Au 3ème sous-sol | |
Topic visité 1040 fois Dernière réponse le 26/07/2012 à 20:06 |
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La Tanière, un matin, comme souvent.
Leur chambre avait été rangée récemment, et réorganisée, pour faire un peu de place pour les premières esquisses d’un berceau en bois que le Loup confectionnait. La collection de statuettes du Chaman s’était considérablement agrandie, Isa servant bien souvent de modèle, même si elle ne semblait pas être l’unique source d’inspiration de Elen : l’élémentaire de brume, un couple de loups, des oiseaux et divers autres sources d’inspiration. Elles trônaient ci et là, le couple leur ayant trouvé une place avantageuse. Près de leur lit, un étui de bois contenait le violon de Isa, qu’un Loup spécialiste avait confectionné pour la jeune femme. Elle s’était initiée à cet art et apprenait vite, comme souvent. Enfin, sur les bureaux s’entassaient des listes relatives à la préparation du mariage, et sur celui du Chaman un épais volume ancien, couvert de symboles archaïques. L’Olympienne se tourna, bien au chaud sous les couvertures. Elle eut tout l’espace du lit pour s’étendre, ce qui l'interpella. Ses paupières s’ouvrirent sur la pièce faiblement éclairée par la lampe en veilleuse qu’Elen laissait souvent pour qu’elle ne s’éveille pas dans le noir. Le Loup avait dû s’absenter quelques temps auparavant car sa place avait refroidi. Pourtant, elle était convaincue qu’il ne tarderait pas à revenir. Elle se pelotonna un peu plus, une main protectrice posée sur son ventre. Celui-ci s’arrondissait et si elle se réveillait chaque matin avec le doute à l’esprit, il était vite dissipé par ses formes qui devenaient un peu plus généreuses chaque jour. Et aucun de ces détails n’avait échappé à son mari qui ne manquait jamais de partager son ravissement avec elle. Justement, Elen surgit peu de temps après qu’elle eut émergé, franchissant le seuil de leur chambre les bras chargés d’un plateau sur lequel trônait le petit déjeuner de la jeune femme : une petite coupelle de gruau au miel, une pêche et quelques baies bien mûres, une théière pleine d’une bouillante tisane comme l’Olympienne les aimait. - Bonjour, Nelith ! Tu es réglée comme une clepsydre : tu te réveilles toujours à la même heure ! Bien dormi ? Demanda-t-il, en lui apportant le plateau avant de déposer un tendre baiser sur ses lèvres. - Oui, à croire que je fais des journées de bagnards... Qui se priverait d’habitudes aussi agréables, Elen ? Fit-elle, encore à moitié assoupie, en s’étirant doucement. J’en profite, le bébé va avoir tôt fait de nous chahuter tout ça. Tu ne m’en veux pas trop ? - Bien sûr que non, Isa... Et tu es très belle quand tu dors, tu sais ? - Ça veut dire que tu me préfères quand je ne te casse pas les pieds ? - Ça veut dire ce que ça veut dire, ne lele : tu es ravissante quand tu dors, et merveilleuse éveillée. Il l’embrassa encore une fois, avant de s’installer un peu plus loin sur les couvertures, se saisissant délicatement d’un des pieds de la jeune femme pour lui prodiguer un massage matinal. Et toi, ça ne t’ennuie pas que je m’éclipse comme ça ? La jeune femme ferma les yeux quelques secondes, un sourire planant sur ses lèvres. - Tu sais te faire pardonner en tout cas. Tu t’es levé tôt ? - Pas très... Juste le temps de bouquiner un peu et de te préparer ton petit déjeuner. - Evitons que ça ne refroidisse trop alors. Sans quitter le lit, elle s’installa confortablement pour boire d’abord un peu de tisane. Tu sais, ta mère m’a vraiment donné de bons conseils. Je ne me sens pas forcément comme d’habitude mais je crois que ça pourrait être bien pire ! Et qu’est-ce que tu lisais ? - Un registre sur l’entretien de la Tanière. C’est assez surprenant. Alors si je comprends bien, ça va ce matin ? - Ça va. Tu recherches quelque chose de particulier ? Je ne savais pas que c’était si bien organisé. Elle continua avec quelques cuillerées de gruau mais elle se sentit vite calée. - Ce sont de vieux registres. J’ai trouvé quelques incohérences qui laissent penser que la Tanière est plus grande encore que nous le pensions. - Plus grande ? Plus grande comment ? Isa savait qu’il pouvait y avoir encore quelques pièces cachées, mais la structure de la Forteresse était déjà immense ! - Je ne sais pas. Peut-être un étage. Et quelques pièces à cet étage-là. Suggéra-t-il, toujours concentré sur le pied de la jeune femme. Tu imagines ? Un étage en plus ! Va savoir à quoi servaient les pièces qu’il renferme ! - Ça serait étrange quand même. Pourquoi auraient-ils un beau jour décider de cacher une telle surface ? Parce qu’il faut bien dissimuler les accès, ou tout boucher, pour que personne ne les ait vu après tout ce temps. Tu crois qu’on pourrait trouver quelque chose ? Douillettement adossée à ses gros coussins et parfaitement détendue grâce aux bons soins d’Elen, elle imaginait à peine devoir se lever pour partir en exploration dans des couloirs oubliés, pleins de toiles d’araignée. - Je n’en sais trop rien. Au troisième cycle, le clan était si amoindri que certains étages, dont celui-ci, ont été scellés. Et plutôt habillement. Sans doute pour éviter que des ennemis n’y pénètrent en cas de prise de la Tanière. Et la guerre contre Acrim et tout le reste n’a pas aidé à rouvrir l’ensemble du complexe. Et certains secrets se sont perdus, au fil des années. Sans compter les gens qui découvrent des pièces mais qui n’en font part à personne. Ajouta-t-il avec un clin d’oeil entendu. - Chuut... Fit la jeune femme, son index levé sur sa bouche. Ce secret n’appartenaient qu’à eux. Hum... Donc d’après toi, en inspectant un peu partout, on finirait par trouver des issues ? - Pas partout. J’ai ma petite idée sur le lieu à fouiller. - Ah ? - Pas très loin du théâtre. Je pense avoir recueilli quelques indications qui vont dans ce sens. Enfin... C’est du Loup Ancien du Premier Cycle. Il est très archaïque et difficile à interpréter. Donc rien n’est sûr. Mais il y a une chance raisonnable que ça soit là-bas. - On peut toujours tenter. - Tu veux y aller ? Demanda-t-il, un peu inquiet malgré toute la liberté qu’il laissait à sa compagne. - Pourquoi pas ? Il faudra bien que je me lève de toute façon. A son air, Elen put néanmoins en déduire qu’elle n’était pas foncièrement pressée. A moins qu’il y ait des choses de prévues ? Je n’ai pas encore lu mon journal... - Rien du tout, ma douce. Allez, donne-moi ton autre pied ! Fit-il avec un sourire amusé, ce qui arracha un petit rire à sa femme, tandis qu’elle s’exécutait. J’ai le sentiment qu’il vaut mieux que je m’occupe de ton cas avant de te faire quitter la couette, ne lele. - Et puis si ton étage attend depuis des milliers d’années, il n’est plus à quelques heures près. Confirma-t-elle, couvant Elen du regard. - C’est ce que je pense aussi... Murmura-t-il tendrement, lui rendant son regard avec intensité. Elle termina sa tasse avant de repousser le plateau sur sa table de nuit. En riant, elle disparut sous les couvertures. Un peu surpris par l’esquive, il la rejoignit un instant plus tard, pour l’embrasser, la câliner, la dorloter et plus parce qu’affinité ! Il lui tendit galamment une main lorsqu’ils quittèrent le lit, après qu’ils fussent demeurés allongés l’un contre l’autre quelques temps. Ils se rendirent aux bains, Elen pour la seconde fois, puis ils remontèrent aux cuisines : Isa était tentée par une petite tartine à la confiture de pêches. Et ce fut en ces lieux, évidemment, qu’ils tombèrent nez à nez avec Aileen, “occupée” à consommer son petit déjeuner. Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |
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La Cerf les salua d’un simple geste de la main - parler la bouche pleine, ça n’est pas poli - en les voyant arriver. Elen l’imita, même s’il ne partageait pas sa condition relative à la nourriture.
- Ça va Aileen ? L’intéressée hocha la tête. - Et vous ? Répondit-elle, après avoir englouti une nouvelle bouchée. - Coucou Aileen, ça va bien ! Lança Isa en déposant le plateau qu’Elen lui avait apporté, désormais vide. Elle farfouilla dans un placard pour y trouver son bonheur. - On se préparait à se balader, mais Isa a eu un petit creux ! - Ha, une balade en amoureux ? Fit elle avec un sourire taquin. - Pas forcément... Mais oui. - Hum ? Comment ça “pas forcément” ? C’est un nouveau concept ? - Je ne sais pas trop... Fit-il, en consultant Isa du regard. - Vous êtes bien compliqués ! Isa ignorait si Elen préférait garder leur destination secrète. Aussi s’appliqua-t-elle à son tartinage plutôt que de dévoiler d’autres indices à la Cerf. Elen, justement, ne savait pas si l’Olympienne préférait découvrir un passage caché en tête à tête, si passage il y avait, ou si peu lui importait. Il préféra donc s’abandonner à un sourire vague en attendant que Aileen reprenne la parole. Aux multiples hésitations du Chaman néanmoins, Isa finit par comprendre que la présence d’Aileen à leurs côtés ne devait pas le déranger. Pouvait-on parler de secret d’état ? Sans doute pas à ce point-là, même si cela concernait la Forteresse du Clan des Loups et son histoire la plus ancienne. - Tu veux venir avec nous ? On va inspecter quelques recoins de la Tanière. - Oui, on va tenter de résoudre un mystère millénaire ! En Loup Ancien archaïque, s’il vous plaît ! Ajouta-t-il, heureux que Isa ne s’offense pas de la présence de la Cerf. - Rien que ça !! S’exclama-t-elle entre deux bouchées. Ca a l’air passionant - Et ça t’intéresse ? - Bah oui ! Enfin, si j’ai le temps de finir de manger... Plaisanta-t-elle. - Oui, oui, oui... Ma délicieuse Isa a faim aussi, donc on peut t’attendre... - Ha, chouette, alors ! Fit-elle en se saississant d’un pot de miel. T’en veux, Isa ? Proposa-t-elle en désignant le liquide sucré. - Non merci, j’ai déjà de quoi faire ! Dit-elle en montrant son pot de confiture. Une tartine Elen ? Après on va dire que ta femme passe son temps à manger si tu n’es pas solidaire. - Hum... Bon, bon... Mais il faudra que je double ma course de ce soir alors... Je ne mange que pour un, moi... D’ailleurs, Aileen, tu es sûre que ?.. Demanda-t-il avec un regard appuyé, tout en prenant une tartine qu’il se faisait fort de manger nature. La Cerf le fixa un instant, l’air perplexe, tout en attaquant sa propre tartine couverte de miel. Quelque chose lui disait que le Chaman essayait de la taquiner... - Que..? Non, tout va bien, t’en fais pas... J’mange pas plus que d’habitude ! - Ah parce qu’attendre un enfant, ce n’est pas bien ? Répondit-il, fronçant les sourcils pour déstabiliser la Cerf. Isa haussa un sourcil, un peu perdue par l’échange entre les deux Elfes. Avait-elle raté une nouvelle importante ? Elen embrassa tendrement sa femme, posant une main sur son ventre, plus rayonnant que jamais. Il échangea un regard pétillant avec sa belle avant d’ajouter pour Aileen : - Regarde un peu comme c’est bien ! - Ha, mais... Nan, c’est pas ça que je voulais dire ! Fit-elle, rentrant plus ou moins volontairement dans le jeu du Chaman... C’est juste que... Ben que j’suis pas... Elle préféra ne pas terminer sa phrase, sentant bien qu’Elen avait réussit son coup : elle commençait à s’embrouiller. Le Chaman mangea sa tartine ni vu ni connu, avec un sourire amusé. Pour une fois que ce n’était pas lui que les deux jeunes femmes chahutaient. Il songea qu’il aurait mieux fait de calmer ses pensées : à présent, il avait toute les chances de devenir la prochaine cible ! Il venait probablement de se porter malchance ! Pour enrailler le processus, il lança la première chose qui lui vint à l’esprit : - Il fait beau, aujourd’hui, non ? Evidemment, ni lui ni Isa n’avaient mis le pied dehors, et il était fort probable que Aileen ne sortisse de la chambrée qu’elle partageait avec Evonis, aussi il tenta de corriger : Enfin... Je crois... On devrait aller voir ? Ahum... - Le temps est sûrement idéal pour inspecter des murs et des dallages, ne t’inquiète pas pour ça, ne lele. Fit Isa en retenant un rire, sa collation terminée. Moi je suis prête ! - Moi aussi... Ajouta Aileen en se léchant les doigts. - Bon, bon... Allons-y alors ! Trancha-t-il, trop heureux de se sortir du piège qu’il s’était lui-même tendu. - Bah je vous suis... Je sais pas où on va ! Avoua la jeune elfe en haussant les épaules. - Au second ! Arrivés à proximité du théâtre, Isa demanda : - Tu penses qu’il peut y avoir des indices particuliers ou on tapote systématiquement partout ? - Euh... Répondit-il, montrant à quel point il s’était renseigné. Ça doit être dans le coin... - Y avait rien de précisé, dans ton gros livre ? Fit Aileen, à qui Elen avait expliqué la situation lorsqu’ils étaient en chemin. - Euh... Juste qu’ils y avait bien trop de nourriture pour que les Loups vivent sur trois étages seulement... Et qu’ils transféraient des trucs dans ce coin là. Ça ne doit pas être si bien caché, ça a dû être construit sur le tard. - Ha... Ça va pas nous aider beaucoup, mais on verra... - Je dirai que ce couloir est un bon candidat ! Il ne mène nul part ! Fit-il, en leur indiquant un cul de sac. - ...En effet. Et personne ne s’est demandé avant pourquoi il était là et ne menait sur rien ? Demanda la Cerf en approchant de l’endroit désigné. - Euh... Je pense que si... Mais nous ne sommes pas si nombreux à parler Loup ancien... Et moins encore à chercher à comprendre comment la Tanière a été arrangée... Le Loup s’en fut directement au fond du couloir et posa son oreille contre le mur froid et... Rien. Il n’entendait absolument rien. Même lorsqu’il frappait le mur. Il tâtonna, visiblement à la recherche d’un mécanisme éventuel, qu’il ne trouvait pas, prenant une posture tout à fait ridicule : plaqué contre le mur, faisant de grands gestes maladroits en tous sens. Tandis qu’Elen s’occupait du mur, Isa chercha au sol : du dallage qui aurait été rajouté pour boucher l’accès à un escalier, par exemple, mais rien n’attira son attention. De son côté, Aileen observa Elen quelques instant, affichant un sourire un peu moqueur. Puis elle finit par s’intéresser à autre chose et examina à son tour les environs, laissant ses doigts courir distraitement le long du mur. Un détail d’une frise fit un “clic” sonore lorsqu’elle appuya dessus, la Cerf se figea instantanément, surprise. A peine un instant plus tard, une dalle au sol bougea, dévoilant un escalier en colimaçon et les deux dames purent admirer le Chaman dévaler les escaliers à grands bruits, déséquilibré par le mouvement de la dalle sur laquelle il se tenait. Il fit une longue dégringolade avec fracas et sitôt que les bruits consécutifs à sa chute cessèrent, elles purent distinctement entendre : - Ouch ! On a trouvé... Aïe ! Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |
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Isa qui avait vu littéralement le sol s’ouvrir à quelques pouces de ses pieds fut rapidement en bas, aux côtés d’Elen.
- Ca va ? Rien de cassé ? - Non, non... Ça va... Fit-il en se massant les articulations. - J’suis désolée, Elen, j’avais pas vu, ça a fait un bruit quand j’ai passé ma main dessus... S’excusa Aileen qui venait de les rejoindre après avoir dévalé les escaliers. - Ça va, ça va... L’endroit était plongé dans l’obscurité. Mais, comme le reste de la Tanière, sujet à aucune humidité. Il se trouvait certes un peu de poussière, mais c’étaient là les seules traces que le temps avait laissé. Ni araignées, ni moisissure. - On va devoir remonter, avant d’explorer... - On va avoir besoin de lumière... Fit la Cerf, penaude à la suite de sa gaffe. - Il y a peut-être des lampes, on peut toujours avancer un peu, à la lueur de nos Saïka pour trouver de quoi nous éclairer. Et faire demi-tour s’il n’y a rien à proximité. Isa était trop curieuse pour avoir envie de repartir sitôt arrivée. - On peut aussi aller chercher des lampes, ne lele. Je ne veux pas que tu te fatigues de trop... Proposa-t-il, en se relevant avec une grimace à demi dissimulée. Elle fit une petite moue boudeuse et aida le Loup à se redresser. Sa main effleura son front. - Tu veux qu’on passe à l’infirmerie ? Il y a des onguents... - Non, non... On va passer à la pépinière, plutôt. - T’es sûr ? Ca va aller..? - D’accord, allons-y. Elle prit la main de son mari et remonta les marches, vérifiant discrètement s’il la suivait sans peine. Le Loup boitillait, mais ne se plaignait de rien. Il les mena jusqu’à la pépinière, protégée par deux portes. La pièce toute entière était baignée par la douce lueur qu’émettaient des milliards de lucioles que les Loups élevaient. Grassement nourries par des escargots, des limaces et des vers, elles proliféraient rapidement. Elen se saisit de trois beaux globes de verre, préleva des insectes et leur nourriture, puis il referma le tout avec le couvercle spécial qui leur laissait de l’air et qui permettait de suspendre les globes, ce qu’il fit au bout de bâtons taillés pour la marche. - Et voilà le secret de la lumière sans feu ! - En effet, c’est moins fatiguant comme ça. Dit Isa avec un petit sourire en prenant l’une des perches. - C’est sûr... Fit Aileen, distraitement. Elle était plus ou moins fascinée par la pièce aux lucioles et parvenait difficilement à en détacher son regard. Elle en connaissait l’existence mais n’avait jamais eu l’occasion de s’y rendre, et, malgré les efforts qu’elle avait fait pour essayer de se la représenter mentalement, la réalité la surprenait... Toutes ces lueurs éparses lui rappelaient quelque chose : Gaïa. Lorsqu’elle s’était éveillée, elle avait prit l’apparence de milliers de petites boules lumineuses, comme des lucioles. Perdue dans ses pensées, elle se saisit néanmoins d’un des bâtons tenus par Elen. - Alors on y retourne..? Enfin, sans tomber, cette fois, ça serait mieux... Fit-elle, réussissant à s’arracher à la contemplation de la pièce. - En effet. Il les reconduisit à l’escalier, prenant instinctivement la tête du groupe, au cas où quelque embûche se trouverait sur leur chemin. Un long couloir, muni de plusieurs portes sur le même modèle que celles présentes aux autres étages, la peinture ayant quelque peu passé à l’air. Néanmoins, l’endroit ne sentait pas le renfermé. - Ca n’a pas l’air si lugubre... Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir, à part d’autres quartiers d’habitation, d’après vous ? Isa s’était mise à chuchoter sans s’en rendre compte. - J’en sais rien du tout... Murmura Aileen. Elle avait l’étrange impression que parler trop fort aurait pu réveiller des armées de créatures endormies sous la Tanière... L’Olympienne alla à une porte et fit jouer doucement la poignée. Elle s’ouvrit sans un bruit, pivotant parfaitement sur ses gonds, dévoilant un escalier circulaire s’enfonçant dans les profondeurs de la terre, entourant un gouffre dont on ne pouvait même pas espérer voir le fond. Aileen se glissa derrière Isa, les yeux fixés sur l’immense trou. Elle avança un peu le bâton au bout duquel se tenait le globe lumineux, tentant d’en apercevoir le fond, en vain. - Woah, c’est quoi à votre avis ? Le Chaman se pencha à son tour au dessus du gouffre, observant d’un air critique l’allure du lieu. Il fouilla dans sa poche et en tira une pièce d’or qu’il jeta dans le vide. Il compta. Un Luwö. Deux Luwö. Trois Luwö. Puis il arrêta de compter. Visiblement, ce trou avait une bonne profondeur. Au bout d’un moment, qui lui sembla infiniment long, il entendit distinctement un “plouf”. - En tout cas, il y a de l’eau en bas... - Ça communique avec la rivière qui alimente le puits ou les bassins ? Bizarre de trouver cet escalier ici... - C’est peut être pour faire des plongeons de plus haut que les bords de la Rivière Vive ? Fit Aileen, sans avoir l’air d’y croire. - C’est trop profond pour y puiser de l’eau. Isa regarda au plafond, cherchant si un treuil ou autre chose aurait pu y être fixé mais elle ne vit rien. Ou une sortie de secours peut-être... - Hum... Je crois qu’il n’y a qu’une chose à faire... - On y va ?! Répondit la jeune Cerf, enthousiaste. Découvrir les bizarreries des étages oubliés de la Tanière éveillait sa curiosité et elle était pressée d’en savoir plus. - Pourquoi pas. Il y a peut-être des passages transverses qu’on découvrira en descendant. - On y va, alors ! Décida la Cerf en prenant la tête du groupe, descendant avec précaution les premières marches de l’escalier, craignant de glisser : une chute de cette hauteur serait sans doute bien plus grave que celle du Chaman, quelques minutes auparavant... |
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Les escaliers avaient été taillés suffisamment larges pour que la descente soit confortable. A mesure qu’ils approchaient du fond, un léger clapotis se fit entendre : de l’eau coulait paresseusement en contre bas, à n’en pas douter. Aileen marchait contre le mur, n’osant pas trop s’approcher du bord mais, à intervalles à peu près réguliers, elle ne résistait pas à l’envie de se pencher au dessus du vide en essayant d’apercevoir la surface de l’eau. Une fois en bas, ils purent constater qu’une petite rivière souterraine coulait depuis l’une des parois, alimentant un large bassin en eau claire, sombre et froide. La température du lieu, d’ailleurs, leur sembla bien plus fraîche que le reste de la Tanière. Elen vint entourer Isa de ses bras, pour la réchauffer un peu, après avoir précautionneusement déposé son globe au sol. Elle se blottit contre lui. - Ça fait loin pour venir laver son linge... - Je me demande à quoi cet endroit pouvait bien servir... Aileen ne lâcha pas son bâton, elle, et fit le tour du bassin, examinant la surface de l’eau. - En tout cas j’espère qu’il ne fallait pas y venir trop souvent parce que descendre les escaliers ça va, mais les remonter, ça sera moins drôle... Fit-elle à voix basse, sans lâcher le bassin des yeux. Il y eut un bruit d’éclaboussure dans l’eau, comme si quelque chose en avait frôlé la surface. - Aileen ! Ça a bougé, là ! Isa tendit sa perche pour éclairer davantage au-dessus de l’eau. - J’ai vu... Fit la Cerf, immobile, le regard fixé sur l’endroit d’où était venu le son. Curieuse, elle s’en approcha, à pas lents, essayant de repérer ce qui en était la source. Elen imita la Cerf, relâchant Isa, avant de récupérer son globe pour éclairer la surface de l’eau. Mais le lac était à la fois trop profond et ténébreux pour que la pâle clarté des lucioles puisse dissiper les ombres. - Là ! Fit-il en désignant vaguement la surface du bassin, ayant aperçu quelque chose un peu plus loin. - Qu’est ce qu’il y a ? T’as vu quoi ? Questionna Aileen essayant de voir ce que le Loup avait repéré. - Un truc bouger. Il consulta Isa du regard. - Un poisson ? C’était l’option la moins effrayante et avec une cinquantaine de toises à remonter par un escalier en colimaçon, c’était ce que préférait envisager la jeune femme, plutôt qu’un horrible monstre à fuir dans l’urgence... - Des poissons... Ça serait... Bizarre, non ? - Pas tant que cela. On a découvert une champignonnière au quatrième cycle. Je suppose que le meilleur moyen d’avoir des réserves de nourriture inépuisables, c’est qu’elles soient élevées ou cultivées à l’intérieur de la Tanière... Peut-être que c’était pour tenir un siège... - Alors ce bassin doit être relié à l’extérieur, si il y a toujours des poissons en vie là dedans, non ? Je doute qu’on y retrouve des carpes de plusieurs centaines d’années ! - Tu crois ? Ils ne pourraient pas survivre ici ? - Ben... Je sais pas, en fait... Admit-elle, reconnaissant qu’elle s’y connaissait bien peu en pisciculture. Une fois encore, le Chaman consulta Isa, qui avait peut-être lu des archives olympiennes sur ce genre de pratique. Ordénum ne se trouvait pas si loin que cela de la mer Emeraude, après tout, du temps où la ville était encore debout. - Non je ne sais pas Répondit la jeune femme à la question muette. Sur les rivages de la Mer Emeraude, les pécheurs utilisaient des filets ou des lignes, mais il n’y avait pas d’endroits pour garder des poissons parqués de cette façon. Et je ne connais pas d’espèces qui pourraient vivre ici, dans le noir et ce froid... Aileen haussa les épaules et s’accroupit au bord du bassin, plongeant sa main dans l’eau, plus par jeu que pour faire quoi que ce soit d’utile. C’était froid en tout cas... Elle avait posé le bâton à ses côtés, le globe contenant les lucioles non loin de sa main immobile dans l’eau. Un poisson passa paresseusement près d’elle, sans avoir l’air dérangé le moins du monde par sa présence. Sa peau était étrangement pâle, blanchâtre même. La Cerf attendit quelques instants de plus, perplexe. Le poisson n’avait pas l’air de l’avoir vue... Un autre s’approcha ensuite et s’arrêta quelques instants sur sa gauche, semblant vouloir manger quelque algue que la paroi du bassin. Le regard de la jeune femme se fixa sur lui... Puis d’un geste vif, elle lança son bras sur l’animal. Effrayé, celui-ci tenta de fuir mais les doigts agiles d’Aileen se refermèrent sur lui et le tirèrent hors de l’eau. - J’l’ai eu !! Lâcha-t-elle, criant presque. Sa voix se répercuta en écho sur les parois de pierre. J’en ai attrapé un ! Continua-t-elle en se tournant vers Elen et Isa, assurant sa prise sur l’animal qui frétillait entre ses doigts, sans prendre la peine de ramasser le bâton. Elle avait failli lâcher sa prise tant les écailles lisses et gluantes du poisson étaient glissantes. - Bravo ! Firent le Chaman et Isa de concert, sincèrement impressionnés. - Vous avez vu ? Continua-t-elle avec un large sourire teinté d’une certaine fierté. Et regardez ! Il est tout blanc ! On peut presque voir à l’intérieur... S’étonna ensuite la jeune Elfe en examinant sa prise sous toutes ses coutures, telle une enfant qui découvre un nouveau jouet... - Ça n’a pas l’air très appétissant... Fit l’Olympienne avec une mine écoeurée. Le poisson gigotait, presque translucide, blafard et gluant. A la longue descente en colimaçon s’ajoutait maintenant un profond dégoût qui l’étonna. La jeune femme s’adossa à la paroi fraîche et focalisa son attention sur le globe de lumière douce plutôt que l’animal moribond, espérant que le haut-le-coeur qui la prenait disparaîtrait vite avant un accident... - Bah... Je suppose qu’il doit être comestible. Fit le Chaman, se saisissant de l’animal qui s’agitait. Il le rapprocha de son visage, l’inspectant en détail. Puis il le rejeta dans le bassin. Une chose est sûre, si la pêche est la fonction de cet endroit, c’est surprenant que cela soit aussi profond... Elen, EdL
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Aileen lui jeta un regard ostensiblement courroucé lorsqu’Elen renvoya le poisson parmi ses semblables. C’était SON poisson, il n’avait pas le droit de lui prendre comme ça ! Si il voulait le remettre à l’eau lui-même il n’avait qu’à en attraper un tout seul. Cependant, elle s’abstint de faire la remarque, sachant bien que ces considérations étaient bien trop puériles pour être exprimées... Mais tout de même, il aurait pu lui demander son avis...
- J’imagine qu’on est au moins trois cents pieds plus bas. Fit-elle en levant les yeux vers les ténèbres au dessus d’eux avant de détourner le regard... Ça ne la rassurait pas tellement de se savoir pris au piège dans un gouffre aussi profond et son esprit avait tendance à lui faire voir d’étranges créatures cachées dans les ombres épaisses. J’espère qu’il ne voulaient pas manger du poisson tous les jours... Ajouta-t-elle, ignorant elle aussi quelle raison l’endroit s’enfonçait aussi loin dans les entrailles de la terre. - Peut-être que ce n’est pas l’utilité première de cet endroit... - Une oubliette, alors ? Avança Aileen avec un haussement d’épaules dubitatif. - Ce n’est pas dans le tempérament des Loups d’oublier... Que ce soit notre histoire ou des mortels... Non... Cela a sans doute un rapport avec l’eau. Et si ?.. Se demanda-t-il, en s’approchant du bassin, laissant glisser sa paume à la surface de l’eau. - C’est peut-être une source particulière. Les Olympiens ont toujours cherché des eaux qui ont certaines vertus. Est-ce qu’elle a une odeur spéciale ? - Elle est fraîche... Très fraîche... Il tenta de flairer une odeur spéciale, puis il la goutta. Et extrêmement pure... Aileen s’approcha et se glissa derrière le chaman penché au bord de l’eau, adoptant un air faussement menaçant. - Tu veux faire un p’tit plongeon ? - Tu lis dans mes pensées. Fit-il, se débarrassant d’un geste de sa cape et plongeant la tête la première dans le bassin. Aileen lâcha un cri de surprise... Elle ne s’attendait pas à ça, elle qui se proposait si gentiment de le pousser à l’eau... Voilà qu’il la privait également de ce plaisir là ! - Hein ? On n’y voit rien Elen ! Il y a déjà des poissons affreux là-dedans ! Il refit surface, à peine quelques instants plus tard, les muscles engourdis par le froid. Sans l’obscurité, elles auraient pu voir ses doigts bleuis et son sang affluer dans ses joues, loin de ses extrémités. Il ne se sentait pas du tout l’envie de plonger de nouveau. L’eau l’avait bien trop glacé plus bas. Il quitta le bassin, trempé jusqu’aux os, se frictionnant. Aileen attrapa la cape que le Chaman avait laissé sur le bord et la lui tendit, sans un mot. - C’est drôlement profond... Et y’en a plein... *cla-clac-cla-clac* Déclara-t-il, s'emmitouflant dans sa cape qui se mouilla à son tour. - T’étais pas obligé de plonger, quand même... Fit la jeune Cerf, l’air vaguement inquiète et ne semblant pas vraiment approuver un tel plongeon... *cla-clac-cla-clac* Plein de poissons ? Continua-t-elle ensuite. - Oui... *cla-clac-cla-clac* Ils se sont montrés curieux... - C’est malin, toutes tes affaires sont trempées maintenant... Fit sa femme en s’approchant pour lui frotter le dos. *cla-clac-cla-clac* On va remonter, ça te réchauffera. Et puis on réfléchira à ce puits plus tard. Ton livre en parle peut-être. - Ben si jamais on trouve un autre puits, tu plonges pas, hein ? Demanda Aileen, prête à escalader les premières marches du long escalier... *cla-clac-cla-clac* Je me réchaufferai en marchant... On peut continuer à explorer... TCHOUM ! - A tes souhaits ! *cla-clac-cla-clac* Lança Aileen en s’engageant d’un pas vif dans l’escalier en colimaçon, un peu trop vif pour qu’elle puisse tenir ce rythme tout au long de l’ascension... - Enlève ça si tu as trop froid, ce n'est pas le moment d'attraper mal, conseilla Isa, en tirant de deux doigts sur le haut de la tunique du Loup avant de rejoindre Aileen dans les premières marches. *cla-clac-cla-clac* Elle regrettait de ne pas avoir pris son ignisceptre qui aurait résolu le problème en deux temps trois mouvements. Auraient-ils dû partir équipés de pied en cap pour visiter un malheureux sous-sol de leur propre forteresse ? Elle allait finir par le croire... Le Chaman suivit la recommandation de Isa, retirant son haut et le portant avec sa cape. L’eau froide pourrait le rendre patraque. Et la chose lui semblait stupide, pour un Chaman. Il gravit les marche, à la suite de sa femme, se réchauffant peu à peu. A l’approche du sommet, Aileen dut bien reconnaître qu’elle s’était engagée un peu trop vite dans l’escalier. L’avance qu’elle avait prise fut vite rognée par le pas plus tranquille d’Elen et Isa alors qu’elle s'essoufflait inutilement. - ..’Tendez ! J’fais une... Pause... Finit-elle par dire, à bout de souffle. - Déjà ? - ...Allée trop vite... Fit-elle entre deux longues inspirations. - On l’attend, Isa ? - Oui oui... Je ne suis pas non plus contre un petit arrêt. Mais continue si tu veux, tu vas avoir froid si tu restes. Les longues courses en forêt avaient été bénéfiques en améliorant son endurance mais la remontée était tout de même rude et créait une très désagréable impression de vertige. Le Loup se colla l’Olympienne, l’entourant de ses bras, se plaçant entre elle et le gouffre, autant pour se réchauffer que pour rassurer la jeune femme, dont il avait perçu le trouble. - Non, non... Je reste avec vous deux. - En tout cas les poissons peuvent être tranquilles, on ne viendra pas s’approvisionner ici tous les jours. Assura-t-elle en se serrant contre Elen, tendrement. Ca va aller Aileen ? Aileen émit un reniflement dédaigneux. Elen lui avait volé SON poisson... - Oui, oui... Juste un peu essouflée. Répondit-elle ensuite. - Quelle idée de courir aussi ! - J’voulais arriver plus vite en haut ! Pour voir ce qu’il y a dans les autres pièces... Se défendit-elle. Isa étouffa un rire, se demandant lequel des deux était le plus gamin. Une fois reposés, le groupe reprit son ascension. Elen la poursuivit pour revenir aux chambres : il devait se changer, sinon il attraperait la mort. Aileen préféra l’attendre en bas et explora timidement le couloir sombre, le parcourant dans toute sa longueur. L’étage était bien plus grand que ceux actuellement occupés par les Loups ! Quant à l’Olympienne, elle reprit son inspection méthodique à chaque porte qu’elle trouvait. N’y avait-il que des dortoirs comme le laissait supposer l’ouvrage d’Elen ou finiraient-ils par trouver une pièce au dessein mystérieux ? Elle bouillait d’envie de dénicher quelque chose d’intéressant avant qu’Elen revienne ! La plupart des pièces s’apparentaient aux chambres des Loups, le mobilier de base toujours en place : les lits, des bureaux, des bibliothèques, des armoires. L’étage semblait avoir été abandonné seulement quelques heures auparavant, comme si les Loups n’avaient jamais quitté les lieux. Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |
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Après plusieurs minutes de recherche, au détour d’un couloir semblable à tous les autres, elles firent face à une grande porte à double battant, décorée de gravures fines et précises représentant des légendes passées, dont l’amour impossible de Aelion et Neleth, celui entre Elizadora et Ereinlen et l’adoption de Iltarion par les loups des bois, le tout enluminé de feuilles d’or.
- Woah... Fit simplement Aileen, à la fois impressionnée par l’ouvrage et curieuse d’en savoir plus. - Une bibliothèque, tu crois ? Murmura Isa dont le regard s’illumina soudain. Précédemment, enchaîner le décompte de logements délaissés avait empreint son coeur de tristesse. Qu’étaient devenus tous ces Elfes ? Partis s’établir dans des villages ? Morts lors d’une guerre ou d’une épidémie ? Est-ce que l’étage s’était vidé d’un seul coup ou progressivement aux cours des âges jusqu’à ce qu’ils décident qu’il était devenu inutile ? On entre ? - On devrait peut être attendre Elen... Non ? Fit-elle en posant une main sur la porte, presque religieusement. Elle préférait qu’Elen soit là avec elles pour partager le plaisir de la découverte plutôt que de tout garder pour elles... - Oui... Admit l’Olympienne. Sa curiosité lui aurait volontiers fait pousser les portes à toute volée mais c’était au Chaman de redécouvrir les endroits importants de la Tanière... Elle regarda dans le couloir, pressée qu’il arrive et elle pu constater que le Chaman les appelait : - Isa ? Aileen ? - Nous sommes là ! Viens voir ! - On a trouvé quelque chose ! - Où ça, là ? - Lààààààààààà ! Lança Isa en riant. - Tourne à droite ! Ajouta Aileen, s’esclaffant à son tour. Le Chaman rejoignit les deux jeunes femmes, finalement, après s’être trompé de couloir. - Alors ? Qu’est-ce que vous avez... Oh ! Le Chaman demeura bouche bée, admirant l’ouvrage de la porte. Il s’était changé, et il portait une tunique de chasseur. Il ne lui manquait que l’arc et le coutelas, et il pouvait partir en campagne, à la poursuite du gibier. - C’est chouette, hein ? Fit Aileen, un grand sourire aux lèvres, fière de leur découverte. - Regarde ! L’Olympienne effleura doucement les sculptures dont Elen aimait particulièrement les légendes qui s’y rapportaient. Puis trépignant d’impatience : Allez ouvre ! Il s’exécuta. Et il s’immobilisa, comme une statue devant le contenu de la salle. Des rangées de sièges étaient alignées, tournées face au fond de la pièce. De riches tapis décoraient l’allée centrale qui menait droit à une immense racine qui perçait le mur. En cette racine avait été creusée une niche, semblable à celle se trouvant à l’extérieur et une idole jumelle se tenait en son sein. Et plus encore qu’à l’extérieur, d’elle émanait une présence imposante. La pièce, saturée de magie, ils pouvaient tous trois le sentir, semblait être au plus près de la source qui animait la Tanière et ses sortilèges, et Luwö puisait ici plus qu’ailleurs dans ses réserves pour se manifester. L’Olympienne vint s’emparer du bras du Loup, aussi impressionnée que lui. Elle qui s’était faite à l’idée que Luwö était “partout”, une entité diffuse qui les entourait imperceptiblement, dont on avait fait une représentation qui focalisait en quelques occasions la puissance du Totem simplement parce que les mortels avaient toujours besoin d’un repère physique, revit son jugement. Sans oser avancer, elle chuchota, encore incrédule de la densité des énergies magiques qu’elle percevait : - C’est bien plus qu’un temple... Aileen avait reculé d’un pas, presque instinctivement, bouche bée. La jeune Cerf se sentait minuscule, comme écrasée par la présence imposante de Luwö. Et quelque part, elle se sentait étrangère en ce lieu, le coeur même du refuge du clan du Loup. Oui, comme l’avait dit Isa, c’était bien plus qu’un temple... - Grand Luwö ! C’est... C’est le Temple des Origines ! Et dire que je l’ai cherché si loin... Murmura Elen, estomaqué. - C’est quoi ? Fit Aileen, derrière lui. - Le tout premier lieu de culte dédié à Luwö... - Alors j’imagine que s’il y avait un mécanisme pour qu’on ait accès aux escaliers... C’est que ceux qui ont muré le passage voulaient que ça soit retrouvé... Supposa-t-elle, ne semblant pas tout à fait à son aise dans l’antre du Loup. - Il était si près... Ô Luwö, puisses-tu être mille fois béni ! Si tu ne m’avais pas conduit sur une fausse route, jamais je n’aurai rencontré mon exceptionnelle épouse. - Pourquoi le cherchais-tu ? C’est donc pour cela que tu as tout quitté ? Elen avait déjà fait mention de ces fameuses Origines lorsqu’il avait retrouvé son épouse et Calith à l’Arche des Glaces. Mais Isa n’aurait jamais imaginé que cela se référait à un sanctuaire. Elle avait seulement compris que c’était un lieu important pour la sauvegarde des Clans et pour la lutte contre l’Ennemie sans vraiment savoir ce qu’il faudrait y faire. - Pour ça, oui... Et pour ne pas exposer les miens à Ses griffes. Et si j’en avais eu la force, je me serai évadé pour te mettre toi aussi à l’abri. Le destin joue parfois de drôles de tours. Mais ce n’est pas toujours déplaisant... Lui murmura-t-il, avant de l’embrasser. - Pas toujours. Répondit-elle avec un demi-sourire. Le voyage avait jeté le Loup entre les mains de ses tortionnaires, en tout premier lieu; Isa préféra ne plus y songer. Toute cette énergie... Je ne sais pas Elen... Si tu l’avais combattue ici, n’aurait-Elle pas pu utiliser cette force également ? - Je ne peux rien affirmer. - Nous... Nous pouvons entrer tu crois ? La question pouvait paraître idiote. Si le Chaman n’avait pas le droit d’aller au plus près de la demeure de son Totem, il y avait de quoi s’inquiéter. Toutefois la présence de Luwö était si impressionnante qu’il devenait légitime que les autres y réfléchissent à deux fois. |
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Elen hocha la tête, faisant un pas dans la pièce. L’air semblait plus épais ici, comme habité par l’essence de Luwö. Et à peine eut-il posé un pied sur le tapis qu’une pâle lueur éclaira son épaule. L’énergie de la pièce affluait en lui. Tel une éponge avec de l’eau, il s’imbibait involontairement de la magie présente dans les lieux. Si pure. Si primaire. Si sauvage. Cela le grisait, bien moins que lorsqu’il échangeait avec Isa, mais il trouvait le phénomène suffisamment inédit pour devenir la proie de la surprise.
Isa attrapa la main d’Aileen à la volée et l'entraîna à leur suite, à pas lents. Son Saïka aussi réagit à l’afflux d’énergie mais cela ne l’effraya pas, au contraire. Une part d’elle-même la reconnaissait, elle faisait partie de ce qui l’environnait, elle y avait sa place et cette sensation l’émut grandement. Aileen n’aurait sans doute pas osé entrer si Isa ne l’avait pas soudain attirée à l’intérieur. L’énergie de la pièce semblait faire le plus grand bien à ses deux amis mais la jeune Cerf ne partageait pas vraiment leurs sensations... Au contraire, elle se sentait oppressée, l’impression d’être une étrangère en ce lieu se renforçant à chaque pas qu’elle faisait. Mais au fond, elle n’en était pas étonnée : c’était Luwö qui résidait ici, le Totem des Loups... Et elle vivait sous l’égide du Cerf. Ainsi, la jeune Elfe rechignait un peu à s’avancer trop loin dans le sanctuaire, ne s’y sentant pas à sa place. L’Olympienne sentit qu’Aileen hésitait. Elle lança un coup d’oeil en arrière et vit sa mine réservée. Lâchant le bras d’Elen, elle s’arrêta pour rester à distance du tronc millénaire avec la Cerf. Cette dernière l’interrogea du regard, semblant ne pas comprendre pourquoi l’Olympienne ne suivait pas le Chaman. Elle était à sa place, ici, contrairement à elle. - Honneur au Chaman. Fit Isa en guise d’explication. Si la préséance était normale, elle ne voulait de toute façon pas qu’Aileen se sente exclue, maintenant qu’elle faisait pour ainsi dire partie de leur famille. - Euh... D’accord. Fit-elle simplement, osant à peine répondre, comme si troubler le silence du lieu aurait pu attirer la colère de Luwö sur elle... Le Chaman, lui, se rapprochait de l’autel même, la force du Totem s’intensifiant à chaque pas. Il aurait pu jurer que le Totem pouvait s’adresser à lui sans passer par le monde des esprits, voix tonnante dans cette atmosphère saturée d’énergie. Sur l’autel avait été gravé ces quelques mots : Luwö, kes luwo. Fusse l’atmosphère ou le Totem qui lui souffla cette idée ? - Notre père... Il prit une inspiration. Notre mère... Énonça-t-il, paraphrasant la défunte Reine des Elfes. Par tous les Totems ! Elle est leur mère à tous ! Il fit volte face, fébrile, le visage réjoui par sa découverte. Soudain très excité par la suite d’événements, il rejoignit les deux jeunes femmes à grands pas. il s’enthousiasma à tel point qu’il oublia qu’il avait mis plusieurs saisons à interpréter les paroles de la Reine, propos dont ni Isa, ni Aileen n’avaient été témoins qui plus est, et il déclama comme s’il s’agissait d’une évidence : - C’est leur mère ! C’est leur mère ! - Leur mère ? A qui ? Et pourquoi Elen parlait-il d’une mère alors qu’on était dans le temple de Luwö ? Cela devenait très étrange. - Aux Totems ! Je suis bien sot de ne pas l’avoir compris plus tôt ! Pourtant, elle me l’avait laissé entendre ! Bénie soit notre Reine ! Le Chaman sautillait presque sur place, trépignant d’impatience de partager avec le monde l’importante nouvelle que cela constituait. - Quoi ? Mais qui ?... Luwö faisait un drôle d’effet au Chaman, songea Aileen, perplexe. - Mais Gaïa, bien sûr ! C’est pour cela que No’irin Kai’tlin voulait que je La chasse du monde des esprits ! - Quoi ?! T’es... T’es sûr ? Lâcha Aileen, abasourdie par ce qu’elle venait d’entendre. Elle en oubliait presque son malaise lié à sa présence dans un tel lieu... - Certain ! Je ne remettrai jamais en doute la parole de notre bien aimée Reine. - C’est... C’est... Aileen ne savait plus que dire : La nouvelle la laissait sans voix... Les Totems, leurs protecteurs... Enfants de Gaïa ? - C’est un peu flou dans mon esprit, je crois que j’avais été drogué en vue d’un test, mais lorsque la Reine s’est adressée à moi, elle a mentionné quelque chose à ce propos. J’en mettrai ma main à couper ! - Drogué..? Un test... Je... J’comprends plus rien... Fit la jeune Intendante, semblant perdue par tant de révélations. - Une histoire compliquée... La Reine voulait être certaine que je ne la trahirais pas face à l’Ennemie. Se remémora-t-il, les joues rosissant en songeant qu’il avait osé appâter son immonde et puissante adversaire en mettant en avant sa collaboration avec No’irin Kai’Tlin. J’ai réussi le test et nous nous sommes lancés à l’assaut... Répondit-il, omettant avec soin les horreurs, fausses selon toute vraisemblance, que la souveraine lui avait lancées pour tester sa fidélité. Aileen ne répondit rien, prenant quelques instants pour réfléchir et assimiler tout ce qu’elle venait d’apprendre, le regard fixé sur un point, quelque part au sol. De nombreuses questions, lui venaient à l’esprit, sans ordre aucun, certaines témoignant d’une certaine confusion et d’autres terriblement précises. La seule chose dont elle était certaine, c’est qu’il lui faudrait un peu de temps avant que tout soit clair dans son esprit... - Mais... Pourquoi tu l’aurais trahie ? Après tout ce que tu as enduré pour La combattre... Quelle genre de femme pouvait avoir été la Reine pour manquer à ce point de clairvoyance à propos de la loyauté d’Elen... Songea Isa. - L’Ennemie sait séduire, lorsque la situation l’exige. Et ses tours sont très convaincants... - Moui... L’excuse semblait bien légère, pour avoir drogué et harcelé celui qui était tout de même à l’époque l’Intendant du Clan des Loups. Et tu ne te souviens pas de ce qu’elle a dit exactement ? - C’est très trouble... Elle a parlé de la Mère... De subjuguer les clans... Et de bien d’autres choses... Certaines pour me tester. Et d’autres pour m’exposer la situation. La mention de cette Mère, notamment. Exposa-t-il, dans un intense effort de mémoire. A leurs côtés, Aileen n’écoutait déjà plus qu’à moitié, plongée dans ses pensées. Entre le malaise qu’elle ressentait dans ce temple et ça... Elle se laissa doucement glisser au sol et s’assit, le dos appuyé contre l’un des sièges qui bordaient l’allée dans laquelle ils s’étaient engagés, son regard toujours fixé sur le vide... - Hum... Chaque mot peut avoir son importance pour un raisonnement aussi capital. Tu vas peut-être un peu vite Elen... Eventuellement, tu crois qu’une séance de méditation ici pourrait t’aider à retrouver la scène exacte ? Puis, percevant du coin de l’oeil Aileen qui s’affaissait sur les épais tapis, elle lui demanda : Ça va Aileen ? Tu es toute pâlotte... Tu préfères sortir ? - Je... Oui, je crois que... Que ça serait mieux... Fit-elle d’une voix éteinte avant de se relever. - Jolie trouvaille quand même non ? Glissa-t-elle à la jeune Elfe en l’aidant à se remettre sur ses pieds.Je pense que nous pouvons en être fières ! - Oui, c’est vrai... On a bien fait de venir. Répondit-elle, réussissant tout de même à sourire. Le Chaman resta un instant rêveur, les mots de la Reine semblant résonner à son esprit, aussi indistincts que dans son souvenir, et il lui semblait impossible de mettre de l’ordre dans sa mémoire. La suggestion de Isa impliquait pour lui de revivre la scène une seconde fois. Et il ne se sentait pas disposé à une telle aventure. Pas dans l’immédiat, tout au moins. Il recula, presque à regret, cette salle le plongeant dans un étrange bien-être. Elen, EdL
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Aileen se dirigea vers la sortie sans même un dernier regard pour le sanctuaire, plutôt pressée de s’éloigner de la présence imposante de Luwö. Dans le couloir, l’air lui semblait plus léger, plus frais et les ténèbres, moins oppressantes. Elle respirait mieux. La jeune femme s’appuya contre le mur, non loin de la porte, se perdant quelques instants dans l’observation des petites lucioles qui étaient emprisonnées dans le globe de verre, au sommet de son bâton.
- Qu’est-ce qui t’arrive Aileen ? S’enquit Isa, étonnée que la Cerf soit si atone. Le Chaman quitta la pièce, les sourcils froncés de concentration, faisant les cent pas non loin des deux dames. - Hein ? Ho, rien... C’est... Tout ça... J’veux dire, c’est pas rien, ce que vient de comprendre Elen... Et puis je ne me sens pas très à l’aise, aussi proche de Luwö ! Répondit-elle, adressant néanmoins un sourire à Isa. - Non ce n’est pas rien en effet... L’information lui paraissait déjà troublante à elle qui était Olympienne, mais pour les Elfes des Lunes, cela devait être bouleversant. Puis voyant son mari tourner en rond :Tu cherches toujours à te souvenir ? - C’est terrible ! C’est comme s’il avait un bruit de fond dans ma tête quand j’essaye de me rappeler. Et je ne sais pas encore si j’ai envie de me souvenir de ses mots exacts... - Si tu forces, tu n’arriveras à rien. Il faut être détendu, reprendre le fil là où l’on est sûr de ses souvenirs et avancer à petits pas. Sinon l’on prend le risque d’inventer, inconsciemment, pour combler les vides et la vérité s’efface. Mais ce n’est pas le bon moment pour tenter l’expérience, nous sommes fatigués, entre la grimpette et les émotions fortes... Je pourrai t’aider si tu veux ? La jeune femme s’y connaissait en démêlage de réminiscences... - A vrai dire, si pour une raison ou pour une autre je devais repenser à cette scène et la revivre, je serais rassuré de t’avoir à mes côtés... Avoua-t-il, visiblement inquiet à cette idée. - D’accord, on en reparlera à l’occasion. Lui dit-elle avec un sourire tendre. - N’empêche que c’était mon poisson... Grommela Aileen, sans vraiment articuler, non sans un rire bref. - Il était affreux ton poisson ! Tu voulais le ramener pour le faire cuire ? Il ne serait pas arrivé très frais à la cuisine ! Lança Isa en riant. - Bah non ! J’voulais le remettre à l’eau moi même... C’est moi qui l’avais attrapé, pas Elen ! Répondit-elle, tirant la langue au Chaman, feignant de bouder. Bien évidemment, la jeune Cerf n’attachait pas de réelle importance à ce poisson, elle cherchait surtout à détendre un peu l’atmosphère qui lui semblait soudain bien pesante. Et embêter Elen par la même occasion..! - Mais il allait mourir ton poisson ! Tu tardais trop ! - Bah non, ça meurt pas si vite ! T’as jamais été à la pêche, ou quoi ? S’étonna-t-elle. La plupart des poissons résistaient plutôt bien après quelques secondes hors de l’eau... - Jamais avec des bêtes de ce genre-là... - Ben... ils étaient un peu bizarres, mais j’imagine que c’est juste des poissons, au fond... Fit-elle en haussant les épaules. Et de toute façon c’était mon poisson. Insista-t-elle. Ils remontèrent vers les quartiers des Loups, heureux de leurs premières trouvailles, non sans avoir refermé le passage derrière eux. La suite de l’exploration attendrait un autre jour mais ils avaient déjà matière à mener quelques recherches supplémentaires dans les vieux ouvrages qu’avait dénichés Elen. - Quand on aura fini de visiter, tu vas rouvrir l’étage au clan ? Demanda Isa à son mari, une fois revenus dans leur chambre. - Si l’endroit est sûr, oui. Sinon, il faudra que j’envoie des gens pour le remettre en état d’accueillir le clan. - Tu crois qu’il peut y avoir des choses dangereuses ? - L’étage n’a pas été scellé simplement parce que nous ne pouvions pas l’occuper. D’une façon ou d’une autre, ça doit cacher quelque chose... - En tout cas, pour l’instant tu peux être fier de toi. Le temple méritait d’être retrouvé. - Fier de nous, ne lele ! [...] Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
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Le Chaman tournait en rond, depuis plusieurs jours, déjà. La découverte l’avait mis en appétit. Evonis avait été obligé de s’absenter pour une partie de chasse et, pour une fois, Aileen s’était décidée à l’accompagner pour ne pas perdre un seul instant aux côtés de son Loup préféré. Elen avait donc, par égard pour Aileen, reporté l’exploration de la suite du souterrain, et des environs du temple en particulier.
Il avait terminé de monter le berceau et le manque d’activité commençait à lui peser. Bien sûr, il avait ses ennuyeuses tâches de Chaman et ses plus que distrayants et agréables échanges conjugaux, mais tout cela ne remplissait pas une journée autant qu’il l’aurait voulu. Malheureusement, augmenter le temps passé autour de la première tâche ne lui disait vraiment rien et consacrer plus de temps à la seconde activité fatiguerait Isa, ce qui n’était guère recommandé dans son état. - On va se promener ? Proposa l’Olympienne en refermant un ouvrage d’astronomie. La préparation du voyage à venir dans des contrées fort éloignées lui demandait quelques recherches, entre autres. On dirait un Loup en cage, à te voir faire les cent pas ! - Ce n’est pas de refus, ne lele. Répondit-il, comme délivré d’un poids. Elle le rejoignit et l’enlaça doucement. - Un endroit te tente ? - Hum... Où tu veux, Nelith. Fit-il, l’étreignant à son tour. - Je me demandais si mon Adrakil n’aurait pas envie de m’emmener dans le monde des Esprits... Murmura-t-elle timidement. - Tu sais bien que je ne peux rien te refuser, ne lele. - Tu crois que c’est vraiment possible ? - Pourquoi pas ? Luwö t’aime bien, visiblement. Il t’aidera peut-être. C’est déjà arrivé par le passé, à d’autres... Fit-il, soulevant délicatement son épouse pour la mener vers la couche conjugale. - Il faut bien se jeter à l’eau un jour... La jeune femme s’était longuement préparée comme tous les Edoniels du clan. Il était temps de voir si les enseignements du Chaman étaient acquis. Tu es sûr que le bébé ne craint rien ? - La transe ne peut rien lui faire. Les Louves ne se sont jamais arrêté de faire des transes pendant leur grossesse, tu sais ? Certaines ont même dit avoir eu l’impression de sentir la présence de leur enfant. Et comme je ne permettrai pas qu’il t’arrive quoi que ce soit, il ne lui arrivera rien à lui. - Bon... Et puis ça sera comme avec Aileen, ça ne dure pas très longtemps. Tout s’était bien passé pour leur Prima-Luwä, à peine plus expérimentée qu’Isa dans le domaine des transes. Il n’y avait pas de raisons que les choses soient différentes. - Ah ça... Tu vas voir que le temps file vite, là-bas... Isa se laissa déposer sur le lit, lâchant le cou d’Elen à regret. Puis elle s’allongea confortablement, la tête au repos sur un gros oreiller. - N’oublie pas ton ancre, Isa. Murmura-t-il, s’allongeant à ses côtés avant de lui donner un tendre baiser. - Je ne l’oublie pas, répondit-elle alors qu’elle prenait la main du Loup dans la sienne, un petit sourire anxieux sur les lèvres. - Tu me rejoins là-bas ? - Oui... J’espère ! Dit-elle d’une toute petite voix. A vrai dire, elle ne savait pas si elle arriverait à passer la première barrière, ce mur étrange qu’elle avait vaguement perçu alors qu’elle chantait les Icarios pour l’Intendante des Cerfs. - A tout de suite, alors, Nelith... Il ne fut pas avare d’un second baiser, juste avant de s’enfoncer dans le monde des esprits sans difficulté, passant déjà la première barrière. Il étendit son esprit autant qu’il le pouvait, se gonflant comme un phare pour que Isa ne puisse pas le manquer. De toute manière, les premiers niveaux, à l’exception des Elfes en transe qui s’y croisaient parfois, demeuraient généralement vides. Il triche... Se dit Isa en voyant faire son mari avec une facilité déconcertante. A son instar, elle appliqua les principes de méditation longuement travaillés et fit le vide dans son esprit. Son corps devint lourd, distant, comme lorsqu’on vacille dans un demi-sommeil. Il ne s’agissait pas de s’endormir cependant, mais de trouver cette barrière qui séparait les mondes... Et de la franchir. Son Finye lui indiquait la voie mais la jeune femme était pourtant retenue par sa peur de basculer trop vite, trop loin dans ce royaume obscur et silencieux qu’Aileen lui avait décrit. Ce n’est qu’en percevant la présence d’Elen, point fixe dans cet infini qui s’étendait devant elle, qu’elle traversa. Le Chaman, attentionné, vint l’envelopper de son esprit d’où émanait une énergie douce et apaisante. Elle serait bien restée là, baignée dans la force spirituelle du Loup. Les étendues ternes de ce monde inconnu lui semblaient bien désolées, hors de l’aura du Chaman... Devait-elle s’en éloigner malgré tout ? Elle n’apprendrait rien si elle ne bougeait pas... Elle avança, Luwö seul savait dans quelle direction et espéra ne pas faire de bêtises. Elle sentait l’esprit de Elen tout proche, concentré pour la suivre. Ils atteindraient rapidement les barrières suivantes. Rassurée, elle continua d’un pas égal, son esprit délaissant peu à peu la conscience de son corps. Une barrière la fit ralentir, à peine. Puis d’autres qu’elle passa tout en prenant confiance en ses capacités. Tant qu’elle était certaine qu’Elen marchait à ses côtés, elle irait de l’avant. Le Chaman avait bien insisté sur la difficulté du retour mais ils ne devaient pas être bien loin du monde réel, pour l’instant. Elen, EdL
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Les premières lueurs apparurent, troublant la grisaille ambiante. Ils avaient dû marcher plus longtemps que ce qu’elle estimait... Pouvait-elle s’approcher de ces lumières ? Sa curiosité naturelle l’y poussait mais était-ce bien prudent ? Elle fit quelques pas dans leur direction, lentement, guettant un signe contraire d’Elen. Celui-ci lui avait expliqué que les Esprits belliqueux n’oseraient pas se dresser contre lui, car dans ces niveaux proches du monde normal, ils étaient bien trop faibles.
Les esprits, curieux, jaugèrent d’abord Elen, tournant à distance respectable autour du couple. Puis ils s’intéressèrent à Isa. Fugacement, elle se demanda à quoi elle ressemblait dans ce monde. La perception de soi, sans support physique, donnait peut-être des résultats étranges. Elen était devenu un puissant halo lumineux... Est-elle juste une petite luciole dans son sillage ? Comment les esprits la voyaient-ils ? Elle tendit une main vers eux... Ou du moins, c’est ce que son corps aurait fait si elle en avait eu un. Peut-être que son esprit projetait une invitation équivalente vers les créatures. Une image naquit dans l’esprit de la jeune femme, tandis qu’une lueur se détachait des autres pour se rapprocher : des polygones lumineux tournoyaient devant elle et esquissaient une silhouette qui apparaissait rapidement avant de se disloquer. Le processus se renouvela plusieurs fois sans que jamais la forme ne soit complète. D’autres esprits, intrigués, vinrent se mêler à la vision, comme s’ils cherchaient à habiter cette construction fragile, à combler les espaces qui désolidarisaient les éléments scintillants les uns des autres. A chacun de leur passage, la forme s’approchait d’Isa, comme pour se superposer à elle. Bien que la scène ne se passât que dans son esprit, elle prit peur et chercha à reculer, les formes devenues trop pressantes autour d’elle. Elen veillait à ce que les Esprits ne se montrent pas trop familiers avec Isa, ni trop nombreux. Il ne voulait pas que sa première expérience avec eux ne l’effraie. Sentant le désarroi de sa femme, le Chaman se précipita aussitôt pour disperser les esprits. Sa lumière s’intensifia et il projeta son essence en bouclier entre Isa et les créatures spirituelles. Celles-ci s’égayaient momentanément et, tandis qu’il s’élançait à la poursuite des plus récalcitrantes, son esprit aussi affûté qu’un rasoir, les autres revenaient harceler son épouse de leur vision. A chaque fois le prisme humanoïde habité par l’un ou l’autre des esprits trop curieux se reformait autour d’Isa, tel une prison de cristal, avant d’éclater en fragments virevoltants faute d’avoir trouvé les bonnes imbrications. L’Olympienne essaya de toutes ses forces de fermer son esprit à la vision, comme elle savait le faire pour dissiper les attaques magiques dans le monde normal. Mais ici le procédé n’était pas tout à fait identique, comme les énergies n’étaient pas les mêmes. Pour rebrousser chemin et échapper aux Esprits, elle tenta de visualiser son corps “là-haut”, son bébé qui l’attendait... Mais cela lui paraissait si lointain, si inaccessible... Elle n’osa plus bouger, perdue dans cet essaim d’énergies mouvantes. Le Chaman, furieux de les voir aussi insistants, laissa de côté les civilités. Isa vit soudain un grand loup de lumière éclatante bondir dans sa direction et dissiper la vision d’un coup de patte ! Le poil hérissé, l’air aussi féroce qu’il était gigantesque, il gronda. Les esprits choisirent finalement de laisser le couple tranquille. Elen enveloppa sa douce de son esprit et la guida vers la surface, partageant avec elle son énergie. Si l’Olympienne le surpassait largement en matière de magie, dans le monde des esprits c’était dans une toute autre réserve qu’ils devaient puiser et comme tous les novices, elle l’avait utilisée en grande partie maladroitement. Il la guida au travers des strates, atténuant la résistance entre elles, et ils furent finalement assez proches pour qu’elle puisse de nouveau sentir son corps palpitant chez les vivants et qu’elle n’ait plus besoin de lui pour progresser. Ce fut long malgré tout de passer les toutes dernières barrières car sa concentration avait été largement émoussée par les visions et canaliser son finyë pour s’extraire de la transe lui demanda beaucoup d’efforts. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle se trouvait entourée par les bras protecteurs de son mari : ils avaient certainement bougé durant leur transe. - Elen... Parvint-elle à murmurer en se blottissant contre lui. Il lui était indispensable d’entendre leurs voix, pour être sûre d’être bien retournée dans le monde normal. - Tout va bien, ne lele ? - Oui... C’est... C’est toujours comme ça ? La Cerf avait mis du temps pour émerger de sa transe et Isa comprenait maintenant pourquoi. Elle avait l’impression que son corps était de plomb alors que son esprit bataillait pour agencer des bribes d’idées noyées dans une brume agaçante. - Non... Je ne sais pas ce qui leur a pris. Ils sont plutôt passifs, d’habitude. Je ne les ai jamais vu à ce point s’intéresser à quelqu’un. Le Chaman l’étreignit avec vigueur, visiblement rendu perplexe par les évènements. - Aileen va être jalouse... Ils étaient vraiment tout près. Ils m’ont montré quelque chose. Mais je ne comprends pas ce que c’est. Tu n’as rien vu ? - Rien de rien... Ils ont dû sentir que je n’étais là que pour t’accompagner. - J’ai été bête... Cela m’a surprise, j’ai eu un peu peur. Mais ils n’avaient pas l’air méchants. J’aurais peut-être mieux compris si je ne m’étais pas braquée. Mais je suis contente que tu m’aies ramenée. - Non, non, tu as bien fait de vouloir leur fixer des limites. Ils ont été trop familiers avec toi, ne lele. Je n’autorise personne d’autre que moi à lier son esprit au tien aussi intimement. Luwö, à la rigueur. |
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Elle lui sourit, sa main venant caresser doucement la joue de son mari.
- Tu étais impressionnant. Je comprends qu’ils ne veuillent pas risquer de te fâcher. - Pas tant que ça, ne lele. Répondit-il modestement. Les choses auraient été différentes avec des esprits d’une autre trempe. Je ne crois pas qu’ils te voulaient du mal. Tu as dû attirer leur curiosité. Ils n’ont pas souvent la visite d’esprits Olympiens. Ça pourrait, en partie, expliquer leur acharnement. - Oui j’ai dû leur paraître bizarre... C’est peut-être le sens de la vision, ils ne devaient pas comprendre pourquoi je ne ressemblais pas à ceux qu’ils ont l’habitude de rencontrer. Ou... Je ne sais pas. Elle raconta à Elen ce qu’elle avait vu, en prenant garde à ne rien interpréter lors de sa narration. Le Loup aurait ainsi un aperçu fiable dont il saurait peut-être tirer une explication. - Hum... On dirait bien qu’ils voulaient te faire quelque chose de précis... Je dirai qu’ils mentionnaient quelqu’un, un être, créé à ton image. Notre enfant, peut-être. Ils ont peut-être ressenti ta grossesse. Peut-être est-ce pour cela qu’il se sont montrés aussi curieux, aussi... Tout cela n’était que conjecture, évidemment. Interpréter les paroles des esprits nécessitait une réflexion profonde, parfois même plusieurs transes complémentaires. Mais ces esprits, simples, faibles, ne devaient pas pouvoir concevoir des problèmes trop complexe. Ils assénaient généralement des vérités simples, primaires, évidentes pour eux et souvent pour les mortels. C’étaient d’eux que les devins tenaient généralement leur prédiction du temps du lendemain ou encore du jour du retour des oiseaux migrateurs. S’ils avaient pris la peine de faire passer un tel message à Isa, c’était soit qu’ils avaient effectivement perçu sa grossesse et le second esprit qui accompagnait la future mère, soit qu’ils avaient découvert quelque chose d’autre à propos de la jeune femme ou de l’enfant. - Tu crois ? Elle grimaça. L’idée que les Esprits puissent en savoir autant sur elle, alors que leur enfant aurait dû se trouver hors de leur influence, ne lui plaisait pas trop. Comme en écho à ses réflexions, un mouvement dans son ventre la fit sursauter. Elle se redressa vivement et prit la main d’Elen qu’elle posa à l’endroit du choc qu’elle avait ressenti. - Il bouge ! Tu le sens ? C’était la toute première fois que son bébé donnait signe de vie et Isa regardait Elen avec de grands yeux incrédules. Ce dernier, les yeux agrandis comme des soucoupes fixait sa compagne : il avait bien senti les coups, tout pelotonné contre elle qu’il était ! Sa main s’était glissé sur le ventre de son épouse. - Il a dit bonjour à papa ! Il a dit bonjour à papa ! S’écria-t-il, enthousiaste, ses réflexions soudainement envolées. Ce qui fit rire immédiatement sa femme. - Ou c’est pour nous gronder de l’avoir laissé tout seul ! Puis, comme si elle réalisait la chose pour la première fois, elle s’exclama : Grands Dieux Elen, nous allons être parents ! - Et fiers de l’être, ne lele ! Il reporta ensuite son attention au ventre de sa compagne, glissant ses mains autant qu’il le put sur la peau de la jeune femme, collant son oreille tout contre elle.. Bébé avait eu peur pour maman, hein ? Bébé avait eu peur. Mais papa est là ! Maman ne craint rien. Papa veille. - Tu penses qu’il nous entend ?... Demanda-t-elle tout bas. - Je ne sais pas. J’espère que oui, sinon je dois être bien ridicule ! - Mais non, c’est mignon... Le rassura-t-elle toute attendrie. Enfin... Evite peut-être de faire ce genre de choses devant tes Edoniels... - Je fais ce que je veux ! Hein que c’est papa le Chaman ? Hein que papa il peut parler à bébé quand il veut ? - D’accord d’accord... Concéda-t-elle avant de se pincer les lèvres pour ne pas éclater de rire. - Hum... Et papa peut aussi faire ça... Il se redressa, laissant glisser une main caressante sur la joue de l’Olympienne. Il plongea intensément son regard dans celui de son épouse avant de l’embrasser avec ferveur. Elle en fut sur un petit nuage et lui rendit son baiser comme une communion. C’était une chose de se savoir enceinte, c’en était une autre de se compter définitivement à trois, en une véritable famille qui prenait corps avec cette vie supplémentaire qui revendiquait déjà sa place. - Dis, tu crois qu’il m’aimera ? - Quelle question Elen ! Pourquoi demandes-tu une chose pareille ? - C’est bien connu, Isa : les gosses préfèrent la douceur d’une mère à la fermeté du père. - Cela ne veut pas dire qu’il ne t’aimera pas ! Et puis tu as de quoi le rendre fier, tu seras son modèle, c’est toi qu’il cherchera toujours à impressionner. Ne crois pas que mon hypothétique douceur lui suffira longtemps. - Bah, bah, bah ! Il cherchera surtout à t’impressionner toi avec les trucs que je lui aurai appris ! Et crois-en mon expérience, ta douceur n’est pas qu’une hypothèse ! - Oh oui, cela parait tellement évident tu seras un tyran innommable en comparaison ! Fit-elle pour se moquer, Elen galopant déjà allègrement sur les sentiers des papas-poules invétérés. - Tout à fait. Je suis content que tu en conviennes ! C’est donc toi qui seras la préférée ! - Il faudra dire à Papa d’arrêter de raconter des bêtises... Dit-elle en parlant à son ventre, comme Elen le faisait souvent. Puis, avec un sourire espiègle, elle ajouta :Surtout quand Maman est très fatiguée et qu’elle voudrait bien un câlin avant de s’endormir... - Hum... Alors papa va s’exécuter immédiatement... Un petit câlin pour maman, pour Nelimareth, pour toi ne lele. Il embrassa tendrement son épouse, l’enlaçant avec précaution, afin d’éviter que leur étreinte ne la blesse ou ne blesse l’enfant. Lovée contre lui, le bébé à l’abri entre eux, elle ne tarda pas à s’offrir une sieste réparatrice. Elen s’assoupit à son tour, le corps chaud de son épouse et le doux rythme de sa respiration le berçant. [...] Elen, EdL
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Quelques jours plus tard, Aileen rentrée de sa partie de chasse, ils avaient décidé de se remettre en route vers les profondeurs de la Tanière. Elen voulait explorer les environs du temple : un couloir leur avait échappé. Et il y avait encore de nombreuses pièces à découvrir, la plupart de celles qu’ils avaient repérées étant des chambres abandonnées. Ils n’avaient eu aucun mal à retourner au temple. Le couloir, dans l’autre sens, s’ouvrait sur trois portes : une à droite, une à gauche et une en face.
- Bien, bien... - Hum, d’habitude j’ai tendance à dire que quand on sait pas où aller, autant aller tout droit... Ou à droite si on peut pas... - Il y a quelque chose d’écrit sur le sol. C’est de la teinture, on dirait. Le Chaman lut pour lui-même, puis il recula d’un pas. - Hum... Et si on allait voir ailleurs ? - Pourquoi ? Y a écrit quoi ? C’est dangereux là-dedans ? S’étonna Aileen en fixant tour à tour la porte puis le Chaman avant de s’intéresser à l’inscription. “Finye anbeho leth.” Du Loup Ancien, visiblement, aucune chance qu’elle comprenne à quoi la pièce pouvait servir... - Il est dit que c’est scellé par magie. Répondit Isa qui était venue lire par dessus l’épaule d’Aileen. Je pourrais toujours étudier cela... Elle focalisa son attention sur les quelques pas proches de la porte et l’ouverture elle-même. Elle cherchait une aura plus précise, plus intense que celle qui baignait déjà l’ensemble de la Forteresse, et bien plus ici à proximité du sanctuaire principal de Luwö. Et elle ne fut pas déçue, tout le couloir embaumait de cette aura particulière et sentait la magie à plein nez. - Isa, n’avance pas ! C’est de la magie louve ! Des temps anciens, je veux dire. Je ne sais pas à quoi on peut s’attendre. Ou alors quelque chose de pire encore ! L’Olympienne haussa un sourcil et interrompit son inspection. A regret, elle retourna sagement dans le couloir principal. - On trouvera peut-être comment passer sans rien casser, dans les autres pièces. - Hum.. Près d’un temple pour Luwö et d’un grand nombre de chambres... Ça m’étonne que quelque chose de potentiellement dangereux soit mis dans un endroit aussi fréquenté... Fit Aileen, semblant contrariée de ne pas pouvoir en savoir plus sur cette pièce. Ils eurent beau faire le tour, le couloir semblait être le seul accès aux trois portes. - Tu es sûr que tu ne veux pas que je regarde de plus près ? Nous pourrions apprendre quel type d’enchantement protège le passage et la nature de la clef. A moins que la solution soit dans le temple. Nous n’avons pas vraiment fouillé l’autre jour. - Et s’il t’arrivait quelque chose ? Dans ce cas, j’aime autant passer le premier. - Fais attention, quand même... Fit la Cerf, comme si le chaman n’y avait pas pensé... - Je voulais simplement regarder à distance, tant que nous n’en savons pas plus. - Bon, bon... Mais tu ne t’approches pas, hein ? - Aie confiance un peu Elen ! Le gronda-t-elle gentiment. - Tu sais bien que ce n’est pas en toi que je ne fais pas confiance, ne lele. - Dis-le tout de suite, si c’est moi le problème ! plaisanta Aileen. - Non, c’est la magie... Je n’ai aucune idée de ce que savaient faire les Loups. Et vu les savoirs perdus des anciens clans, pour ne citer que les Araignées, je n’aime pas me trouver face à une magie ancienne... Et encore moins y exposer mon épouse, même pour un simple sondage... Pendant qu’Elen se rongeait les sangs, Isa étendit sa perception. Y avait-il un mur d’énergie un peu plus loin ? Ou un dispositif qui réagirait comme un piège à leur passage ? Elle chercha à démêler le schéma global des auras qu’elle percevait. La plus proche formait une ligne qui encerclait le couloir, comme une porte. Elle ne semblait pas faite pour former une barrière. La magie, au contraire, semblait passive. Dans l’idée d’Isa, il pouvait s’agir un sort de détection, ou d’identification. Le blocage - ou le piège - s’appliquerait alors au-delà, si celui qui passait ne remplissait pas les bonnes conditions. Elle avança avec précaution sans franchir le cerclage et chercha plus loin. Un autre sortilège semblait actif sur la poignée de la porte au fond du couloir. Aucun sur les deux autres. Les protections lui semblaient peu nombreuses, même si elle n’avait aucune idée de la puissance de celle qui couvrait la porte en face d’elle. Les deux autres étant libres, elle revint au cerclage et tenta de découvrir ce que le sort détectait. L’accès était-il réservé aux Loups, au Chaman ? Etait-ce la race, la puissance du Finye, une formule à énoncer, un talisman peut-être qui dévérouillait le couloir ? - Alors ? - Les deux portes sur les côtés n’ont pas l’air protégées... Néanmoins il y a ici un enchantement qui doit jouer un rôle dans le mécanisme global. Dit-elle en montrant du doigt un tracé imaginaire autour du couloir. Je ne pense pas qu’il se passera quelque chose si on ne touche pas la porte du fond. Mais je n’en suis pas très sûre... Ce qu’on peut essayer, c’est de franchir cette ligne et d’observer ce que cela donne sur les portes. Évidemment, c’est un peu risqué... - Alors ce n’est pas toi qui vas le faire ! - J’imagine qu’il va falloir éviter de toucher la porte du fond, alors... - Ni toi, Aileen ! Lança précipitamment le Chaman. - Je pense que tu es le mieux placé pour ne pas déclencher quoi que ce soit, Elen... Après tout, maintenant c’est ta Forteresse. Mais cette ligne peut aussi être une sorte de mur qui pourrait se relever pour t’emprisonner. - Ben... Pourquoi pas moi ? Fit la Cerf, en pure bravade, craignant également moins la magie qu’Elen. - Parce que c’est comme ça ! Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |
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Il inspira, espérant que l’analyse de son épouse serait la bonne, puis il fit quelques pas en avant. Avait-il franchi la ligne ? Il n’en était pas certain. Encore un pas. Puis un autre. Puis... Il ne parvint plus à faire le moindre mouvement. Ses jambes ne voulaient plus bouger. Pas plus que ses bras. Isa guetta la moindre fluctuation magique alors qu’Elen franchissait le cordon et l’arrêta rapidement : autant ne pas prendre de risques inutiles.
- Stop ! Trop tard pour décider : il n’avait plus aucun choix. Une panique sourde s’empara de lui, tandis qu’il maudissait intérieurement la magie. - Je suis coincé ! Comme... Comme... Comme pris dans une toile ! - Une... Une toile, comme les... Les Araignées ? Fit Aileen, une pointe d’inquiétude dans la voix. Tu sens rien d’autre ? Ça va aller ? - Aileen, si jamais on n’arrive pas à me sortir de là, je veux que tu... - Haaaaa ne commence pas !! L’interrompit-elle. - J’ai vu ce que ça faisait ce genre de cochonnerie ! - Mais on vient à peine d’arriver ! Me demande pas un truc pareil alors qu’on n’a même pas commencé à chercher comment ce... Ce truc fonctionne ! Et surtout en face de ta femme ! Et puis on t’as bien libéré de l’influence d’une autre araignée y a pas si longtemps, avec Isa, alors on va le refaire ! Protesta-t-elle, bien décidée à sortir son ami du pétrin dans lequel il s’était fourré, malgré son inquiétude grandissante. Isa fixait le couloir et son mari statufié à seulement trois pas d’elles. Comment avait-elle pu passer à côté du piège juste derrière le cordon ?! Désormais elle la voyait bien pourtant, la trame ensorcelée qui emprisonnait son mari ! Il fallait être aveugle pour ne pas la voir ! Prenant sur elle pour ne pas céder à l’angoisse, elle occulta les voix chargées d’inquiétude qui échangeaient sur des idées horribles et elle se mit à chercher frénétiquement des solutions. La première qu’elle envisagea était digne de l’enseignement de base des Louveteaux mais entre agir ou se lamenter, le choix était vite fait. Forts de leur précédentes expéditions, ils n’étaient cette fois pas partis les mains vides. - En l’attrapant avec une corde, Aileen, on pourrait le ramener ? - On peut essayer, j’imagine... L’Olympienne fit une boucle à l’une des cordes qu’ils transportaient et la tendit à la Cerf. Elen était tout près, elles auraient presque pu le toucher en tendant la main... Il était inconcevable qu’il reste bloqué là. Aileen soupesa un instant la longue boucle et évalua d’un regard la courte distance qui la séparait du Chaman. Elle ne devrait pas avoir trop de mal à l’atteindre. Elle lança son bras vers l’avant, lâchant le lasso au dernier moment pour le guider de son mieux vers sa cible. La corde se glissa autour de lui. Elles eurent beau tirer, le Chaman ne bougea pas, pas même un instant. Et ce malgré tous les efforts qu’elles purent déployer. - Humph... Il doit bien y avoir une solution pour désactiver ce truc ! - Pfffff... Ouais... Sûrement... Répondit Aileen, encore essouflée après avoir tiré de toutes ses forces. - Une marque au mur ? Comme celle de l’escalier... Fit Isa, qui se mit à scruter minutieusement les abords du cordon, ses doigts effleurant chaque parcelle de la paroi à la recherche d’une pierre amovible. Tant qu’elle resterait focalisée sur une action bien précise, elle savait qu’elle ne paniquerait pas. Elle espérait juste tomber sur la bonne idée avant de ne plus trouver d’autres options. Ses réflexions revinrent malgré tout vers son idée première : pourquoi le couloir aurait-il été protégé contre les Loups eux-mêmes, a fortiori leur Chaman ? Elle lui proposa, son regard quittant les interstices du mur le temps d’observer l’expérience à venir : - Elen, si tu activais ton Saïka ? - Ça vaut peut-être le coup d’essayer... Son Finyë scintilla. La magie qui entretenait la barrière fluctua un instant, mais elle ne disparut pas. - Ça n’a pas marché... - Ca a réagi tout de même ! Réessaie ! Elle savait le Loup capable d’une grande force spirituelle, il fallait qu’il en fasse la démonstration. - Ah ? Il ferma les yeux et mobilisa toute l’énergie dont il disposait. Le sortilège vacilla un instant encore puis le sort sembla perdre en puissance pour finalement se dissiper, laissant le Chaman s’adosser au mur, épuisé. Du piège magique, il ne restait nulle trace. Ne demeurait qu’Elen, essoufflé et soulagé. Isa se précipita vers lui, ses mains tremblantes, tatant ses épaules puis ses joues pour se convaincre qu’il allait bien. - Je suis désolée Elen, c’est ma faute... - Mieux valait moi que toi, ne lele. Il l’embrassa tendrement. - Non, c’était imprudent. Il vaut mieux que nous partions. Tu avais raison, on ne peut pas savoir ce qui nous attend encore. J’aurais dû t’écouter. - La prochaine fois, tu me laisses passer devant... Fit la Cerf, semblant soulagée. - Quoi ? Remonter après s’être donné tout ce mal ? Répondit-il, têtu. Le Chaman se redressa, chancelant un instant, un seul, puis il se dirigea d’un pas décidé vers la porte qui se trouvait à sa droite, il appuya sur la poignée et... Il s’engouffra dans la pièce, poussant une exclamation admirative. - Hé, attends !! S’exclama Aileen lorsque le Loup pris les devants, hâtant le pas pour le rattraper. T’as trouvé quoi ? Fit-elle en entrant à son tour dans la pièce. Le coeur d’Isa s’était arrêté de battre les quelques secondes nécessaires au Loup et à la Cerf pour entrer dans la salle. Elle n’avait déjà pas été capable de détecter le piège des Araignées, Zeus seul savait ce qu’elle avait encore raté ! Mais la chance devait être avec eux puisqu’ils semblèrent ravis de ce qu’ils virent. Elle les rejoignit et découvrit la pièce à son tour. Elen, EdL
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Il s’agissait d’une salle de grande taille, comportant une table ronde en pierre, entourée d’une vingtaine de sièges faits du même matériau, gravés d’une multitude de glyphes. Des râteliers pouvaient accueillir les armes des invités. Elen reconnut certains caractères : Iltarion, Nikhün, Gavere - le nom que portait le Seigneur Gaver, transcrit maladroitement en Loup Ancien par les ancêtres de Elen - et bien d’autres qu’il ne connaissait pas et dont certains, à l’instar de Gavere, n’avaient pas de consonance louve. Le tout était bien entendu rédigé en langage archaïque et marquait à n’en pas douter l’emplacement où siégeaient ces personnages. Pourquoi et à quel intervalle se réunissait pareille assemblée ?
- Les premiers Chamans des Loups... Gaver ? Murmura Isa en décryptant avec peine quelques noms autour de la table. Cela lui paraissait aussi fantastique qu’étrange que des noms de temps immémoriaux et d’autres encore bien vivaces puissent être associés. Ce n’était pas un fait possible chez les Olympiens et cela rendait cette pièce extraordinaire. - Il y a des textes sur ces réunions, dans la bibliothèque ? - Aucun. Les registres, s’ils existent, doivent se trouver quelque part ici. Il n’y avait pas que des Loups à cette table. Nikhün et Iltarion étaient contemporains, le premier étant le plus jeune des deux. Gaver en est la preuve. Et certains noms ne sonnent pas du tout Loup. Tiens, regarde : Gargodl. Cela ressemble à un nom Crapeau. Et là : Evolleis, sans doute une Hibou. - C’est vraiment incroyable... Fit Aileen dans un mumure respectueux en faisant le tour de la pièce. Ils faisaient quoi, ici, à votre avis ? Des réunions entre chamans ? - Nikhün ne devait pas être Chaman, à l’époque. Et Gaver ne l’est pas non plus. Je pense à un rendez-vous des Loups et de leurs alliés. - Dommage que l’on n’ait plus de nouvelles du Seigneur Gaver, il aurait peut-être accepté de nous parler de cette pièce. - A moins que ce ne soit un secret ! Va savoir ce qu’ils se racontaient là dedans. - Sûrement à l’époque oui. Mais cela remonte à une éternité... - On va voir la salle en face ? - Comme tu veux, Elen. Ses intuitions étant plutôt désastreuses, elle ne voulait plus décider de rien pour aujourd’hui. - On y va alors !! Fit Aileen, enthousiaste, prenant la tête du groupe. - Fais attention, quand même, Aileen. - Vaut mieux moi que toi ! Répondit la Cerf, sans même se retourner vers le Chaman. - Tu es Intendante, je te le rappelle. - Et toi, Chaman ! - Du pareil au même, donc. La Cerf se contenta de se retourner pour lui tirer la langue avant de s’intéresser de nouveau à la porte suivante. Elle eut un instant d’hésitation lorsqu’elle posa sa main sur la poignée. Et si...? Non, Isa n’avait pas détecté d’autres pièges. Il n’y a pas à s’inquiéter, se dit-elle en poussant la porte. - Woah.... Moi qui pensais que les Loups n’aimaient pas les richesses... Fit-elle, restant sur le pas de la porte. A l’intérieur rutilaient diverses pierres précieuses, parfois serties dans d’élégants bijoux d’or ou d’argent ou dans le pommeaux d’armes moins destinées à la guerre qu’à la décoration. Certaines étaient encore brutes et ne demandaient qu’à être polies et taillées pour révéler leur véritable éclat. Des petits coffrets de bois précieux retenaient parfois ces bijoux, proprement alignés sur de simples étagères de bois. D’autres étaient simplement rangés là, posés soigneusement sur les étagères : bagues, chevalières, riches bracelets et colliers côtoyaient ainsi dagues élégantes, fines rapières et lourdes épées. Au sol, dans de lourds coffres de bois parfois encore entrouverts, d’innombrables pièces d’une monnaie maintenant oubliée s’amoncelaient. - Ils n’aiment pas l’or pour s’en parer... Mais... Enfin cela a une valeur marchande... Fit le Chaman, estomaqué. Ils purent constater aussi qu’il y avait beaucoup d’éléments utilitaires : des miroirs, des gobelets ou des calices, d’autres vaisselles et bon nombre d’objets rituels. Et à n’en pas douter, chacun des bijoux devait avoir une histoire propre, probablement des cadeaux entre les clans alliés ou des prises de guerre... - Ça doit quand même faire une sacré somme, pour un clan de guerriers... - Et va savoir à quoi ça servait... C’était peut-être pour éviter que certains s’enrichissent et s'anoblissent... Si c’est le cas, ça n’a pas marché... Bah... Pas grave... Si dans quelques jours on n’a pas une idée précise de ce qu’est ce barda et de sa fonction, vous pourrez choisir ce que vous voulez dedans... - Si tu le dis... Fit la Cerf, dubitative. - Cela appartient au clan, tu pourrais t’en servir pour des restaurations ou de nouvelles défenses de la Forêt des Cendres. Dans tous les cas, mieux vaut que l’existence de ce trésor ne s’ébruite pas. Certaines choses pourraient retourner au temple si tu décidais de le réutiliser. Commenta Isa tandis qu’elle déambulait dans la salle qui débordait d’or et de joyaux. - La Forêt des Cendres nous appartient, Isa. Les Nobles n’ont aucun droit de nous taxer sur la construction de défense, qui leur servent autant qu’à nous soit dit en passant. Qu’ils essayent seulement de monter un impôt et c’est leur ville qui paiera le plus lourd tribut. Quand on voit à quel point les Sentinelles se sont montrées incapables de défendre la forêt ou même de rendre la justice, à leur époque. Et les Jades les talonnent de près pour ce qui est de leur incompétence. Heureusement que Faceo et Dame Ambre redorent un peu leur blason. J’ai quand même été obligé de commander la construction de postes d’observation autour de l’ensemble de la forêt et de rénover certaines anciennes tours. Cela aurait dû être fait il y a dix ans. Non, non, ce trésor est nôtre, entièrement nôtre. Et si une babiole te plaît, n’hésite pas. Je pense que nous en ferons la distribution, pour l’or et les joyaux au moins, un jour ou l’autre. - D’accord... Fit Isa pour ne pas contrarier davantage le Chaman. Elle savait qu’il avait utilisé ses deniers personnels et ceux de ses hommes pour rebâtir la plupart des annexes et des tours de guet des Éclats; aussi le trésor sous leurs yeux aurait pu compenser ces frais... - Tiens, regarde, ma douce, ce bijou t’irait à ravir ! |
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Il désignait un petit peigne en argent, orné d’une fleur finement ciselée au creux de laquelle se trouvait un éclat de quartz couleur jade. Cinq longs pétales en or blanc se déployaient autour du coeur cristallin et la tige en or vert semblait se perdre au sein même de l’objet.
- Merci Elen... Tu es sûr ? La pièce était magnifiquement travaillée et datait des temps anciens... Un antiquaire en aurait demandé un prix sûrement exorbitant. - C’est qu’une petite babiole, ma douce. Il en ceignit immédiatement la chevelure de son épouse. - Tu es ravissante. Il te va très bien. Fit-il avec un sourire non retenu, les yeux pétillants. - Si l’épouse du Chaman commence à se parer d’ors, cela va jaser ! Dit-elle pour le taquiner. - Bah... Y’a pas de mal à la coquetterie... Les Louves se parent d’or, parfois. Plus souvent encore d’argent : ça ressemble aux rayons des lunes... Il fit une pause, la jaugeant, son regard la balayant de haut en bas puis de bas en haut. Ça souligne vraiment bien tes yeux ! Et ton sourire ! Et tu es drôlement jolie... - Quel flatteur ! Dit-elle en riant.Bon alors j’aurai toujours comme excuse d’avoir voulu me mettre à la mode louve. Les richesses entassées là étaient bien trop nombreuses pour qu’ils en fassent sur le champ l’inventaire. Elle quitta la Salle du Trésor et jeta un oeil au dernier accès qu’ils n’avaient pas ouvert. Le Loup la suivit, pour la rejoindre dans le couloir, et il l’enlaça. Il observa la porte du fond, avec un air suspicieux. - Clairement, ne lele, le piège ne protégeait ni l’une ni l’autre de ces salles. Les Loups n’accorderaient pas autant d’importance à de jolies breloques, à du métal ou à des pierres brillantes, et encore moins à une simple salle du conseil. - C’était peut-être différent à l’époque. Il faut des fonds pour lever une armée par exemple, ou soudoyer des gens... Si les Loups ne s'intéressent pas aux richesses, ils savent très bien que c’est un levier vis-à-vis des autres populations. Tant que nous n’en saurons pas plus sur le contexte, nous ne pourrons que supposer. Par ailleurs... Elle désigna d’un mouvement de tête la porte en face d’eux. La poignée est piégée. - C’est bien ça qu’il protégeait alors, ce piège... Tu crois que je peux l’ouvrir comme l’autre ? - Je ne sais pas... J’aurais tendance à dire qu’une deuxième protection devrait être plus puissante que la première... - Humph... Tu as raison, mieux vaut jouer la prudence... - Et... Tu veux faire quoi ? Fit Aileen, fixant le Chaman, dubitative. Elle était prête à lui sauter dessus s’il s’approchait un peu trop près de la porte. - Il faut bien que quelqu’un se dévoue... - C’est pas vraiment ce que j’appelle jouer la prudence... Vaudrait mieux qu’on essaye d’en savoir plus, non ? - Je ne connais pas la magie, Aileen. Et je n’ai pas envie de passer dix ans à compiler les ouvrages pour savoir ce que sont les clefs de ces lieux... Alors... J’y vais... Le Chaman s’avança, l’air décidé, en direction de la porte. - Non ! Arrête ça ! S’écria la Cerf en bondissant en avant pour lui barrer la route. T’as entendu ce qu’a dit Isa, non ? Ce piège est peut être plus puissant que le premier ! Tout à l’heure, tu étais comme pris dans une toile, mais là, si tu fonces la tête baissée et que tu te fais... Réduire en cendres ou que sais-je, on ne pourra pas t’aider ! - J’y vais, je peux me défendre contre la magie. - Ensemble ? Proposa le Chaman, lui offrant sa main. Alors qu’elle s’apprêtait à batailler ferme contre Elen pour qu’il la laisse faire, qu’il lui propose ce compromis surprit Isa. Elle aurait préféré qu’il reste en retrait mais il avait sans doute raison. Leurs capacités combinées devraient venir à bout de ce nouveau sortilège. - D’accord. Fit-elle en prenant sa main. Elle glissa un regard à Aileen pour vérifier qu’elle restait bien à l’écart. Elle pourrait elle aussi leur venir en aide et au pire... Aller chercher du renfort. - T’es sûr que c’est une bonne idée..? Fit la Cerf, perplexe. Un Chaman et une magicienne, c’était toujours mieux qu’une seule personne, mais tout de même... Elle ne pouvait pas s’empêcher d’être inquiète. - Bah... Y’a pas tellement de bonnes ou de mauvaises idées... Ils s’approchèrent de la porte et tendirent leurs mains de concert. Elen eut une brève hésitation, mais il ne laissa pas sa femme prendre de l’avance. Ils feraient les choses ensemble. Isa s’attacha aux possibles sorts eux-mêmes, laissant l’affinité elfique au Loup. A peine eurent-ils effleuré la poignée que la sensation de ne plus pouvoir faire un seul mouvement les saisit. Immédiatement ensuite, ils sentirent comme un flux qui passait de leurs corps vers la poignée, comme si leur énergie magique se trouvait drainée, inlassablement. Ils n’eurent aucun moyen de résister. Une fois vidés, la porte, au lieu de pivoter normalement, ce fut le sol qui tourna sur lui-même, et ils furent tous deux transportés à l’intérieur. Isa serra la main d’Elen, au bord de la panique. Sans énergie magique, elle n’était plus rien... Le Loup étreignit son épouse avec tendresse. - Tout va bien, Isa... Tout va bien. Regarde... Dans la pièce se trouvaient de nombreux objets qui semblaient tirés du trésor des Loups, à ceci près qu’ils comportaient, pour la plupart, un cristal qui semblait étrangement familier à Elen et à Isa : le même matériau que celui qui constituait les cercueils de cristal. Tout semblait immobile dans la salle. Rien n’explosait ni ne se jetait sur eux... Isa arrêta de broyer la main de son époux et suivit ses indications. Elle s’attarda à détailler, autant que possible sans s’approcher, ce qui se trouvait disposé sur des tables et des étagères. - On dirait un atelier. Tu crois qu’ils cherchaient à produire d’autres objets enchantés, comme le bâton de la Forteresse des Brumes ? - Je ne sais pas, ne lele... Beaucoup de puissants artefacts avaient été faits de ce matériau. Peut-être... A l'extérieur, Aileen avait sursauté lorsque le sol avait tremblé puis pivoté. Un peu en retrait elle n'avait pas pu suivre ses deux amis à l'intérieur... Est ce qu'ils étaient tombés dans un piège ? Est ce que c’était normal ? Devait-elle aller chercher de l’aide ou se saisir de la poignée à son tour ? Elle ne savait pas quoi faire. Et pour ne rien arranger, elle était maintenant seule, dans les couloirs sombres du troisième sous sol... La seule chose dont elle était sûre, c’est qu’elle ne devait pas céder à la panique. Pas trop vite, du moins. Toujours était-il que ne rien savoir du sort de ses amis avait tendance à l’angoisser quelque peu... Elle se retourna, espérant trouver la solution à son dilemme quelque part dans les ténèbres qui s’étendaient derrière elle mais rien ne bougeait. Elle s’approcha de la porte à pas lents, hésitante et y posa une main, prenant garde à rester loin de la poignée. - Elen ? Isa ? Vous... Vous m’entendez ? Ça va ? Lança-t-elle, espérant qu’ils puissent l’entendre et surtout, lui répondre. - Ça va Aileen. Un peu surpris, c’est tout. Tu devrais venir. C’est vraiment quelque chose, cet endroit. - Attends, nous n’avons pas essayé de ressortir... Nous serions beaux, coincés tous les trois ici... Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |
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Isa se retourna vers la porte toujours close et fit jouer la poignée...
Instantanément, elle sentit le mana affluer vers elle et son corps vidé s’en abreuva goulûment. Il s’agissait du subtil mélange de deux énergies : la sienne, fine, douce, subtile et, telle une rose avec ses épines, délicatement mortelle ; et celle, plus sauvage, plus musquée et boisée, de son époux. Et les sensations qu’elle éprouva n’étaient pas sans rappeler certaines qu’elle partageait régulièrement avec Elen... La porte pivota de nouveau, entraînant la jeune femme vers le couloir où attendait Aileen. - Et bien ça fonctionne... Dit-elle avant de se rattraper à la paroi, comme grisée par l’énergie magique revenue en masse, les joues légèrements rosies. Tu verras Aileen, c’est très étrange. La porte absorbe ton finyë à l’aller, puis te le restitue au retour... Vas-y si tu veux, je vous rejoins dès que j’ai retrouvé mon équilibre. D’ailleurs il vaudrait mieux, à l’avenir, à ce que chacun entre seul... - Vous m’avez fait peur ! Répondit la Cerf, soulagée. Ca va aller, Isa ? - Oui oui, j’ai été un peu... Surprise en arrivant de l’autre côté de me sentir si démunie mais on ne risque rien. Surtout que vous, vous avez d’autres atouts qui ne s’évaporent pas. - Ha... Si... Si tu le dis... Je pars devant, alors ? - Il... Hum... Il vaut mieux que tu passes seule en fait... Les énergies ont tendance à se mêler sinon au retour... Fit-elle en rougissant un peu plus. Je ne sais pas comment cela fonctionne mais... Enfin, tu verras bien. - Ha... D’accord... Répondit la Cerf, non sans une pointe de perplexité. Elle hésita un instant, fixant la poignée de la “porte” comme si elle aurait pu lui sauter dessus à tout moment... Et puis se décida finalement à y poser sa main. A sont tour, elle fut comme immobilisée quelques instants, sentant son énergie de diriger en un flux inexorable vers la porte qui pivota ensuite, entraînant l’Elfe à l’intérieur. Dès qu’elle en eut l’occasion, elle bondit vers l’arrière, lâchant la poignée. - Woah ! Hé ben... C’est... C’est bizarre, ce truc... Souffla-t-elle, sans quitter la porte des yeux. Puis elle fit volte face, s’intéressant plutôt à la pièce. Ho, tiens, salut Elen ! Fit-elle en notant la présence du Loup. Son regard balaya ensuite les alentours, s’arrêtant parfois sur quelques objets visibles à la chiche lueur des lucioles. C’est quoi, tout ça ? S’étonna-t-elle ensuite. - Aucune idée... Répondit le Chaman, qui n’avait pas bougé d’un pouce depuis le départ de sa femme : les objets potentiellement magiques l’inquiétaient autant qu’ils l’intriguaient. - C’est étrange... Murmura la Cerf en s’avançant de quelques pas. On dirait presque une joaillerie, avec tout ces trucs.... Fit-elle en désignant les bijoux. Mais je n’y crois pas trop... C’est quoi ces cristaux bizarres ? Demanda-t-elle ensuite, se saisissant d’une broche pour mieux l’examiner. Ils entendirent la porte tourner de nouveau et Isa apparut. - Alors ? Vous avez découvert quelque chose ? Lança-t-elle, impatiente. - Ce sont des morceaux de cercueil... Comme celui de notre Reine, tu sais, Aileen ? Fit-il, répondant à la Cerf, tout en haussant les épaules, dubitatif, pour son épouse. La salle, de dimension respectable, abritait divers tables et étagères, sur lesquelles reposaient des objets divers et variés, sertis ou non de ces cristaux si précieux. Au fond se trouvait une autre porte, close. La magie imprégnait certains objets : leur aura ne laissait planer aucun doute aux deux magiciennes. Même le Chaman croyait sentir comme une intense vibration dans cette pièce, idée qui lui déplaisait au plus haut point. - Est-ce qu’ils n’avaient pas tous disparus ? Demanda Isa à propos des cocons en s’approchant à quelques pas de la dernière porte. - Les cercueils, oui... Acrim en a détruit bon nombres, d’autres ont fini comme ceux-ci, en morceaux pour générer des objets magiques, encore que je ne comprenne pas le principe de cet artisanat. Pour le reste, soit perdus ou détruits. A ma connaissance, il ne restait plus que celui de No’irin Kai’tlin. - Ho... Alors c’est presque des reliques, ce qu’on a trouvé là, non ? - Je dirai même que si ça venait à s’ébruiter, la Tanière serait en danger... Les Elfes ne sont pas les seuls à rechercher des artefacts puissants. - On ne l’aurait pas dit... Ronchonna Isa, sachant comment avait fini le bâton serti d’un orbe enchanté dans les mains de Faceo... Et je ne les ai guère trouvés émus, à part peut-être Ambre, devant le coeur des Arches. - Oh ça... Ne m’en parle pas... Mais ce sont des Nobles... Ils n’ont pas toute leur tête... Pourtant, pour qu’ils nous cèdent le cocon de No’irin Kai’tlin à nous, bouseux des Lunes, il a fallu l’intervention de Faceo auprès de Ambre... Ils n’y étaient attachés que parce qu’il était le dernier symbole de la royauté. Alors que notre Reine ne l’est, justement, reine, que parce qu’elle est la première. C’est... C’était la plus précieuse d’entre nous... Elle n’avait que faire d’un titre, je pense. Elle vivait pour son peuple, c’est tout. Et elle s’est sacrifiée pour que le Monde des Esprits et la Mère du Peuple Sauvage ne soit pas souillés ! Maintenant qu’il est dans l’arche, son cocon, ils ne se sont pas pressés pour le remplir. Ni les Nobles qui auraient pu envoyer la Juge le surveiller pour l’éternité, depuis l’intérieur - elle aurait au moins trouvé une utilité. Ni le Peuple Sauvage... Nous leur bâtissons une ville, nous nous crevons sang et eau pour leur fournir des ressources, du matériel et la sécurité, nous sauvons leur Mère et comment nous remercient-ils ? En nous chassant de leurs bois, en pactisant avec les Nobles et en s’abritant dans nos bois sitôt leur ville en danger. J’aurai dû les accueillir avec de l’acier, tiens... Alors que nous autres, du Peuple des Lunes, nous avons donné Elonia, Khera, Ekimus, Marcus à ces fichus piliers. Sans compter les victimes de l’Ennemie : une dizaine de Clans, notre Reine, des centaines de bons Elfes des Lunes perdus dans le monde des Esprits... Déclama-t-il, faisant les cent pas, sa rancoeur à l’égard du Peuple Sauvage et de la Noblesse de Na’Helli n’ayant pas diminué d’un pouce. - J’ignorais que ça avait été aussi compliqué.. Murmura Aileen en reposant doucement la broche qu’elle examinait alors qu’Elen se lançait une fois de plus dans un long discours. A l’époque où avaient eu lieu les discussions autour du cocon, elle n’avait pas vraiment eu l’occasion, ni même l’envie, de s’intéresser à la politique. Elle s’abstint de toutes remarques quant à l’utilité présumée de la juge. Syi avait changé, elle ne pouvait pas nier mais elle n’était pas aussi catégorique qu’Elen... |
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Isa quant à elle se mordilla les lèvres. Pourquoi devait-elle sans cesse parler des Nobles au risque d’énerver Elen ? Heureusement ses coups d’humeur ne duraient jamais très longtemps.
- Heureusement qu’on est pas aussi... Hum... Bon, rancuniers, on l’est. Moi, au moins. Mais nous savons rester raisonnables. Et nos alliés, aussi peu fiables qu’ils soient, on doit les garder... Aaaaah... Heureusement que je t’ai, ne lele. Sans ça, on n’en serait pas là. Et heureusement que je vais t’avoir, toi aussi, fripouille... Il tomba à genoux devant Isa, planquant son oreille contre son ventre. - Et où en seriez-vous alors ? Fit Isa, aussi rassurée qu’amusée par le revirement du Loup. Elle le taquina en ébouriffant sa chevelure. Ne ressasse pas tout cela, du moins tant qu’on ne peut y remédier. - Hé ben, si ça, ce n’est pas passer du coq à l’âne ! Plaisanta Aileen tout en faisant tranquillement le tour de la pièce. - Hey ! Mais une Prima Luwä ne traite pas son filleul d’âne, voyons ! - Non, c’est Elen, l’âne ! - Mais toi, aussi je suis content de t’avoir, nenu litith. Répondit-il, l’oreille toujours plaquée contre sa femme. - Et... Ça veut dire quoi, ça ? C’est pas trop méchant, j’espère ! Fit la Cerf en riant, ignorant le sens des mots de Loup Ancien qu’Elen venait d’utiliser. - Oh si c’est très méchant ! Parce que cela fait de toi notre famille proche, avec ses risques et périls, petite soeur ! Expliqua Isa en riant. - Petite soeur, rien que ça ?! S’exclama-t-elle. Moi qui pensait n’être “que” Prima Luwä ! - On continue ? Murmura Isa, qui hésitait pourtant à déloger Elen confortablement installé contre elle, la main de l’Olympienne caressant sa nuque. - Pour où, ne lele ? - Je crois qu’il y a une autre salle, là au fond... Fit Aileen qui s’en était approchée, au fil de ses déambulations. - Ouvre, alors... Répondit-il, visiblement peu pressé de quitter son épouse... - Ha, d’accord... Fit-elle en haussant les épaules. Elle contourna une table qui lui barrait la route et s’approcha de la porte. Elle avait l’air tout à fait ordinaire, celle là, au moins. Elle l’ouvrit précautionneusement, craignant que “quelque chose” ne lui tombe dessus. - Ha. Elen, je crois que j’ai trouvé ce qu’ils utilisaient pour leurs trucs ! Lança Aileen en découvrant un grand cocon de cristal posé négligemment au milieu du petit local dont elle venait d’ouvrir la porte. - Ah ? Et ça ressemble à quoi ? - Ben, à un cocon... Comme celui de la Reine ! Répondit-elle, semblant perplexe. - Tu... Tu plaisantes ? Fit le Chaman, se relevant et courant dans sa direction pour constater que la Cerf avait raison. C’est... C’est... Il ne put ajouter le moindre mot : le cocon, scellé semblait-il, était gravé de symboles en Loup Ancien. Des symboles on ne peut plus clairs. Des mots qui bouleversaient le Chaman. Des mots dont il n’aurait osé suggérer l’existence, même dans ses hypothèses les plus folles : ”Hi Luwö amogavo, laowon luwo.” Isa rejoignit les deux Elfes, se demandant ce qui pouvait les rendre aussi perplexes. Elle s’arrêta derrière Elen, impressionnée par la gemme qui ne lui rappelait que de mauvais souvenirs et déchiffra l’épitaphe : - ”Ici... est allongé Luw...” Elle s’interrompit vite, sidérée. Ça ne peut pas être ça, Elen... “Ci gît Luwö, père des Loups”... Comment... - C’est... Le Chaman partit en trombe, plantant là femme et amie. Je reviens ! Il passa la porte. Les sensations extrêmement grisantes qu’il ressentit ne le firent pas ralentir. Il courut, escaladant les marches vers les étages supérieurs quatre à quatre. Rapidement, il se retrouva à fouiller la bibliothèque, sa réserve plus particulièrement. Il en tira un parchemin ancien, très abîmé, troué par endroits dont les restes étaient conservés entre deux plaques de verre, ainsi qu’une copie récente suivie d’une traduction, conservée par le même procédé. Ils les glissa précautionneusement dans sa besace et rejoignit les deux jeunes femmes dans la salle. Fébrile, il posa le tout sur une table. Aileen n’y comprenait pas grand chose. Luwö ? Le cocon ? Qu’est-ce qu’il se passait ? Contrairement à ses deux amis, elle ne lisait pas le Loup Ancien mais ce qu’elle pouvait comprendre de leur échange achevait de la laisser perplexe. Elle ne savait plus quoi faire, à part rester plantée là à attendre qu’Elen revienne. Elle n’osait pas jeter le moindre coup d’oeil au cocon qu’elle avait découvert de peur que la silhouette qu’elle avait aperçu à l’intérieur ne se réveille soudain... Peur futile, certes mais... Luwö ?? Son mari déguerpi, Isa avait instinctivement reculé vers la porte de la petite pièce et surveillait la gemme avec un mélange de respect et de crainte, comme si le Totem pouvait se lever tout d’un coup pour les punir de l’avoir dérangé. - Qu’est-ce que c’est ? Souffla-t-elle en le voyant étaler des parchemins. - Ce sont les tous premiers écrits du Clan. Enfin, les plus anciens que l’on ait jamais retrouvés. Kowu les avait retranscrits et traduits, avant de les sceller pour qu’ils ne s'abîment pas plus. Regarde... C’est... Ça pourrait être lui... Rien n’affirme que... L’Olympienne retourna près d’Elen, non sans jeter quelques coups d’oeil par-dessus son épaule. Après avoir lu les bribes du texte et fait taire les conjectures aussi diverses qu’opposées qui débordaient de son esprit, elle murmura : - Mais... Cela voudrait dire que... Luwö est un Elfe. Un des Premiers Nés, comme votre Reine. Est-ce qu’il... Dort ? Il était presque impossible pour Isa qu’une entité qui montrait sa présence aussi intensément que Luwö se réduise à cette silhouette décharnée, comme embaumée, figée pour l’éternité dans sa gangue de cristal. - Luwö est mort, Isa. Du moins, selon les écrits. Il s’est élevé à un niveau de conscience supérieure, pour nous sauver et nous guider. Son corps est mort. Je pense... Je pense qu’il s’est volontairement bloqué dans le monde des esprits. Et il nous a donné le Peuple Frère... - Tu vas leur dire ? Fit Isa après un long moment où elle était restée perdue dans ses pensées. - Je... Je ne sais pas... Je n’ose pas... Je ne peux pas... Ça les boulverserait trop... Ça changerait leur vision de Luwö... La plupart ne savent pas. Evonis lui-même n’a pas dû lire ces manuscrits. Kowü les a transcrits dans le plus grand secret... Le Chaman chercha le soutien d’une table, très pâle. Je ne peux pas prendre cette responsabilité. Pas seul. Pas sans les conseils de mes pairs... D’autres Chamans... Ou des Intendants... Et... Non. Si les autres clans savaient, les Corbeaux surtout, ils pourraient chercher à le détruire... Détruire le symbole... Et si... Elen, d’habitude si sûr de ses décisions, semblait complètement perdu. Chaque choix lui semblait pire que le précédent. Pouvait-il seulement leur annoncer que leur père à tous reposait depuis tout ce temps, ici bas, dans la Tanière ? Le pouvait-il ? Luwö ! C’était Luwö ! Luwö l’Elfe. Luwö le médecin. Luwö le Totem. - Tu as le temps d’y réfléchir. Fit Isa en venant l’enlacer. Tu es le seul Chaman en activité mais Aileen sait maintenant. Et il y a ta mère, Evonis... Tu aviseras. La Reine devait savoir. Gaver peut-être aussi. Mais si tu décides que ce secret ne doit pas sortir de cette pièce, tu sais que je respecterai ta volonté mieux que quiconque. - Je sais... Mais il fit un signe négation de la tête : il ne voulait pas qu’elle oublie. Il voulait qu’elle sache, elle aussi, car le point de vue de son épouse comptait autant que celui d’un autre Chaman à ses yeux. Seule la Reine aurait pu le surclasser. Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |
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Aileen savait, oui... Mais si la Cerf avait eu le choix, elle aurait sans doute préféré rester dans l’ignorance. Elle n’arrivait pas à mesurer tout ce que cette découverte impliquait. En fait, elle n’arrivait plus à réfléchir. Sans savoir réellement pourquoi, elle avait même peur... Une peur sourde, diffuse et insaisissable, tapie quelque part au fond d'elle même, comme si elle n'attendait plus qu'un signal pour se changer en panique.
- Ça va, Aileen ? Lui demanda l’Olympienne. L’Intendante pensait-elle que son Totem était peut-être quelque part, dans un autre cocon ? - Pour être franche... J’en sais rien... Répondit-elle après quelques secondes, immobile, le regard fixé sur un point, quelque part sur le sol de la pièce... - Peut-être que des transes vous permettraient d’éclaircir certaines choses. Vos Totems vous aideraient, non ? C’est tout de même une révélation assez... Phénoménale, ils ne peuvent pas juste vous laisser vous débrouiller avec ça. - Isa... C’est comme si tu découvrais que les Dieux sont en fait des Olympiens. Tu imagines les conséquences que pourrait avoir une telle révélation sur le peuple ? Il y aura ceux qui diront que c’est une imposture. D’autres seront terrifiés. Certains fêteront l’évènement. Et d’autres encore n’en auront cure. Et finalement, la seule issue possible est la perte de ce que nous avons bâti, soit pour mieux, soit pour une guerre civile... - Je sais bien Elen. Moi-même je ne pourrais sans doute pas le croire. Mais quitte à vouloir en discuter avec tes pairs, pourquoi pas directement avec Luwö ? Ou ton propre Totem, Aileen. Ils doivent bien comprendre à quel point ce que vous venez d’apprendre est troublant. - Je sais pas... J’en sais rien du tout... Fit la Cerf, semblant perdue... - Oh, mais cela fait longtemps, Isa, que les initiés, chez les Loups, savent pour Luwö. Mais de là à le retrouver... C’est... Inimaginable ! - Ah... Décidément, Isa ne comprenait plus rien à rien. - On devrait finir de visiter l’étage et voir comment reverrouiller cette partie de manière à t’en réserver l’accès, Elen. - Peut-être, ouais... Fit Aileen. La Cerf osait espérer qu’en s’éloignant d’ici, sa peur s’efface peu à peu... - Je vais faire sceller cette pièce, pour l’instant, comme tu as dit. Et ne plus y remettre les pieds. Pas avant d’en savoir plus... Aileen acquiesca d’un signe de tête presque imperceptible avant de se diriger à pas lents vers la porte. Cependant, elle n’osa pas se saisir de la poignée immédiatement, comme si elle attendait une confirmation de la part de ses amis. Comme Aileen, Isa hésitait. Elle éprouvait une profonde tristesse à replonger cette tombe étrange dans l’oubli. Pourtant Luwö n’était pas mort, ce n’était que sa dépouille matérielle qui gisait là. Elle préféra se dire qu’il suffisait qu’elle retourne au temple proche pour le percevoir tout autour d’elle et cette impression de deuil qu’elle ressentait s’envolerait aussitôt. - Allons-y. Elle prit la main d’Elen et attendit son assentiment avant de l'entraîner vers la sortie. Il se laissa conduire mollement par son épouse, se demandant ce qu’il avait fait à Luwö pour que tout lui tombe en travers de la figure depuis qu’il était devenu Intendant. Le Totem se moquait-il de lui ?... Aileen laissa ses deux amis passer devant, jetant un dernier regard vers le fond de la salle. Luwö... Aurait-il préféré que son corps soit découvert par son Chaman plutôt que par une inconnue, incapable de déchiffrer le Loup Ancien ? Elle soupira, sa main se posant sur la poignée de la porte. Sans doute n’aurait-elle jamais la réponse à cette question. Mais la Cerf n’eut pas le loisir d’y songer plus longtemps alors qu’elle sentait l’énergie refluer vers elle. Elle en eut le souffle coupé, grisée par des sensations qui lui étaient jusque là inconnues, incapable du moindre mouvement. Ce flux enivrant s’engouffrait en elle sans qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, son corps s’en imprégnant jusqu’à la dernière goutte. Puis, après que la porte eut pivoté sans même qu’elle ne s’en rende compte, la jeune Elfe recula d’un pas mal assuré alors que le couloir sombre tournait autour d’elle. Elle s’adossa contre mur, haletante, ses jambes la soutenant à peine. - C’était... C’était normal, “ça” ?! Lâcha-t-elle, fébrile et encore sous le coup de la surprise, bien incapable de décrire le “ça” dont elle parlait. - Euh... Sans doute... Mentit le Chaman, sachant pertinemment d’où venait le phénomène, encore grisé par le passage à travers la porte, et un tantinet inspiré pour la suite du déroulement de la journée qu’il allait partager avec son épouse. Il s’autorisa une oeillade dans la direction de son épouse, devinant à peine ce qu’elle avait dû ressentir : elle, elle avait reçu les énergies combinées du Loup et de la Cerf, en plus de sa part olympienne. Elen, lui, avait bien senti le bouquet des énergies de son épouse, et le retour bestial de la sienne. Celle de Aileen, il n’avait fait que l’effleurer : proche de la sienne sans être sienne, la magie de la Cerf était tout simplement passée quasiment inaperçue à ses sens en comparaison de l’enivrante déferlante de l’énergie olympienne. Vu la réaction de Aileen, la sensation, là, n’étaient pas affaire de sentiments : il s’agissait simplement de l’union de deux principes différents qui excitait les sens. Qu’avait donc ressenti Isa, alors même qu’elle s’était vue assaillie par les énergies des deux Elfes ? La jeune femme qui était déjà passée ne fut pas surprise et arriva à cacher son trouble, bien qu’elle eut identifié assez nettement la magie d’Aileen, à la fois douce et virevoltante, superposée à celle de son époux. Si une image pouvait transcrire ce que l’Olympienne avait perçu, ce serait celle d’un immense champ de fleurs sous une brise légère qui mêlerait leurs parfums, baigné des rayons des Titans à la Saisons des Fruits et butiné de milliers de papillons colorés. Pour qu’ils ne sombrent pas tous dans un embarras somme toute légitime, elle prit un ton docte et dégagé : - C’est ce que je t’avais dit, à propos du Finyë que la porte prend et redistribue. C’est... Particulier. On continue ? Sans s’appesantir sur l’expérience assez peu banale, Isa reconnaissait que celle-ci avait agi comme une bonne diversion après les doutes et les interrogations qui avaient assailli les deux Elfes. - Je ne me doutais pas que c’était... “Particulier” à ce point-là... Admit la Cerf, espérant que la pénombre suffise à camoufler les quelques couleurs que ses joues avaient prises... - Je pense que nous avons tout exploré... Je vais charger des Loups de réaménager l’endroit et de sceller ce couloir habilement. J’y placerai peut-être un mécanisme caché, plus tard. Il se lova contre son épouse, enroulant ses bras autour d’elle, avant de lui susurrer à l’oreille, visiblement inspiré. Et j’ai une autre expédition en tête, ne lele... - Je t’aiderai si tu veux. Une structure de magie olympienne glissée dans un verrou ou un enchantement pourrait brouiller les pistes contre les curieux. Et avant que des Impériaux arrivent ici... Puis avec un sourire espiègle, elle demanda :Et j’imagine que nous n’aurons pas à aller bien loin ? Le Loup haussa évasivement les épaules, laissant un sourire mutin se glisser sur son visage... Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |