle pu rencontrer encore ? Mais Evonis n'était pas comme ça. Il lui donnait tant et il avait su être patient avec elle. Même lorsque son ami des bois, un tantinet trop possessif, avait joué les mâles dominant. Malgré les réticences de l’animal, elle ne pouvait qu’être heureuse d’avoir enfin pu partager son secret avec lui.

Au seuil du sommeil, l’esprit de la Cerf s’égara sur les moments qu’elle avait partagés avec Evonis durant la journée. Elle garderait précieusement en mémoire chaque seconde que le Loup lui avait données. Jusqu'à ce jour, elle ne l'avait jamais laissé aller trop loin. Elle avait toujours voulu garder un certain contrôle, comme si elle craignait les réminiscences d'un passé proche. Mais jamais le Loup ne s'en était plaint. Pourtant, il avait bien dû remarquer que quelque chose n'allait pas. Une fois de plus, elle s'étonna de la patience dont il avait su faire preuve avec elle et de la douceur qu'il avait montré malgré tout. Maintenant, tout irait mieux.

Elle soupira d’aise, avant de fermer les yeux, emportée doucement dans ses rêves par les arômes suaves des souvenirs de leur journée...