Chez les hommes | |
Topic visité 554 fois Dernière réponse le 26/09/2012 à 13:51 |
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Les Humains étaient partis d’un bon pas vers le QG, emmenés par Dakon. Gaver suivait le reste du groupe, un peu plus lent car il fallait porter à dos d’homme ce que l’unique mule ne pouvait pas traîner dans la charrette et expliquait aux plus curieux ce qu’ils allaient bientôt découvrir. Les bâtiments comportaient un ilôt central où l’on trouvait les quartiers des résidents, leurs réserves de matériel principales et leurs véhicules. Les autres n’étaient que des hangars sans grande importance et l’on pourrait y abriter la carriole.
Lorsque le cortège fut quasiment arrivé, quelques hommes en arme sortirent de la base pour les guider vers une petite bâtisse où ils purent décharger, puis vers le corps principal des installations humaines. Un sas séparait l’intérieur du froid glacial et une voix féminine demanda aux futurs invités de déposer leurs armes dans une grande caisse avant de pouvoir en franchir la seconde porte. ![]() - Soit. Isa, Evonis, Odeli, mieux vaut obéir. Fit le Chaman, déposant ses armes et les couteaux rituels qu’il transportait et laissant le choix aux non Loups d’obtempérer ou non. Gaver veillera à notre sécurité... - Navré, Elen. Lorsque nous avons quelques visiteurs, ils ne sont pas forcément désarmés mais votre groupe doit inquiéter Cathy. Tant par sa diversité que par les réactions que cela pourra engendrer avec ses propres hommes. - C’est bien naturel. Nous faisons pareil à la Tanière. Il ne semblait pas inquiet : Isa, Evonis et l’Oracle étaient de véritables armes vivantes, la première par sa magie, les seconds par leur force brute. Si quelque chose de fâcheux devait arriver, ces trois-là ne seraient pas sans défense, et plus important à ses yeux, son épouse ne serait pas démunie. Une série de lumières balaya le groupe coincé entre les deux portes vitrées puis un souffle précéda le dévérouillage de l’entrée. Un air tiède qui contrastait avec les températures extérieures les accueillit, en même temps que le sourire d’une femme d’âge mûr, venue à leur rencontre. Elen songea que la magie des Humains dépassait en puissance celle des peuples d’Olympia. ![]() - Bienvenue à la base ! Lança-t-elle en tendant une main à Elen, représentant du groupe supposé, comme Gaver avait dû le lui indiquer. Je suis Cathy. Elen hésita : que voulait-elle qu’il fasse de sa main ? Dans le doute il s’en saisit et elle imprima une secousse. - Je suis Elen, Chaman du Clan du Loup, de la Forêt des Cendres. Fit le Chaman qui salua à la mode louve, une fois sa main libérée. Voici Isa Cestia, mon épouse, notre fille Lilei, Odeli et Evonis, tous membres du Clan du Loup. Aileen, Intendante du Clan du Cerf, de la Forêt des Cendres elle aussi. L’Oracle Rorschach Karnage, de Zagnadar. Messire Willow, de Zagnadar lui aussi. Dame Tizi, de Lardanium. Messire Dahlia, de la Forêt des Cendres et ses environs. C’est un honneur pour nous que d’être accueilli parmi les vôtres. - Ravie de faire votre connaissance. Heureuse de vous revoir, Tizi. Veuillez pardonner ces mesures de précaution mais nous ne recevons jamais autant de monde et je préfère dissiper quelques craintes d’entrée. Elle lorgna du côté de la magicienne, considérant l’enfant qu’elle portait. Je vous demanderai de ne pas user de sortilèges ici, ni de modifier trop fortement les flux énergétiques environnants. Nous avons des matériels fragiles... Et d’autres capables de faire face à de trop grandes altérations du milieu. D’un geste de la main, elle désignait l’un des robots chargés de garder l’endroit. Flottant à un mètre du sol, il restait immobile, son oeil rouge braqué sur les nouveaux venus. Isa opina sagement de la tête, ces choses n’étaient pas à contrarier... Aileen ne pouvait s’empêcher de fixer cette drôle de chose métallique, elle n’avait pas l’air très aimable à les fixer de la sorte pourtant elle devait avouer que tout dans cet étrange endroit éveillait sa curiosité, depuis l’étrange sas par lequel ils étaient passés jusqu’à la structure même des bâtiments. Sans oublier cette fameuse Cathy dont elle avait tant entendu parler. Elle n’avait pas retenu un coup d’oeil et un sourire amusé vers Evonis. - Alors dites-moi, qu’est-ce qui vous amène ici par cette saison ? Fit-elle en les invitant à la suivre à travers le premier hangar pour rejoindre ce qu’elle appelait la cafétéria. - Le hasard y est pour beaucoup, et la curiosité aussi. A dire vrai, nous pensions juste nous approcher de cet endroit pour l’observer de loin. Jamais je n’aurais imaginé qu’il restait des Humains ici. Je pensais que seule subsistait votre magie, celle qui agite ces créatures de métal ici et dehors vos tours de feu. - Alors c’est que notre politique de discrétion fonctionne. Du moins dans une certaine mesure. Fit-elle avec un petit air malicieux en regardant vers Tizi. Nous ne nous mêlons que très rarement de ce qui se passe dans vos contrées. Nous observons, tout au plus. - Et cela vaut mieux pour mon peuple, si vous voulez bien pardonner ma franchise. Certains des miens ont de mauvais souvenirs de leur rencontre avec les vôtres. Je dois dire que je fais parti des rares chanceux à avoir eu des relations... Hum... Cordiales avec ceux des vôtres que je rencontrai... - Pourtant, dame, chuis certain de vous avoir déjà vue. A un banquet pour être précis. Avec messire Dakon. Fit Evonis, lorsqu’il eut suffisamment dévisagé Cathy pour être certain que ce fut elle : même nom, même visage, même corps ; seuls les yeux différaient. S’il ne s’était pas approché d’elle, ni ne lui avait adressé la parole, à l’époque, elle l’avait favorablement impressionné avec ses longs cheveux blonds et ses attributs. C’était bien avant Aileen, qui occupait à présent la plupart de ses pensées. A l’époque, vous étiez une Olympienne, je crois. Enfin, c’est sous ces traits qu’votre magie vous dissimulait. L’Humaine observa à son tour l’Ashka. Ce grand gabarit lui disait bien quelque chose, car il tranchait avec les silhouettes plus graciles de ses congénères. Mais avec le monde qu’elle avait croisé en si peu de temps à l’inauguration du sanctuaire d’Athéna, elle aurait été bien en peine de mettre un nom sur le visage. - Oh oui, j’avoue. Il faut dire que la tentation de voir autre chose que de la banquise m’a poussée à suivre le Seigneur Dakon jusqu’à Na’helli. Et je ne regrette absolument pas cette escapade. Que votre forêt est jolie ! Et les gens si accueillants. J’avoue que cela a été une très bonne surprise et que je m’y serais bien attardée un peu plus longtemps ! - Vous pourrez toujours revenir. A la Tanière au moins. Nous n’avons jamais refusé d’héberger les voyageurs, quelque soit leur origine et leur destination. - Evonis a tout à fait raison. Vous pouvez compter sur notre hospitalité. - C’est très aimable de votre part, même si j’ignore quand je pourrai profiter à nouveau de votre compagnie. Ils arrivèrent finalement dans une sorte de réfectoire. Elle leur désigna un couloir qui partait ensuite à l’opposé d’où il venait. - Par là nous avons réussi à vous aménager quelques chambres mais vous devrez vous serrer un peu. Vous trouverez les commodités tout au fond. Si vous voulez vous restaurer, j’ai demandé à notre cuistot de vous préparer quelque chose de chaud. - Oh, c’est bien sympathique. Nous avons amené nos propres provisions. Si vous le voulez bien, nous pourrions contribuer aux repas à venir. Ils avaient en effet beaucoup chassé en chemin, Elen avait veillé à ce qu’ils aient de quoi répondre à l’hospitalité des Humains. Il ne savait pas jusqu’où allait leur générosité : à ses yeux Minuit étant une femme d’exception, il n’avait aucune idée des réactions des gens de ce peuple. Ils purent s’installer et des plats furent disposés à leur intention. - Volontiers ! Gaver pourra vous emmener sur le Lac de Givre, il y a une faune très particulière lorsqu’on s’éloigne radicalement au Nord. Mais les loups sont devenus un problème récemment et les parties de chasse sont plus aléatoires. D’ailleurs, si vous vous joignez à nos hommes, cela encouragera peut-être le Seigneur Dakon à se reposer un peu... Dit-elle comme si elle suivait à haute voix les idées s’enchaînaient dans sa tête. Et cela lui paraissait un excellent plan. Bref... Donc vous avez connu nos Maréchaux ! - Aperçu messire Midnightknight au détour d’une taverne, tout au plus. En revanche, j’ai un peu plus connu Dame Minuit. Elle aussi dans cette taverne, remarquez... Il n’avait aucune envie de chasser ses frères du nord, quand bien même ils avaient trahi Luwö. Mais peut-être que l’Oracle, lui, n’y verrait pas d’inconvénient. - Oh je vois... Ils sont partis il y a quelques années déjà. - C’est ce qu’on m’a appris, oui. Dame Minuit était fort sympathique. - Bah, arrête un peu de parler des gens qui sont partis, Elen. Dame Cathy aussi a l’air sympathique. Sans ça Gaver vivrait dans la neige ! - Tout à fait ! Fit-elle après un éclat de rire. Mais je pense plutôt que le Seigneur Dakon aurait finalement opté pour une autre région s’il n’avait trouvé personne ici. Ou si j’avais claqué la porte à son ami de longue date. - Vous n’auriez pas fait cela tout de même ! Lança Gaver, faussement outragé, ses yeux grands ouverts débordant d’innocence meurtrie. Vous me brisez le coeur Madame ! - Rho c’est bon ! Le gronda-t-elle sans en penser le moindre mot, en le poussant du coude. - J’ai entendu dire qu’il y avait moyen de les contacter... Oui les grandes oreilles, il faut bien que ça serve à quelque chose ! Continua-t-il pour s’excuser de son indiscrétion. Cathy fit une petite moue, entre la surprise et le désir que certaines choses restent confidentielles. Son regard glissa vers Elen, pour voir si l’information relevait d’une quelconque importance pour lui. Celui-ci avait souri, à la mention de cette éventuelle prise de contact. Il avait de bons souvenirs de Dame Minuit : elle avait toujours été gentille avec lui. Mais il ne voulait pas offenser Dame Cathy par une demande ouverte. Aussi se contenta-t-il de sourire derechef à l’Humaine lorsqu’elle le consulta du regard. - Et bien... Je peux toujours me renseigner. Et je vous tiendrai au courant. - C’est très gentil, Dame... Elen, EdL
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Profitant de la distraction d’Elen, tout occupé qu’il était à en savoir plus sur d’autres Humains, Aileen se glissa discrètement aux côtés d’Evonis, un étrange sourire flottant sur ses lèvres.
- Alors c’est elle, la fameuse Cathy... Lui fit-elle à voix basse. Ça ne m’étonne pas que tu lui aies proposé de revenir à la Tanière... - Bah... C’était pour être poli. Je te l’aurai bien proposé, mais chuis à peu près certain que tu reviendras aussi à la Tanière. - En tout cas, elle a l’air de t’avoir marqué, quand tu l’as vue au banquet... - Tu serais pas jalouse, toi ? - Moi ? Ha mais non, pas du tout, que vas-tu chercher là ! Fit-elle, feignant d’être offusquée. - Bah, t’inquiète pas, elle ne t’arrive pas à la cheville ! - Ha mais je ne m’inquiète pas du tout, je n’ai pas à m’inquiéter, de toute façon, pourquoi je serais jalouse si tu regardes les autres filles ? Continua-t-elle d’une mine boudeuse. - Regardais, Ailou. Regardais... - Oui, évidemment, “regardais”... Elle croisa les bras, feignant d’être contrariée. Evonis lui murmura quelques mots au creux de l’oreille... Elle retint un rire, plus ou moins discrètement alors que ses joues prenaient quelques couleurs. - Ha quand même... Je ne pensais pas déclencher une telle réaction en faisant semblant d’être jalouse ! Lui fit-elle avec un large sourire. - Pas sûr que tu fasses semblant... Mais j’entends bien te montrer que t’as tort ! - Ha tu ne me crois pas ? T’en fais pas, mon Loup, j’voulais juste t’embêter un peu ! Evonis prit une moue boudeuse à son tour. - Hé ! Copieur ! S’exclama Aileen en riant. - Tu me chahutes ! - Bah oui, mais c’est pour rire ! Depuis quand tu n’aimes pas ça ? D’habitude, c’est tout le temps toi qui m’embêtes alors je te rends un peu la pareille ! - N’empêche que t’es facile à embêter ! Répondit-il avec un grand sourire, très fier de son subterfuge. - Ha, mais t’es bête ! Répondit Aileen en éclatant de rire, non sans lui envoyer un coup de coude dans les côtes. T’arrives toujours à m’avoir ! Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
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Le groupe déposa ses affaires là où Cathy avait désigné ses quartiers, se délassa et se lava, bénédiction pour Elen qui détestait ne pas avoir l’occasion de se baigner. L’Humaine refit son apparition plus tard, pour poursuivre la visite de la base.
- Alors, Dame Cathy, que pensez-vous de notre monde ? Demanda le Chaman, son bras passé par dessus l’épaule de son épouse. - Il est bien étrange et malgré toutes les années que j’y ai passée, je suis finalement heureuse de me tenir à l’écart des populations. Non pas que je ne les trouve pas sympathiques, mais j’ai du mal à me familiariser avec vos codes si différents d’une bourgade à l’autre... Un vrai casse-tête ! Sans compter les croyances, cette magie omniprésente... Bref, autant de choses qui me sont peu communes. - Magie omniprésente ? Vous avez des golems de métal ici même, et toutes ces lumières qui s’agitent. Et j’ai peine à comprendre comment vous parvenez à obtenir cette douce chaleur, alors que tout est d’acier et de verre. Dame, croyez-moi, votre peuple fait plus de magie que tous ceux d’Olympia réunis ! - C’est... Oui c’est une façon de voir les choses. Répondit-elle avec un sourire à Elen. Elle aurait pu dire que ce n’était qu’une technologie plus évoluée mais ce concept amenait souvent à une cupidité peu souhaitable, aussi tut-elle plus de détails. - Et si je ne m’abuse, Dame Minuit n’était pas non plus une novice en magie. Je suppose que chez vous, les mages pullulent. - Hum... Nous considérons cela plutôt comme un entraînement psychique. Ce qui en somme... Revient un peu au même. J’imagine que votre épouse a bien dû discipliner son esprit pour être capable d’utiliser des formules magiques. Mais nous concevons ceci d’une manière plus scientifique que mystique. Je ne sais pas si je m’explique correctement... Dit-elle, un peu gênée. C’est que je ne suis moi-même pas compétente dans ces choses-là, j’ai du mal à traduire les talents de nos experts en Esotérisme. Quant aux capacités de l’épouse du Maréchal... Il sembla aux invités que l’Humaine préférât ne pas en parler. Cathy comprit vite qu’il devait manquer à Elen bon nombre de renseignements sur cette femme, à commencer par le fait qu’elle ne venait pas comme les autres Humains de la Terre... Il le découvrirait bien assez tôt, et ce n’était pas à elle de le dévoiler. La science appartenait aux Nains et aux Olympiens, voir aussi aux Nobles. Les Elfes des Lunes avaient toujours tirés leurs progrès de la nature et des esprits. Et tout ce qu’il connaissait de la science étaient les armes que créaient ces gens. - Il existe bien des formes de magie, c’est vrai. ”Et Isa en maîtrise de nombreuses variantes.” Chaque peuple en maîtrise une variante. D’autres ne sont pas faites pour ce monde-ci, mais pour celui des Esprits. Et ensuite, il existe d’autres formes, plus... Hum... Plus simples et complexes à la fois. La magie de l’amour, par exemple. Ou celle de la haine. Kowü semblait particulièrement doué dans ces variantes ci, et certains empathiques l’étaient tout autant. Et l’alchimie qui liait parfois deux amants tenait parfois aussi de la magie. - Tout ce que je sais est qu’il a fallu plusieurs saisons à ceux qui souhaitaient maîtriser ces fameuses énergies magiques pour arriver à un résultat moyennement satisfaisant. C’est pour cela que nous n’avons pas continué dans cette voie, nous possédons d’autres compétences bien plus rentables ici en terme d’efforts / résultats. - Il n’est jamais vraiment bon d’obtenir les choses sans effort... Chez moi, lorsque l’on s’abaisse à ces facilités, on finit bloqué dans le monde des esprits... Les obstacles sont là pour renforcer notre volonté ! - C’est évidemment honorable, Chaman Elen, mais l’on voit bien que vous n’avez pas d’investisseurs sur le dos toute la journée ! Lui répondit-elle en riant. - Ce sont les Nobles qui ont créé ce genre de choses, ainsi que les créanciers. Et j’avoue effectivement que le pouvoir de l’or n’a que peu de prise sur mon peuple. Lorsqu’un Dieu ou un Totem peut décider du jour au lendemain de vous oblitérer de la surface du monde, cela laisse peu de place à l’avarice. La famille et les amis sont un bien plus précieux., vous ne croyez pas ? - Si, bien sûr, mais hélas chez nous, les acteurs ne sont pas les payeurs. Que nous nous fassions dévorer par une entité mal lunée importerait peu si cela ne grèvait pas trop leurs chiffres d’affaires. Elen, EdL
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- Ils ont pas l’air très sympa, dans votre monde... Fit Aileen qui écoutait discrètement la conversation depuis quelques temps, curieuse d’en savoir plus.
- Notre civilisation est souvent... A l’image de cette base... - Froid ? Voilà ce que lui évoquait l’acier omniprésent... - Et impersonnel. - Vraiment ? C’est partout comme ça ? Comme ici ? - Non pas partout. Une fois sortis du système, l’on retrouve nos véritables valeurs, du moins on espère les retrouver. - C’est quoi, le... Système ? C’est grand ? Fit la Cerf, curieuse. - Oh euh... C’est par ce terme que nous appelons nos habitudes quotidiennes : le travail, la consommation, les activités. Tout ce que comporte la vie d’adulte en fait. Mais j’ai bon espoir de prendre ma retraite dès que j’aurai terminé ma mission ici. - Si vous voulez déserter loin de ces... Euh... Contraintes ? Enfin pour votre retraite, vous voyez. Enfin, vous pouvez toujours vous installer à Lardanium. Avec votre déguisement les Olympiens n’y verront que du feu... Ou chez nous. Ce serait le mieux pour éviter l’or et son pouvoir. - C’est quoi, comme mission ? J’espère que c’est pas trop embêtant ! Ça doit pas être facile de vivre loin des siens dans un endroit qu’on ne connaît pas... Surtout avec le froid... - Comme je vous l’ai dit, de l’observation essentiellement. Et il nous arrive de donner un petit coup de main. Comme à l’Arche des Songes. Mais il faut dire que c’était une circonstance particulière. - A l’Arche des Songes ? Je n’ai vu aucun des vôtres... - Benêt ! Ils maîtrisent la magie du changement de couleur des iris ! - Joue pas les malins, tu t’es fait avoir aussi ! Fit Aileen en lui tirant la langue. - Grand merci, en tout cas, si c’est à vous que l’on doit sa restauration. Nous vous devons plus que la vie. - Oh de rien, et nous n’avons aidé qu’à résoudre une partie du problème. Votre monde est toujours chancelant. - Et il le restera. Les Géants, le Peuple Sauvage et les Elfes des Lunes ont sacrifié assez pour ces Piliers au cours des millénaires. Une Reine, une Conseillère, car c’est ainsi qu’il considérait Elisenda, deux Oracles, quatre Chamans, sans compter les victimes dans le monde des esprits. Les Olympiens eux ont sués sang et eau pour rebâtir ce qui avait été détruit. Et les Nobles ont cédé, contraints et forcés par moi, certes, leur artefact le plus précieux pour l’Arche des Songes, et ils ont accessoirement perdu leur Reine, même s’ils ne l’ont jamais vraiment considérée comme telle vu le respect qu’ils avaient à propos de ses dernières volontés. Vous même, vous venez de nous l’apprendre, vous avez contribué. C’est aux Nains qu’il incombe, à présent, de remettre en fonction les deux Piliers. Eux n’ont rien fait, jusqu’à présent, que se plaindre que nous ne sauvions pas le monde assez vite à leurs yeux. Donner leur Roi ne serait pas idiot, surtout quand on voit le machin qu’ils se trimbalent à leur tête... Et leur artefact de vie pour l’autre Pilier. C’est bête mais le sort du monde, nous autres Peuples blessés, nous l’avons laissé entre leurs mains. Et quand on voit comme ils se battent pour le sauver... Je crois qu’il va chanceler longtemps notre Monde, plaise aux Dieux et aux Totems de l’empêcher de pencher du mauvais côté... Aileen avait croisé les bras, semblant songeuse. Elle n’aimait pas vraiment se souvenir de l’épisode des piliers, mais c’était un fait, leur monde était en équilibre instable au dessus des Enfers... Pour elle, c’était une raison de plus de profiter de la vie et du temps qu’ils avaient à passer parmi les vivants mais... Elle aurait tout de même préféré qu’il n’en soit pas ainsi. Elle n’avait rien à ajouter aux dires d’Elen. Il avait raison, après tout. Les Nains, dans l’histoire, auraient pu être d’une grande aide pour restaurer les piliers mais ils n’avaient pas bougé le moindre poil de leurs barbes grasses et sales... A se demander s’ils ne jouaient pas le jeu de l’Ennemie... - Le roi des Nains... Je cracherais sur sa tête, si je le rencontrais... Marmonna-t-elle. - Faudrait le coller dans un Pilier. Ce serait le seul truc grand qu’il aurait fait de sa petite vie mesquine. - Du temps de Kardrim, les Nains avaient au moins un semblant d’honneur. Pour certains, en tout cas... Et ils brassaient de meilleures bières. - Ha bon ? Encore la bière ? Fit Aileen avec un sourire en coin, préférant retrouver un sujet de conversation plus léger. - L’ambrée de Kazad... Un vrai nectar... - Hé ben, elle a plutôt l’air de te manquer ! - Elle manque moins que l’intelligence des Nains : j’en ai plein la réserve de la Tanière. Enfin quelques tonneaux. - Haaa, alors c’est pour ça que tu vas courir en forêt ! En fait c’est pour profiter de la bière tout seul ! Fit Aileen en riant. - Ça c’est pour occuper le corps et l’esprit... - Ha, mais je plaisantais ! Rabat-joie, va ! Elle lui tira la langue en une grimace peu gracieuse. Cathy suivait les dires des uns et des autres un fin sourire se dessinait sur ses lèvres. C’est ce qu’elle appréciait en la présence de visiteurs, même s’il valait mieux que sa hiérarchie n’en sache rien. - Vous devez apprécier Olympia du coup, Dame Cathy, non ? Loin de la pression de vos investisseurs... - Plus ou moins... Les journées étaient souvent mornes, surtout lorsque Dakon, parti en expédition, la laissait seule avec ses robots à vérifier. - L’offre tient toujours, si vous voulez visiter notre forêt. Et le moins disparaîtra... - J’y penserai, promis. - Ce sera ptêtre un peu rustique. Enfin c’est ce que disent les Nobles. Mais ils n’y connaissent rien... - Je n’aurais pas dit mieux ! Moi en tout cas, j’aime bien la Tanière. Après avoir fait le tour du propriétaire, du moins les endroits qui ne requéraient pas une haute confidentialité, Cathy s’excusa auprès de ses invités : ses tâches quotidiennes se rappelaient à son bon souvenir. Le groupe s’en retourna à leurs quartiers, pour ne pas déranger les Humains dans leurs activités. Gaver les y retrouva, pour discuter avec eux et prendre part aux activités du groupes : quelques menues réparations. Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
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Le lendemain matin
Sur la requête de Gaver, Cathy avait fait parvenir un message à Minuit, par le même moyen qu’elle utilisait pour transmettre des informations venues de Lardanium. Salminar conservait quelques contacts avec le Maréchal et ils étaient convenus d’un système discret pour communiquer. Évidemment la présence de Rebelles sous le nez des plus fidèles espions de l’Impératrice suscitait quelques sueurs froides à l’Humaine mais tous n’y avaient vu que du feu jusqu’à présent. - Chaman Elen, bonjour ! J’ai quelques nouvelles qui pourraient vous intéresser, lui dit-elle lorsqu’ils se croisèrent de nouveau. - Oh ? Bonjour Dame Cathy. Comment un message pourrait me parvenir en pareil endroit ? Vous seule savez où nous nous trouvons. A moins que... Sans vraiment répondre à ses questions, elle le gratifia d’un sourire mystérieux avant de continuer : - J’espère que vous vous êtes bien reposé et que vous êtes en forme ! Vous avez un très long voyage à faire aujourd’hui ! - Un voyage ? Je vais prévenir ma femme, pour qu’elle se prépare. - Ce sera inutile, hélas. Dame Minuit ne peut vous recevoir que seul. - Ce... C’est Dame Minuit qui... Oh... C’est que... Il faut que je prévienne mon épouse, tout au moins. Vous comprenez... Il avait promis à Isa de ne jamais l’écarter, mais il savait que Minuit était de ces femmes qui disposent de grands pouvoirs et, malgré sa gentillesse, du moins celle qu’elle lui avait témoignée, on ne discutait pas les injonctions de ce genre de personnes. - Oui je vous en prie, c’est bien naturel ! Rejoignez-moi au hangar, lorsque vous serez prêt. Oh et je plaisantais à propos du voyage, n’emportez pas de gros sac à dos, ce serait beaucoup d’embarras pour pas grand chose. - Soit. Je vous remercie, Dame Cathy. Le Chaman se dirigea vers son épouse. Celle-ci, un sourire tendre flottant sur ses lèvres, était occupée à nourrir Lilei. Le Chaman ne put s’empêcher d’éprouver à la fois fierté et tendresse pour les deux femmes de sa vie. Il la rejoignit, déposant un baiser au creux du coup de l’Olympienne. - Isa... Dame Minuit m’a convoqué. Gaver a dû faire en sorte qu’elle soit contactée. Je ne pensais pas qu’il forcerait les choses à ce point. Elle m’a invité à la rejoindre. Peut-être est-elle dans cette base. Cela t’ennuie si je te laisse avec Lilei le temps de l’entrevue ? - Oh déjà ? Et bien... La jeune femme parut déconcertée par l’annonce soudaine d’une rencontre. A laquelle elle n’était pas conviée, qui plus est... Cette femme l’avait-elle écartée car elle considérait qu’elle avait trahi l’Empire et les Dieux ? Elle dut mentir pour ne pas casser l’enthousiasme de son époux : Non pas du tout, Elen. - Je me demande bien ce qu’elle peut avoir à me dire qui nécessite un entretien privé. Enfin, venant d’une grande prêtresse de Zeus, peut-être est-ce quelque chose que les Dieux doivent me transmettre... Il haussa les épaules, dubitatif, avant d’embrasser son épouse. - Ne li lelo, Nelith. A bientôt, ma puce. Occupe-toi bien de maman, je te la confie. Je serai vite de retour, je pense. Ajouta-t-il à l’adresse de Lilei, l’embrassant sur le front. - Sois prudent quand même... Fit-elle, la mine penaude. - Allons, ne fais pas cette tête, ne lele. Je te raconterai tout, en détail. Et je ne serai pas loin de toi très longtemps. Il n’arrivera rien de fâcheux, je te le promets. Il répugnait à la laisser en arrière, tout comme il détestait l’exposer au danger. - A plus tard alors. Lui répondit-elle en esquissant un sourire avant de l’embrasser de nouveau. - A plus tard, ne lele. |
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Il demeura encore quelques instants auprès d’elle : il n’avait qu’un désir, l’emmener avec lui, mais il ne pouvait pas. Aussi retardait-il autant que possible et qu’il était raisonnable de le faire son départ. Il rejoignit finalement Cathy, fin prêt, sa besace pendant à son côté.
- Alors Dame Minuit est de retour dans nos contrées ? J’espère que vous ne l’avez pas dérangée juste pour moi. Je m’en voudrai de l’avoir fait se déplacer pour une entrevue. - Oh non, vous ne l’avez pas dérangée ! Je vous conduis. Cathy s’amusait beaucoup à garder le mystère autour de la rencontre. Elen aurait bientôt toutes les réponses qu’il désirait. Elle délaissa les menus réglages qu’elle s’évertuait à faire sur le moteur de l’un de leur véhicule léger pour guider le Loup à travers des couloirs qui leur avaient été épargnés jusque là. Ils arrivèrent finalement devant une porte de métal épais et l’Humaine dut passer un étrange rectangle coloré dans une boite fixée au mur. Celle-ci s’éclaira de quelques loupiotes vertes et un “bip” retentit. Cathy tapota sur une série de boutons et de nouvelles lumières apparurent avant que la porte ne bouge, lâchant par la même occasion un puissant soupir. - Nous y voilà. Lança-t-elle avec une pointe de fierté. Je vous en prie, entrez ! La salle dépassait en taille toutes les autres pièces de la base. Même le hangar principal aurait pu entrer à l’intérieur. Douze, treize toises peut-être déterminaient le diamètre d’un parterre de marbre blanc à peine strié de délicates veinures bleutées. Une luminosité opalescente baignait quelques tables qui devaient servir de bureau à des scientifiques car on devinait des instruments de traçage et d’autres boîtiers lumineux qui annonçaient des nombres incompréhensibles. Des caissons, des cubes métalliques pourvus de minuscules fenêtres qui laissaient voir des parties mobiles à l’intérieur parsemaient la salle. Le plafond ressemblait à une coupole parcourue de stries comme l’on entaille la peau d’une orange en quartiers pour l’ôter plus aisément. Mais l’élément majeur était un ensemble de quatre colonnades de gré qui retenaient une voûte. La construction, qui devait dépasser les quatre toises de haut était couverte de symboles magnifiquement sculptés. Un vrombissement sourd, qui ressemblait au bourdonnement diffus que le Chaman avait déjà entendu dans les Arches qui avaient échappé à la destruction, emplissait la pièce. - Voici ce qu’est, réellement, la Brèche d’Hermès. Estomaqué par les dimensions de la pièce plutôt que par sa fonction, qui lui échappait, il resta silencieux à contempler les sols et les plafonds, les colonnes de belle taille. Il sentait bien qu’il n’était rien devant ces constructions qui, à n’en pas douter, devaient être au moins aussi vieilles que les Arches elles-mêmes. Soit bien plus que le peuple Olympien, voir que les Elfes. Les Totems et les Dieux seuls savaient qui avait pu bâtir un tel lieu. - Je me suis toujours interrogé sur ce nom... Brèche... Et je vous avoue que je ne suis pas plus éclairé à présent. Une chose est sûre : cet endroit est ancien. Et chargé de magie. Il frissonna à la seule mention de l’énergie qui se dégageait du lieu. - Oh il n’y a rien de bien compliqué. Vous devez savoir, je suppose,, qu’Hermès est celui qui protège les voyageurs. Et d’ici, nous pouvons aller sur différents mondes. D’où ce terme de “Brèche”, une porte ouverte sur l’univers... Tandis que la lourde porte se refermait derrière eux, l’Humaine se dirigea vers un petit coffret sur l’une des tables et l’ouvrit. A l’intérieur, il n’y avait qu’un simple galet de la taille d’un oeuf, comme ils auraient pu en trouver des milliers sur les rivages de la Mer d’Emeraude. Celui-ci était néanmoins gravé de runes qui scintillaient. Elen, qui somme toute avait l’esprit relativement agile, comprit d’où provenaient les Humains. Un autre monde, rien que cela. Minuit le lui avait dit, certes, mais il n’y voyait là qu’une métaphore pour désigner une contrée éloignée d’Olympia. Au delà du feu ou de la glace. Et la chose l’inquiéta un peu. Il n’avait aucune envie d’être le sujet d’étude de ceux qu’il trouverait de l’autre côté. Il avait soupé des petites expériences de ce genre, Isandre y avait veillé. - Dame Cathy... Puis-je savoir ce que vos semblables vont faire de moi, s’ils me voient débarquer sur votre monde ? - Vous ne trouverez que votre amie, je vous l’assure. Et on la dit hospitalière. Mais si vous préférez annuler... Le temps n’était plus à la méfiance ; trop tard pour cela. S’il s’agissait bien de Dame Minuit, de l’autre côté, il n’aurait que peu de souci à se faire. Et s’il s’agissait d’un traquenard organisé par les Humains pour récupérer un cobaye pour leurs expériences, tant pis. Il s’était peut-être un peu trop dévoilé lors de la cérémonie d’intronisation de Lilei. Ou peut-être pas... Cathy semblait sincère. Et elle avait ce petit quelque chose qui la rapprochait plus de Minuit, un air fasciné par Olympia en fait, qui l’éloignait des soldats armés de bâtons de feu et d’épées étincelantes. - Non, non... Tout va bien. Que faut-il faire ? - Tenez, prenez cette pierre et avancez sous la voûte. Charger la porte est assez long mais ne vous impatientez pas. Je vous indiquerai le moment pour... “Passer”. - Cela ne va pas vous apporter de problèmes de me faire passer, au moins ? Demanda-t-il, serrant la pierre dont il imaginait qu’il s’agissait d’un talisman protecteur pour passer l’éther qui séparait les mondes. - Oh non, je dirai que c’est un essai de routine ! Après tout, être responsable de la maintenance donne bien le droit de s’amuser un peu aussi, de temps en temps ! Cathy s’installa devant l’un des bureaux et pianota sur une espèce de tablette où des caractères étaient écrits sur des carrés amovibles. Le bourdonnement s’intensifia au point que les accessoires métalliques finirent par vibrer aussi. Par contre la voûte, dont Elen put remarquer, de plus près, qu’elle avait été entièrement restaurée assez récemment, ne lâcha pas la moindre poussière. Le galet chauffa légèrement dans la main d’Elen et une forme ovale apparut lentement devant lui, à peine plus grand. Il devinait des récifs au bord d’une mer agitée, cachés en partie par un brouillard épais. Cela lui rappela les volutes brumeuses de l’Elémentaire d’Eau qui avait pris soin du petit Esprit du Feu. Lorsque la vision se stabilisa, Cathy vérifia les chapelets de lumières qui passaient du rouge au vert, devant elle. - Allez-y, Chaman Elen, à plus tard ! - Très bien... Prenez soin de mon épouse, s’il vous plaît. A plus tard. Il prit une grande inspiration, comme s’il allait plonger en apnée pour un temps prolongé, puis il avança d’un pas déterminé. A l’horizon des évènements, il ferma les yeux, la franchissant. Au moment où il enjambait la limite de ce qu’il pensait être un portail, il ressentit un grand vide. D’abord physique, et il manqua de peu perdre tout à fait l’équilibre, comme s’il venait de trébucher dans une volée de marches. Puis spirituel et une horrible impression d’abandon le saisit jusqu’à ce qu’il discerne, tout au fond de lui, l’étincelle vivace et rassurante de son Totem. Puis le vide s’emplit à nouveau, sans qu’il puisse vraiment expliquer de quoi et son coeur s’allégea. Et il rouvrit les yeux, pour constater avec soulagement qu’il était encore entier. Il ressentit ensuite pleinement les embruns et l’air iodé chargé d’humidité qui lui chatouilla le nez. Les fragrances ici lui semblaient plus riches que celles du QG de la CdF qu’il venait de quitter. Et pour cause ! A quelques pas de lui, des côtes déchiquetées tombaient abruptement dans un océan tumultueux. Le ciel d’azur au-dessus de sa tête était bouché par des nuages noirs que des bourrasques poussaient loin à l’horizon. Un air lourd, chargé d’énergie : un orage se préparait, nul doute ! Elen, EdL
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Le fracas des vagues aurait pu l'empêcher d’entendre une voix derrière lui, mais il perçut tout de même celle qui l'interpellait, d’un ton joyeux :
- Elen ! Est-ce bien vous ? Il fit volte face, encore secoué par le voyage, un rien nauséeux, pour trouver la trouver face à lui. Elle portait une épaisse robe de velours d’un vert sombre, comme elle les aimait, rehaussée de broderies de fils d’or et au bustier charmant. Sa chevelure bousculée par les rafales violentes semblait en jouer et les reflets de feu que le soleil y accrochait donnaient un mouvement endiablé. Loin d’être gênée par le tumulte environnant, l’Humaine au contraire s’y complaisait, en accord avec la puissance des éléments autour d’elle. Les yeux de l’Elfe s’agrandirent de surprise : - Dame Minuit, est-ce vous ? Répondre par une question identique, qui plus est, lui sembla tout à fait déplacée. Aussi s’empressa-t-il de compléter : Je suis Elen, du clan du Loup, oui, Dame. Vous... Vous n’avez pas changé d’un pouce depuis la dernière fois que je vous ai croisée. A dire vrai, vous êtes ravissante. Et ce n’était pas que pure politesse : il avait toujours apprécié la chevelure de feu de l’Humaine, et il le lui avait maladroitement avoué par le passé, mais il n’avait jamais vraiment porté attention à son regard, à ses lèvres rouges ou à ses traits harmonieux. Cela dit, malgré la splendeur qui émanait d’elle, dans l’esprit de l’Elfe elle n’arrivait pas à la cheville d’Isa. Certains auraient dit que son point de vue était biaisé et il leur aurait sans nul doute rétorqué que évidemment il l’était, puisqu’il ne désirait qu’une chose : vieillir aux côtés de l’Olympienne, et de nulle autre. - Toujours aussi flatteur, à ce que je vois ! Le portail refermé, elle parcourt les quelques pas qui les séparait et serra les mains de l’Elfe dans les siennes. Le “jeune” Elen impulsif, aussi prompt à la fête qu’à de grands désarrois lui avait laissé le souvenir d’un adolescent gentil mais parfois envahissant. Mais aurais-je pu vous reconnaître, j’en doute ! Bienvenue chez moi. ![]() Une tour de quelques étages s’élevait sur la crête rocailleuse mais il n’était pas certain que la magicienne n’évoque que la bâtisse somme toute modeste. - L’honneur est pour moi, Dame. Quelque chose dans la présence de la jeune femme l’intimidait. Était-ce cette prestance qui émanait d’elle ? En tout cas, il était fichtrement content de la revoir. Un visage amical disparu avait toujours représenté pour lui une perte immense. La retrouver telle qu’elle était l’avait surpris, mais peut-être qu’elle avait les faveurs d’une entité puissante, sur son monde, qui lui avait offert jeunesse et longévité. - Il est vrai que les choses m’ont forcé à changer, Dame. Suivre les traces de Kowü. Je suis au regret de vous annoncer son décès. Je sais qu’il vous appréciait, il me l’a dit plusieurs fois. Et je suis certain qu’il aurait adoré être ici, lui aussi. - Je suis navrée de cette nouvelle. Nous nous rencontrions souvent, après avoir fait connaissance dans la Cité des Sables... Mais rentrons, vous avez sûrement quantité de choses à me raconter ! Et votre amie Starfayeur, comment va-t-elle ? J’ai cru comprendre que vous étiez marié ? Elle l’invita à s’engager sur le petit chemin empierré jusqu’à la tour. Alors qu’ils n’étaient qu’à quelques pas de la porte entrouverte, une voix claironna, haut perché : - Maman ! Et une petite furie qui avait à coup sûr moins de dix ans jaillit de la tour pour se cacher derrière les jupons de Minuit. Une fois bien à l’abri, son minois apparut pour dévisager l’inconnu. Ses yeux émeraude, à l’instar de sa mère, se rivèrent au regard d’Elen, profitant de sa position pour jouer les effrontées. De longues mèches lisses d’un noir de jais sans nul doute léguée par son père lui dévoraient le visage, au gré des coups de vent. - Allons, ne sois pas impolie, Aurore. Dis bonjour à notre invité. Lui demanda sa mère en l’obligeant à revenir devant elle. La petite se fendit d’une courte révérence et souhaita la bienvenue au Loup d’une petite voix timide. L’Elfe salua à son tour : - Bonjour Dame. Vous êtes une bien jolie enfant. Il se tourna vers Minuit. Je ne savais pas que vous aviez le bonheur d’être mère. Messire Midnighknight doit être fou de joie. - Tout dépend des jours. Hein, petite chipie ! Fit-elle avec un petit rire, en pinçant doucement la joue de sa fille. Par un escalier en colimaçon, elle le guida à l’étage où se tenait le salon principal au plafond vouté qui, contrariant la sobriété des pierres grises, rendait l’endroit douillet. Elle l’invita à s’asseoir sur un petit sofa. Une commode, un secrétaire, quelques guéridons supportaient des bibelots aussi variés que rares. Sur le côté de la table basse face à lui, attendait une partie en cours d’un jeu qui ressemblait, sur plusieurs épaisseurs de verre, à une sorte de Dames. - Puis-je vous offrir quelque chose à boire ? Un thé ? Plus fort ? Si les goûts du Loup n’avaient pas changé, il ne serait pas contre un verre de vin ou un digestif. Ensuite vous me raconterez tout ! - Un thé, s’il vous plaît, Dame. Fit-il, en prenant place, admirant la pièce. Si, bien sûr, il n’affectionnait pas les intérieurs, il se dégageait de cette tour quelque chose de semblable à ce que l’on ressentait dans la Tanière. Quelque chose de douillet. Il déposa sa sacoche à ses pieds. - Aurore, tu t’en occupes s’il te plait ? Demanda Minuit à sa fille. Celle-ci était adroite et ne craignait rien à faire bouillir un peu d’eau. La gamine partit à toute allure vers l’étage suivant, ravie d’avoir une mission de la plus haute importance à exécuter. ~ L'Onde est ainsi faite que les destins retrouvent toujours leur chemin. ~ |
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- C’est un plaisir de vous voir, Dame Minuit. A dire vrai, depuis votre départ, je m’inquiétais de votre sort : vous aviez tout bonnement disparu. Je suis ravi et surpris à la fois de voir que le monde d’où vient votre peuple est si semblable à Olympia.
- Pour être tout à fait exacte, je suis la seule Humaine à avoir parcouru Olympia sans venir du même monde que Midnight et ses troupes. Du moins à ma connaissance. Ici... Ce n’est pas la Terre, planète des CdF. Vous êtes sur Aquilara, un monde assez semblable au vôtre, si l’on considère la technologie balbutiante et la magie très répandue. - Oh ? C’est pour cela que vous ne sembliez pas toujours à l’aise avec les concepts qu’énonçait messire Midnightknight ! Son parler, au même titre que celui de Dame Cathy, est parfois obscur. - Exactement ! Dit-elle avec un petit rire. - J’ai un présent pour vous, Dame Minuit. En souvenir d’Olympia, si vous voulez... Il fouilla dans sa besace, pour trouver un statuette de bois. Elle représentait Minuit, selon les souvenirs qu’il avait d’elle. Il l’avait exécutée pendant le voyage car il n’avait pu s’esquiver pour ses courses nocturnes habituelles. Cela l’avait occupé et cela avait ravivé les souvenirs qu’il avait de la dame. Jamais il n’aurait imaginé la lui donner. Il l’avait sculptée avec soin dans le bois foncé d’un pin nordique, comme ils en avaient croisé lors de leur voyage. - Merci Elen, vous avez dû passer un temps fou à la réaliser ! Constata Minuit en même temps qu’elle notait la multitude de détails finement sculptés. - Je n’ai pas eu le temps de la vernir, cela dit. Peut-être cela amusera-t-il votre fille. - Oh pas avant qu’elle ne se soit exercée sur des pièces moins précieuses ! Et quand bien même, je crois qu’un simple cirage sera amplement suffisant pour nourrir le bois et souligner les reliefs. Il serait dommage de les couvrir par une couche de vernis, non ? Qu’en pensez-vous ? - Tout dépend de l’humidité de l’air et de la température que vous avez ici. - Cette journée est assez représ.... - Mamaaaaaaaan ! Ça bouuuuuuuuut !! Cria Aurore de l’étage. - J’arrive mon Coeur. Voulez-vous m’excuser un instant, Elen ? Fit la magicienne en posant doucement la statuette sur la table avant de se lever. Elle revint bientôt avec un plateau pour le thé, accompagné d’une bonne assiette de biscuits. Toujours gourmande, elle ne manquait pas les occasions pour piocher dans les douceurs et sa fille n’était pas en reste. Le thé était très aromatique mais doux et l’on sentait un parfum de menthe que la petite avait dû ajouter. Du miel dans un petit pot viendrait sucrer la boisson brûlante, à l’envie. Tandis que Minuit servait les tasses et se rasseyait, Aurore se posa en tailleur sur le tapis, le visage à hauteur de la table basse. Eut-elle voulu se mettre en embuscade à portée des gâteaux qu’elle n’aurait pu faire mieux. La magicienne reprit le fil de leur conversation, revenant sur certains événements anciens : - Oui, rester sur Olympia était inutile. Midnight était pris par sa mission et les quelques tentatives que j’ai faites pour rapprocher les Humains des autres peuples ont été assez inefficaces. Aussi j’ai considéré que mon but premier de retrouver mon fiancé était atteint et je suis rentrée. Et vous alors ? - Eh bien... Hum... Starfayeur m’a quittée pour le désert. D’elle je n’ai plus de nouvelles. J’ai eu une relation qui m’a conduit jusqu’à un mariage nul et non avenu avec une Elfe Noble, dont je n’ai pas plus de nouvelles non plus. Et j’ai épousé une charmante Olympienne avec qui j’espère finir mes jours. Ensemble nous avons conçu une jolie petite fille, qui est née il y a de cela quelques jours. Voilà pour la partie sentimentale. Pour le reste, j’ai beaucoup changé de statut : de simple chasseur, je suis devenu Ashka au sein de mon clan, puis Intendant, ensuite chef d’une alliance d’Elfes des Lunes et de membres du Peuple Sauvage, esclave, puis chef d’un groupe d’Elfes des Lunes et me voici devant vous Chaman. Le destin est parfois un farceur. - Quel chemin parcouru ! Dire qu’hier encore vous étiez ce jeune homme qui jouait de la flûte et qui essayait de me dérober une mèche de cheveux ! Félicitations pour votre mariage. Et pour la petite ! Alors je vous ai obligé à les abandonner quelques heures... Vous m’honorez de ce sacrifice, Chaman Elen. - Oh... Eh bien je me suis dit : tu ne reverras peut-être jamais Dame Minuit, après cette occasion. Alors vous comprenez... - Cela me fait penser que j’aurai un petit cadeau pour elle, en souvenir du passé. Minuit se releva aussitôt et se dirigea vers l’un des guéridons du salon. Elle y prit une petite boite à musique joliment marquetée qu’Elen pourrait peut-être reconnaître. Elle mit quelques tours de clef et ouvrit le coffret. Un air à trois temps résonna aussitôt de ses sons métalliques : - Je l’avais acquise à Lardanium dans une boutique d’ébénisterie très réputée. Kowü m’a invitée à danser sur cet air à la fameuse taverne de Bouliziss et plus tard, ma fille s’est longtemps endormie avec sa mélodie. Tu te souviens mon Coeur ? La petite qui avait profité que sa mère avait le dos tourné pour subtiliser le plus gros des biscuits ne put que hocher la tête en rougissant. Faites-en profiter Lilei, vous verrez, cette boîte à musique fait des miracles ! - Vous... Vous êtes sûre ? C’est... C’est beaucoup trop, Dame Minuit. - Mais non ! Cela me fait plaisir, je vous assure ! - Merci infiniment, Dame... Fit le Chaman, se relevant pour s’incliner devant elle. - De rien vraiment. Comment cela se passe-t-il avec vos nouvelles obligations ? - Les clans se meurent... Il est aisé de diriger des moribonds. Plus difficile est de les guider vers un avenir où ils auront leur place. C’est ce que je fais. J’avoue qu’avec votre sagesse et vos conseils, peut-être que notre monde irait mieux. Kowü ne tarissait pas d’éloge à votre propos. ”Et je commence à peine à comprendre pourquoi...” - Oh je sais par expérience qu’on ne peut aider que ceux qui ont envie de l’être. Les autres ne réagiront qu’au pied du mur, mais il sera peut-être trop tard. Étant une farouche partisane du libre arbitre, je conçois que les peuples et les mondes puissent disparaître. Et tout recommence, ailleurs, car l’Onde est créatrice de vie malgré toutes ses fluctuations. - Vous savez donc pour l’Ennemie ? - Je ne savais pas avant que vous l’évoquiez, mais je sens dans votre coeur que c’est une puissance implacable... - C’est une puissance corruptrice. Les Dieux eux-mêmes se sont inclinés devant elle. J’espère de tout coeur qu’elle n’en viendra jamais à s’en prendre à votre monde. - Elle existe ici aussi, à sa façon. Mais nous veillons un peu plus fermement à ce qu’elle reste à la minuscule place à laquelle elle a droit. Si tout devient trop facile, les peuples courent à leur décadence. C’est dans l’effort que l’on provoque le progrès. Et elle participe à cette machinerie. - Oui... A sa place... Elle a quitté sa place et son ambition n’a eu que très peu de limite... Et les Peuples sont plus désunis que jamais, alors même que leur association est nécessaire. Allez comprendre... Mais je vous ennuie, sans doute, avec ces histoires ! Votre demeure est fantastique. Mais elle semble isolée. Je ne vous connaissais pas ce besoin de solitude. - Nous n’y sommes pas sur de très longues périodes. Et cela fait du bien de s’y retrouver. La magie est exigeante en concentration et ma fille doit avoir un quotidien studieux. C’est l’endroit idéal pour ne pas souffrir de trop de distraction. Sans compter que de là-haut, la vue sur l’océan est magnifique. - J’imagine. La mer doit être extrêmement belle par beau temps. Fit le Chaman avec un sourire. - Avez-vous fini votre thé ? Je vous y amène, si vous voulez. - Soit. Je vous suis. Il se releva, doucement, prenant garde à ne pas effrayer Aurore qui regardait ses oreilles avec une certaine curiosité. Elen, EdL
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Ils grimpèrent encore trois étages avant de déboucher au sommet de la tour en cerclée de créneaux épais. Le vent était toujours aussi fort et écrêtait les vagues de bordures scintillantes avant qu’elles ne s’écrasent contre les falaises.
Aurore voulut monter sur l’un des segments les plus bas du parapet et Minuit l’entoura de ses bras pour qu’elle puisse voir sans risquer de tomber. - Nous sommes au Cap Eilionos, tout au sud du continent, face à l’Océan des Rêves. Ces récifs forment un tout petit archipel difficile d’accès à cause des courants. A quelques lieues vers le nord, le Royaume zeekani et puis... beaucoup d’autres. Si l’on montait assez haut, d’ici nous pourrions voir toutes les terres habitées d’Aquilara. - Votre monde semble gigantesque... Et la nature y est vivace. Il considérait les vagues déchaînées.Et votre domaine est vraiment coquet. La Tanière vous aurait plu, je pense. Elle lui sourit, de manière un peu énigmatique. Elle était heureuse qu’il partage les mêmes sentiments qu’elle sur son monde car elle en était très fière. Peut-être que le trait était un peu forcé par l’affinité imposée qui les liait mais elle aimait croire qu’il n’était pas si influencé que cela. - Vous savez, ce n’est pas parce que cette tour parait austère de prime abord que je me prive de m’embourgeoiser. J’aime les Cours et le faste, les bals et la foule qui débat. Vous auriez tôt fait de me trouver tous les défauts de la Noblesse. Fit-elle pour le taquiner. Ici je conserve quelques souvenirs, des livres précieux, mes recherches. Midnight et moi y recevons quelques proches peu friands de luxe. Cela nous convient à tous. - Il n’y a de mal à se prétendre noble que lorsqu’on ne l’est pas. Ce n’est pas votre cas, Dame Minuit, je vous l’assure. Vous n’usurpez pas votre titre. - Vous allez me faire rougir ! Alors dites-moi quels sont vos projets ? - Vivre avec ma famille, Dame Minuit. Avoir un peu de ce que vous avez : une belle maison, une enfant ravissante et des visites d’amis qui viennent de loin. Et vous, des projets ? Reviendrez-vous un jour dans nos contrées ? - Vous l’aurez, je n’en doute pas. Luwö veille sur vous, et pour longtemps encore. Quand bien même votre monde basculerait dans le monde des Morts, vous serez saufs, je vous le promets. Dit-elle avec une conviction étonnante. Quant à moi et bien... Non il y a peu de chance que je retourne un jour sur Olympia. Ce serait trop d’obligations et de retenue pour être agréable. Zeus a été hospitalier une fois, cela suffira pour lui et pour moi. Dans l’immédiat je compte parfaire l’éducation d’Aurore et Midnight voudra la présenter un jour à ses amis de la Terre. Comme je redoute ce moment car c’est un monde violent peuplé de dangers insidieux, je veux qu’elle soit fin prête. - Zeus est occupé, vous savez... Très occupé. Elen sourit largement. C’est peut-être le seul avantage d’avoir vu l’avènement de l’Ennemie. Les Dieux fichent la paix aux mortels. Vous passeriez inaperçue. - Pas encore assez ! Dit-elle en riant. - Oui, certes. Vu l’intérêt que vous a porté Zeus alors même que vous n’étiez qu’une visiteuse à la recherche de son fiancé, je suppose que l’Ennemie finirait par s’intéresser à vous... - Inévitablement. - Vous savez, Dame Minuit, c’est ce que j’apprécie chez vous : votre certitude, et le fait que l’on sente que vous en savez plus que vous n’osez le dire. En cela, ce que vous dites est extrêmement rassurant. Les gens de ce monde ont de la chance de vous avoir. Vous n’avez que peu d’égaux. - Ou plus simplement suis-je une éternelle optimiste. Mais vous avez raison, nous sommes une espèce rare ! Dit-elle avec un franc sourire. - Je n’ai sais pas si c’est de l’optimisme, mais c’est revigorant. On ne vous sent pas soumise à une quelconque volonté supérieure, si vous voulez. Vous allez et parlez, libre. Les Dieux, ici, doivent être bien bons et généreux, pour que vous puissiez vivre comme vous l’entendez. - J’en ai connu des pires, c’est vrai. Mais de là à les trouver bons et généreux... Ils peuvent être capables de colère terrible et peut-être cela garde-t-il les populations raisonnables. Par exemple, les Royaumes s’étendent, le plus souvent par les armes mais sans manquer d’une certaine forme de respect de la vie et des moeurs. Ici les Dieux ne permettent pas la barbarie aveugle. On leur accorde parfois d’avoir inspirer tel ou tel artiste, mécaniste ou sorcier pour des trouvailles particulièrement inventives mais comment pourrait-on le prouver ? Pour le reste autant les dire absents. - C’est une bonne chose, en somme. Ils veillent, mais n’interviennent pas lorsque tout est au mieux. Des Dieux selon mon coeur. Un peu comme nos Totems. - Cela revient un peu au même oui... Fit prudemment Minuit. Elen semblait loin d’imaginer la complexité de ce qu’il dénommait “Totem” et ce lissage de personnalités divines qui les rendait, en conséquence, moins directives. Alors qu’elle était seule à protéger son monde, avec cette part d’humanité dont les Dieux d’Olympia étaient dépourvus. - Quoi que depuis quelques temps, Luwö a changé. Il est devenu bien plus présent, vous voyez. Depuis l’éveil de sa mère. Du moins, c’est ce que je crois qu’elle est. L’éveil de Gaïa. Encore une chose qui ne plaît pas aux Dieux. - Et vous, est-ce que cela vous plaît ? Car au-delà du côté rassurant que cela peut avoir, il finira peut-être par se montrer plus directif qu’il ne l’était jusqu’à maintenant. - Plus présent, plus attentif. Mais je ne le vois pas devenir plus directif. Ce n’est pas dans sa nature. Il est probable qu’il se sente concerné par les évènements, à la fois par l’éveil de Gaïa et par les manipulations de l’Ennemie. Vous n’avez rien de semblable aux Totems, sur votre monde ? - Comme les populations se gèrent par elles-mêmes, l’on peut voir apparaître certains cultes plus ou moins actifs basés sur les croyances locales. Elles sont favorisées par des démonstrations du lien entre l’individu et son habitat. Aquilara regorge d’énergie magique. Une alchimie apparaît entre cette force, l’environnement et les moeurs des habitants. Il y a alors création de ce qu’on appelle un “esprit”. Certains leur prêtent une intelligence, d’autres pensent qu’ils ne sont que la manifestation du reflet de leur société. Plus la population devient nombreuse et plus l’environnement est typé, plus ces esprits sont dits aptes à exaucer les voeux des gens ou au contraire leur rendre la vie plus dure. Mais là encore, il n’est pas facile de discerner la superstition des véritables actions de ces forces et elles ne pourraient en aucun cas être classées au rang des deux entités qui gardent ce monde. - Hum... Je vois... Kowü vous disait versée dans les arts de la magie et dans ceux plus fermés de la spiritualité. Il ne s’était pas trompé. Ce que vous dites est tellement pointu que j’ai parfois du mal à vous suivre. Je suppose qu’il me manque encore cette expérience que vous devez avoir acquise par vos voyages. Donc, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, les esprits, ici, ce sont les populations qui les génèrent par leurs fantasmes... Étrange... Mais logique, quelque part... Puisque sur Olympia, les esprits sont générateurs de fantasmes, bon ou mauvais, qu’ils nous transmettent volontiers lorsque l’on entre à leur contact... - Sans doute que les esprits de votre monde ont une origine différente mais ils ont la même curiosité envers les formes de vie que nous représentons. Prendre contact avec eux n’est pas si compliqué en somme, car ils sont friands de communiquer, d’une façon ou d’une autre. - Comme j’aimerais que vous retourniez sur Olympia, pour exposer ces choses aux Olympiens. Si les Elfes et les Olympiens s’associaient, la paix serait possible, pour un temps. - Pour être convaincu de quelque chose, il faut les vivre. Et en cela, votre épouse et vous êtes les meilleurs ambassadeurs. Je n’ai de leçon à donner à personne. - C’est vrai. Mais qui écoutera une Olympienne mariée à un sauvageon ? - Ah je n’ai pas dit que ce serait facile ! Fit-elle en riant. Néanmoins, vous avez pu le faire, n’est-ce pas l’annonce d’un changement ? - C’est un caillou dans la mare que nous sommes. Une exception, et non un exemple. Le temps que les rides se propagent à la surface de l’eau, les choses seront peut-être encore différentes : d’autres pierres plus grosses auront peut-être couvert le bruit que nous faisons. Bref, je ne crois pas que nous serons les ambassadeurs de la paix. Je crois que d’autres, à l’avenir, seront mieux placés que nous. Si avenir il y a... - Vous êtes bien défaitiste pour un jeune père ! - Un jeune père qui va défier les Dieux. Comprenez-moi bien, je veux mettre ma famille à l’abri des représailles. Les divinités ont déjà toutes les raisons de châtier mon épouse et mon enfant. Et je m’apprête, si l’on peut dire, à les faire chanter. Je n’ai pas encore assez de cartes en main pour cela, mais ce n’est qu’une question de temps. Je n’ignore rien de leur omniscience. Ils doivent savoir. Mais ils sont trop occupés pour que je les gêne, pour l’instant. Et tout cela est sans compter l’Ennemie qui, loin d’être inactive, cherche un moyen de tirer vengeance de moi, le fol qui l’a défié et bouté hors du monde des esprits, bien que cela nous ait coûté la vie notre bien aimée Reine. Oh ! Saviez-vous qu’elle s’était éveillée ? Fit-il, se souvenant que les Humains avaient disparu bien avant l’éveil de No’irin Kai’Tlin. - Je l’ai appris oui. - Elle partageait avec vous cet capacité à surprendre son auditoire et à le captiver. Et ce qu’elle énonçait n’avait parfois de sens que pour elle, du moins n’étions nous pas capables d’en comprendre les arcanes. - Veuillez m’excuser si ma conversation vous parait obscure, il est vrai que je ne connais pas assez votre monde pour donner des parallèles concrets et comme je suis une bavarde invétérée... Toutefois, je peux vous dire ceci. Sa mine se fit plus sérieuse et elle se pencha légèrement vers Elen : Vos dieux ne sont pas omniscients, sauf un, qui n’est pas contre vous. Vos ennemis ne peuvent lire dans votre coeur si vous ne le souhaitez pas. Ils ne vous entendent pas si vous gardez vos pensées pour vous. Alors soyez prudents. Vous conservez déjà de lourds secrets, je le sais. Vous survivrez en en gardant d’autres, plus pesants encore. Et si votre volonté est de faire plier les Dieux, vous y arriverez. Ne négligez pas vos alliés, car vous en avez. Ne faites rien qui vous les aliénerait. Mais n’oubliez pas qu’ils sont tous un peu capricieux... Luwö a été celui qui fut le plus proche, parmi tous, des mortels. C’est son étincelle qui vous habite où que vous alliez. C’est elle que vous devez préserver. ~ L'Onde est ainsi faite que les destins retrouvent toujours leur chemin. ~ |
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Elen la fixa, à demi perplexe et à demi admiratif. Le savoir de l’humaine l’impressionnait. Qui lui avait donné de telles informations ? Zeus, sans nul doute. Le Dieu des Dieux devait en savoir un rayon sur la divinité et ses attributs. Et Dame Minuit avait été un temps proche de lui, sans doute contrainte et forcée comme l’imaginait Elen, en accord avec certaines des légendes et des histoires qui circulaient sur le divin barbu. Mais il avait pu lui révéler des informations secrètes sur l’oreiller. Après tout, Dame Minuit était tout à la fois charmante et intelligente, et pour négocier sa liberté auprès du divin coureur de jupons, peut-être avait-elle dû obtenir de quoi lui faire un bon vieux chantage, ainsi qu’il espérait pouvoir à son tour en accabler le foudroyeur et sa clique... A l’exception de la partie “sur l’oreiller”, cela allait de soit. Elle put lire de la reconnaissance dans ce regard qu’il échangeait avec elle.
- Donc vous pensez que nous avons nos chances ? - Oui. Soyez aussi malin que prudent. Evidemment les Dieux ne manquent pas d’atouts mais les mortels ont une capacité d’adaptation bien supérieure. Vous semblez être quelqu’un de tenace. Vous arriverez à vos fins mais... Resserrant sa prise d’un bras autour d’Aurore, elle libéra sa main pour venir la poser sur celle d’Elen et l’affinité qu’il ressentait pour elle se précisa, semblable à la présence de son Totem lorsqu’il se manifestait. Cela ne veut pas dire que vous ne regretterez pas vos choix. Luwö... Luwö si proche, si puissant, si présent... Si... Si... Féminin ! Pendant un instant, en esprit tout au moins, il conçut l’image d’une grande louve au pelage d’argent étincelant sous l’éclat envoûtant d’une unique lune verdoyante accompagnée d’un corps étrange. Ses yeux verts irradiaient de puissance brute, la magie coulant et débordant d’elle. Cette vision fugitive rendit le Chaman aussi perplexe que les propos de Minuit. Luwö est une louve ? Tout cela changeait tout ! Et si les Loups étaient dans le faux depuis le début ? Et si Luwö était en vérité un principe féminin bienveillant ? - Les regrets sont ce qui reste à ceux qui échouent. Ceux qui réussissent ne regrettent pas. Si nous devons regretter, cela voudra dire que nous n’avons pas pris le bon chemin. - C’est pour cela qu’il faut bien réfléchir avant. Minuit espérait que l’expérience qu’Elen vivait lui apporterait certains enseignements. Cela dit, elle reconnaissait en son fort intérieur que ce serait bien ardu pour lui, en si peu de temps et trop le guider pourrait le mettre en danger. Les entités d’Olympia n’apprécieraient pas forcément qu’elle intervienne dans leurs affaires, quand bien même certains avaient de la sympathie pour l’Elfe. - Avec l’aide de Gaïa, comme vous l’avez dit, nous y arriverons. Il faut juste que nous la renforcions, comme vous l’avez suggéré. - Elle est une force primaire, sans grand jugement. Je crains qu’elle ne puisse pas vous aider à bon escient. Vous gagneriez à cherchez plus subtil. - Pour les subtilités, j’ai Gaver, Dame. Ainsi que mon épouse. Fit-il avec un sourire amusé : Minuit semblait se faire vraiment du mouron pour lui. - Fasse l’Onde qu’elle soit perspicace alors ! Fit Minuit en ouvrant de grands yeux. Gaver lui avait apparu plein de qualités mais ce n’est pas la finesse qu’elle aurait nommé en premier... - L’Onde ? Qu’est-ce ? Est-ce là votre Dieu ? - Oh non ! C’est... Bien plus que cela. C’est... La ligne du temps, la destinée des mondes, beaucoup de choses dont la plupart inaccessibles. Avez-vous déjà vu une aurore boréale ? C’est ainsi qu’elle apparaît parfois. La petite qui commençait à bailler d’ennui à écouter les grands discuter, releva la tête, intriguée. - Jamais. Qu’est-ce donc ? - Des bandeaux d’énergie qui ondulent dans les cieux, de mille couleurs, comme un arc-en-ciel. C’est merveilleux. - Ça doit l’être... Fit-il, curieux de savoir si pareil phénomène existait sur Olympia. - Comme vous êtes dans les glaces, jetez un coup d’oeil de temps en temps vers le nord, aussi loin que vos yeux le permettent. C’est au-dessus des terres gelées que se produisent souvent ces phénomènes. - Je n’y manquerai pas ! Il observa Aurore, qui semblait s’être vaguement désintéressée de la conversation de nouveau. Nous ennuyons votre fille, dirait-on. S’amusa-t-il. - Elle préfère quand je l’emmène les voir. Sinon les dissertations lui paraissent fort longues. Elle libéra sa fille qui fila en sautillant vers l’escalier qui la ramènerait au salon. - Parler est un plaisir rare. Elle y prendra vite goût avec vous, j’en suis sûr. - Vraiment ? Moi je la vois plutôt se réjouir d’accompagner son père par monts et par vaux ! Vous la verriez, excitée comme une puce quand il revient ! Elle lui pose des milliers de questions et ne rêve que de tout visiter par elle-même ! - Avoir l’esprit aventureux ne signifie pas forcément avoir la langue liée... M’est avis qu’elle sera aussi douée dans un domaine que dans l’autre ! Ils devisèrent encore un temps, jusqu’à ce que l’astre du jour plonge dans l’Océan des Rêves, couronnant les vagues impétueuses de crêtes d’écume rougeoyante. Ils revinrent sur les récifs et ce fut l’instant des adieux. - J’ai été ravie de votre visite surprise, Elen. - Le plaisir fut partagé, Dame Minuit. - Puisse l’Onde protéger votre famille. En tout cas moi, je garderai un oeil sur vous. Fit-elle avec une pointe de tristesse à voir le Loup partir déjà. - Puisse Luwö vous garder du mal, vous et les vôtres. Et puissiez-vous à jamais resplendir par votre sagesse et votre grâce aux yeux de tous. La magicienne avait des méthodes plus douces que son vieil ami Venom pour se ménager un passage entre les mondes. Ces mains décrivirent des arabesques délicates et un regard s’ouvrit sur la base des Humains, dans la grande salle au dôme. - Bon voyage ! Lança-t-elle pour plaisanter. - Merci. Saluez votre fille de ma part. Au plaisir de vous revoir, Dame. Le Chaman s’inclina une dernière fois puis il franchit la brèche. En un clin d’oeil, il retrouva les sensations désagréables qui l’avaient assailli au départ. Puis il fut de retour... Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |
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La grande pièce était vide et seule la voix de Cathy accueillit le Loup avec un sont nasillard surgi d’une boite arrondie fixé près de la porte :
- Ah ! Chaman Elen ! Si vous voulez bien patienter, nous venons vous chercher. L’entrée fut rapidement déverrouillée et l’Humaine rejoignit le Loup pour régler les derniers détails avant qu’il ne retrouve sa femme, restée dans le couloir. - Tout va bien ici, Dame Cathy ? Suis-je absent depuis longtemps ? - Vous êtes revenu juste à temps pour le dîner ! - Tant de temps que cela ! Tout va bien ? - Nous commencions à manquer d’idées pour éviter que votre épouse s’impatiente au point de s’en prendre à la porte mais à part ça tout va bien, oui ! Expliqua-t-elle en riant. Il avait hâte de revoir Isa. Et tout autant de lui montrer le somptueux cadeau qu’avait fait Minuit pour leur fille. L’objet venait de Lardanium, peut-être plairait-il à sa femme. Et ils auraient peut-être l’occasion de danser tous deux sur la mélodie. - Je ne vais pas la faire attendre plus longtemps, alors. - Ton amie va bien ? S’enquit cette dernière lorsqu’Elen sortit de la salle au dôme. Il la gratifia d’un bécot avant de prendre ses mains dans les siennes. Elle lui avait manqué. Il n’avait plus l’habitude de passer ses journées loin d’elle. - Oui. Je la quitte à l’instant. Et toi, comment vas-tu, ne lele ? Comment va Lilei ? - Tu nous as manqué. Je l’ai laissé dormir dans les bras d’Evonis, pendant qu’Aileen et Cathy m’apprenaient des tas de jeux de cartes... D’ailleurs il a fini par s’endormir aussi. Mais celui qui ronfle le plus fort n’est pas celui qu’on croit ! - En parlant de dormir... Le Chaman préleva la boite à musique de sa besace. Regarde... Elle m’a fait un cadeau, pour la petite. La jeune femme considéra l’objet, étonnée. Cela lui rappelait bien quelque chose... Une marqueterie fine et précise, des décors délicats et un mécanisme d’une grande qualité : la boîte en elle-même était magnifique et elle avait vu des décorations de cet acabit au Havre, où certains fidèles fortunés aimaient offrir des présents aux Soeurs. - Oh ! Mais je connais cette facture ! Une boutique qui fournit des meubles et des bibelots à une grande partie de la noblesse de Lardanium ! C’est gentil de sa part... Fit-elle, d’un coup légèrement suspicieuse. - C’est ce qu’elle m’a dit : elle l’avait achetée à Lardanium. Et elle et Kowü ont dansé sur sa musique. Et elle s’en est servi pour endormir sa fille. C’est un objet chargé de souvenirs. - Alors... Elle est pour nous tous, si je comprends bien. Dit-elle, un peu plus rassurée. Malgré sa valeur marchande, le cadeau était moins destiné à impressionner Elen plutôt qu’à leur faire réellement plaisir, à tous les trois. - J’en connais une qui veut se lancer dans une danse... Fit-il avec un clin d’oeil malicieux. - Un Chaman acceptera-t-il de jouer les gentilshommes olympiens ? Fit-elle pour le taquiner, l’air ravi de la proposition sous-entendue. - Le Chaman invitera surtout une ravissante jeune femme sur la piste, et il l’enlèvera ensuite dans ses bras. - J’ai hâte de voir cela ! Cathy les rejoignit après avoir vérifié une dernière fois que tout était en ordre dans la pièce et ils se rendirent dans les quartiers retrouver le reste du groupe avant d’aller dîner... |